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Hendrickje Stoffels

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Hendrickje Stoffels
Portrait d'Hendrickje Stoffels, par Rembrandt (1655), Musée du Louvre.
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Sépulture
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Cornelia van Rijn (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Hendrickje Stoffels, aussi connue sous le nom de Hendrickje Jegers (1626 – ) est une gouvernante et marchande d'art. Elle a partagé une partie de la vie du peintre Rembrandt avec qui elle a vécu jusqu'à sa propre mort et avec lequel elle a eu une fille, Cornelia. Elle est la troisième et dernière compagne de l'artiste après la mort de son épouse, Saskia van Uylenburgh (1612-1642) et le départ de sa précédente gouvernante et compagne Geertje Dircx (1610-1656).

Elle a été le modèle de plusieurs tableaux majeurs du peintre.

Hendrickje Stoffels naît en 1626 et grandit à Bredevoort, une ville de garnison de l'Achterhoek, dans la province de Gueldre[1]. Elle est la fille de Stoffel Stoffelse (décédé en 1646) et de Mechtelt Lamberts (décédée en 1661). Son père est sergent dans la compagnie du capitaine Ploos van Amstel ainsi que veneur du château de Bredevoort ce qui lui vaut le surnom de « Jeger(s) » (chasseur). La famille vit dans une certaine aisance car, outre son salaire, Stoffels et sa femme gagnent de l'argent en prêtant de l'argent à des tiers. Hendrickje vit avec ses parents, ses trois frères et sa sœur dans la Muizenstraat, près de l'église. Ses frères, Berend et Herman, sont également soldats, tout comme son beau-frère, Jan Kersten Pleckenpoel[2].

Le père d'Hendrickje meurt très probablement en juillet 1646, victime de l'explosion de la tour à poudre de Bredevoort. En janvier 1647, après le deuil habituel de six mois, sa veuve, Mechteld Lamberts, se remarie avec un voisin, Jacob van Dorsten, veuf et père de trois jeunes enfants. À la suite du mariage de sa mère, Hendrickje semble avoir été contrainte de quitter le foyer familial et sa ville de naissance pour Amsterdam[3].

Hendrickje obtient du travail dans la maison de Rembrandt où elle semble avoir vécu à partir de 1647 environ, exerçant d'abord comme servante, puis comme gouvernante et nourrice[4]. À l'époque où Hendrickje arrive, Rembrandt traverse une période difficile après la perte de trois enfants en bas âge et le décès de son épouse Saskia. L'arrivée d'Hendrickje dans le foyer provoque le départ de sa précédente gouvernante et amante, Geertje. Hendrickje est témoin en juin 1649 de négociations entre Geertje Dircks et Rembrandt van Rijn sur le montant de la pension alimentaire due à cette dernière et signe le 1er octobre devant le notaire Laurens Lamberti une déclaration sur l'honneur en faveur de Rembrandt[2].

Au moment du départ de Geertje, Hendrickje a 23 ans. Elle devient la maîtresse du peintre. Le couple a un premier enfant en 1652 qui ne survit pas et est enterré à la Zuiderkerck[5]. En 1654, alors qu'Hendrickje est enceinte, le couple est assigné en justice par le Conseil de l'Église réformée mais ils ne se présentent pas à l'audience. Une seconde citation est adressée alors pour le 16 juillet à Hendrickje seule, mais elle refuse de comparaître[5]. Elle est alors cherchée à son domicile par les religieux du quartier et comparaît seule le 28 juillet devant le Conseil pour « vie de péché » avec Rembrandt, veuf et de 20 ans son aîné[1]. Elle reconnaît avoir vécu en concubinage avec Rembrandt et se voit interdire la communion[6]. Elle doit alors reconnaître publiquement avoir « commis les actes d’une putain avec Rembrandt le peintre »[7]. Le 30 octobre 1654, Cornelia, la fille d'Henricke Stoffel et de Rembrandt van Rijn est baptisée à la Oude Kerk d'Amsterdam. L'acte de baptême ne l'indique pas comme une enfant illégitime. Les noms de ses deux parents y sont mentionnés et Cornelia porte le nom de son père. Elle décède à Batavia avant 1685[2].

Hendrickje vit quatorze années aux côtés de Rembrandt, une époque marquée par les nombreuses difficultés financières du peintre. Tous les biographes la présentent comme une femme entièrement dévouée à Rembrandt. Elle assume plusieurs rôles au sein du foyer et dans la vie du peintre. Elle pose comme modèle, et engage ses biens propres pour l’aider. Elle est son principal soutien dans les années qui suivent sa faillite et la liquidation de ses biens[8]. En 1656, lorsque Rembrandt fait faillite et que ses biens sont inventoriés et vendus, parmi les meubles et effets personnels saisis se trouve une armoire en chêne pourvue de linge, d'argenterie et de bijoux d'une valeur de six cents florins qui s'avère appartenir à Hendrickje Stoffels. Elle réclame sa restitution et la vend, mais le produit de la vente ne suffit pas à payer toutes les dettes et l'hypothèque sur leur maison, qui est vendue en février 1658 avec une perte de deux mille florins[2].

Rembrandt et Hendrickje s'installent alors avec Titus et Cornelia au Rozengracht, dans le quartier du Jordaan. Hendrickje Stoffels et Titus van Rijn y fondent un commerce d'art et y vendent des tableaux, des dessins, des gravures sur cuivre, des gravures sur bois ainsi que des curiosités. En décembre 1660, le commerce devint officiellement une société en nom collectif dont Hendrickje Stoffels et Titus van Rijn sont associés à parts égales. Rembrandt rejoint l'entreprise en tant qu'employé bénévole, le protégeant ainsi des réclamations de ses créanciers[2].

Rembrandt et Hendrickje vivent ensemble jusqu'à la mort de cette dernière en 1663. Le 7 août 1661, elle rédige son testament. Elle désigne sa fille Cornelia comme héritière unique et Rembrandt comme tuteur. Elle l'autorise à agir selon ses volontés jusqu'à la majorité de Cornelia. En 1663, Hendrickje Stoffels meurt, probablement victime de l'épidémie de peste qui sévit à Amsterdam. Elle est enterrée à la Westerkerk le 24 juillet 1663[2].

Dans l'œuvre de Rembrandt

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Hendrickje Stoffels au bain, également connu sous le nom de Betsabé. Toile de Rembrandt, National Gallery.

L’histoire de la relation d'Hendrickje Stoffels et de Rembrandt se reflète notamment dans des œuvres telles que Bethsabée, qui reste un des chefs-d’œuvre de la peinture européenne[3].

Hendrickje apparaît dans plusieurs toiles de Rembrandt, bien qu'elle ne soit jamais explicitement identifiée. Elle est représentée dans plusieurs œuvres majeures, dont Suzanne au bain (1647), Bethsabée au bain (1654) et probablement Femme se baignant dans une rivière (1654), où transparaissent des scènes de doute et de réflexion intérieure. Certains chercheurs comme Sluijter pensent qu'il est peu probable que Rembrandt représente le visage reconnaissable de sa compagne sur des nus destinés à être vendus au public[9].

En 1654, Rembrandt peint deux tableaux Bethsabée au bain tenant la lettre de David (Musée du Louvre) et Femme se baignant dans une rivière (National Gallery, Londres)[10].

Dans Bethsabée au bain (1654, musée du Louvre)[11], Hendrickje est représentée dans une attitude de méditation et de tristesse. L’intensité dramatique de la scène est renforcée par le clair-obscur et par le traitement de la matière picturale, qui met en valeur son corps et son regard empreint de mélancolie[12]. L'historienne de l'art Svetlana Alpers a établi un parallèle entre Bethsabée et Hendrickje, évoquant des similitudes entre leur situation illégitime[13].

Bethsabée au bain tenant la lettre de David. Hendrickje Stoffels a posé pour la figure de Bethsabée.

Dans Femme se baignant dans une rivière (National Gallery, Londres)[14], le modèle, dont on suppose qu'il s'agit d'Hendrickje Stoffels[15], est montré entrant dans l’eau la chemise relevée. Cette œuvre de petit format peinte sur panneau de bois présente un caractère inachevé avec des touches de pinceau brutes mais le tableau est daté et signé, montrant que Rembrandt le considére comme une œuvre d'art complète et autonome. Les différentes tentatives d'identification du sujet n'ont pas réussi à déterminer clairement le motif exact de cette représentation qui se trouve à la frontière entre un récit biblique ou mythologique et une scène de genre.

Christian Tümpel situe ce tableau dans le contexte de la condamnation en 1654 par le Concile de l'Église calviniste de Hendrickje Stoffels, enceinte, pour avoir vécu comme une « putain » (in hoererije) avec Rembrandt[16].

Ces œuvres, qui mêlent intimité et mélancolie, témoignent de l’importance de son rôle comme modèle et de la place qu’elle occupe dans l’imaginaire pictural du peintre[7]. Certaines analyses des peintures de Rembrandt ont suggéré que Hendrickje présentait des signes inhabituels au niveau du sein gauche. Les chercheurs ont avancé diverses hypothèses, allant de maladies rares comme la mastite tuberculeuse ou le cancer du sein à une mastite liée à la périnatalité. Cependant, l’état exact de sa santé à l’époque reste inconnu[17].

Notes et références

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  1. a et b Dictionary of artists' models, Routledge, (ISBN 978-1-315-06311-9).
  2. a b c d e et f (nl) Astrid Waltmans, « Stoffels, Hendrickje (1626/1627-1663) », sur Huygens Institut, (consulté le ).
  3. a et b « Quinzaines - L'écrivain et son modèle », sur www.la-nouvelle-quinzaine.fr (consulté le ).
  4. Dictionary of artists' models, Routledge, (ISBN 978-1-315-06311-9).
  5. a et b Jean Laran, Rembrandt, Paris, Hachette, (lire en ligne), p. 39.
  6. A corpus of Rembrandt paintings IV: self portraits, Springer, (ISBN 978-1-4020-4441-0).
  7. a et b Clémentine Gustin-Gomez, « Le regard amoureux du peintre », Libres cahiers pour la psychanalyse, vol. 25, no 1,‎ , p. 133–141 (ISSN 1625-7480, DOI 10.3917/lcpp.025.0133, lire en ligne, consulté le ).
  8. Claude Louis-Combet, Bethsabée, au clair comme à l'obscur, Éditions Corti, coll. « Domaine français », (ISBN 978-2-7143-1136-8).
  9. Lisa Rosenthal, « Eric Jan Sluijter. Rembrandt and the Female Nude (review) », Renaissance Quarterly, vol. 60, no 4,‎ , p. 1379–1380 (ISSN 0034-4338 et 1935-0236, DOI 10.1353/ren.2007.0465, lire en ligne, consulté le ).
  10. Louvre- Ravioli, « La belle écorchée de Rembrandt », sur Beaux Arts, (consulté le ).
  11. Harmensz van Rijn Rembrandt et Pays-Bas, Bethsabée au bain tenant la lettre du roi David, (lire en ligne).
  12. « Rembrandt et Bethsabée - Si l'art était conté... », sur www.httpsilartetaitconte.com, (consulté le ).
  13. Gallerix, « Bethsabée tenant la lettre du roi David, Rembrandt: interprétation, analyse », sur Gallerix.ru (consulté le ).
  14. « Rembrandt | A Woman bathing in a Stream (Hendrickje Stoffels?) | NG54 | National Gallery, London », sur www.nationalgallery.org.uk (consulté le ).
  15. (en) « Rembrandt's 'A Woman bathing in a Stream' at The National Gallery in London | Art UK », sur artuk.org (consulté le ).
  16. (en-US) « Against the Mirror: Indeterminacy and the Poetics of Painting in Rembrandt’s Woman Bathing in a Stream », sur Journal of Historians of Netherlandish Art (consulté le ).
  17. « Diagnostiquer à partir d'une peinture... », sur Agence Science-Presse (consulté le ).

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