Kyūtarō Wada

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Kyūtarō Wada
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Activité

Kyūtarō Wada (和田久太郎, - ) est un anarchiste, militant syndicaliste et poète japonais. Il était surnommé "Hisa-san" ou "Kyūta" en raison de sa personnalité douce. Arrêté pour avoir essayé d'assassiner le général Fukuda Masatarō, il est condamné à la réclusion à perpétuité. Passionné de poésie depuis toujours, il s'y consacre en prison et écrit plusieurs haïkus. Il s'est suicidé peu de temps après son incarcération.

Le nom de plume sous lequel il signait ses haïkus est Suiho, et il est également connu sous le nom de Wada Suiho.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Kyūtarō Wada est né dans le bourg de Zaimoku, ville d'Akashi, dans la préfecture de Hyōgo. Son père travaillait pour un grossiste de poisson cru, mais la famille était pauvre avec de nombreux enfants à charge. Kyūtarō n'a pas pu aller à l'école élémentaire en raison d'une maladie de la cornée, et à l'âge de 11 ans, il quitte sa famille pour travailler comme apprenti chez un agent de change de Kitahama, à Osaka. Tout en travaillant, il fréquente les cours du soir d'une école de formation professionnelle et devient prêteur sur gages, puis ouvrier, et enfin, après avoir travaillé comme concierge et charron, il s'engage dans le mouvement ouvrier et s'intéresse au socialisme. Kyūtarō Wada se passionne également pour la poésie. Il écrit notamment des haïkus depuis l'âge de quinze ans, et organise un cercle littéraire. En 1912, ils publient une revue de haïkus, Kamigoromo ("Vêtement de papier").

Militant anarcho-syndicaliste[modifier | modifier le code]

Wada rejoint la Baibunsha (売文社), une société fondée en 1910 pour éditer les écrits des militants socialistes, il s'y lie d'amitié avec Toshihiko Sakai et Sakae Ōsugi notamment. Il étudie le syndicalisme avec enthousiasme, et avec Unosuke Hisaita[1], ils font partie de ceux qui soutiennent Sakae Ōsugi lorsque celui-ci se retrouve isolé après l'incident de Hikagechaya en 1916[2]. À cette époque, Kyūtarō Wada logeait au premier étage de la maison Ōsugi à Kashiwagi, Yodobashi-cho, avec Hisaita et Muraki Genjiro ils partageaient la même chambre.

Kyūtarō Wada fait partie des organisateurs du mouvement anarchistes qui voyagent beaucoup à travers le Japon, notamment pour donner des conférences. Il s'adresse en priorité aux travailleurs des classes les plus pauvres, les conditions d'hébergement précaires et ces périples répétés l'éprouvent physiquement. De février à mai 1923, il se rend donc aux sources thermales de Nasu, dans la préfecture de Tochigi, là, il rencontre Naoe Horiguchi, une prostituée dont il tombe amoureux, et ils s'installent ensemble à Tokyo.

Crime d'État et vengeance[modifier | modifier le code]

En septembre 1923, ses proches amis Sakae Ōsugi et Itō Noe sont assassinés par la Kempetai immédiatement après le grand séisme du Kantō, lors de l'incident d'Amakasu. Il est particulièrement choqué et enfurié lorsqu'un groupe d'extrême droite nationaliste, le Taika-kai, dérobe la dépouille d'Ōsugi lors de ses funérailles (épisode connu comme l'affaire du vol de la dépouille de Sakae Ōsugi). Kyūtarō Wada prend alors la décision de venger la mort de son ami, avec quatre autres compagnons, dont Daijiro Furuta et Muraki de la Girochin-sha, il projette d'assassiner le général Masataro Fukuda, qui avait été le commandant du commandement de la loi martiale du Kanto lors de l'incident d'Amakasu dont il était tenu responsable comme tel par les anarchistes japonais.

Au départ, le projet prévoit une attaque à la bombe, et Kyūtarō fabrique des prototypes de bombe qu'il teste dans des toilettes publiques à Yanaka-Shimizu-cho, Shitaya-ku et au cimetière d'Aoyama, mais c'est un échec. Il envisage alors une attaque au pistolet. Le 1er septembre 1924, lors du premier anniversaire en mémoire du tremblement de terre, dans un restaurant français de Hongō, à Tokyo[3], Kyūtarō Wada tend une embuscade au général Fukuda. Cependant, Wada ne savait pas que la première cartouche était chargée à blanc pour des raisons de sécurité, et bien qu'elle ait été tirée à bout portant, la tentative d'assassinat est un échec. Kyūtarō Wada est arrêté sur place par un colonel qui accompagnait le général, presque sans blessé.

Dernières années en prison[modifier | modifier le code]

En 1925, Kyūtarō Wada est condamné à la réclusion à perpétuité. Le verdict a provoqué l'indignation, l'avocat Kesaya Yamazaki déclarant: "L'officier de la Kempetai pendant le tremblement de terres et les incendies, Amakasu a été libéré de prison sur parole après avoir tué trois personnes ? Hisa-san (surnom de Kyūtarō Wada) est condamnée à la prison à vie pour une tentative ! " [4]. Toutefois, à la mort de l'empereur Taishō l'année suivante, une amnistie commue sa peine en 20 ans de prison[5].

Il est d'abord en détention à la prison d'Abashiri puis est transféré à la prison d'Akita. Pendant son incarcération il écrit de nombreux haïkus et autres poèmes qu'il envoie par lettre à ses amis depuis la prison. En 1927, un recueil titré Gokuso kara (獄窓から, "De la fenêtre de ma cellule") est publié, ses haïkus reçoivent des critiques élogieuses de Ryūnosuke Akutagawa[6].

Cependant, Wada souffraient depuis longtemps d'une maladie pulmonaire et la mort de ses compagnons, Genjiro Muraki le 24 janvier 1925, de maladie, puis Daijirō Furuta exécuté le 15 octobre 1925, l'avait durement affecté et rendu fortement pessimiste[7]. Le 20 février 1928, vers 19 heures, Kyūtarō Wada se suicide dans sa cellule.

« もろもろの 悩みも消ゆる 雪の風        
Le vent chargé de neige efface tous les tourments          »

— Poème laissé par Kyūtarō Wada avant de se donner la mort

Le corps de Wada est récupéré dans la préfecture d'Akita par Kenji Kondō et la Rōdō Undō-sha[8]. Il est ensuite incinéré et enterré à côté de la tombe de Daijiro Furuta au cimetière d'Aoyama[9].

Œuvre[modifier | modifier le code]

  • (ja) 『獄窓から』 [« De la fenêtre de ma cellule »], Rōdō Undō-sha,‎ (DOI 10.11501/1171961).

Travaux connexes[modifier | modifier le code]

Roman
  • (ja) Ryūichi Matsushita, 久さん伝―あるアナキストの生涯 [« L'Histoire d'Hisa-san. Une vie d'anarchiste »], Tokyo, Kōdansha,‎ , 296 p. (ISBN 4062006537) (roman biographique).
Films

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Unosuke Hisaita (1878-1922) était un anarchiste et un peintre de l'ère Taisō. Aux côtés d'Osugi et de Wada, il participe à la fondation du journal 'Rōdō Shinbun' (Nouvelles du travail) et de la Hokkūkai (Société du vent du nord). Le 21 janvier 1922, il effectue un voyage de croquis à Izu, dans la préfecture de Shizuoka, et meurt de froid au col de Nekogoshi, sur le mont Amagi.
  2. L'incident éclate lorsque Ichiko Kamichika poignarde par jalousie Ōsugi Sakae dans un salon de thé de Hikage. Partisan de l'amour-libre, Ōsugi, tout en étant marié avec Hori Yasuko, entretenait des relations à la fois avec Ichiko et avec Itō Noe avec laquelle il vivait. Jugé amoral, Ōsugi Sakae se retrouve socialement isolé.
  3. Un célèbre restaurant de l'ère Taisho, apprécié par différents milieux, dont des célébrités littéraires et des hommes politiques.
  4. Giichirō Takada 1932, p. 301
  5. Giichirō Takada 1932, p. 299
  6. (ja) Ryūnosuke Akutagawa, 『芥川龍之介全集』 [« Les œuvres complètes de Ryunosuke Akutagawa »], Tokyo, Iwanami shoten,‎ (ISBN 4-00-091984-9), chap. "獄中の俳人 「獄窓から」を読んで" (« Poète haïku en prison : lecture de "Depuis la fenêtre de ma cellule" »), p. 236-239
  7. L'année précédant l'attaque contre Fukuda, Furuta Daijirō avait participé à l'attaque d'une banque afin de récolter des fonds pour les activités de la Giroshin-sha, et il avait poignardé à mort un employé de la banque au cours de l'opération (Incident de Kosaka).
  8. Kenji Kondō était un ancien collaborateur d'Osugi et il avait repris la publication du journal Rōdō undō.
  9. Actuellement, la tombe de Furuta existe, mais l'emplacement de la tombe de Kyūtaro Wada est inconnu.

Références[modifier | modifier le code]

  • (ja) Collectif, 叛逆者の牢獄手記 : 大正末葉から昭和初頭にかけて失はれたる我が無政府主義者の牢獄手記 [« Mémoires de prison de révoltés : mémoires de prison de nos anarchistes disparus de la fin de l'ère Taisho au début de l'ère Showa. »],‎ (DOI 10.11501/1098031, lire en ligne), p. 46-51.
  • (ja) Giichirō Takada, 兇器乱舞の文化 : 明治・大正・昭和暗殺史 [« La Culture de la danse de l'assassin : une histoire de l'assassinat aux époques Meiji, Taisho et Showa. »],‎ (DOI 10.11501/1062338, lire en ligne), p. 297-301.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]