Institut de biologie marine Michel-Pacha

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Institut Michel-Pacha

L'Institut de biologie marine Michel-Pacha, aussi connu comme station de biologie maritime de Tamaris, rattaché à la faculté des sciences de l'Université de Lyon, puis, après la scission de 1969 à l'université Lyon I, était un centre de recherche en biologie ainsi que dans d'autres disciplines des sciences naturelles, localisé à Tamaris, sur la commune de La Seyne-sur-Mer.

Il devait son nom au mécène Michel Pacha[1], capitaine au long cours puis homme d'affaires, qui a offert le terrain et les matériaux pour la construction de cet institut.

Bâtiment[modifier | modifier le code]

Jusqu'en 2008[2], l'institut occupait un édifice à l'architecture d'inspiration orientale situé sur la commune de La Seyne-sur-Mer (Var, France).

Inauguré en 1900, l'Institut de biologie marine est l'œuvre maîtresse de l'architecte suisse Paul Page[3], ami de Michel Pacha. La façade de style mauresque est un placage sur une construction traditionnelle. La blancheur de l'édifice est agrémentée par la polychromie des faïences aux motifs géométriques, d'entre-lacs et de palmettes.

La référence à l’Orient est complétée par les éléments architecturaux tels que les arcs outrepassés, chapiteaux d’inspiration byzantine et ottomane, moucharabieh, frise de merlons « en escalier » qui dissimule la toiture de tuile… L'Institut de biologie marine établit ainsi une cohérence entre le lieu, Tamaris, son fondateur, Michel Pacha et l'histoire de celui-ci, l'Empire ottoman.

Histoire[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Durant la deuxième moitié du XIXe, à l'initiative individuelle de chercheurs, différentes institutions de recherche en Europe et en France se dotent de stations maritimes, laboratoires destinés à la recherche dans différents champs de la physiologie ou biologie marine. En France, la première station est fondée à Concarneau en 1859. Elle est suivie par la fondation d'autres stations à Banyuls, Roscoff, Arcachon et Villefranche-sur-Mer notamment[4].

La fondation et les premières années[modifier | modifier le code]

C'est au cours de ses recherches sur la bioluminescence[5], qui l'amènent à s'intéresser aux mollusques abondants dans la baie du Lazaret, au sud de la rade de Toulon, face au site de Tamaris, que Raphaël Dubois, professeur de physiologie générale à la faculté des sciences de l'université de Lyon, fait la connaissance de Michel Pacha qui lui propose son aide pour financer ses recherches[6].

En 1890, Michel Pacha ayant fait une donation importante comprenant le terrain et les matériaux nécessaires, l'institut est fondé et la construction des bâtiments qui vont l'abriter est entamée. Elle sera achevée en 1899.

La station, rattachée administrativement à l'université de Lyon[7], est dirigée à partir de sa création par Raphaël Dubois[8],[9]. Dubois y poursuit ses recherches sur la bioluminescence et sur d'autres phénomènes et y est présent pendant une grande partie de l'année.

Même après sa mise à la retraite en 1919, Dubois continue de jouer un rôle important au sein de l'institut jusqu'à sa mort en 1929[9],[6] en dépit du fait que la direction soit passée à son successeur à la chaire de physiologie, Edmond Couvreur. Après la mort de Couvreur en 1927, la chaire et la direction de l'institut passent à Henry Cardot[9].

La direction de Henry Cardot[modifier | modifier le code]

Sous la direction de Cardot, l'institut devient un lieu important de la recherche en électrophysiologie et neurophysiologie. Sous son égide, de très nombreux travaux sont réalisés à Tamaris : près du tiers des publications portant sur la physiologie maritime soit 112 sur 350 publications dans les Comptes Rendus de la société de Biologie, proviennent de travaux réalisés à la station[9].

Il y accueille des jeunes chercheurs tels que Zhang Xi, Zhu Xihou, tous deux étudiants de l'Institut franco-chinois de Lyon, ou bien Angélique Arvanitaki qui y commence sa carrière de chercheuse en électrophysiologie[10],[11], ou encore Alfred Fessard et Daniel Auger[12].

C'est à Tamaris que sont découverts et étudiés pour la première fois les neurones géants d'aplysies.

En 1936, il accueille un colloque regroupant les physiologistes français.

La Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la station de recherche est occupée par les Allemands, vraisemblablement en raison du caractère stratégique de toute la baie de Toulon. Les chercheurs sont donc repliés sur Lyon, où Henry Cardot meurt le 29 janvier 1942.

Après la mort de Cardot, Émile Terroine reprend la chaire et devient donc le nouveau directeur de l'institut, au moins en théorie, mais les chercheurs de l'institut se dispersent, tels Eudoxie Bachrach, mise à la retraite d'office en raison de ses origines juives qui doit s'échapper vers la Suisse[13], ou Antoine Jullien qui part pour constituer une équipe à Besançon[9].

L'après-guerre[modifier | modifier le code]

En 1948, le nouveau titulaire de la chaire de physiologie, Daniel Cordier[14], relance l'activité de l'Institut, en l'orientant plus dans le sens de la physiologie comparée et de la biochimie[9].

La direction de Gabriel Pérès[modifier | modifier le code]

Gabriel Pérès, titulaire de la chaire de physiologie et directeur de l'institut à partir de 1961, y apporte des changements considérables. Il fait construire sur le terrain un deuxième bâtiment, qui sera dénommé d'après lui par la suite, et fait du laboratoire, jusqu'ici consacré exclusivement à la recherche, un lieu d'enseignement qui accueille des étudiants pour des travaux pratiques[15].

Pérès focalise les recherches de l'Institut dans des directions plus appliquées, et travaille en collaboration avec le CNEXO sur des questions d'aquaculture et d'écotoxicologie.

Il dote également l'Institut de sa propre publication les Annales de l'Institut Michel-Pacha, dont quinze numéro paraissent entre 1968 et 1988, année du départ en retraite de Pérès, à qui succède son élève, Gérard Brichon.

Les expériences ANTARES et KM3NeT[modifier | modifier le code]

En novembre 2003, l'Institut devient le siège de l'expérience du détecteur à neutrinos géant ANTARES[16]. Il a été inauguré par Claudie Haigneré, alors ministre de la recherche.

Les relevés des données de l’expérience, installée à 2 500 mètres de profondeur au large de Toulon, sont pilotés depuis le premier étage de l’Institut, jusqu’au démantèlement du télescope ANTARES en 2022[17].

Depuis sa mise en opération, la salle de contrôle du télescope à neutrinos de seconde génération KM3NeT, successeur d’ANTARES, est également hébergé par l'Institut[18].

Les dernières années et la fin de l'institut[modifier | modifier le code]

À la suite de la réduction des crédits d'État à la recherche et dans le cadre de la politique d'autonomie des universités, l'université Lyon I a rapatrié sur Lyon l'activité de recherche en 2008. Cependant, le bâtiment continue d'accueillir les expériences ANTARES et KM3NeT.

Poursuites judiciaires[modifier | modifier le code]

Faute de financements et de volontés politiques, tous les projets d'y implanter une « Maison de la Rade de Toulon » (dans le cadre du Contrat de baie) ou une nouvelle activité de recherche, ont échoué.

Arguant que le testament de Michel Pacha stipulait que l'institut devait être destiné aux travaux de recherche maritime, la famille Michel de Pierredon, descendants de Michel Pacha, a intenté un procès à l'université Lyon 1, afin de récupérer l'institut.

Les juges de première instance et de la cour d'appel ont donné raison à la famille Michel de Pierredon, mais le pourvoi en cassation subséquent de l'université Lyon 1 a été couronné de succès, à la suite de quoi la cour d'appel de Grenoble a tranché en sa faveur en décembre 2016[19].


Rénovation[modifier | modifier le code]

La bataille judiciaire entre les héritiers de Michel Pacha et l'université Lyon I étant conclue, la rénovation de l'institut a été lancée fin 2022 dans le but d'en faire un centre de séminaires scientifiques[20].

En 2023, le projet de réhabilitation du bâtiment principal est sélectionné dans le cadre de la mission Patrimoine[21].

Liste des directeurs de l'Institut[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Pascale Burgat, « Les archives de l’Institut Michel Pacha ou l’occasion, pour une archiviste, de découvrir un scientifique humaniste. », Histoire de la recherche contemporaine, no Tome III - N°2,‎ (DOI https://doi.org/10.4000/hrc.858, lire en ligne)
  2. « Institut Pacha : la justice donne raison aux héritiers », sur varmatin.com (consulté le )
  3. L'Institut Michel Pacha sur le site officiel de la ville.
  4. (fr + en) Jean-Louis Fischer, « Créations et fonctions des stations maritimes françaises », Histoire de la recherche contemporaine, no 7,‎ (ISSN 1955-2408, 1298-9800 et 2260-3875, OCLC 798398559, DOI 10.4000/HISTOIRE-CNRS.537)Voir et modifier les données sur Wikidata
  5. Raphaël Dubois et la bioluminescence
  6. a et b Gérard Brichon, « L'institut Michel-Pacha, une station maritime à la Seyne-sur-Mer », Regards sur l’ histoire de La Seyne-sur-Mer,‎ , p. 20-27 (lire en ligne)
  7. (en) « L'enseignement supérieur et l'enseignement technique en France ... : groupes universitaires ... : Paul Melon : Free Download, Borrow, and Streaming : … », sur Internet Archive (consulté le ).
  8. Christian Bange, « La physiologie appliquée dans les stations maritimes françaises de biologie entre 1880 et 1930 et les recherches de Raphaël Dubois à Tamaris », Bulletin de la Société Linnéenne de Lyon, Société Linnéenne de Lyon,‎ (lire en ligne)
  9. a b c d e et f Christian Bange et Renée Bange, Les sciences biologiques et médicales en France 1920-1950 (Actes du colloque de Dijon, 25-27 juin 1992), Paris, coll. « Cahiers pour l'histoire de la recherche », (lire en ligne [PDF]), « Les recherches physiologiques à la Station maritime de Biologie de Tamaris (Var) de 1920 à 1950 ».
  10. Jean-Gaël Barbara, « la neurophysiologie à la française », La revue pour l'histoire du CNRS,‎ (lire en ligne)
  11. Christian Bange (dir.), Cardot et Arvanitaki à Tamaris, et les débuts des recherches électrophysiologiques sur les neurones géants d’invertébrés marins, vol. L'essor des neurosciences. France, 1945-1975, Paris, Hermann, , 35-44 p. (ISBN 978-2-7056-6743-6, présentation en ligne)
  12. Biographie d'Alfred Fessard sur le site du club d'histoire en neurosciences de Paris V
  13. Étienne Boursey, « L'Université et les lois de 1940 », Club, Le magazine de l'université Claude Bernard Lyon 1, no 18,‎ , p. 10 (lire en ligne)
  14. Annuaire de l'Université de Lyon : livret de l'étudiant / publiée par les soins du Conseil général des facultés, 1946
  15. Gabriel Pérès, « L'Université de Lyon à La Seyne - "Institut Michel Pacha" - Laboratoire de Physiologie de Tamaris pour l'étude des organismes marins », Étraves, no 15,‎ (lire en ligne)
  16. site du projet ANTARES
  17. « Le télescope ANTARES prend sa retraite »
  18. « Localisation de l'expérience KM3NeT »
  19. Var-Matin, février 2017
  20. « Institut Pacha à La Seyne: le projet de rénovation du site en centre de séminaires est enclenché », Var Matin,‎ (lire en ligne)
  21. Élodie Madoré, « Un site emblématique du Var lauréat de la Mission Patrimoine portée par Stéphane Bern », Var Matin,‎ (lire en ligne)
  22. Histoire de l’Institut Michel Pacha : focus sur les années 2008 – 2019

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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