Israël et l'analogie de l'apartheid

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Israël et l'analogie de l'apartheid est une comparaison entre le traitement par Israël des Palestiniens et le traitement de l'Afrique du Sud des non-blancs pendant son époque de l'apartheid[1]. C'est également une référence aux accusations de crime d'apartheid de l'État d'Israël contre les palestiniens.

Avis sur l'applicabilité[modifier | modifier le code]

Premiers rapports[modifier | modifier le code]

L'analogie a été utilisée par des chercheurs, des enquêteurs des Nations unies, des groupes des droits de l'homme, dont certains ont également accusé Israël d'avoir commis le crime d'apartheid[2],[3]. Les critiques de la politique israélienne disent qu'il y a « un système de contrôle » en Cisjordanie occupée par Israël - comprenant les colonies juives, le système d'identification, les routes séparées pour les citoyens israéliens et palestiniens, les postes de contrôle militaire, la loi « discriminatoire » sur le mariage[4], la barrière de séparation, l'emploi de travailleurs palestiniens à bon marché, l'enclavement de la Cisjordanie, les inégalités face aux infrastructures, aux droits juridiques, ainsi qu'à l'accès à la terre et aux ressources entre Palestiniens et résidents israéliens dans les territoires occupés par Israël - ressemblant sous certains aspects au régime d'apartheid en Afrique du Sud, et que des éléments de l'occupation par Israël constituent des formes de colonialisme et d'apartheid, en contradiction avec le droit international[5]. Certains commentateurs étendent l'analogie, ou l'accusation, en décrivant les arabes israéliens comme des citoyens de seconde zone[6].

En 2006, dans un livre intitulé Palestine : la paix, pas l'apartheid, l'ancien président américain Jimmy Carter utilise cette analogie pour décrire la situation dans les Territoires palestiniens occupés, estimant que ce terme se justifie par « les barrières grillagées, les détecteurs électriques et les blocs de béton installés par les autorités israéliennes le long de la frontière avec la Cisjordanie[7]. » Critiqué par les pro-israéliens américains, il précise : « Je n'ai jamais allégué dans le livre ou autrement qu'Israël, en tant que nation, était coupable d'apartheid. Mais il y a une distinction claire entre les politiques au sein de la nation d'Israël et dans les territoires occupés qu'Israël contrôle. »[8]. Le journaliste Joseph Lelyveld, ancien directeur exécutif du New York Times et ex-correspondant en Afrique du Sud, juge appropriée cette analogie et considère que, proportionnellement, Israël s'est approprié autant de territoires que le régime d'Afrique du Sud. En outre, il note qu'existait en Afrique du Sud un système complexe de permissions destiné à réguler le déplacement des individus selon leur statut légal ; système qu'il compare à celui d'Israël pour classer et limiter les allées et venues des Palestiniens. Le correspondant à Jérusalem du journal britannique The Guardian, Chris McGreal, estime « qu'il existe peu d'endroits dans le monde où les gouvernements élaborent une série de lois sur les nationalités et les résidences conçues pour être utilisées par une partie de la population contre l'autre. L'Afrique du Sud de l'apartheid en fut un. Israël en est un autre »[9].

Tribunal populaire Russel[modifier | modifier le code]

Commission ONU[modifier | modifier le code]

Israël est régulièrement dénoncé par ses opposants comme un État soumettant le peuple palestinien à un régime d'apartheid. En , la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale (CESAO) dirigée par la Jordanienne Rima Khalaf, une commission régionale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) chargée des questions de développement dans le monde arabe, a publié un rapport indiquant qu'« Israël est coupable de politique et de pratiques constitutives du crime d'apartheid »[10]. A la suite de cette publication, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a demandé à la CESAO de dé-publier ce rapport au motif que l'ONU « ne peut pas accepter qu'un secrétaire général adjoint ou tout autre responsable de l'ONU (...) autorise une publication sous le logo de l'ONU sans consulter les départements concernés et lui-même »[11],[12]. En guise de protestation contre les pressions sur le retrait de ce rapport, Rima Khalaf, a démissionné [13].

Associations israéliennes[modifier | modifier le code]

L'accusation qui pèse sur Tel-Aviv de mettre en place un système similaire à celui de l'apartheid a été formulée aussi par des Israéliens, telle les associations Yesh Din en 2020[14] ou B'tselem en 2021[15]. La Fondation sociale-démocrate allemande Friedrich-Ebert a par ailleurs publié trois études sur le processus de négociation et de transition sud-africaine et sur les enseignements qui pourraient en être tirés pour parvenir à un processus de paix entre Israël et Palestine[9]. Gérard Araud, ancien ambassadeur français aux États-Unis et en Israël, qualifie Israël « d'État d'apartheid », lors de son départ en retraite[16].

Human Rights Watch[modifier | modifier le code]

Human Rights Watch éditent le 27 avril 2021 un rapport où ils estiment qu'un seuil a été franchi et que « les autorités israéliennes commettent les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution »[17].

Amnesty International[modifier | modifier le code]

Amnesty international déclare dans son rapport du 1er février 2022 que l'état d’Israël pratique un régime d’apartheid contre les indigènes palestiniens. Elle estime que « Les autorités israéliennes doivent rendre des comptes pour le crime d’apartheid commis contre la population palestinienne, {…} L’enquête présente en détail le système d’oppression et de domination qu’Israël inflige au peuple palestinien partout où ce pays contrôle ses droits. Sont concernés les Palestiniens et Palestiniennes qui vivent en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO), ainsi que les réfugiés déplacés dans d’autres pays »[18].

Ce rapport est allé plus loin que les rapports précédents des autres associations de droits de l'homme dans deux dimensions. La première est temporelle en considérant que le système d'apartheid remonte à 1948 « Depuis sa création en 1948, Israël mène une politique visant à instituer et à entretenir une hégémonie démographique juive et à optimiser son contrôle sur le territoire au bénéfice des juifs et juives israéliens »[18].

La deuxième dimension est spatiale. Amnesty International considère que les pratiques d'apartheid concernent tout l'espace du conflit israélo-palestinien : « Les recherches d’Amnesty International montrent néanmoins que l’ensemble de la population palestinienne est soumise à un seul et même système »[18].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en)Clark, Jeanne Ellen. Engaging the Apartheid Analogy in Israel/Palestine. Willamette University. p. 5
  2. Davis, Uri (2003). Apartheid Israel: possibilities for the struggle within. Zed Books. p. 86–87. (ISBN 1-84277-339-9)
  3. Shimoni, Gideon (1980). Jews and Zionism: The South African Experience 1910–1967. Cape Town: Oxford UP. p. 310–336. (ISBN 0-19-570179-8).
  4. Serge Dumont, « En Israël, une loi controversée sanctionne les mariages intercommunautaires », Le Temps,‎
  5. e.g. Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967, John Dugard, A/HRC/4/17, 29 January 2007, p. 3, 23
  6. Uri Davis, Apartheid Israel: Possibilities for the Struggle Within, Zed Books, London 2004 pp. 51f
  7. « Jimmy Carter accuse Israël d'«apartheid» », L'Obs,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Well, he [Dershowitz] has to go to the first word in the title, which is "Palestine," not "Israel". He should go to the second word in the title, which is "Peace". And then the last two words [are] "Not Apartheid". I never have alleged in the book or otherwise that Israel, as a nation, was guilty of apartheid. But there is a clear distinction between the policies within the nation of Israel and within the occupied territories that Israel controls[,] and the oppression of the Palestinians by Israeli forces in the occupied territories is horrendous. » interview avec Jimmy Carter, Larry King Live, CNN, 27 novembre 2006
  9. a et b Mariano Aguirre, « Israël, l’antisémitisme et l’ex-président James Carter », sur Le Monde diplomatique,
  10. Richard Falk et Virginia Tilley, « Les pratiques israéliennes à l’égard du peuple palestinien et la question de l’apartheid (rapport CESAO, trad. fr.) », (consulté le )
  11. « Démission à l'ONU après un rapport sur l'« appartheid » d'Israël », Ouest-France.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. « L'ONU embarrassée par un rapport critique sur Israël », LExpress.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Benjamin Barthe, « Sous la pression, l’ONU enterre le rapport accusant Israël d’apartheid », lemonde.fr, (consulté le )
  14. (en-US) « The Occupation of the West Bank and the Crime of Apartheid: Legal Opinion », sur Yesh Din, (consulté le )
  15. (en) « A regime of Jewish supremacy from the Jordan River to the Mediterranean Sea: This is apartheid », sur B'Tselem (consulté le )
  16. « L'ambassadeur de France aux États-Unis qualifie Israël « d'État d'apartheid » », sur BFMTV,
  17. « Des politiques israéliennes abusives constituent des crimes d’apartheid et de persécution », sur Human Rights Watch, (consulté le )
  18. a b et c « L’apartheid d’Israël contre la population palestinienne : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité », sur Amnesty International, (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]