Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour heureux est un poème de Louis Aragon, écrit en et publié dans le recueil La Diane française en .
L'auteur y exprime sa conception de l'amour comme un absolu inaccessible. Il y fait également de nombreuses références à la Résistance, notamment dans la dernière strophe.
Histoire
[modifier | modifier le code]Le poème fut écrit à Montchat, quartier du 3e arrondissement de Lyon, chez un ami d'Aragon, lui aussi poète et résistant, René Tavernier, qui le cachait, ainsi qu'Elsa Triolet, pendant l'Occupation[1]. La maison, aujourd'hui disparue, se trouvait au no 4 de la rue Chambovet[2], à l'emplacement de l'actuel parc Chambovet, où une plaque commémorative garde depuis [3] le souvenir du lieu d'écriture du poème.
Dans un entretien avec Francis Crémieux diffusé le sur la RTF, Aragon a expliqué qu'à l'époque où il a écrit le poème, Elsa voulait le quitter en raison d'une règle dans la Résistance selon laquelle un couple opérant dans ces mouvements ne pouvait pas continuer à vivre ensemble, pour des raisons de sécurité en cas d'arrestation[4],[5],[6].
Le manuscrit du poème a été présenté en lors d'une exposition sur Elsa Triolet à la Bibliothèque nationale[7]. Néanmoins le fils de René Tavernier, Bertrand Tavernier, raconte que le manuscrit original est toujours en la possession de son père, et que c'est un autre manuscrit qui a été exposé à la Bibliothèque nationale. En effet, le poème a été dédicacé à sa mère Geneviève[3],[8], et selon celle-ci, Aragon a fait un deuxième manuscrit après la guerre car la dédicace avait provoqué une scène de ménage avec Elsa Triolet[9],[1]. Un fac-similé du manuscrit de René Tavernier a été publié en dans la revue La Règle du jeu[10].
Mise en musique par Georges Brassens
[modifier | modifier le code]Ce poème, amputé de sa dernière strophe et ayant fait l'objet de changements mineurs, est mis en musique et enregistré par Georges Brassens en . Brassens utilise la même mélodie pour mettre en musique un autre poème, La Prière de Francis Jammes, un écrivain catholique[11], ce qui offusquera le communiste Louis Aragon[12],[13].
Aragon estimait également que cette amputation était un contresens qui changeait toute la signification de son texte, poème de résistance et non simple chanson d'amour.
Catherine Sauvage enregistre en , sur la musique de Brassens, une version qui en réintègre la strophe amputée[14].
Reprises
[modifier | modifier le code]La chanson a été reprise par de nombreux artistes[15] :
- Barbara, sur l'album Barbara chante Brassens en ;
- Monique Morelli, sur l'album Chansons d'Aragon en ;
- Françoise Hardy, sur l'album Ma jeunesse fout le camp… en ;
- Nina Simone[16], en français, sur l'album A Single Woman en [17].
- Danielle Darrieux, dans le film Huit Femmes en [18] ;
- Malek, sur l'album Lhssad en ;
- Jacques Douai ;
- Georges Chelon ;
- Hugues Aufray ;
- Keren Ann ;
- Youssou N'Dour ;
- Élodie Frégé ;
- Marc Ogeret[19] ;
- Hélène Martin ;
- Arsen Dedić (en)[20] ;
- Poom.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Bertrand Tavernier et Noël Simsolo, Le cinéma dans le sang : Entretiens avec Noël Simsolo, Paris, Écriture, coll. « Entretiens », , 300 p. (ISBN 978-2-35905-036-3).
- Aurélien Ferenczi, « Bertrand Tavernier habitait au 4, rue Chambovet, à Lyon », Télérama, .
- Bruno Thévenon, « Confluences, Tavernier, Aragon et les autres », Le Progrès, .
- « Louis Aragon : 6ème partie », notice PHD99200128, Entretiens avec, sur Inathèque, Institut national de l'audiovisuel. Rediffusé dans « Louis Aragon, fou d'Elsa (6/10) : Il y aurait des amours heureuses », À voix nue, sur radiofrance.fr, France Culture, (à partir de 13:50).
- Entretiens avec Francis Crémieux : Le fou d'Elsa, l'écoulement du temps, la ponctuation, l'équivoque, le réalisme, le roman, Elsa, et autres sujets, Paris, Gallimard, , 174 p. (BNF 37449108), p. 98.
- Dominique Desanti, Les Clés d'Elsa, Paris, Ramsay, , 422 p. (ISBN 2-85956-331-8), p. 312.
- Marcelle Beaudiquez, Alain Massuard et Marie Avril, Elsa Triolet (catalogue de l'exposition à la Bibliothèque nationale, Paris, – ), Paris, Bibliothèque nationale, , 140 p. (BNF 35367007), p. 16.
- Marie Guichoux, « Bertrand Tavernier, 57 ans. Réalisateur pédagogue, cinéphile et militant. Dernier film : « Ça commence aujourd'hui ». La lutte filmale », Libération, (lire en ligne).
- Jean-Luc Douin, Tavernier, Paris, Édilig, coll. « Cinégraphiques », , 189 p. (ISBN 2-85601-185-3), p. 75–76 et Jean-Luc Douin, Bertrand Tavernier : Cinéaste insurgé, Paris, Ramsay, coll. « Ramsay poche cinéma », , 317 p. (ISBN 2-84114-813-0), p. 108.
- Olivier Corpet, « La leçon d'Aragon », La Règle du jeu, vol. 20, no 43, .
- Site analysebrassens.com, page "Album Chanson pour l'Auvergant".
- Thomas Chaline, Brassens : Une vie en chansons, Paris, Hugo Doc, , 207 p. (ISBN 978-2-7556-9218-1, lire en ligne).
- Jean-Pierre Winter, « « Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie » », dans Vous avez dit jouissance ?, Érès, (DOI 10.3917/eres.guily.2019.01.0245, lire en ligne), p. 245–257.
- Site amotscroises.fr, page "Il n’y aura plus d’amour heureux".
- « Il N'y A Pas D'amour Heureux () », sur All versions of Some musics, .
- https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/chanson-francaise/musique-georges-brassens-revisite-par-les-femmes_4819195.html / consulté le 6 avril 2024.
- Arnaud Quittelier, « Il y a 30 ans s'enregistrait l'album "A Single Woman" de Nina Simone », RTBF, (consulté le ).
- « Une histoire amoureuse de la comédie musicale en France (1/2) : De Guitry à Demy : le temps de la légèreté », La Série musicale, sur radiofrance.fr, France Culture, (consulté le ).
- DYM AND DESTROY, « Marc Ogeret - Il n'y a pas d'amour heureux (Aragon) »,
- (en) « Arsen Dedić », sur Discogs.