Jacob Kaplan

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Jacob Kaplan
Le grand-rabbin Jacob Kaplan en 1978.
Fonctions
Grand-rabbin de France
-
Grand-rabbin de Paris (d)
-
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nationalité
Activité
Conjoint
Fanny Kaplan (née Dichter)
Enfant
Lazare Kaplan, Francis Kaplan, Benjamin Kaplan, Myriam Askienazy, Régine Moog.
Autres informations
Membre de
Conflits
Distinctions
signature de Jacob Kaplan
Signature
Plaque commémorative
Vue de la sépulture.

Jacob Kaplan, né le à Paris et mort le dans la même ville, fut grand-rabbin de France de 1955 jusqu’à sa retraite en 1980.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et études[modifier | modifier le code]

Jacob Kaplan naît dans une famille pieuse de cohanim originaire de Lituanie, au 21, rue des Écouffes, dans le Pletzl, au Marais. Il est admis au Séminaire Israélite de France (SIF) en 1913 mais ses études sont interrompues par la Première Guerre mondiale. Ayant demandé à être mobilisé comme simple fantassin, il est incorporé au 411e régiment d'infanterie[1], prend part à la bataille de Verdun et est blessé en 1916. Il est décoré de la croix de guerre 1914-1918.

Après la guerre, il reprend ses études et reçoit son diplôme de rabbin en 1921.

Début de parcours professionnel[modifier | modifier le code]

Il est nommé rabbin à Mulhouse en 1922, puis rabbin de la synagogue Nazareth à Paris en 1928 et rabbin de la grande synagogue de la Victoire en 1933.

Il participe occasionnellement aux activités des Croix-de-Feu. En mars 1934, au cours d’une réunion, il déclare : « Sans avoir l’honneur d’être inscrit à votre association, je ne puis m’empêcher de me considérer comme l’un des vôtres »[2].

Le , en tant que rabbin de la synagogue de la Victoire et à la demande du Consistoire central israélite de France, il prononce un discours aux cérémonies religieuses organisées par les Croix-de-feu à la mémoire des anciens combattants juifs, ce qui lui vaudra d'être critiqué par la Ligue internationale contre l'antisémitisme (Lica, devenue la Licra) mais n'empêche pas celle-ci de lui demander de participer à ses propres manifestations, ce qu'il fait (notamment le à la Mutualité en soutien aux Juifs allemands persécutés).

Seconde Guerre mondiale et Résistance[modifier | modifier le code]

Nommé auxiliaire du grand-rabbin de France Isaïe Schwartz à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé en , participe à la bataille de France en et obtient la Légion d'honneur à titre militaire. Il rejoint en , le grand-rabbin de France, à Vichy, siège du gouvernement de Pétain, et joue un rôle actif en s'opposant aux décisions gouvernementales discriminatoires à l'égard des Juifs, tant français qu'étrangers. En 1940, il publie Racisme et Judaïsme qui sera comme Témoignage sur Israël, inscrit sur la liste Otto des livres interdits à la vente sous l'Occupation. Le , il adresse à Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives, une lettre, dont il donnera une lecture publique, contre l'antisémitisme et les mesures d'exception du régime de Vichy, dans laquelle il écrit que « le jour où la raison reprendra ses droits (et elle les reprendra sans aucun doute dans le pays de Descartes et de Bergson), l'antisémitisme, lui perdra les siens. »

Interdit de résidence à Vichy par un arrêté de René Bousquet du , il part à Lyon en 1942. Il n’aura alors de cesse, au péril de sa vie, de faire jouer toutes ses connaissances afin de sauver le maximum de ses coreligionnaires. Il sollicite entre autres le cardinal Gerlier, à qui il demande d'intervenir auprès du gouvernement afin d’arrêter les convois de juifs partant pour l’Allemagne. Il est aussi en lien avec Bel Hadj El Maafi, l'imam de Lyon et représentant de la Résistance algérienne de Lyon[3].

Nommé grand-rabbin de France par intérim en janvier 1944 après le passage en Suisse d'Isaïe Schwartz pour échapper à la Gestapo, il est arrêté le par la police française, puis relâché le même jour contre rançon.

Après la guerre[modifier | modifier le code]

Il obtient à la Libération la croix de guerre 1939-1945 ; « pour son comportement général durant l'Occupation », Jacob Kaplan fut cité à l'ordre de la Brigade pour faits de résistance par le ministre des Armées le [4]. La décision du ministère de la Guerre signée par le général Juin est motivée ainsi : « A participé pendant toute l'occupation à un grand nombre d'actions contre l'ennemi. Il a été pour tous les résistants un modèle de courage et d'abnégation ». La citation par le rabbin Haïm Korsia correspond au document signé par Juin (« Les actions contre l'ennemi pendant toute l'occupation »), confirmé par le mémoire de proposition au grade de grand-croix de l'ordre national du Mérite de 1984 « Services militaires : Résistance Croix de Guerre »[5].

En 1976 (date tardive, après 30 ans, et alors qu'il est grand-rabbin de France, « expliquée » partiellement par le décret du )[6], Jacob Kaplan obtient la carte du combattant volontaire de la résistance (dont les conditions d'attribution aux titulaires, prouvant leurs actes de résistance, ont permis d'en faire la demande à partir du décret de 1975 levant les forclusions : ainsi, en 1976, 1 437 résistants ont demandé et obtenu la carte de CVR ; ils ont été 29 362 résistants à obtenir la carte de CVR entre 1976 et 1987 selon le rapport du Sénat. Le projet de loi 152 1988-1989 devait permettre à 3 000 résistants de demander ce statut[6]).

Il est élu grand-rabbin de Paris en 1950 succédant à Julien Weill, puis grand-rabbin de France en 1955. Après la guerre, sa principale préoccupation est de remettre sur pied la communauté, décimée par les nazis. Il est le cofondateur de l'École Yabné en 1948 avec le rabbin Élie Munk et le grand-rabbin Henri Schilli. Quand en 1952 éclate l'affaire Finaly, Jacob Kaplan remue l’opinion publique mondiale et intervient auprès de Mgr Touvet et du cardinal Gerlier, ainsi qu’auprès de nombreuses autorités religieuses catholiques et protestantes, en liaison notamment avec Germaine Ribière et le père Chaillet, qu'il a connu par ses réseaux de résistance à Lyon, jusqu’au retour des deux enfants.

Il donne des cours à l'Institut d'études politiques de Paris sur le judaïsme[7].

Après 1961, il s’occupe de l’afflux massif de ses coreligionnaires rapatriés d’Afrique du Nord et qui en quelques années doubleront la communauté juive française. Il est élu en 1967 membre de l’Académie des sciences morales et politiques, pour laquelle il rédige de nombreuses communications.

En 1980, il met fin à ses fonctions de grand-rabbin de France, tout en restant actif dans la communauté juive et en publiant divers ouvrages.

Jacob Kaplan est enterré au cimetière parisien de Bagneux, dans la 31e division[8].

Postérité[modifier | modifier le code]

En 2009, la plaque apposée en son honneur par le maire de Lyon, Gérard Collomb, indique « Résistant à Lyon 1941 - 1944 », "justifié" ainsi dans son discours : « Personne ne s’étonnera si à Lyon, dans cette ville qui fut la sienne aux pires heures de l’Histoire, j’évoque d’abord l’occupation. En cette période tragique, où tout le désignait pour la mort, il fut en effet de ceux qui jamais ne se résignèrent, de ceux qui résistèrent de tout leur être »[9] (cf. en note la suite du discours).

Famille[modifier | modifier le code]

Il est marié à Fanny Kaplan (née Dichter) et le père de Lazare Kaplan, Francis Kaplan, Benjamin Kaplan, Myriam Askienazy, Régine Moog.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Note sur les dates d'obtention de la carte de CVR, conclusion du rapport de la Commission des Affaires sociales du Sénat du sur le statut de combattant volontaire de la résistance : « il leur est apparu que la défense du titre de C.V.R. et que l'Honneur de la Résistance, auxquels ils sont tout autant attachés que le Gouvernement et les associations d'anciens combattants, ne passaient pas par un maintien des forclusions. Chaque résistant doit pouvoir obtenir le titre et la carte du C.V.R. dès lors qu'il a manifesté, au moment des heures sombres de notre Histoire, le courage et le sens de l'honneur qui caractérisent les combattants de la Résistance. Ce droit doit être indépendant des raisons qui ont conduit le demandeur à ne pas solliciter l'homologation par l'autorité militaire entre 1944 et 1951, ni à bénéficier des levées temporaires des forclusions qui se sont succédées (sic)[10] depuis 1949 »[6].

Hommages posthumes[modifier | modifier le code]

Décision du ministère de la Guerre (signé par Juin) d'attribution de la croix de Guerre à Jacob Kaplan le 15 avril 1946

Publications[modifier | modifier le code]

  • Témoignage sur Israël dans la littérature française, Lipschutz, 1938
  • Témoignage sur Israël, Regain, 1949
  • Les Temps d'épreuve, Les Éditions de Minuit, 1952
  • Judaïsme français et sionisme, Albin Michel, coll. « Présence du Judaïsme », 1975
  • Un enseignement de l'estime, Stock, 1982
  • Le Vrai Visage du judaïsme, Stock, coll. « Judaïsme-Israël », 1987
  • Le Judaïsme dans la vie quotidienne (en collaboration), Albin-Michel, coll. « Présence du Judaïsme », 1992
  • Le Talmud et ses maîtres (en collaboration), Albin Michel, coll. « Présence du Judaïsme », 1993
  • L’Affaire Finaly, Le Cerf, coll. « L’histoire à Vif », 1993
  • Justice pour la foi juive (en collaboration), Le Cerf, coll. « L’histoire à Vif », 1995
  • N’oublie pas, Stock, coll. « Judaïsme-Israël », 2007

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

1 . Extrait du discours de Gérard Collomb le  :

« Chacun, ici, a en mémoire la lettre qu’il adressa au Commissaire Général aux Questions Juives, Xavier Vallat, quand ce-dernier, en juillet 1941, lui avait demandé, comme à tous les Juifs de France, de justifier de son statut et de celui des membres de sa famille. Il répondit : « Rien ne nous est plus douloureux de voir mettre en doute notre patriotisme ! ».Une lettre qui résonna bien au-delà de nos frontières. Il soulignait combien le racisme, l’antisémitisme, étaient en tous points contraires aux valeurs de la démocratie, aux valeurs de la France. Et il invoquait les grands noms de notre Histoire : Pascal, Descartes, Montesquieu, Rousseau, Renan, Bergson, bien d’autres encore ! Jacob Kaplan les convoqua tous dans ce plaidoyer magistral contre la politique antisémite de Vichy.

Lyon marqua bien un tournant dans la vie de Jacob Kaplan. Ce fut la Cité où, à l’été 1942, frappé par les mesures antijuives, expulsé par ordre de Bousquet du territoire de Vichy, lui, l’auxiliaire du grand-rabbin de France Isaïe Schwartz, put trouver refuge.

Au moment où les persécutions s’étaient étendues à toute la Zone-Sud, chacun imagine le péril qu’une telle dignité pouvait engendrer. Comme on peut imaginer le péril qu’il encourut, deux ans plus tard, en devenant grand-rabbin de France par intérim. Aucune mise en garde, aucune menace, aucune tentative d’attentat dont il fut pourtant la cible au cœur même de sa synagogue, ne purent l’infléchir dans sa détermination à sauver ses frères juifs. Ce fut, dès le mois d’août 1942, son action auprès du Cardinal Gerlier pour dénoncer les convois vers les camps de la mort.Ce furent les sermons lus dans la synagogue de Lyon, appelant à la solidarité face à l’inhumanité du sort réservé aux Juifs étrangers. Ce furent autant de missions de secours auprès des victimes menées avec des membres de la communauté et des rabbins de toute la région.

Ce fut aussi l’œuvre de concorde et de solidarité avec les autres religions. Je pense, par exemple, à celle menée par l’Œuvre de Secours aux Enfants avec l’Amitié Chrétienne du Père Chaillet et de l'Abbé Glasberg, qui permit le sauvetage des 80 enfants juifs de Vénissieux. On sait combien les amitiés nouées alors, avec des figures comme le Père Chaillet ou Germaine Ribière, comptèrent plus tard, au moment de l’affaire Finaly.

Bien évidemment, après la date fatidique du , chacun sait ce qu’il advint. C’en était fini du fragile asile qu’avait pu être la Zone Sud. Pour tous les Juifs, bien des villes qui avaient pu servir de refuge, se refermaient alors sur eux comme des pièges mortels. Comme bien d’autres, Lyon porte en elle, de façon indélébile, la Mémoire de ces innombrables tragédies qui, mises bout à bout, forment le crime absolu contre l’Humanité : la Shoah. Bien qu’aucune illusion ne fût plus permise depuis longtemps, que la cadence des rafles et des déportations s’accélérât, jamais il n’abandonna. Convaincu, comme la plupart de ses coreligionnaires, que l’identité française pouvait les protéger, il protesta même directement auprès de celui qui avait engagé la France dans la voie de la collaboration et du déshonneur. C’était, en février 1943, une rencontre avec le Maréchal Pétain, quelques jours seulement après la rafle de 86 personnes dans les locaux de l’UGIF de Lyon. Il soulignait alors que c’était là, des actions indignes de la France.

Pour avoir osé plaider leur cause, Raymond-Raoul Lambert, Président de l’UGIF pour la Zone-Sud fut déporté et exterminé avec sa femme et ses 4 enfants. En Zone-Nord, le président de l’UGIF, André Baur et sa famille, connurent un sort identique quelques jours plus tard. Lyon n’oublie pas non plus Jacques Helbronner, Président du Consistoire Central de France, et sa femme, eux aussi déportés, puis exterminés dans les camps de la mort. Lyon n’oublie pas Bernard Schöenberg, Rabbin de Lyon [sic. Il est Grand-rabbin de Lyon], déporté, mort d’épuisement au camp de Monowitz. Lyon n’oublie pas les rabbins français disparus pendant l’occupation. Lyon n’oublie pas les 80.000 Juifs déportés de France dont le destin tragique rejoint alors celui des 6 millions de Juifs d’Europe massacrés par les nazis. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. Philippe Bourdrel, Histoire des juifs de France, vol. 2, Albin Michel, , 464 p. (présentation en ligne), p. 292
  2. Charles Enderlin, « Edmond Bloch, les croisades d'un juif ami des antisémites », sur Orient XXI,
  3. « Chronique histoire. 8 mai 1945 : la capitulation de l'Allemagne met fin aux persécutions religieuses des nazis », sur actu.fr, (consulté le )
  4. Haim Korsia, Jacob Kaplan, le rabbin de la République, page 161
  5. Haim Korsia, Etre Juif et Français Jacob Kaplan le rabbin de la République, p. 397
  6. a b et c Franz Duboscq, « Rapport fait au nom de la commission des Affaires sociales sur le projet de loi relatif aux conditions de reconnaissance de la qualité de combattant volontaire de la Résistance » [PDF], sur Sénat, (consulté le )
  7. Marie Scot, Sciences Po, le roman vrai, Sciences Po, les presses, (ISBN 978-2-7246-3915-5)
  8. Philippe Landru. Cimetières de France et d'ailleurs. Bagneux (92) cimetière parisien. mardi 19 avril 2011.
  9. « Discours de Monsieur Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, à l’occasion de l’inauguration du parc Jacob-Kaplan, grand rabbin de France, membre de l’Institut, résistant à Lyon 1941-1944 » [PDF], (consulté le )
  10. La faute de grammaire figure dans le texte original du rapport du Sénat, la forme grammaticale correcte est « des forclusions qui se sont succédé ».

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jacob Kaplan et Pierre Pierrard, Pierre Pierrard interroge le grand rabbin Kaplan : justice pour la foi juive, Paris, Le Centurion, coll. « Les Interviews », , 287 p. (ISBN 978-2-227-32016-1)
  • Maurice Hayoun (dir.), Francis Kaplan (dir.), René-Samuel Sirat (dir.) et Agnès Viennot (éd.), Le livre du centenaire du grand rabbin Jacob Kaplan, grand rabbin du Consistoire central, doyen de l'Institut de France, Paris, Noêsis, coll. « Histoire des Religions », (ISBN 978-2-911606-07-6)
  • Haim Korsia (préf. André Damien), Gardien de mes frères Jacob Kaplan, Ivry sur seine, éditions Pro-Arte, (ISBN 2-9509493-2-0)
  • Haïm Korsia (préf. Jacques Chirac), Etre juif et Français : Jacob Kaplan, le rabbin de la république, Paris, Prive, , 414 p. (ISBN 978-2-35076-023-0)
  • David Shapira (préf. Alain Besançon, postface René-Samuel Sirat), Jacob Kaplan : 1895-1994 : un rabbin témoin du XXe siècle, Paris, Albin Michel, coll. « Présence du Judaïsme », , 394 p. (ISBN 978-2-226-17302-7)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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