Kapò

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Kapò
Description de cette image, également commentée ci-après
Emmanuelle Riva et Susan Strasberg dans une scène du film
Titre original Kapò
Réalisation Gillo Pontecorvo
Scénario Gillo Pontecorvo
Franco Solinas
Acteurs principaux
Sociétés de production Vides Cinematografica
Cineriz
Francinex
Lovcen Film
Pays de production Drapeau de l'Italie Italie
Drapeau de la France France
Drapeau de la République fédérative socialiste de Yougoslavie Yougoslavie
Genre Drame
Durée 112 minutes
Sortie 1960

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Kapò est un film dramatique de guerre franco-yougoslavo-italien réalisé par Gillo Pontecorvo et sorti en 1960.

Synopsis[modifier | modifier le code]

Après avoir été déportée en Allemagne, Edith est la seule survivante de sa famille juive. Avec l’aide d’amis, elle change d’identité et se retrouve parmi les détenus de droit commun. D’abord indifférente à la souffrance qu’endurent les autres, elle se soumet à la loi du camp et devient kapo (gardienne auxiliaire). L’arrivée de Sacha, un prisonnier russe, va peu à peu changer sa vision des choses l’emmenant jusqu’au sacrifice...

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Accueil critique[modifier | modifier le code]

Gillo Pontecorvo souhaitait, à travers le personnage d'Edith/Nicole, brosser le portrait sans fard d'un héros négatif, englué, par manque de courage et de dignité, dans la plus abjecte trahison. Or, les producteurs ont exigé qu'une intrigue sentimentale soit nouée entre Sasha, le prisonnier russe, et Nicole, jusqu'ici promise au rôle de kapo insoutenable. Celle-ci se rachetait, à la fin, en se sacrifiant.

Pour Freddy Buache, un tel dénouement ne « gâche pas seulement la dernière partie de l'œuvre, il en altère l'ensemble par récurrence. » Pourtant, concède-t-il,

« la reconstitution minutieuse de l'action (les portes des wagons tirées devant des groupes de déportés qu'on jette en troupeau sur la plaine boueuse, les appels dans le matin glacé, les projecteurs des miradors balayant la nuit, les réseaux de barbelés électrifiés, les travaux forcés, les douleurs, le désespoir) servie par une mise en scène rigoureuse et une photographie qui possède la sécheresse des actualités, confère à Kapo, par instants, l'hallucinante grandeur tragique de Nuit et brouillard ou de La Dernière Étape[1]. »

Le travelling de Kapò[modifier | modifier le code]

Dans le numéro 120 des Cahiers du cinéma (), Jacques Rivette critiqua le film en des termes particulièrement durs. Dans son article, intitulé De l’abjection, il écrit :

« Dans Kapo, le plan où Emmanuelle Riva se suicide, en se jetant sur les barbelés électrifiés : l’homme qui décide, à ce moment-là, de faire un travelling avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d’inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme-là n'a droit qu'au plus profond mépris. »

Cette affaire du « travelling de Kapò » fera date dans l'histoire de la critique française sur le rapport entre critique et morale[2],[3].

Réaction des anciennes déportées de Ravensbrück[modifier | modifier le code]

Lors de la sortie du film, l'Amicale de Ravensbrück réagit, sous la plume d'Angèle Romey (matricule 38.801) et de Madeleine Martin-Roussel (matricule 42.256) :

« L'Amicale de Ravensbrück qui groupe des femmes de toutes tendances, rescapées de ce camp, est résolument contre la projection de ce film s'il n'est pas, au préalable, largement commenté, c'est-à-dire si le public n'a pas été informé de la composition de la population des camps (patriotes, mais aussi “droits communs”, voleur, criminels, trafiquants de toutes sortes et invertis), et de l'administration des camps : utilisation de droits communs et invertis comme auxiliaires des SS pour torturer et hâter la mort des patriotes, récompensés de leur empressement à accomplir cette tâche odieuse par une nourriture copieuse, l'oisiveté totale, des chambres confortables que les patriotes n'ont jamais enviées.

La déportation ce n'est pas une fille qui veut vivre à n'importe quel prix. La déportation c'est la faim, les coups, la torture, le travail forcé, les “expériences” de médecins criminels, la mort… Mais la déportation c'est aussi l'union des patriotes pour ne pas succomber à l'avilissement moral recherché par les SS grâce aux “droits communs”, c'est la dignité face à la pègre ; c'est l'encadrement des jeunes et des faibles pour faire reculer la mort ; c'est le sabotage dans les usines ; c'est la solidarité et la fraternité ; c'est la plus grande leçon humaine qui ait été donnée au monde […]. Kapo, film commercial, ne répond pas à notre attente malgré ses belles images des camps, malgré le jeu de ses acteurs, et nous ne pouvons pas le cautionner.

Patriotes rescapées de Ravensbrück, nous ne voulons pas qu'à la faveur de ce film se crée dans l'esprit d'un public non averti, une analogie quelconque entre les patriotes qui en pleine conscience ont donné leur vie pour leur pays, et les “droits communs” qui ont acheté leur vie à n'importe quel prix, même en servant de bêtes à plaisir à nos tortionnaires. Nous ne voulons pas que, sortant de ce spectacle, des ignorants, des incrédules ou des inconscients disent à nos enfants comme cela s'est déjà produit plusieurs fois à Paris : “Qu'est-ce que ta mère a bien pu faire pour en sortir ?”[4] »

Distinction[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. In : Le Cinéma italien 1945-1990, éditions L'Âge d'Homme, Lausanne.
  2. Serge Daney, « Le travelling de Kapo », sur pileface.com, (consulté le ).
  3. Jean-Baptiste Thoret, « Sur la place de la critique », sur sedition-revue.fr,
  4. Lettre publiée dans le journal L'Action républicaine en novembre 1961 après la diffusion du film à Dreux, titre de l'article : « Après la projection du film “Kapo”, l'Amicale de Ravensbrück nous écrit… ».

Liens externes[modifier | modifier le code]