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Hans le Malin

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Hans le malin
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Lieu de naissance
Date de décès
Propriétaire

Hans le Malin (en allemand : Kluger Hans) est un cheval, élevé en Allemagne au début du XXe siècle. Considéré comme ayant une « intelligence supérieure », il devient célèbre dans toute l'Europe et met la communauté scientifique de l'époque en émoi. Ce cheval semble, en effet, pouvoir répondre à toutes sortes de questions : « En tapant du sabot, Hans était capable d'additionner, de soustraire, de multiplier et de diviser. Hans pouvait épeler, lire, et résoudre des problèmes d’harmonie musicale »[1]. Son premier propriétaire, Wilhelm von Osten, l'éduque au calcul et à la lecture en toute bonne foi. Face à la controverse suscitée par la réalité de l'intelligence de Hans, plusieurs scientifiques étudient son cas.

Oskar Pfungst, un psychologue allemand qui a enquêté sur le cas de Hans, finit par découvrir le phénomène appelé en psychologie « phénomène Hans le Malin », « effet Hans le Malin » ou encore « effet Clever Hans » (en anglais : Clever Hans phenomenon ou Clever Hans effect). Hans ne possède pas de capacité particulière en calcul ou en lecture. Il interprète des signaux corporels envoyés inconsciemment par son maître ou par les personnes qui l'interrogent. Le cas de « Hans le Malin » suscite toujours un intérêt particulier, notamment parmi les psychologues.

Description

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Le nom original de Hans le Malin est allemand, Kluger Hans. Il est plus connu sous la forme anglaise de son nom, Clever Hans[2], qui pourrait se traduire en français par « Hans le Perspicace ». Ce cheval est cependant essentiellement connu sous le nom de « Hans le Malin » en langue française.

Si plusieurs sources s'accordent pour dire que Hans est un étalon, les données relatives à sa race et à son origine diffèrent. Il est décrit comme un Trotteur Orlov né en 1895 dans un article scientifique de 2013[3], mais d'autres sources indiquent qu'il s'agissait d'un Pur-sang arabe[4],[Note 1]. Il est parfois qualifié de cheval polonais[5], ou plus fréquemment d'« étalon Pur-sang arabe russe »[6],[7]. Il a une robe noire, avec une marque en tête et des balzanes blanches aux membres postérieurs[7].

Concernant ses aspects psychologiques, différents récits d'époque indiquent que Hans est d'un caractère difficile et « déteste se tromper »[8]. Lors des séances de test sur son intelligence menées par Oskar Pfungst, il va jusqu'à mordre et frapper le psychologue lorsqu'il n'est pas en mesure de donner la bonne réponse[9],[8]. Il est probable que le désintérêt soudain éprouvé à l'égard du cheval par son premier propriétaire Wilhelm von Osten, une fois la théorie de sa supposée intelligence supérieure abandonnée, soit à l'origine du comportement difficile de l'étalon[8].

Éducation et présentation de Hans au public

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Photo en noir et blanc présentant une cour où des hommes et des femmes en chapeaux entourent un cheval.
Hans le Malin en représentation.
Dessin à l'encre représentant un cheval de profil face à un homme, un public nombreux en arrière-plan.
Coupure de presse consacrée à Hans le Malin dans le Berliner Morgenpost.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Wilhelm von Osten, un ancien professeur de mathématiques dans un gymnasium de Berlin, décide de faire l'éducation de trois animaux : un chat, un ours et son cheval nommé « Hans ». Il croit en effet que les animaux gagneraient à être éduqués comme les êtres humains. Rapidement, il abandonne l'expérience pour le chat et l'ours[9]. Von Osten, gentleman aux « goûts plutôt excentriques mais ne courant pas après la notoriété », est persuadé que son cheval est doté d'une intelligence conceptuelle[10]. Il entreprend donc d'éduquer Hans selon les méthodes traditionnelles d'apprentissage du calcul et de la lecture[11]. Après quatre années d'apprentissage, Hans, bientôt surnommé « le Malin », semble « réellement doué d'une intelligence supérieure[12] » : il donne l'impression de savoir compter, calculer, reconnaître les couleurs et répondre par « oui » ou par « non » à des questions, grâce à ses mouvements de tête ou en tapant du sabot sur le sol[13]. Il paraît même capable de lire, d'épeler et d'identifier des notes de musique lorsque les questions sont préalablement converties en nombres. Von Osten commence peut-être à présenter son cheval au public à la fin des années 1890[6], mais la première apparition publique répertoriée a lieu en 1900[14] ou en 1904[9], selon différentes sources. Le succès est rapide : une foule de visiteurs se rassemble chaque jour dans la cour intérieure de l'immeuble de la rue Griebenow à Berlin où vit W. von Osten, pour assister aux séances de travail de Hans. Le cheval défraie la chronique jusque dans les milieux scientifiques et suscite de nombreuses polémiques[15]. Sa réputation s'étend bientôt de l'Allemagne à toute l'Europe, puis aux États-Unis[16]. Hans le Malin est le premier cheval chez lequel l'opinion populaire envisage une intelligence réelle[17]. Il est aussi le premier et le plus fameux des animaux « pensants »[3].

Apprentissage de Hans

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Portrait en noir et blanc d'un homme avec une barbe blanche et un chapeau aux bords larges.
Wilhelm von Osten, le premier propriétaire de Hans.
Photo en noir et blanc d'une cour d'immeuble, un cheval avec son propriétaire se trouvant au bas à droite de la photo, une femme et des enfants se tenant dans la cour, et trois hommes se tenant en haut des marches d'escalier.
Hans dans la cour avec Wilhelm von Osten et des voisins.

W. von Osten a donc éduqué Hans durant quatre ans. Au terme de ces quatre années, il semble avoir réussi, en utilisant les méthodes éducatives traditionnelles de l'apprentissage du calcul et de la lecture, à faire de son cheval un expert dans ces matières[11]. Selon ce qu'il souhaite enseigner à Hans, W. von Osten va procéder de différentes façons[18] :

• Pour travailler l'arithmétique, il utilise principalement un ensemble de grandes quilles en bois et un ensemble de plus petites, une sorte de boulier compteur, un tableau sur lequel sont collés des nombres de 1 à 100, et enfin de grands chiffres en laiton suspendus à une corde.

• Pour le travail de la lecture, W. von Osten utilise un grand tableau noir où il inscrit des lettres et les retranscrit en chiffres suivant la place qu'elles occupent dans l'alphabet.

• Pour les tonalités, il utilise un petit orgue d'enfant avec une échelle diatonique naturelle allant du do grave au do aigu.

• Enfin, pour l'apprentissage des couleurs, ce sont des chiffons colorés qui sont utilisés.

Par ailleurs, W. von Osten lui apprend également quatre actions de base : le grattage du sol avec le sabot ; le hochement de tête horizontal (pour dire « non ») ou vertical (pour dire « oui ») ; et enfin, le ramassage de morceaux de tissus au sol[16].

Du reste, il remarque bien vite que son élève semble faire preuve d'une intelligence surprenante, ce qui le convainc que les chevaux ne présentent ordinairement pas de signes d'intelligence parce que leurs propriétaires ne prennent pas le temps de les éduquer. Il porte donc une grande attention à Hans, comme s'il s'agissait d'un étudiant humain[16]. W. von Osten applique, en outre, la méthode du renforcement positif pour éduquer Hans : « Jamais un coup de fouet, seulement des récompenses »[19]. Il ne se fâche pas et conduit l'éducation de Hans en le félicitant grâce à des friandises. Enfin, remarquant que celui-ci s'arrête de gratter du pied lorsqu'il se relève brusquement, il évite tout mouvement brusque lors de ses séances de travail avec Hans[20]. Peu à peu, il cesse le recours aux friandises lorsque Hans donne une bonne réponse[21].

Début de la controverse

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La polémique autour de Hans aurait véritablement commencé avec la parution d'un article dans le journal Weltspiegel, le . Le général major Zobel rédige un article intitulé : « Das lesende und rechnende Pferd » (« Le cheval lisant et calculant ») dans lequel il raconte les exploits de Hans et de son maître. Par la suite, d'autres journaux font de même et contribuent à asseoir la réputation du cheval. Les foules se pressent chez W. von Osten, chacun souhaite assister aux prouesses de Hans. Des scientifiques viennent à Berlin depuis toute l'Europe (le cheval et son maître effectuent des démonstrations très suivies dans cette ville[14]) pour le voir. « Hans le Malin » est au cœur des débats de l'époque. Une multitude de théories sont avancées concernant ses incroyables compétences : certains sont convaincus des capacités du cheval, d'autres sont persuadés qu'il y a fraude, d'autres encore évoquent des explications farfelues ou parapsychologiques comme l'impact des rayons N découverts par le physicien René Blondlot une année auparavant, ou l'influence magnétique de l'humain sur l'animal[22]. Rudolf Steiner envisage même que les pensées de l'humain puissent passer de manière télépathique au cheval[23]. Von Osten soutient publiquement que son cheval dispose des mêmes facultés intellectuelles qu'un enfant de 14 ans[24].

La controverse est telle que le Conseil de l'Éducation de Berlin décide, à la demande de W. von Osten lui-même[25], de créer une commission. Le , la « commission Hans » se réunit pour la première fois dans la cour intérieure du numéro 10 de la rue Griebenow dans le nord de Berlin[22],[26].

Découvertes psychologiques

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Dès lors, Hans devient un sujet d'étude scientifique, pour permettre d'identifier l'origine de ses capacités. C'est la première fois dans l'Histoire que des méthodes expérimentales sophistiquées sont employées pour tester un animal[27].

Première commission

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La « commission Hans » est composée de treize personnalités venues d'horizons très différents. On y retrouve notamment le directeur de l'Institut de psychologie de Berlin, Carl Stumpf, le zoologiste Oskar Heinroth, un vétérinaire, plusieurs officiers de cavalerie, et un certain Paul Busch qui est directeur de cirque. Chacun d'eux a pour tâche d'évaluer les compétences de Hans. L'examen dure deux jours, les 11 et , au cours desquels Hans est observé et soumis à une série d'épreuves d'arithmétique et de lecture. Au terme de ces deux jours, la commission est obligée d'admettre qu'il n'y a pas fraude : le cheval répond aussi en l'absence de son maître, il accepte de répondre à des membres de la commission et le fait le plus souvent sans se tromper. Cependant, les membres de la commission restent prudents et concluent dans leur rapport du que les performances de Hans ne peuvent pas être attribuées à une simple fraude, qu'il n'y a « jusqu'à présent » aucun « truc » de dressage connu mais que le cas de « Hans le Malin » mérite qu'on s'y intéresse davantage[22],[26].

Intervention d'Oskar Pfungst

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Malgré l'appel à la prudence des membres de la commission et en particulier de Carl Stumpf, la parution du premier rapport, loin de calmer les choses, ne fait que raviver la polémique : les uns accusent la commission d'avoir été trop naïve et incompétente ; les autres voient en Hans la preuve d'une intelligence supérieure chez l'animal, un argument en faveur de l'efficacité des méthodes éducatives traditionnelles ou encore le signe de l'existence de phénomènes parapsychologiques. Le , un nouveau rapport est publié. Il met fin à la controverse. Quelques jours après la parution du premier rapport, Carl Stumpf charge l'un de ses collaborateurs à l'Institut de Psychologie, Oskar Pfungst, de mener un complément d'enquête concernant l'« affaire Hans »[22].

Oskar Pfungst et Carl Stumpf, à l'aide d'une méthodologie expérimentale rigoureuse, tentent de découvrir le secret des talents de Hans[1]. Pour cela, ils soumettent le cheval à une série de tests[28] :

Photo en noir et blanc présentant la tête d'un cheval avec des œillères, le nez par terre devant des cartons avec des chiffres dessus.
En raison des doutes sur ses compétences, Hans est notamment testé avec des œillères.
  1. isoler Hans ainsi que celui qui l'interroge de tout autre spectateur ;
  2. utiliser d'autres personnes que W. von Osten pour interroger Hans ;
  3. faire en sorte que Hans ne voie pas celui qui le questionne ;
  4. et enfin, faire en sorte que ni le cheval, ni l'interrogateur ne connaissent la réponse à la question posée.

La dernière technique donne naissance à la méthode dite « sans connaissance », aujourd'hui appelée « méthode en aveugle » voire en « double ou triple aveugle ». Le principe étant que ni celui qui répond, ni celui qui questionne ne connaissent la réponse. Il s'agit d'une parade utilisée en expérimentation qui vise à contrôler l'« effet expérimentateur » développé plus tard par le psychologue Robert Rosenthal. Et c'est précisément à cette épreuve que Hans échoue[29],[30].

En effet, Oskar Pfungst constate que Hans répond à d'autres personnes que son maître et qu'il le fait généralement sans se tromper mais il remarque également que dans certaines situations, le cheval n'est plus du tout intelligent[1],[30] :

  1. quand il ne voit pas son interrogateur ;
  2. quand la distance avec ce dernier augmente ;
  3. et enfin, quand le questionneur ne connaît pas lui-même la réponse à la question.

Pfungst en déduit que le questionneur doit, d'une façon ou d'une autre, dans son comportement, signaler à Hans quand il doit commencer ou quand il doit arrêter de taper du sabot. Il publie les conclusions de ses recherches dans un ouvrage paru en 1907, Clever Hans, The Horse of Mr. von Osten[14].

Fin de la controverse

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Une observation approfondie permet rapidement de conclure que si l'interrogateur incline la tête, Hans commence à frapper du sabot ; s'il redresse la tête, Hans s'arrête ; et plus la tête du questionneur est penchée, plus Hans frappe vite. Oskar Pfungst constate également que le cheval utilise d'autres informations telles que la dilatation des pupilles ou des narines de celui qui l'interroge, et des indices auditifs[1],[30]. Ainsi, « il s'est avéré que Hans le Malin était intelligent, pas en mathématiques mais dans l'apprentissage du langage du corps des gens et dans l'utilisation de ces signaux très subtils pour obtenir des récompenses »[31]. Cependant, la manière exacte dont il s'y prend pour décrypter ces signaux reste un mystère[32].

Un autre aspect important de la découverte d'Oskar Pfungst est que les questionneurs sont inconscients des indices subtils qu'ils transmettent. W. von Osten est donc bien convaincu de l'intelligence de son cheval et c'est en toute bonne foi qu'il la défend[33]. Avec la publication des travaux de Pfungst, la question des capacités de Hans est désormais considérée comme étant résolue dans le milieu scientifique[34]. Lorsqu'il devient pour lui évident que son cheval ne dispose pas d'une intelligence conceptuelle, W. von Osten, qu'on dit parfois irascible et lunatique, semble en vouloir à Pfungst et également à Hans, considérant que ce dernier l'a trompé. C'est probablement pour cette raison qu'il vend son cheval à Karl Krall, bijoutier d'Elberfeld. W. von Osten meurt peu de temps après[35],[36].

Une seconde gloire de courte durée

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Photo en noir et blanc représentant un homme en costume tenant en main de part et d'autre deux chevaux en licol.
Karl Krall et ses deux autres chevaux, Muhamed et Zarif, en 1908.

Karl Krall, malgré les découvertes de Pfungst, reste convaincu de l'intelligence de Hans et estime que l'analyse de ce dernier est injuste envers le cheval. Il reprend l'éducation de Hans en tenant compte du fait que les grands nombres peuvent le lasser, en raison du nombre de coups de sabot nécessaires. Il apprend au cheval à frapper d'un pied particulier pour différencier les dizaines des unités, mais Hans n'est plus aussi coopératif qu'auparavant. Il va jusqu'à entraîner Hans afin que celui-ci puisse répondre dans l'obscurité et obtient des résultats similaires à ceux obtenus en pleine lumière. Il le présente à nouveau à la foule afin de montrer ses progrès et le cheval renoue avec la gloire. Krall, estimant que Hans est peut-être trop vieux et lassé de ses exhibitions, achète deux autres chevaux, Muhamed et Zarif ; l'un spécialisé en arithmétique, l'autre en lecture. Ils deviennent bientôt « les trois fameux chevaux d'Elberfeld »[37],[38],[36].

Bien que le « phénomène Hans le Malin » soit passé à la postérité en psychologie, Hans, pour sa part, n'a pas vécu une fin très heureuse. Les détails de sa mort restent imprécis, mais il semble que Hans ait été mobilisé pour la Première Guerre mondiale en 1914, et soit devenu un cheval militaire. En 1916, il est tué pendant une action militaire, et peut-être consommé par des soldats affamés[3].

D'autres animaux « intelligents » à cette époque

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À l'époque de Hans, d'autres animaux « intelligents » sont présentés au public dans le cadre de démonstrations et de spectacles (la présentation de tels animaux au public est même un fait connu depuis des siècles)[2]. C'est le cas notamment de « Rosa », la jument du music-hall de Berlin, qui réalise des performances similaires à celles de Hans. Il y a aussi un chien particulièrement intelligent à Utrecht, un cochon qui lit à Londres, ou encore Lady Wonder, la jument qui peut converser mais aussi prévoir l'avenir et donner des conseils financiers. Bien que ces cas ressemblent fort à celui de Hans, il ne s'agit pas du tout du même phénomène[39],[1],[40].

Tout d'abord, Hans ne constitue pas une source de revenus pour W. von Osten, contrairement aux autres animaux dont les maîtres tirent profit[41]. Ensuite, chez ces animaux, on distingue clairement des « trucs » de dressage, ce qui n'est pas le cas de Hans. Non seulement, lorsque W. von Osten envoie des signaux subtils à son cheval, il le fait inconsciemment ; mais en plus, avant l'arrivée de Pfungst, aucun observateur averti n'a été capable de détecter ces signaux[42]. Les autres animaux intelligents sont en fait « des acteurs bien dressés et à qui naturellement les entraîneurs donnaient délibérément des indications »[1].

Le débat sur la conscience animale ravivé

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Le cas de Hans le Malin suscite de nombreuses polémiques à son époque. L’une des raisons principales est que Hans se trouve au cœur d’un débat concernant la conscience animale. Avec son entrée sur la scène scientifique et en particulier en psychologie, il a relancé une très vieille question : « Les animaux possèdent-ils une conscience, et est-elle comme la conscience humaine ? »[43]. Hans, avec ses compétences incroyables, pouvait potentiellement fournir une réponse à cette question. L’intervention de Pfungst n’a pas permis de trouver une réponse à cette question, qui reste ouverte.

Impact culturel et héritage

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Cheval noir touchant avec sa bouche la tête d'un homme moustachu.
Les études plus récentes envisagent un lien empathique entre Hans et son maître (ici, Karl Krall).

Hans le Malin laisse un héritage important, tout particulièrement en ce qui concerne l'histoire de la psychologie[44]. En 1981, l'académie des sciences de New York consacre une conférence entière à ce cheval. Le chercheur suisse Heini K. P. Hediger estime que « si Hans le Malin était encore en vie, il se sentirait sans doute très honoré ». Un très grand nombre de gens, y compris des scientifiques reconnus du début du XXe siècle, ont cru (et continuent à croire) que Hans était capable de penser et d'exprimer des idées comme les humains[45]. De nos jours encore, certaines publications para-scientifiques envisagent une possibilité de communication télépathique entre l'humain et le cheval[46].

Les découvertes scientifiques au sujet de Hans ont évolué au cours du temps, pour finir par s'orienter (2014) sur la théorie d'une « sensibilité extrême »[47]. Les recherches ont suggéré que les chevaux sont capables de compter jusqu'à 4, et possèdent une grande sensibilité aux signaux corporels, qu'ils décryptent dans la nature pour communiquer avec d'autres chevaux[17]. Le scientifique italien Paolo Baragli réalise une étude qui tend à démontrer l'existence d'un lien empathique et émotionnel entre l'humain et le cheval. Il en conclut que ce lien explique en partie pourquoi Hans a réalisé ses performances sans obtenir ni espérer de friandise en récompense, estimant que le cheval est sensible à l'angoisse de son maître, et exprime d'autant plus d'émotions que ce dernier est lui-même nerveux[48].

L'effet Hans le Malin

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En psychologie, l'histoire de Hans a permis de découvrir le phénomène appelé depuis l'« effet Hans le Malin ». L'histoire de Hans nous « démontre fort bien comment une partie de notre comportement peut échapper entièrement à l'introspection et même à l'observation[33]. » En effet, Pfungst a découvert que W. von Osten et les autres interrogateurs produisaient involontairement et inconsciemment des mouvements corporels qui étaient perçus par le cheval, et qui l'influençaient dans son propre comportement. Mais l'effet Hans le Malin peut tout aussi bien se produire entre des humains : Pfungst a lui-même pris le rôle de Hans (en tapant du poing sur la table) et a obtenu des résultats similaires[1]. Ainsi, ce phénomène désigne le fait que nos attentes peuvent constamment influencer le comportement d'autrui (et inversement) par le biais de signaux subtils et inconscients que nous sommes susceptibles de transmettre à l'autre (ou de recevoir de la part de l'autre).

Outre son intérêt psychologique évident, ce phénomène a eu une influence considérable sur la psychologie et en particulier sur la psychologie expérimentale. En effet, appliqué à la psychologie expérimentale, l'effet Hans le Malin met en évidence la façon dont les attentes de l'expérimentateur peuvent influencer involontairement la performance des sujets[33]. Ce type de biais est d'ailleurs développé plus tard par Robert Rosenthal sous le nom d'effet expérimentateur[49].

Ainsi, la psychologie expérimentale (tant celle appliquée aux animaux que celle appliquée aux humains) tente par la suite de maîtriser au maximum cet effet de l'expérimentateur. Plusieurs techniques permettant de contrôler ce biais sont dès lors mises en place. C'est, par exemple, le cas de la méthode en double aveugle et des tests par ordinateur. Néanmoins, cela n'a pas eu que des conséquences positives car l'utilisation d'une méthodologie trop stricte peut avoir des effets néfastes sur la recherche[50],[51] (par exemple, éviter le contact avec l'animal pour ne pas l'influencer alors que c'est précisément dans ce contact qu'il y a des choses intéressantes à observer).

Références culturelles

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L'histoire de Hans le Malin est citée dans le roman de Meg Rosoff et Valérie Le Plouhinec, Au bout du voyage. L’héroïne de ce roman, Mila, est une jeune fille de 12 ans exceptionnellement douée pour décrypter le monde qui l'entoure, ressentir des émotions passées et deviner les non-dits, tout comme Hans[52].

Maurice Maeterlinck, dans son essai intitulé L'Hôte inconnu, raconte également sa visite à Elberfeld et sa rencontre avec Karl Krall ainsi que ses chevaux. Il décrit avec précision les expériences qu'il a vues. Il rend brièvement visite à Hans le Malin qu'il décrit comme un cheval déjà trop vieux pour ce genre de tours.

Dans Woyzeck (1979), Werner Herzog met en scène un cheval inspiré de Hans le Malin : le personnage principal, interprété par Klaus Kinski, sa compagne et leur fils assistent à un numéro de cirque dans lequel un cheval répond à des questions mathématiques de base.

Franz Kafka écrit en 1914 la nouvelle Les Chevaux d'Elberfeld, parue au sein du recueil Blumfeld, un célibataire plus très jeune.

Notes et références

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  1. Ces deux races sont très proches, le trotteur Orlov étant en grande partie issu du Pur-sang arabe, ce qui pourrait expliquer la confusion.

Références

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  1. a b c d e f et g Rosenthal 1970, p. 39.
  2. a et b Leblanc 2013, p. 28
  3. a b et c Samhita et Gross 2013, p. 2
  4. Lesté-Lasserre 2014, p. 42
  5. Rodgers Jr. 2007, p. 85
  6. a et b Seel 2012, p. 552.
  7. a et b (en) Wolfgang G. Bringmann et Helmut E. Lück, « Clever Hans : Fact or Fiction? », dans A pictorial history of psychology, Quintessence Pub., (ISBN 0867152923 et 9780867152920), p. 77.
  8. a b et c Lesté-Lasserre 2014, p. 42-43.
  9. a b et c Richard Wiseman, « La vérité sort toujours de la bouche du cheval », dans Petites expériences extra-sensorielles - Télépathie, voyance, hypnose...: Le paranormal à l'épreuve de la science, Dunod, coll. « Oh, les Sciences ! », (ISBN 210057955X et 9782100579556, lire en ligne).
  10. Johnson 1911, p. 664.
  11. a et b Despret 2004, p. 13.
  12. Dehaene 2010, p. 18.
  13. Bouissou 2003, p. 55.
  14. a b et c Hillix et Rumbaugh 2013, p. 2.
  15. Despret 2004, p. 14.
  16. a b et c Bouissou 2003, p. 56.
  17. a et b Lesté-Lasserre 2014, p. 43
  18. Pfungst 1911, p. 246.
  19. Despret 2004, p. 25.
  20. Bouissou 2003, p. 58.
  21. Boakes 1984, p. 80.
  22. a b c et d Despret 2004, p. 11-23.
  23. Rudolf Steiner, Bees, SteinerBooks, , 222 p. (ISBN 0-88010-457-0 et 9780880104579, lire en ligne), p. 57-59.
  24. Seel 2012, p. 553.
  25. C'est apparemment W. von Osten qui demanda au Conseil de l'Éducation de Berlin d'intervenir pour mettre fin à toute suspicion de fraude et « sauver son honneur » (voir Despret 2004, p. 15). Mais la controverse était telle que certains dirent que l'empereur Guillaume II lui-même mandata la « commission Hans le Malin » (voir Piéron 1913, p. 219).
  26. a et b Cleeremans, p. 2.
  27. Boakes 1984, p. 78
  28. Pereira 2009, p. 35
  29. Despret 2004, p. 18-23.
  30. a b et c Cleeremans, p. 3-4.
  31. Ladewig 2007, p. 20.
  32. Boakes 1984, p. 79
  33. a b et c Cleeremans, p. 4.
  34. de Gourmont 1912.
  35. Despret 2004, p. 133.
  36. a et b Piéron 1913, p. 219.
  37. de Gourmont 1912 (On trouvera un autre récit en français de cette affaire dans René Taton, Le calcul mental, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je », , « Psychologie et pédagogie », p. 110)
  38. Despret 2004, p. 134
  39. Despret 2004, p. 15
  40. Rosenthal, 1911/1965 ; cité par Boysen et Capaldi 2014, p. 117
  41. Boysen et Capaldi 2014, p. 117
  42. Despret 2004, p. 15-16
  43. Pfungst 1911, p. 15
  44. Boysen et Capaldi 2014, p. 111-112
  45. Hediger 1981, p. 1
  46. Parmi une myriade d'ouvrages non-scientifiques sur le sujet, on peut consulter Richard Webster, « The noble horse », dans Is Your Pet Psychic?: Developing Psychic Communication with Your Pet, Llewellyn Worldwide, (ISBN 0738703753 et 9780738703756), qui cite le cas Hans dans un chapitre à propos de l'intelligence du cheval, suivi de conseils pour développer les possibilités de communication télépathique avec cet animal.
  47. Lesté-Lasserre 2014, p. 41
  48. Lesté-Lasserre 2014, p. 44
  49. Rosenthal 1970, p. 43-45
  50. Boysen et Capaldi 2014
  51. Dehaene 2010
  52. Meg Rosoff et Valérie Le Plouhinec, Au bout du voyage, Albin Michel, , 272 p. (ISBN 978-2-226-31199-3 et 2-226-31199-8, lire en ligne), p. 16-17.

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Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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Articles de recherche

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  • [Cleeremans] Axel Cleeremans, « Hans le Malin: Les sciences cognitives à la croisée des chemins », dans Rencontres en Psychologie, Bruxelles, Éditions de l'Université libre de Bruxelles (lire en ligne)
  • [Hediger 1981] (en) Heini K. P. Hediger, « The Clever Hans Phenomenon from an Animal Psychologist's Point of View », Annals of the New York Academy of Sciences, vol. 364,‎ , p. 1-17 (lire en ligne)
  • [Johnson 1911] (en) Harry Miles Johnson, « Reviews and Abstracts of Litterature », Journal of Philosophy, Psychology and Scientific Methods, vol. 8, no 24,‎ , p. 663-666 (lire en ligne, consulté le )
  • [Ladewig 2007] (en) Jan Ladewig, « Clever Hans is still whinnying with us », Behavioural Processes, vol. 76,‎ , p. 20-21
  • [Marshall et Linden 1994] (en) Michael J. Marshall et David R. Linden, « Simulating Clever Hans in the Classroom », Teaching of Psychology, vol. 21, no 4,‎ , p. 230-232
  • [Morice 2005] Alain Morice, « Le cheval et l'alouette: Variations pour Althabe sur le thème de l’implication », Journal des anthropologues, nos 102-103,‎ , p. 503-529 (lire en ligne, consulté le )
  • [Piéron 1913] Henri Piéron, « Le problème des animaux pensants », dans L'année psychologique, vol. 20, (lire en ligne), p. 218-228
  • [Rosenthal 1967] (en) Robert Rosenthal, « Unintended Communication of Interpersonal Expectations », The American Behavioral Scientist, vol. 10, no 8,‎ , p. 24
  • [Rosenthal 1970] Robert Rosenthal, « Le préjugé du maître et l'apprentissage de l'élève », Revue française de pédagogie, vol. 13,‎ , p. 38-49 (lire en ligne, consulté le )
  • [Samhita et Gross 2013] (en) Laasya Samhita et Hans J. Gross, « The « Clever Hans Phenomenon » revisited », Communicative & Integrative Biology, vol. 6, no 6,‎ (lire en ligne, consulté le )

Articles de presse

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  • [de Gourmont 1912] Rémy de Gourmont, « Les chevaux qui pensent », La Dépêche de Toulouse,‎ , p. 1 (lire en ligne, consulté le )
  • [Bouissou 2003] Marie-France Bouissou, « Hans, le cheval « intelligent » », Cheval Magazine, no 380,‎ , p. 55-58
  • [Lesté-Lasserre 2014] Christa Lesté-Lasserre, « Hans le malin ou Hans le sensible ? », Cheval Magazine, no 508,‎ , p. 41-43