Jean Michel (dramaturge)

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Jean Michel
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Jean Michel, né vers 1435 et mort en 1501 à Angers, est un médecin français, auteur d'un Mystère de la Passion représenté à Angers en août 1486.

Éléments biographiques[modifier | modifier le code]

On dispose de peu d'éléments sur la biographie de Jean Michel[N 1]. Il est médecin à Angers, médecin à la cour du roi de France Charles VIII, échevin de la ville d'Angers et docteur-régent en médécine de son université[1] ; il participe à la rédaction des statuts de la faculté de médecine en 1484[2]. Il a épousé Perrine Barraud, fille de Jehan Barraud, bourgeois et échevin d'Angers. Le , il est chargé par la ville d'organiser les décors et spectacles pour la venue de Charles VIII[1],[N 2]. Il est présent à la cour à Amboise en 1494-1495, pour le service du dauphin. Il meurt fin 1501 ; le sa veuve[N 3] demande à la ville le maintien des exemptions d'impôts dont jouissait son mari[3].

Œuvre[modifier | modifier le code]

Jean Michel est l'auteur d'un mystère, le Mystère de la Passion, joué avec succès à Angers du 23 au 26 août 1486 sur la place du Marché ; le texte est plusieurs fois imprimé de 1488 aux années 1550.

Ce Mistere de la Passion Jesuscrist, en 29 926 vers octosyllabes et divisé en un prologue et quatre journées, est une adaptation et une expansion des deuxième et troisième journées de celui d'Arnoul Gréban, qui avait été mis en scène à Abbeville du 23 au 26 mai 1455[4]. Michel resserre l’action en omettant la première et la quatrième journées de Gréban et en ne mettant en scène que les deux épisodes centraux : la vie publique et la crucifixion de Jésus (il ne représente ni la création et l'enfance de Jésus, ni la résurrection et l'ascension)[5].

Jean Michel ajoute des détails concrets, des personnages secondaires, ainsi que des monologues pour approfondir la psychologie des personnages, expliquer leur comportement et leur destin ; l'intérêt se déplace du mythe de la Passion vers les personnages humains et leur aventure individuelle[6]. Ainsi, dans la deuxième journée, il consacre plusieurs centaines de vers de sa propre composition au personnage de Madeleine, à sa jeunesse mondaine, à ses disputes avec sa sœur Marthe, et à sa conversion ; il évoque les méfaits de Barrabas et des larrons[7]. Pour la première fois dans le théâtre français, Jean Michel reprend des légendes antérieures pour présenter le personnage de Judas comme un parricide incestueux, tuant son père et épousant sa mère[8],[5].

Aucun manuscrit de ce mystère n'est conservé[N 4], mais il fait l'objet de 17 éditions jusqu'en 1542, la première à Poitiers entre août 1486 et 1490[10],[11] ; les autres exclusivement à Paris, dont deux incunables par Antoine Vérard en 1493-1494[12] et en 1499[13]. Le texte des éditions du XVIe siècle[14], dont l'incipit indique : « La Passion de nostre saulveur Jesus Crist, avecques les addicions et corrections faictes par treseloquent et scientiffique docteur maistre Jehan Michel », subit, d'édition en édition, de nombreuses modifications ; plusieurs des éditions renferment non seulement le texte de Jean Michel mais aussi ceux d'autres mystères : la quatrième journée de celui de Greban (la Résurrection), un mystère anonyme mettant en scène la conception, la nativité et le mariage de la Vierge[10].

Le texte du Mystère de Jean Michel, avec ses remaniements, a été en grande partie incorporé au Mystère de la Passion joué à Mons en 1501, et à celui de Valenciennes en 1547[5].

En 1553, un Mystère de la Passion est représenté à Bessans en Savoie à 1 700 mètres d'altitude dans la Haute-Maurienne ; des fragments des deux manuscrits utilisés ont été conservés : il s'agit d'une version remaniée du mystère de Jean Michel, à partir d'une édition imprimée[15] ,[16].

Un Mystère de la Résurrection, en 20 000 vers environ, qui a été représenté à Angers en mai 1456 devant René d'Anjou et sa cour[17], et dont le texte est conservé dans deux manuscrits, dont l'un conservé à la bibliothèque du château de Chantilly[18], a été imprimé à Paris vers 1492 par Antoine Vérard[19] qui l'attribue à Jean Michel ; cette attribution n'est plus retenue, Vérard était coutumier des attributions fausses, destinées à augmenter la vente de ses publications[18],[20],[21].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Jusqu'à l'article de Célestin Duport en 1861, il était confondu avec l'évêque d'Angers Jean Michel, évêque de 1439 à 1447.
  2. « maistre Jehan Michel, docteur en medicine, présent ou Conseil de ville, a esté commis et ordonné, appeliez avecques luy [....] Coppin, paintre, et autres qu'il verra estre à faire, pour adviser et escripre les fainctes et esbatements qu'il conviendra faire es carrefours de la ville et ailleurs pour la venue du Roy » (Registres de délibérations municipales d'Angers, BB 5, f. 2).
  3. « veuve feu maistre Jehan Michel, en son vivant docteur en médecine, régent en l'Université d'Angers ».
  4. Le manuscrit Français 971 conservé à la Bibliothèque nationale de France est une copie réalisée en 1490 par Loys François de l'édition imprimée d'Antoine Vérard[9].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Célestin Port 1861.
  2. Jean-Michel Cauneau et Dominique Philippe, « Les statuts de la faculté de médecine d'Angers (1483-1574) », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, vol. 106, no 3,‎ , p. 7-33 (lire en ligne Accès libre).
  3. Célestin Port 1880.
  4. (de) Kurt Kruse, Jehan Michel. "Das Mystère de la Passion Jesu Crist jouée à Paris et Angiers" und sein Verhältnis zu der Passion von Arnould Greban und zu den beiden Valencienner Passionen, Greifswald, Adler, , 111 p..
  5. a b et c Gérard Jacquin 2014.
  6. Maurice Accarie 1979.
  7. Omer Jodogne 1994.
  8. Graham A. Runnalls, « Le Personnage dans les mystères à la fin du Moyen Âge et au XVIe siècle : stéréotypes et originalité », Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance, no 44,‎ , p. 11-26 (lire en ligne Accès libre).
  9. « Français 971 », sur archivesetmanuscrits.bnf.fr.
  10. a et b Graham Runnals 1996.
  11. (en) « Le Mystère de la Passion Jésus-Christ », sur Incunabula Short Title Catalogue, .
  12. (en) « Le Mystère de la Passion Jésus-Christ », sur Incunabula Short Title Catalogue, .
  13. (en) « Le Mystère de la Passion Jésus-Christ », sur Incunabula Short Title Catalogue, .
  14. « Éditions parisiennes de la "Passion" de Jean Michel », sur bp16.bnf.fr.
  15. Jacques Chocheyras, Le théâtre religieux en Savoie au XVIe siècle. Avec des fragments inédits, Genève, Droz, coll. « Publications romanes et françaises » (no 115), XXIII-260 p., p. 159-178.
  16. Graham Runnalls 2003.
  17. Graham A. Runnals, « René d'Anjou et le théâtre », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 88, no 2,‎ , p. 157-180 (lire en ligne Accès libre).
  18. a et b Gaston Paris, « Note sur « Le Mystère de là Résurrection attribué àJean Michel », par Gustave Maccon, 1898 », Romania, t. 27, no 108,‎ , p. 623-624 (lire en ligne Accès libre).
  19. « Le Mystère de la Résurrection de Jésus-Christ », sur Incunabula Short Title Catalogue, .
  20. Pierre Servet, Le Mystère de la résurrection. Angers (1456). Édition critique, Genève, Droz, (ISBN 978-2-600-02699-4, lire en ligne Accès libre).
  21. * Omer Jodogne et Elisabeth Lalou, « Mystère de la Résurrection », dans Robert Bossuat, Louis Pichard, Guy Raynaud de Lage, Geneviève Hasenohr, Michel Zink (dir.), Dictionnaire des lettres françaises. Moyen Âge, Paris, Fayard, , p. 1046.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Célestin Port, « Documents sur l'histoire du théâtre à Angers et sur le véritable auteur du Mystère de la Passion », Bibliothèque de l'École des chartes, no 2,‎ , p. 69-74 (lire en ligne Accès libre).
  • Célestin Port, « Michel (Jean) », dans Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, Angers, Lachèse et Dolbeau, (lire en ligne Accès libre).
  • Maurice Accarie, Le théâtre sacré de la fin du Moyen Âge : étude sur le sens moral de la Passion de Jean Michel, Genève, Droz, coll. « Publications romanes et françaises » (no 150), , 482 p..
  • Omer Jodogne, « Mystère de la Passion, de Jean Michel », dans Robert Bossuat, Louis Pichard, Guy Raynaud de Lage, Geneviève Hasenohr, Michel Zink (dir.), Dictionnaire des lettres françaises. Moyen Âge, Paris, Fayard, , p. 1042.
  • Graham Runnals, « La circulation des textes des mystères à la fin du Moyen Âge : les éditions de la Passion de Jean Michel », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, no 58,‎ , p. 7-33.
  • Graham Runnals, « Le dernier Mystère original ou l'imprimerie destructrice de la créativité », dans Alex Vanneste, Peter De Wilde, Saskia Kindt (dir.), Memoire en temps advenir : hommage à Theo Venckeleer, Louvain, Peeters, coll. « Orbis/supplementa » (no 22), (lire en ligne Accès limité), p. 153-166.
  • Graham Runnalls, « Jean Michel en Savoie. Étude sur les textes de deux Passions jouées dans la vallée de Maurienne au XVIe siècle », dans Les Mystères dans les provinces françaises (en Savoie et en Poitou, à Amiens et à Reims), Paris, Champion, , p. 33-126.
  • Gérard Jacquin, « Le Mystère de la Passion de Jean Michel », Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts d’Angers, no 28,‎ , p. 153-161 (lire en ligne Accès libre).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]