J. Marion Sims
| Naissance |
Hanging Rock, Caroline du Sud (États-Unis) |
|---|---|
| Décès |
New York (États-Unis) |
| Nationalité | Américain |
| Domaines | Gynécologie |
|---|---|
| Diplôme | Université Thomas Jefferson |
J. Marion Sims, né James Marion Sims (né le en Caroline du sud, mort le à New-York) est un chirurgien américain connu pour avoir mis au point le traitement chirurgical des fistules obstétricales à Montgomery (Alabama). Il est considéré comme « le père de la gynécologie américaine » et le premier à faire connaître la chirurgie américaine en Europe.
Personnage controversé, il est accusé depuis les années 1960, d'avoir effectué sur des esclaves noires des expérimentations sans anesthésie et sans consentement. En 2018, après des années de polémiques, sa statue de New-York, dressée à Central Park, est retirée. En 2021, un nouveau monument est inauguré à Montgomery (Alabama) représentant ces esclaves dites désormais « les mères de la gynécologie ».
Le cas de J. Marion Sims pose le problème de la valeur et de la signification des expériences thérapeutiques historiques dans une société esclavagiste.
Biographie
[modifier | modifier le code]Famille et formation
[modifier | modifier le code]Sims nait à Hanging Rock, Caroline du Sud, de John et Mahala Mackey Sims. Il passe avec sa famille ses douze premières années à Heath Springs dans le comté de Lancaster. Il écrira par la suite que cette période d'enfance était divertissante mais se rappellera avoir été sauvé de la noyade par un garçon de quatorze ans, Arthur Ingram, qui vivait au Sud de Hanging Rock Creek.
Son père, John Sims, est élu shérif du comté de Lancaster en 1825 et déménage avec sa famille à Lancaster où Marion entre à la Franklin Academy.
Après deux ans d'études au South Carolina College de Columbia, Sims travaille avec le Dr Churchill Jones à Lancaster (Caroline du Sud) en 1832 et suit trois mois de cours au Medical College de Charleston. Il part ensuite à Philadelphie et entre à l'université Thomas Jefferson, il en sort diplômé en 1835. Il retourne à Lancaster pour pratiquer, mais après la mort de ses deux premiers patients, il part en Alabama, à Montgomery où il devient médecin de plantation[1].
En 1836, il épouse à Lancaster la fille du Dr Barlett Jones, Theresa, dont il était tombé amoureux alors qu'il étudiait au South Carolina College de Columbia. Ils repartent ensemble en Alabama[1].
Médecin de plantation
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En tant que médecin de plantation, la pratique médicale de Sims est étroitement liée à l'esclavage et à son commerce (la santé d'un esclave représentant un enjeu financier pour son propriétaire). Comme beaucoup de médecins américains de la première moitié du XIXe siècle, Sims est peu enclin à traiter des maladies féminines (la gynécologie n'est pas encore instituée) : l'examen gynécologique étant considéré comme déplaisant voire répugnant, et laissé aux sages-femmes[1],[2].
Toutefois, lorsqu'il est appelé pour une femme présentant une rétroversion de l'utérus (en) après une chute de cheval, il découvre qu'il pouvait examiner directement l'intérieur d'un vagin par des manœuvres appropriées, notamment en s'aidant d'une cuillère en étain dont il avait plié le manche. Cette expérience représente le début de la carrière gynécologique de Sims[1],[2].
En 1845, il fonde une infirmerie de 8 lits (Surgical Infirmary for Negroes) où les propriétaires amènent les esclaves noires incapables de travailler ou de procréer. Durant cette période (1845-1852), il met au point son spéculum et sa chirurgie réparatrice des fistules obstétricales, domaine où il devient un expert reconnu[1],[2].
New York et Europe
[modifier | modifier le code]Sims déménage à New York en 1853 pour raisons de santé et parce qu'il est décidé à se spécialiser en gynécologie. En 1855 il fonde le Woman's Hospital de New-York, situé à Madison Avenue. C'est un hôpital de 40 lits réservé exclusivement aux femmes indigentes (immigrées irlandaises pour la plupart). Il devient l'établissement de pointe aux États-Unis pour la recherche, la formation et la chirurgie gynécologique[1],[2]. L'hôpital disparait au début du XXe siècle, ses activités étant délocalisées et reprises par le St. Luke's Hospital devenu le Mount Sinai Morningside (en) en 2013[3].
En 1862, durant la Guerre de Sécession, il part en Europe et donne des démonstrations à Édimbourg, Dublin, Londres et Paris. Durant sa période européenne, il s'intéresse surtout au traitement de l'infertilité car la chute de la natalité dans les classes supérieures inquiète les élites. De 1863 à 1866 il est le chirurgien de l'Impératrice Eugénie. Sous le patronage de Napoléon III, il organise un corps d'ambulanciers anglo-américain qui soignera les blessés des deux camps lors de la bataille de Sedan[4],[5].
En 1868, Sims retourne à New York, et après un conflit avec la direction du Woman's Hospital quant à l'admission de patientes cancéreuses (ce qu'il souhaitait)[1],[2], il crée un nouvel hôpital qui deviendra le New York Cancer Hospital (en).
En 1876, malgré son origine sudiste et ses liens avec les confédérés, il est élu président de l' American Medical Association et en 1880 de l' American Gynecological Society. Il est mondialement reconnu (Croix de fer en Allemagne, Légion d'Honneur en France) et membre honoraire de sociétés savantes de plusieurs capitales européennes[1],[6].
En 1877, il présente deux crises d'angine de poitrine, et il est frappé d'une fièvre typhoïde sévère en 1880 qui lui impose une convalescence de plusieurs mois. Malgré ce, il cherche toujours à inventer des instruments et à mener des opérations. Après un dernier voyage en France en 1881, ses problèmes cardiaques s'aggravent. Alors qu'il écrivait son autobiographie The Story of My Life (publiée en 1884) en prévoyant une autre visite en Europe, il meurt d'une attaque le à New York, âgé de 70 ans[2].
Il est inhumé au cimetière de Green-Wood, à Brooklyn[2].
Travaux
[modifier | modifier le code]Contexte
[modifier | modifier le code]En 1820, les États-Unis interdisent l'importation de nouveaux esclaves provenant d'Afrique. Pour les propriétaires d'esclaves, les conditions de vie des esclaves, surtout la santé des femmes pour leur qualité reproductive, représentent désormais une question cruciale d'intérêt économique[7]. Selon Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis, « une femme qui porte un enfant tous les deux ans a plus de valeur que le meilleur homme de ferme »[8].

À cette époque, la médecine américaine est peu développée : dans les années 1810, il n'existe que trois écoles de médecine : à Philadelphie, New-York et Cambridge (déplacée à Boston) qui deviendront respectivement l'Université de Pennsylvanie, l'Université Columbia et la Harvard Medical School[9]. L'enseignement et la pratique médicale ne sont guère réglementés et la plupart des médecins, après une courte formation théorique de deux ou trois ans, se forment sur le tas par apprentissage auprès de collègues[6].
Du fait des échanges commerciaux et culturels avec l'Europe, les écoles médicales américaines diffusent un racisme scientifique, où les ambitions impérialistes des États-Unis font écho aux colonialismes britannique et français[9],[10] En même temps, les revues médicales américaines apparaissent et se développent, à l'instar du New England Journal of Medicine, fondé en 1812, qui répercute ce racisme scientifique, sans jugement critique sur l'esclavage tout au long du XIXe siècle[11].
Dans le sud esclavagiste, les esclaves noirs peuvent représenter plus de la moitié de la population, jusqu'à 74 % dans le Comté de Montgomery (Alabama). Du fait de la demande de soins, la médecine américaine antebellum (d'avant la guerre de Sécession) se développe en étant étroitement liée au système esclavagiste. Entre 1846 et 1860, la majorité des étudiants en médecine sont originaires des états sudistes[6].
Avant la fondation de l'American Medical Association en 1847, il n'existe pas de code d'éthique médicale unique pour tous les médecins américains[6]. Ce code de l'AMA est très discuté et plusieurs fois révisé jusqu'au XXe siècle[12]. La première recommandation de l'AMA d'éviter les discriminations raciales au sein des associations de médecins date de 1939[11].

Chirurgie des fistules obstétricales
[modifier | modifier le code]Les fistules obstétricales sont des complications chroniques (séquelles) des accouchements longs et difficiles. Les femmes qui en souffrent présentent une incontinence urinaire (fistule vésicovaginale) ou une incontinence fécale (fistule rectovaginale) avec écoulement continu d'urine ou de fèces par le vagin. La vie n'est pas menacée, mais toute vie sociale devient impossible : les malades sont rejetées, car inspirant le dégoût y compris pour leurs proches. Au début du XIXe siècle, c'est une maladie honteuse et répugnante (par sa puanteur), fréquente et pour laquelle il n'existe aucun traitement[2].
De 1845 à 1849, dans son Surgical Infirmary for Negroes, Sims expérimente une chirurgie de réparation sur trois esclaves : Lucy, Betsey et Anarcha Westcott (Wescott est le nom du propriétaire). Il opère d'abord Lucy en décembre 1845, qui échappe de peu à la mort par septicémie post-opératoire. Il modifie sa technique et opère Betsey : il obtient une amélioration mais pas une guérison[2],[8].
Dans les quatre ans qui suivent, il continue de les opérer, dont Anarcha 30 fois de suite à cause d'échecs répétés. Il perfectionne sa technique, notamment en abandonnant la suture au fil de soie pour inventer celle au fil d'argent, ce qui limitait le risque infectieux. Finalement, il réussit à réparer les fistules d'Anarcha. Il traite ensuite plusieurs autres esclaves. Ce n’est qu'après le succès de plusieurs opérations sur des esclaves qu'il commence à pratiquer sa méthode sur des blanches[1],[2],[8].
Ces expériences constituent le début d'une chirurgie vaginale moderne, suffisamment codifiée pour être répétée par d'autres chirurgiens. Sims précise une position d'examen opératoire de la patiente, la position de Sims, en mettant au point des instruments comme le spéculum de Sims[2].
Autres travaux
[modifier | modifier le code]Les autres contributions de Sims sont [1]:
- Traitement de la fertilité : Insémination et test postcoïtal.
- Traitement contre le cancer : Sims s'est battu pour l'admission de cancéreuses au Woman's Hospital, requête rejetée par ceux qui croyaient alors le cancer contagieux.
- Chirurgie abdominale : Sims affirmait qu'en cas de blessure abdominale par balle, la laparotomie est nécessaire pour arrêter le saignement, réparer les lésions et drainer la plaie. À ce titre, il fut consulté lorsque quand le président James Garfield reçut un coup de feu, et son avis transmis par télégramme depuis Paris[1]. Les recommandations de Sims ont été adoptées après sa mort[5].
- Chirurgie de la vésicule biliaire : en 1878 Sims draine une vésicule biliaire distendue et retire ses calculs. Il publie le cas, pensant être le premier à avoir réalisé cette intervention ; cependant une opération similaire est rapportée à Indianapolis en 1867[5].
Personnalité
[modifier | modifier le code]Issu d'un milieu modeste, J. Marion Sims est doté d'une forte personnalité et d'un caractère tenace. Il réussit là où d'autres ont essayé avant lui. Après des débuts difficiles et de nombreux échecs, car il n'était qu'un médecin généraliste sans formation pratique, il finit par mettre au point une technique efficace. Par ses nombreuses publications, en quête de gloire et de fortune, il se présente comme un « entrepreneur médical » avec une attitude de messie, se faisant connaître aux États-Unis et en Europe[2],[10]. Dans son autobiographie, il déclare qu'il aurait pu gagner près de cinquante mille dollars par an en Europe, mais il préfère revenir à New-York en 1868[1].

Aux États-Unis, sous la période de Reconstruction, il est l'un des rares membres de l'élite confédérée à s'enrichir considérablement[6]. Sa fortune lui permet de fonder le Women's Hospital et d'y poursuivre ses travaux. Lorsqu'il est élu président de l'AMA pour deux ans (1876-1877), il proclame fièrement être le deuxième médecin le plus riche des États-Unis[1].
Sims est le représentant d'une nouvelle catégorie sociale émergente aux États-unis, celle des spécialités médicales dont la gynécologie. Sims propose l'abolition du code d'éthique médicale (inspiré par Thomas Percival) adopté par l'AMA lors de sa fondation en 1847. Selon lui, le code des médecins américains serait « un instrument de torture et d'oppression par des confrères jaloux et malveillants ». Ici, Sims ferait référence à la condamnation, en 1874, d'un médecin pour recherche médicale « inhumaine »[12].
Il défend le droit des médecins à posséder une clientèle, à tirer profit d'inventions médicales et à prescrire des remèdes secrets. Un médecin est un gentleman, éduqué et formé comme un gentleman, qui se comporte naturellement en « homme d'honneur ». En tant qu'hommes d'honneur, les médecins n'ont pas besoin de règles écrites puisque, de toute façon, les gens sans honneur ne se plient à aucune règle. Un gentleman n'est pas sanctionné par un code écrit, mais par l'ostracisme de ses pairs qui l'ignorent ou le rejettent[12].
En 1876, lors de la convention nationale de l'AMA, il accueille avec bienveillance Sarah Hackett Stevenson (en), première femme médecin membre de l'AMA et déléguée de l'Illinois, en précisant « qu'il pourrait recevoir aussi bien toute femme de couleur élevée à ce niveau de dignité ». En dépit de cela, les médecins noirs ne seront admis dans l'AMA qu'à partir des années 1960, auparavant séparés en une National Negro Medical Association fondée en 1895, devenue National Medical Association (en)[12].
Postérité
[modifier | modifier le code]Hommages
[modifier | modifier le code]En 1883, le New York Times publie une nécrologie de Sims mettant en avant « ses contributions inestimables dans le domaine médical ».
En 1892, Ferdinand Miller le Jeune (de) coule une statue de bronze montrant Sims en tenue de chirurgien. Dressée en 1894 à l'entrée du Reservoir Square devenu Bryant Park, c'est la première statue de médecin aux États-Unis. En 1934, elle est déplacée près de Central Park, sur la Cinquième Avenue[13],[14].
Au xxe siècle, jusqu'aux années 1960, J. Marion Sims est présenté par les historiens de la médecine comme « un médecin qui apporte de nouveaux espoirs et une nouvelle vie aux femmes » ou comme « le père de la gynécologie moderne ». D'autres monuments commémoratifs se trouvent sur les lieux où il a vécu et pratiqué, en Caroline du Sud et en Alabama[14], sur celui du Capitole de l'État de Caroline du Sud, on peut lire[1] :
Là où est l'amour de l'humanité, est aussi amour de l'art. Fondateur de la gynécologie comme science, honoré dans le monde entier, il est mort béni de l'humanité. Chirurgien le plus réputé de son temps, au services des femmes qu'elles soient impératrices ou esclaves.
Critiques et controverses
[modifier | modifier le code]Dans les années 1960, avec le développement du Mouvement américain des droits civiques, des historiens féministes dressent un autre portrait de J. Marion Sims. L'image d'un chirurgien bienveillant, attentif à la cause des femmes, serait le résultat d'une histoire biaisée à partir des mémoires de Sims, détachée de son contexte de suprématisme blanc et de masculinisme. L'un des premiers critiques est Graham J. Barker-Benfield qui publie en 1974 The Horrors of the Half-Known Life : Male Attitudes Toward Women and Sexuality in Nineteeth-Century America. Loin d'être un bienfaiteur, Marron Sims est présenté comme un esclavagiste utilisant les femmes comme cobayes[14].
En 1993, la controverse s'étend au milieu médical lorsque le Journal of Medical Ethics (en) publie un article où les expérimentations de Sims sont jugées inacceptables selon toutes les normes éthiques[15]. Les principales critiques portent sur le fait qu'il opérait sans anesthésie et sans le réel consentement des patientes réduites en esclavage[1].
En 2003, le New York Times publie un article exposant la controverse autour de l'héritage médical de Sims[14],[16].
Dans les années 2010, des artistes noires féministes se joignent aux universitaires pour préserver leur mémoire culturelle, se faisant les héritières des femmes esclaves[17].
« Racisme anesthésique »
[modifier | modifier le code]Il est reproché à Sims d'opérer sans anesthésie des femmes noires, alors même que la première démonstration officielle d'anesthésie date de 1846. Il ne publie lui-même sur l'anesthésie qu'à partir de 1868, n'anesthésiant plus tard que les femmes blanches de niveau aisé[2],[6],[15]. Pire encore, en ce qui concerne les esclaves noires, il est accusé de prescrire de l'opium dans les suites opératoires pour les rendre dépendantes et mieux les contrôler[18].
Des défenseurs de Sims font valoir que ces critiques sont imprécises car elles ne tiennent pas compte de la réalité historique de l'anesthésie chirurgicale. Celle-ci ne s'est pas imposée du jour au lendemain, mais très progressivement et de manière controversée sur plusieurs décennies : accuser Sims de « racisme anesthésique » serait excessif[1],[19]. De la même manière l'opium était largement utilisé par la médecine de son temps, notamment pour ses propriétés sédatives diminuant la contractilité de l'intestin et de la vessie. Sims cherchait à mettre la vessie suturée au repos, pour éviter que les sutures ne lâchent, et non pas pour provoquer délibérément une dépendance[18].
Cependant, il est aussi établi que pour Sims et la médecine raciale de son temps, les noires étaient réputées pour avoir une tolérance « naturelle » à la douleur plus grande que celle des blanches, comme les blanches de petite condition l'étaient par rapport à celles de la haute société[8],[14].
Expérimentation et consentement
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Dans le débat public aux États-Unis, J. Marion Sims a pu être jugé comme un médecin cruel et misogyne, voire assimilé aux expérimentateurs nazis. Cependant les travaux de Sims s'en distinguent en étant des expérimentations à visée thérapeutique, pour le bénéfice direct des patientes concernées[1],[7]. Ici les défenseurs de Sims font valoir que les fistules vésico-vaginales sont des affections stigmatisantes et gravement handicapantes, que la chirurgie en est la seule solution et que les patientes en étaient demandeuses au XIXe siècle comme elles le sont au XXIe siècle. De plus, cette procédure chirurgicale, pour réussir, nécessite au moins l'acceptation, voire la coopération des opérées[19].
Toutefois, il n'existe aucune trace historique de l'avis de ces opérées. Les seuls témoignages sont les publications de Sims et son autobiographie publiée en 1884. Lorsque Sims parle de « consentement volontaire », cela reste discutable puisqu'il s'agit d'esclaves ayant un statut de bien meuble dépourvu d'autonomie. La seule certitude, c'est que Sims avait bien le consentement du propriétaire, la question étant de savoir, selon le côté de la controverse, si l'absence de résistance d'une esclave équivaut à un consentement[8] ou si le statut d'esclave suffit à prouver une absence de consentement[19].
Le débat autour de Sims se heurte à deux écueils : le présentisme où les critères modernes du consentement libre et éclairé sont appliqués à une époque où ces critères n'existaient pas, et le relativisme où les actes d'une période historique ne peuvent être jugés que par les valeurs morales de leur époque[20].
Médecine esclavagiste
[modifier | modifier le code]L'expérimentation humaine s'est effectuée, tout au long de l'histoire, sur des populations vulnérables ou marginales (fous, criminels…). Au XIXe siècle, dans le sud des Etats-Unis, les corps des esclaves noirs étaient disponibles, et ceux-ci n'avaient guère ou pas du tout le choix. Sims n'est pas un cas unique, les esclaves noirs constituaient une population visible (par la discrimination) en étant « légalement invisible » (privés de droits) couramment objets d'expérimentation à visée thérapeutique de leur vivant et de dissection après leur mort[21],[22]. Même après l'abolition de l'esclavage dans les années 1860, la pratique d'utiliser le corps des noirs a persisté aux États-Unis durant des décennies[23],[24].
Retraits et reconnaissances
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En 2017, le président de l'Académie de médecine de New York se joint aux résidents de East Harlem qui demandaient depuis des années le retrait de la statue de Sims de Central Park. Sa statue est retirée en avril 2018 et déplacée au cimetière de Green-Wood, où repose J. Marion Sims[8],[25].
En été 2020, au Royaume-Uni, une pétition demande au Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (en) de Londres de donner un autre nom au spéculum de Sims[26].
En 2021, un monument est inauguré à Montgomery (Alabama) où Sims a mis au point la chirurgie des fistules vaginales : The Mothers of Gynecology, trois sculptures métalliques représentant Anarcha, Lucy et Betsey, les trois esclaves connues de Sims[17].
Cette reconnaissance ne vise pas à nier la nécessité du traitement chirurgical des fistules obstétricales, mais à rappeler la place et le rôle des afro-américaines, longtemps effacées de l'histoire. Pour les militants féministes, cette histoire serait emblématique d'un racisme structurel aux Etats-Unis, source historique des inégalités de santé (santé sexuelle et santé reproductive) que les afro-américaines continuent de subir au XXIe siècle[17],[27].
D'autres préfèrent mettre en avant les avancées chirurgicales de Sims, tout en reconnaissant abus et défaillances éthiques de sa part. C'est notamment le cas du médecin anthropologue L. Lewis Wall, militant humanitaire pour la prise en charge de près de quatre millions de femmes souffrant de fistules vésicovaginales en Afrique[19],[28].

Éponymies
[modifier | modifier le code]Instruments
[modifier | modifier le code]- Cathéter sigmoïde de Sims : instrument de dérivation urinaire ;
- dilatateur de Sims : instrument à trois branches articulées s'écartant par une vis, pour la dilatation progressive du col utérin.
- pessaire de Sims : pessaire rigide en aluminium ou en caoutchouc durci ;
- spéculum de Sims : spéculum vaginal à double valve en forme de bec de canard[29]. Quoique modifié depuis le temps, le spéculum Sims reste utilisé au début du XXIe siècle[1].

Chirurgie
[modifier | modifier le code]- Incision de Sims : incision de la paroi postérieure de l'urêtre par le raphé périnéal dans le but de rétablir le cours de l'urine ;
- méthode de Sims : mise à vif des bords d'une fistule vésico-vaginale ;
- opérations de Sims : diverses techniques opératoires sur la vessie et l'utérus ;
- position de Sims (en) : décubitus latéral avec les cuisses différemment fléchies[29].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « J. Marion Sims » (voir la liste des auteurs).
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- ↑ (en) Cynthia Prather, Taleria R. Fuller, William L. Jeffries et Khiya J. Marshall, « Racism, African American Women, and Their Sexual and Reproductive Health: A Review of Historical and Contemporary Evidence and Implications for Health Equity », Health Equity, vol. 2, no 1, , p. 249–259 (ISSN 2473-1242, PMID 30283874, PMCID 6167003, DOI 10.1089/heq.2017.0045, lire en ligne, consulté le )
- ↑ (en) Distinguished Community Service AwardDistinguished Faculty Awards et 2011, « L. Lewis Wall, MD, DPhil, MBioeth », sur WashU Medicine (consulté le )
- A. Manuila, Dictionnaire français de médecine et de biologie, t. IV, Paris, Masson, , 562 p., Index des patronymes, p. 156.
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Ressource relative à la santé :
- Ressource relative à la recherche :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (en) Sims, James Marion sur l'Appletons' Cyclopædia of American Biography. 1900.
- (en) Lettres de J. Marion Sims
- (en) The Story of My Life, autobiograohie de J. Marion Sims