Joseph-Nicolas Delisle

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Joseph-Nicolas Delisle, dit Delisle le cadet ou le jeune, né le et mort le à Paris, est un astronome et cartographe français.

Biographie[modifier | modifier le code]

C'est l'un des onze fils de l’historien Claude Delisle. Comme beaucoup de ses frères, et notamment Guillaume Delisle, il entreprend des études classiques, mais il s'oriente rapidement vers l'astronomie sous la direction de Jacques Cassini. En , il entre à l'Académie des sciences comme étudiant de Giacomo Filippo Maraldi[1]. Devenu adjoint, puis associé astronome à l'Académie en 1716 et 1719, professeur au Collège de France en 1718 et membre de l’Académie de Rouen[2], il a eu pour élèves Jean-Paul Grandjean de Fouchy, Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande et Charles Messier, et rencontre Halley et Newton en personne[3].

Bien que bon scientifique et membre d'une famille aisée, il ne dispose pas de grands moyens. En 1710, il obtient l'autorisation de s'installer sous le dôme du palais du Luxembourg et peu à peu y établit un petit observatoire. Forcé de quitter ce lieu en 1715, il se déplace ensuite dans un petit logement de l'Hôtel de Taranne dans l'appartement autrefois occupé par l'astronome Louville.

Sa vie change radicalement lorsqu'il est appelé par le tsar de Russie Pierre le Grand à Saint-Pétersbourg en pour fonder et diriger une école d'astronomie à l'Académie des sciences de Russie, où il appelle, en 1726, son frère Louis[4]. Il fonde l'observatoire de Saint-Pétersbourg. Il y devient relativement riche et célèbre, à tel point que lorsqu'il revient à Paris en 1747, il reçoit le titre d'astronome et peut créer son propre observatoire à l'hôtel de Cluny[3] ; cet observatoire sera plus tard rendu célèbre par Charles Messier.

Delisle montra notamment que les arcs-en-ciel sont causés par la séparation de la lumière du soleil par les gouttes d'eau. Il travailla également sur le calcul de la distance de la Terre au Soleil et observa le transit de Mercure et le transit de Vénus. Il est connu surtout pour une échelle de température, inventée en , l'échelle Delisle, qui sera utilisée en Russie pendant presque un demi siècle[5].

Il réalise des observations météorologiques à Saint-Pétersbourg de 1727 à 1747 qui ont été utilisées par le Père Cotte dans son traité de météorologie[6].

En 1748, accusé par la Russie qui le soupçonne depuis longtemps, d'être un espion, il doit quitter le pays[7].

Il poursuit à Paris jusqu'en 1760 et utilise plusieurs thermomètres à mercure et à esprit de vin afin de pouvoir faire des inter-comparaisons entre les instruments[8]. Ces données sont conservées à l'Observatoire de Paris.

Il est mort octogénaire, pauvre et oublié.

Il était membre de la Royal Society de Londres (depuis 1724), de l'Académie des sciences de Russie[9] (depuis 1747) et membre étranger de l'Académie royale des sciences de Suède (depuis 1749).

Voyage en Sibérie[modifier | modifier le code]

Vue de l'Observatoire établi par Delisle et de l'Eglise de Spaskaja à Beriozovo.

En 1740, Delisle entreprit une expédition en Sibérie dans le but d'observer depuis Beriozovo le transit de Mercure à travers le soleil. Un compte rendu de l'expédition se trouve dans le tome 72 de L'Histoire générale des voyages[10] (1768)[11]. Parti de Saint-Petersburg, le , Delisle et son parti sont arrivés à Beriozovo, sur la rive de l’Ob, le 9 avril, après avoir voyagé via Moscou, la Volga et Tioumen. Le 22 avril, date du transit de Mercure, le Soleil était cependant obscurci par les nuages, et Delisle n'a donc pu effectuer aucune observation astronomique[11]:118. Delisle est rentré à Saint-Pétersbourg, le , après avoir séjourné à Tobolsk et à Moscou en route.

Observations scientifiques non astronomiques[modifier | modifier le code]

Tout au long de l'expédition, Delisle a enregistré de nombreuses observations ornithologiques, botaniques, zoologiques (par exemple, le castor sibérien[11]:120, géographiques et autres observations scientifiques. Dans « Extrait d'un voyage fait en 1740 à Beresow en Sibérie » publié dans l’Histoire générale des voyages, les observations ethnographiques de Delisle sur les peuples autochtones qu'il a rencontrés (Votyaks[11]:90-91, Ostiaks[11]:103-104, 106-108, 113, 141, Tartares[11]:148-151, p. 166-168, Vogouls[11]:172-173 et Tchouvaches[11]:198-203 contiennent des détails sur leurs croyances religieuses, leurs coutumes matrimoniales, leurs moyens de subsistance, leur alimentation et leur costume. Il semble que Delisle ait même prévu d'écrire une étude générale sur les peuples de Sibérie[12]. Dans les articles non publiés de Delisle, il y a un document intitulé « Ordre des informations à faire sur chaque nation différente », qui donne un aperçu structuré des données ethnographiques à collecter pour chaque nation sibérienne particulière : son histoire, sa zone géographique, ses relations avec les autres pouvoirs en place, le système de gouvernement, la religion (par exemple, la croyance en Dieu, le diable, la vie après la mort), la connaissance des arts et des sciences, les caractéristiques physiques, le costume, les occupations, les outils, les mœurs, les habitations et la langue[12].

Cabinet de curiosités[modifier | modifier le code]

Le , Delisle a visité un monastère à Tobolsk où, en plus des manuscrits russes et vieux-slaves, on lui a montré une défense de mammouth et d’autres ossements « d’une grandeur extraordinaire[11]:156-7 ». L'abbé raconta à Delisle que l'année précédente, un marchand sibérien du nom de Fugla, déjà célèbre pour sa force prodigieuse (il avait combattu et tué un ours à mains nues), ajouta encore à sa renommée quand il a trouvé près de Ienisseïsk une tête de mammouth intacte « d’une grosseur étonnante[11]. » Delisle lui-même était un collectionneur infatigable et lors de son expédition en Sibérie, il saisit chaque occasion pour compléter son cabinet de curiosités, rapportant avec lui non seulement des copies de manuscrits et d’ossements de mammouths comme ceux qu’il avait observés à Tobolsk, mais également des « objets hétéroclites », « qui comprenaient des éléments du costume ostiak, un carquois samoyède, un seau d'écorce, des pierres rares et de la porcelaine de Tobolsk[12]:516-8.

Correspondance[modifier | modifier le code]

Acquise par l’État français dans les années 1750, la riche correspondance de Delisle est aujourd'hui séparée entre plusieurs lieux de conservation.

Les lettres conservées à l'Observatoire de Paris (tomes I, II, VIII à XII et le supplément aux tomes XIV et XV) ont fait l'objet d'une campagne de numérisation. Voir les catalogues:

Un certain nombre de lettres volées à l'Observatoire par Guglielmo Libri dans les années 1830s[13] ont été plus tard acquises par à la Bibliothèque nationale de France (volume numérisé).

Une dernière partie de la correspondance se trouve aux Archives nationales dans les fonds du service hydrographique de la Marine (voir catalogue).

Cartes[modifier | modifier le code]

Cratère Delisle, photo d'Apollo 15

Éponymie[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

Explication de la carte des nouvelles decouvertes au nord de la mer du Sud, 1752
  • Jean-Nicolas Delisle, « Observation du passage de Mercure sur le Soleil », Mémoires de l’Académie Royale des Sciences,‎ , p. 166 (lire en ligne, consulté le )
    Transit de Mercure du . Signé « Delisle le cadet ».
  • Jean-Nicolas Delisle, Discours lu dans l'assemblée publique de l'Académie des sciences, le 2 mars 1728, Saint-Pétersbourg, (lire en ligne).
  • Jean-Nicolas Delisle, Lettres [...] sur les tables astronomiques de M. Halley, Paris, Quillau, 1749-1750 (lire en ligne).
  • Jean-Nicolas Delisle, Explication de la carte des nouvelles découvertes au nord de la mer du Sud, Paris, Desaint & Saillant, (lire en ligne). Voir aussi au Musée Galilée
  • Jean-Nicolas Delisle, Mémoire sur la carte de l'ancienne Palestine ou de la Terre sainte : Par M. de L'Isle, Paris, chez l'auteur, (lire en ligne).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Thomas Hockey, The Biographical Encyclopedia of Astronomers, Springer Publishing, , 1348 p. (ISBN 978-0-387-31022-0, lire en ligne).
  2. Alexandre Héron, Liste générale des membres de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen de 1744-1745 à 1900-1901, Rouen, L. Gy, l. gy, 1903, 112 p. (lire en ligne).
  3. a et b Bernard Foix, Une présence française : le voyage savant de l’astronome Le Gentil (1725-1792), Paris, Édilivre, , 246 p. (ISBN 978-2-41434-168-9, lire en ligne).
  4. Matthew H. Edney et Mary Sponberg Pedley, The History of Cartography : volume 4: Cartography in the European Enlightenment, Chicago, University of Chicago Press, , 1920 p. (ISBN 978-0-22633-922-1, lire en ligne).
  5. François Casati, Le Thermomètre de Lyon, Lyon, Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, , 112 p. (ISBN 978-2-90523-058-4, lire en ligne).
  6. Louis Cotte, Traité de Météorologie, Paris, Imprimerie royale, , 694 p.
  7. Yves Gauthier et Antoine Garcia, L'exploration de la Sibérie, Actes Sud, 1996, p. 261
  8. Daniel Rousseau, « Les Mesures thermométriques de Joseph-Nicolas Delisle à Paris d'octobre 1747 à décembre 1760 », La Météorologie,‎ (ISSN 0026-1181, DOI https://doi.org/10.4267/2042/67428, lire en ligne)
  9. (ru) « Делиль Осип Николаевич (Жозеф-Никола) (Delisle Ossip Nicolaievitch (Joseph-Nicolas)) », Académie des sciences de Russie (consulté le )
  10. Jacques-Philibert Rousselot de Surgy, Histoire générale des voyages, ou Nouvelle collection de toutes les relations de voyages par mer et par terre qui ont été publiées jusqu'à présent dans les différentes langues. Tome 1 /... pour former un système complet d'histoire et de géographie moderne qui représentera l'état actuel de toutes les nations, enrichi de cartes géographiques... figures d'animaux, de végétaux, habits, antiquités, etc. T. I [-XV]. - Table alphabétique des matières contenues dans les XV volumes de l'"Histoire générale des voyages". T. XVI. - Suite de l'"Histoire générale des voyages"... T. XVII, contenant les restitutions et les additions de l'édition de Hollande, pour servir de supplément à l'édition de Paris. - Continuation de l'Histoire des voyages, ou Collection nouvelle : 1° des relations de voyages par mer... omises dans celles de feu M. l'abbé Prévost ou publiées depuis cet ouvrage ; 2° des voyages par terre faits dans toutes les parties du monde... T. XVIII [-XX], 1746-1801 (lire en ligne)
  11. a b c d e f g h i et j Continuation de l’Histoire Générale des Voyages, ou Collection Nouvelle, 1°. des Relations des voyages par mer, découvertes, observations, descriptions, Omises dans celle de feu M. l'Abbé Prévost, ou publiées depuis cet Ouvrage, 2°. des Voyages par terre faits dans toutes les parties du monde, contenant Ce qu'il y a de plus remarquable, de plus utile et de mieux avéré dans le Pays où les Voyageurs ont pénétré ; avec les Mœurs des Habitans, la Religion, les Usages, Arts, Sciences, Commerce, Manufactures, & c., vol. 72, Paris, chez Rozet, 1768, p. 84-217.
  12. a b et c Marie-Anne Chabin, « L’Astronome français Joseph-Nicolas Delisle à la cour de Russie dans la première moitié du XVIIIe siècle », L’Influence française en Russie au XVIIIe siècle, éd. Jean-Pierre Poussou, Anne Mézin et Yves Perret-Gentil, Institut d'Études Esclaves, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 2004, p. 514-515.
  13. Colette Le Lay, « Lorsque Guillaume Libri préparait ses vols dans les collections de la bibliothèque de l’Observatoire »
  14. « Dessinée à Pétersbourg en 1738 d'après les cartes, mémoires, mesures et observations des gens du pays ; traduit du géorgien en français par le secrétaire du roi de Georgie ; publiée en 1766 par M. Joseph Nicolas Delisle ».

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Augustin Calmet, « Dom Joseph de l'Isle », dans Augustin Calmet, Bibliothèque lorraine ou histoire des hommes illustres qui ont fleuri en Lorraine, Nancy, A. Leseure, , col. 588-589.
  • Jean-Paul Grandjean de Fouchy, « Éloge de M. de L'Isle », Histoire de l'Académie royale des sciences — Année 1768, Paris, Imprimerie royale,‎ , p. 167-183 (lire en ligne).
  • Pierre-Etienne Guillaume, Nouveaux documents inédits sur la correspondance de dom Calmet, Nancy, Crépin-Leblond, .
  • René Taveneaux, Le Jansénisme en Lorraine (1640-1789), Paris, Vrin, .
  • René Taveneaux, « La vie intellectuelle dans l'abbaye bénédictine de Saint-Mihiel aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Saint-Mihiel (Journées d'études meusiennes, 1973), , p. 79-80.
  • Jean-Pierre Poussou, L’Influence française en Russie au XVIIIe siècle, Paris, Presses Paris Sorbonne, (lire en ligne), p. 504-517.
  • Marie-Anne Chabin, Les Français et la Russie dans la première moitié du XVIIIe siècle. La famille Delisle et les milieux savants (thèse pour le diplôme d’archiviste-paléographe), Paris, (lire en ligne)
  • Noëlle Gauthier-Cazin, Les bénédictins de Saint-Michel de Saint-Mihiel de 1689 à 1790 (thèse de doctorat), Lyon, Université de Lyon II, (HAL hal-https://theses.hal.science/tel-02066221), p. 180-204.
  • Catherine Guyon, « Joseph de L’Isle », dans Isabelle Guyot-Bachy et Jean-Christophe Blanchard (dir.), Dictionnaire de la Lorraine savante, Metz : Éditions des Paraiges, 2022, p. 205-206.

Liens externes[modifier | modifier le code]

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