Isoflavone

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L'isoflavone, squelette de base des isoflavones

Les isoflavones sont une sous-famille des flavonoïdes très étudiée pour leurs propriétés pseudo-estrogéniques. Ce sont les isomères de flavones, avec une structure quasi identique, la seule différence étant la position du groupe phényle, lié au carbone 3 au lieu du carbone 2 pour les flavones.

Principales isoflavones[modifier | modifier le code]

Nom Structure R5 R6 R7 R8 R3' R4' R5' CAS Nom IUPAC
Isoflavone H H H H H H H 3-phénylchromén-4-one
Biochanine A OH H OH H H OCH3 H 491-80-5 5,7-dihydroxy-3-(4-methoxyphenyl)chromen-4-one
Calycosine H H OH H OH OCH3 H 20575-57-9 7-hydroxy-3-(3-hydroxy-4-méthoxyphenyl)chromén-4-one
Daidzéine H H OH H H OH H 486-66-8 7-hydroxy-3-(4-hydroxyphényl)chromén-4-one
Formononétine H H OH H H OCH3 H 485-72-3 7-hydroxy-3-(4-méthoxyphényl)chromén-4-one
Génistéine OH H OH H H OH H 446-72-0 5,7-dihydroxy-3-(4-hydroxyphényl)-4H-chromén-4-one
Glycitéine H OCH3 OH H H OH H 40957-83-3 7-hydroxy-3-(4-hydroxyphényl)-6-méthoxy-4-chroménone
Irigénine OH OCH3 OH H OH OCH3 OCH3 548-76-5 5,7-dihydroxy-3-(3-hydroxy-4,5-diméthoxyphényl)-6-méthoxychromén-4-one
5-O-méthylgénistéine OCH3 H OH H H OH H 4569-98-6 7-hydroxy-3-(4-hydroxyphényl)-5-méthoxychromén-4-one
Orobol OH H OH H OH OH H 480-23-9 3-(3,4-dihydroxyphényl)-5,7-dihydroxychromén-4-one
Pratenséine OH H OH H OH OCH3 H 2284-31-3 5,7-dihydroxy-3-(3-hydroxy-4-méthoxyphényl)chromén-4-one
Prunétine OH H OCH3 H H OH H 552-59-0 5-hydroxy-3-(4-hydroxyphényl)-7-méthoxychromén-4-one
Psi-tectorigénine OH H OH OCH3 H OH H 13111-57-4 5,7-dihydroxy-3-(4-hydroxyphényl)-8-méthoxychromén-4-one
Rétusine H H OH OH H OCH3 H 13111-57-4 7,8-dihydroxy-3-(4-méthoxyphényl)chromén-4-one
Santal OH H OCH3 H OH OH H 5-hydroxy-3-(3,4-dihydroxyphenyl)-7-méthoxychromén-4-one
Tectorigénine OH OCH3 OH H H OH H 13111-57-4 5,7-dihydroxy-3-(4-hydroxyphényl)-6-méthoxychromén-4-one

Occurrence naturelle[modifier | modifier le code]

Les isoflavones sont présentes chez toutes les plantes mais seules les plantes de la famille des Fabaceae (« légumineuses ») contiennent des quantités significatives d'isoflavones. Des analyses effectuées avec de nombreuses espèces ont montré que les plus hauts niveaux en génistéine et daidzéine — les isoflavones les plus courantes dans la nature — se trouvent dans les psoralea (Psoralea corylifolia). De nombreuses légumineuses, incluant le soja (Glycine max L.), le haricot vert (Phaseolus vulgaris L.), les pousses de luzerne (Medicago sativa L.), le haricot mungo (Vigna radiata L.), le voème (Vigna unguiculata L.), les racines de kudzu (Pueraria lobata L.), ainsi que la fleur et la pousse de trèfle des prés (Trifolium pratense L.) ont été étudiées pour leur activité estrogénique[1]. Les aliments hautement transformés, composés à partir de légumineuses, tel que le tofu, retiennent la plus grande partie de leur contenu en isoflavones, à l'exception du miso fermenté qui lui contient des niveaux plus élevés.

On peut citer parmi les autres sources alimentaires en isoflavones le pois chiche (biochanine A), la luzerne (formononétine) et l'arachide (génistéine).

Dans les tissus végétaux, les isoflavones les plus fréquemment rencontrées sont les hétérosides d'isoflavones ou de leurs respectifs malonates ou conjugués d'acétyle, ce qui les rend encore plus solubles dans l'eau (voir isoflavone-7-O-bêta-glucoside 6"-O-malonyltransférase). Ces dernières formes sont toutefois instables et sont donc transformées, par exemple par décarboxylation. Souvent, lorsque les légumineuses doivent faire face à une infection virale ou fongique, la forme soluble dans l'eau sert pour le transport et est hydrolysée en aglycone correspondant sur le site cible[2].

L'actéine et le cimicifucoside sont deux isoflavones à triterpènes, présentes dans l'Actaea racemosa[3].

Il existe une base de données des teneurs en isoflavones de nombreux produits alimentaires[4].

Biosynthèse[modifier | modifier le code]

Les isoflavones sont biosynthétisées via une branche de la voie générale des phénylpropanoïdes, voie qui produit notamment les flavonoïdes chez les plantes supérieures. Cette voie débute à partir d'un acide aminé, la phénylalanine qui est transformée en acide cinnamique ou l'un de ses dérivés, lui-même transformé en dérivé de l'acide paracoumarique qui donne une chalcone, précurseur de la plupart des flavonoïdes. Dans la nature, les principales isoflavones, présentes dans le soja, sont la génistéine et la daidzéine. La première est produite à partir de la naringinine, une flavanone (flavonoïde), qui est convertie par l'action de deux enzymes spécifiques, l'isoflavone synthase et une déshydratase. De façon similaire, la naringinine chalcone est convertie en daidzéine par l'action successive de trois enzymes spécifiques, la chalcone réductase, la chalcone isomérase de type II et l'isoflavone synthase.

Intérêt biologique[modifier | modifier le code]

Plantes[modifier | modifier le code]

Les plantes utilisent les isoflavones et leur dérivés comme phytoalexine afin de se protéger de champignons pathogènes et d'autres microbes. Le soja utilise également les isoflavones pour stimuler les rhizobium afin de former des nodosités fixatrices d'azote.

Nutrition humaine[modifier | modifier le code]

Les isoflavones présentant un intérêt nutritionnel sont les dérivés hydroxylés de l'isoflavone, cette dernière n'en ayant pas.

Du fait de leur relative rareté, sauf dans le soja, la consommation d'isoflavones est négligeable en Europe, à l'exception des consommateurs de lait de soja (certains nourrissons, etc.), mais les apports alimentaires en sont très importants dans les pays d'Extrême-Orient (environ 30-40 mg/jour). Les isoflavones présents dans le soja sont des perturbateurs endocriniens, même si les effets de la consommation de soja sur la santé semblent bénéfiques, cela pose la question de leur effet sur des populations plus sensibles aux perturbateurs endocriniens (enfants, femmes enceintes)[5].

Au niveau biologique, les isoflavones augmentent la sensibilité à l'insuline et baissent légèrement le niveau du cholestérol[6].

Ils ont des effets bénéfiques sur :

Cependant certains effets indésirables ont pu être observé mais ont depuis été discutés[12], l’action indirecte sur la thyroïde entraînant une relative hypothyroïdie.

Recommandations françaises pour les enfants et femmes enceintes ou allaitantes[modifier | modifier le code]

L'AFSSA a émis les recommandations suivantes[13] :

  • Les préparations aux protéines de soja ne devraient pas être données aux enfants avant 3 ans si celles-ci ne sont pas à teneur réduite en isoflavones. Compte tenu de leur composition, les tonyus (jus de soja) sont contre-indiqués pour l'alimentation des nourrissons et des enfants en bas âge (de la naissance à trois ans).
  • La femme enceinte et allaitante doit éviter une consommation élevée d'isoflavones, notamment sous la forme de compléments alimentaires.
    Les études sur l'animal[réf. nécessaire] montrent en effet que les phases précoces du développement des organes sexuels (pendant la gestation et la lactation) sont particulièrement sensibles à l'exposition aux phytoestrogènes.
    Des anomalies morphologiques pouvant entraîner une diminution de la fertilité mais aussi une plus grande sensibilité aux carcinogènes sont observées.

La consommation de préparations à base de protéines de soja devrait donc, dans le cas des nourrissons et des femmes enceintes, être inférieure à 1 mg·L-1 de préparation reconstituée (en équivalents aglycone46, soit environ 0,15 mg·kg-1 de poids corporel).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Boue, S., Wiese, T., Nehls, S., Burow, M., Elliott, S., Carter-Wientjes, C., Shih, B., McLachlan, J., Cleveland, T., « Evaluation of the Estrogenic Effects of Legume Extracts Containing Phytoestrogens », Journal of Agriculture and Food Science, vol. 53, no 8,‎ , p. 2193–2199 (DOI 10.1021/jf0211145)
  2. (en) Long-ze Lin et al., « LC-ESI-MS Study of the Flavonoid Glycoside Malonates of Red Clover (Trifolium pratense) », Journal of Agricultural and Food Chemistry, vol. 2, no 48,‎ , p. 354–365 (DOI 10.1021/jf991002)
  3. Gérard Chenuet et al., Phytothérapie : la santé par les plantes, Vidal - Sélection du reader's digest, , 320 p. (ISBN 978-2-7098-1851-3)
  4. (en)[PDF] Base de données isoflavones de l'USDA
  5. (en) Heather B. Patisaul, « Endocrine disruption by dietary phyto-oestrogens: impact on dimorphic sexual systems and behaviours », Proceedings of the Nutrition Society, vol. 76, no 2,‎ (DOI 10.1017/S0029665116000677, lire en ligne)
  6. (en) Peter J. Curtis, Mike Sampson, John Potter, Ketan Dhatariya et Paul A. Kroon, « Chronic ingestion of flavan-3-ols and isoflavones improves insulin sensitivity and lipoprotein status and attenuates estimated 10-year CVD risk in medicated postmenopausal women with type 2 diabetes: a 1-year, double-blind, randomized, controlled trial », Diabetes Care, vol. 35, no 2,‎ , p. 226–232 (DOI 10.2337/dc11-1443, lire en ligne)
  7. (en) Le Ma, Gang Liu, Ming Ding, Geng Zong, Frank B. Hu, Walter C. Willett, Eric B. Rimm, JoAnn E. Manson et Qi Sun, « Isoflavone intake and the risk of coronary heart disease in US men and women: results from 3 prospective cohort studies », Circulation, vol. 141,‎ , p. 1127–1137 (DOI 10.1161/CIRCULATIONAHA.119.041306, lire en ligne)
  8. (en) Ioannis Boutas, Adamantia Kontogeorgi, Constantine Dimitrakakis et Sophia N Kalantaridou, « Soy Isoflavones and Breast Cancer Risk: A Meta-analysis », In Vivo, vol. 36, no 2,‎ , p. 556-562 (PMID 35241506, PMCID PMC8931889., DOI 10.21873/invivo.12737)
  9. (en) Fubin Liu, Yu Peng, Yating Qiao, Yubei Huang, Fengju Song, Ming Zhang et Fangfang Song, « Consumption of flavonoids and risk of hormone-related cancers: a systematic review and meta-analysis of observational studies », Nutrition Journal, vol. 21, no 27,‎ (DOI 10.1186/s12937-022-00778-w)
  10. (en) Fan Yahui, Wang Mingxu, Li Zhaofang, Jiang Hong, Shi Jia, Shi Xin, Liu Sijiao, Zhao Jinping, Kong Liyun, Zhang Wei, Ma Le, « Intake of Soy, Soy Isoflavones and Soy Protein and Risk of Cancer Incidence and Mortality », Frontiers in Nutrition, vol. 9,‎ (DOI 10.3389/fnut.2022.847421)
  11. (en) Mojgan Morvaridzadeh, Seyed Mostafa Nachvak, Shahram Agah, Mahdi Sepidarkish, Fereshteh Dehghani, Mehran Rahimlou, Ana Beatriz Pizarro et Javad Heshmati, « Effect of soy products and isoflavones on oxidative stress parameters: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials », Food Research International, vol. 137, no 109578,‎ (DOI 10.1016/j.foodres.2020.109578, lire en ligne)
  12. (en) Mark Messina et Geoffrey Redmond, « Effects of Soy Protein and Soybean Isoflavones on Thyroid Function in Healthy Adults and Hypothyroid Patients: A Review of the Relevant Literature », Thyroid, vol. 16, no 3,‎ , p. 249–258 (ISSN 1050-7256 et 1557-9077, DOI 10.1089/thy.2006.16.249, lire en ligne, consulté le )
  13. Rapport de l'AFSSA sur les phyto-œstrogènes