Hannelore Cayre

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Hannelore Cayre
Hannelore Cayre en 2020.
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Hannelore Cayre est une romancière, scénariste et réalisatrice française, née le à Neuilly-sur-Seine[1]. Elle est également avocate pénaliste au barreau de Paris.

Biographie

Après des études de droit, Hannelore Cayre exerce en tant que directrice financière à France 3 Cinéma jusqu’en 1991. Elle se remet d’un grave accident de voiture jusqu’en 1997, date à laquelle elle prête serment au barreau de Paris en tant qu’avocate pénaliste. Ce métier lui inspire l’écriture de son premier livre en 2004. Elle écrit depuis.[2]

Parcours de l'œuvre

Alors qu’elle est avocate pénaliste au barreau de Paris, Hannelore Cayre commence sa carrière d’écrivain avec une trilogie mettant en scène Christophe Leibowitz-Berthier, un avocat cynique prêt à tout pour vivre des aventures extravagantes plutôt que de se résoudre à son destin absurde de défenseur de petites frappes. Chez lui, la transgression n’est pas tant motivée par l’appât du gain que par une nécessité existentielle. Dans Commis d’office publié en 2004, Christophe Leibowitz collabore avec un avocat malhonnête pour faire évader un détenu grâce à un plan rocambolesque. Dans Toiles de maître publié en 2005, il part à la recherche d’un tableau d’une valeur inestimable volé par hasard par l’un de ses clients à un riche collectionneur recelant des biens spoliés aux juifs pendant la guerre. Enfin dans Ground XO paru en 2007, il hérite d’une marque de cognac en déshérence qu’il tente de relancer grâce à sa clientèle pénale et un plan marketing audacieux prenant pour cible les rappeurs français.

C’est en 2009 qu’elle réalise son premier long métrage Commis d’Office qui, sur fond de l’histoire du premier opus, reprend différents éléments de la trilogie tout entière. Les personnages principaux y sont redessinés, notamment Christophe Leibowitz qui devient dans le film Antoine Laoud interprété par Rochdy Zem, un avocat un tantinet plus désabusé et sombre que l’original. Le ton du film est également plus mélancolique.

C’est dans cette période qu’elle collabore à la revue XXI et signe trois reportages. Dans « Au bonheur de la rue des rigoles » (XXI numéro 8, - Automne 2009)[3] elle décrit une société de domiciliation du Xe arrondissement de Paris où se rencontrent dans un multiculturalisme joyeux et émouvant tout ce que Paris compte en auto-entrepreneurs issus de l’immigration. Dans « Un rêve de vieilles dames » (XXI numéro 14 - printemps 2011)[4] elle expose le projet politique de la féministe Thérèse Clerc de construire une forme nouvelle de maison de retraite autogérée où les vieilles dames n’attendraient pas passivement la mort, mais aideraient le quartier en partageant leurs savoirs avec les plus défavorisés. Enfin dans « Les enfants d’Auroville » (XXI numéro 16 - Automne 2011)[5], elle raconte son voyage dans la cité d’Auroville en Inde où, depuis soixante ans, vivent des personnes venues des quatre coins du monde réunies autour d’un projet politique et spirituel utopique. Ce voyage lui inspirera un des décors de Richesse oblige qu’elle écrira plus tard en 2020.

En 2012 elle publie Comme au cinéma - Petite fable judiciaire qui raconte l’association improbable d’un avocat et d’une star de cinéma, tous deux en fin de carrière et dépressifs, pour défendre dans un procès de seconde zone un jeune braqueur de banque qui risque injustement la perpétuité.

En 2017 paraît La Daronne qui met en scène une traductrice judiciaire se servant de son métier pour détourner des tonnes de drogues qu’elle va revendre en montant un business au fonctionnement ingénieux et surprenant. Best-seller traduit dans plusieurs langues, le livre gagne de nombreux prix dont le prix du polar européen et le grand prix de la littérature policière. Le réalisateur Jean-Paul Salomé adapte le roman au cinéma avec Isabelle Huppert dans le rôle principal. Hannelore Cayre en signe avec lui le scénario.

En 2020 sort Richesse oblige, premier livre dont l’intrigue n’est pas cette fois d’inspiration judiciaire : une femme handicapée depuis un accident de voiture prend conscience qu’elle fait partie de la descendance d’une famille fortunée qui depuis le XIXe siècle commet les pires horreurs pour s’enrichir. En aidant à l’élagage des branches pourries qui composent son arbre généalogique, elle pourrait hériter de cet argent. Le livre alterne la narration entre un Paris de la fin du XIXe siècle où se déroule guerre et révolution prolétarienne et le Paris d’aujourd’hui qui se révèle étrangement similaire sur beaucoup d’aspect.

La même année, elle s’essaye pour la première fois à la science fiction avec Malossol Beach, une bande dessinée mise en image par le dessinateur Valty. Elle raconte les péripéties d’un couple de prolétaires spatiaux (un mineur d’astéroïde et une prostituée) invités sur une planète paradisiaque où se regroupe toute la bourgeoisie dégénérée de l’univers afin d’y façonner une œuvre d’art mystérieuse. Bien qu’a priori loin des habitudes de polar réaliste de l’auteure, cette bande dessinée met en scène tous ses thèmes de prédilection. La science fiction n’y est qu’une manière symbolique de faire une critique acerbe de la société actuelle. Malossol Beach est édité dans une micro maison d’édition, La Valtynière, fondée par le dessinateur lui-même.

Thèmes de l'œuvre

La transgression de la morale contemporaine

Chacune des histoires d’Hannelore Cayre met en scène la transgression d’une bien pensance montrée avec satire comme infondée et absurde.

Si autant de romans se déroulent dans le milieu judiciaire, c’est que dans la société d’aujourd’hui, les lois sont l’incarnation explicite de la morale, une ratification du bien et du mal. Ainsi, l’avocat pénaliste de la trilogie Commis d’office est par essence l’antagoniste de la moral judiciaire car son métier est de défendre ceux à qui l’on reproche les méfaits. Mais il ne se plie pas non plus à la déontologie de la profession: il transgresse les prescriptions de son ordre comme un cancre refuse l’autorité du professeur[6]

« Je suis une personne qui réfléchit non pas avec son esprit mais avec son mauvais esprit. Le métier d'avocat, pour les occasions qu'il procure de faire l'élève insolent, est conçu à ma mesure. » — Commis d’office « Lazare avait tout compris de mon arrogance extrême. Ce n'était pas l'argent qui me motivait à faire des conneries. Loin de là. J'étais investi d'une mission déïque : je livrais une croisade contre l'hypocrisie des magistrats donneurs de leçon et des confrères intéressés uniquement par l'argent. L'explication psychanalytique qui éclairait ma propension à m'attirer des emmerdes pouvait se résumer à une simple phrase : je me sentais tellement au dessus du lot... » — Commis d’office

Mais cette avocat cynique transgresse aussi l’ordre tout court : il clame le droit de se détruire par l’alcool en paix, se complait dans une sexualité débridée, un anticonformisme permanent, un anticléricalisme forcené, fraude le fisc etc.

« —Vous n’avez jamais eu l’impression de boire... trop? —Trop, ça veut dire quoi? Plus qu’il ne me faudrait? Mais qu’est-ce que j’en sais de ce qu’il me faut quand je bois? Ou quand je bouffe, d’ailleurs? Ou même quand je baise. Ou pourquoi pas quand je dors, tiens? Ce sont les autres qui jugent que c’est trop. Moi, je n’en ai jamais l’impression, sauf peut-être le lendemain. Et puis, c’est quand j’en fais trop que je me sens épanoui. » — Ground XO

Comme au cinéma apparait comme le point d’orgue du constat désabusé du système judiciaire[7]. Une cours d’assise y est présenté comme un show où ce n’est pas tant l’accusé qu’on juge mais la qualité du spectacle qu’offre l’avocat. Face à une moral absurde institutionnalisée dans les lois, les personnages d’Hannelore Cayre choisissent de rétablir la justice par eux même. La transgression devient un moyen de redresser les torts. Si la personnage de La Daronne se sert de son métier de traductrice judiciaire pour détourner un convoi de drogue et le vendre, c’est parce que sa profession est méprisée par le système judiciaire et que la guerre contre la drogue est le combat le plus absurde que la justice n’a jamais mené.

« Même aux Etat-Unis, en matière de dépénalisation, on était moins con que chez nous, et c'est pour dire. On y vidait les prisons pour laisser la place aux vrais criminels. Tolérance zéro, réflexion zéro, voilà la politique en matière de stupéfiants pratiquée par mon pays pourtant dirigé par des premiers de la classe. » — La daronne

L’héroïne de Richesse oblige, quant à elle, organise indirectement le meurtre des membres d’une famille riche pour leurs retirer des mains un argent qui n’a servit qu’a commettre des horreurs et l’utiliser pour financer une bonne cause. Hannelore Cayre montre dans une perspective Nietzschéenne que la société n’a pas à dicter une morale préétablie, où l’individu est libre d’être l’instigateur de ses propres valeurs, de sa propre éthique.

« Aux censeurs de droite qui m'accuseraient de fausser le jeu économique ou voudraient m'interdire de vivre comme je vis, aux gentilles personnes de gauche qui pour mon bien seraient tentées de me faire la morale ou de m'asséner des messages de prévention débiles, je répondrais que, lorsqu'il n'y a pas de victime à une infraction, si ce n'est ni le corps d'autrui, ni ses biens, ni ses droits qui sont en danger, alors c'est l'Ordre que l'on cherche à protéger, et l'Ordre, ça fait très longtemps que je l’emmerde... » — Richesse oblige

Ce cynisme, on le retrouve dans son style d’écriture : « Phrases peaufinées mais directes, histoire malpolie et imparable » Télerama[6], « Franc parler réjouissant, insolent » Antoine de Caune sur France Inter[8], « Grande gueule qui n’a peur de rien et conchie la bien-pensance » Libération[9].

La destruction du système par le marginal invisible

Les personnages d’Hannelore Cayre, principaux comme secondaires, sont tous d’une étonnante marginalité qui les rend attachants : avocat commis d’office vicieux, traductrice judiciaire synesthète, handicapée aux jambes appareillées, star de cinéma sur le déclin etc. Pour rependre l’épigraphe de Richesse oblige (une phrase de Retour définitif et durable de l’être aimé d’Olivier Cadiot), ce sont tous des lapins fluorescents « menant leurs vies, indifférents à l’idée de leurs étrangetés ».

Hannelore Cayre met ainsi en scène la société Française dans sa prolifique hétérogénéité, patchwork de cultures, de communautés, d’habitus, de classe sociale etc.

Toutes ces figures marginales ne tiennent pas seulement d’un goût immodéré de l’auteure pour l’anticonformisme, elles sont une manière de montrer que c’est à partir des interstices, les angles mort de la société que l’on peut aujourd'hui faire le plus de dégât. On ne se méfie pas des marginaux car leurs étrangetés les rendent paradoxalement invisibles. On ne soupçonne pas une handicapée moteur d’être à l’origine de meurtres (Richesse Oblige), ou une vielle chinoise aigrie de blanchir des millions d’euros (Madame Pho dans La Daronne), ou bien encore un avocat minable de voler un tableau inestimable (Toiles de maître) pour ne citer que ces exemples. Les personnages se servent de leurs transparence pour détourner les mécanismes d’une société qui les méprise et arriver à leurs fins: dans Commis d’office, l’avocat se sert d’une faille du code pénal pour faire évader un détenu ; dans La Daronne, une traductrice judiciaire utilise l’avance que lui confère son métier sur la police pour détourner de la drogue ; dans Comme au cinema le couple d’avocat applique un article méconnu du code de procédure pénale pour faire plaider une star de cinéma à leur place pendant un procès etc.

« Voila un mouvement qui s’est nourri de lui-même [le capitalisme] pendant un siècle et demi et qui, par essence, s’amplifiait encore et encore jusqu’a ce qu’un petit coléoptère boiteux vienne se coller malencontreusement dans ses rouages. » — Richesse oblige

Le rapport de l’individu à l’argent

L’argent est un aspect essentiel de la réflexion politique d’Hannelore Cayre. Dans une perspective marxiste et sociologique, elle montre comment l’argent façonne l’individu et la société aujourd’hui.

« [L’argent est] comme un être vivant et intelligent qui peut créer et tuer, qui est doué de la faculté de se reproduire. Comme quelque chose de formidable qui forge les destins. Qui distingue le beau du laid, le loser de celui qui a réussi. L’argent est le Tout ; le condensé de tout ce qui s’achète dans un monde où tout est à vendre. Il est la réponse à toutes les questions. Il est la langue d’avant Babel qui réunit tous les hommes. » — Incipit de La Daronne

Les personnages de ses livres recherchent l’argent non pas pour le simple plaisir de s’enrichir, mais comme un outil de survie et de lutte contre la violence sociale[10]. La mère divorcée de La Daronne engrange de l’argent pour mettre à l’abri ses enfants et payer l’EPHAD de sa mère mourante ; l’handicapée de Richesse oblige recherche de l’argent pour rendre son quotidien plus supportable et financer la cause écologique. Hannelore Cayre montre que les tendances politiques, les habitus, la culture — elle fait notamment une féroce critique de l’art contemporain — ne tiennent finalement qu’à un rapport du sujet à l’argent. Certains l’idolâtrent comme la famille de traider de Richesse Oblige ou comme ces délinquants de cités près à tout pour s’acheter une voiture de luxe dans la trilogie Commis d’office. D’autres ont un rapport distancié voire culpabilisé à l’argent comme le jeune communard de Richesse oblige, seul socialiste d’une famille de droite.

« Ce qui me révoltait le plus, c’était ma frustration, mon impuissance à comprendre les motivations qui poussaient ces affairistes à détruire l’avenir de nos enfants pour gagner encore plus d’argent, alors qu’ils en avaient accaparé assez pour vivre quatre cents générations. Quel but poursuivaient-ils en pourrissant la vie de ceux qui n’avaient presque rien, pour leur prendre le peu qui leur restait ? Le faisaient-ils par jeux ? Pour se dire qu’ils étaient les meilleurs ? Pour l’ivresse extatique que provoquaient la peine et la destruction ? » — Richesse oblige « Du côté avocats, il n'y avait à peu près que des types travaillant dans le droit des affaires. Cela n'était pas inscrit sur leur front, mais le côté sûrs d'eux, à l'aise dans le fric, faisait qu'on pouvait les confondre avec des cardiologues de Neuilly » — Toiles de maître

Œuvres

Romans

Tous ses romans sont publiés aux éditions Métailié.

  • 2004 : Commis d'office
  • 2005 : Toiles de maître
  • 2007 : Ground XO
  • 2012 : Comme au cinéma - Petite fable judiciaire
  • 2017 : La Daronne
  • 2020 : Richesse oblige

Bande dessinée

  • 2020 : Malossol beach, dessin de Pascal Valty, éditions La Valtynière

Filmographie

Comme actrice

Comme scénariste

Comme réalisatrice

  • 1993 : Albertina a maigri (court métrage) - Prix Procirep 92
  • 1994 : Vivre son patrimoine (court métrage) - sélection au festival du film de femmes de Créteil
  • 2002 : Fuck halloween (court métrage) - festival du film de sexualité alternative - prix spécial du jury
  • 2009 : Commis d'office, sortie France - 6 Mai 2009

Prix et nomination

Prix

Nomination

  • Prix Barry 2020 du meilleur livre de poche original pour The Godmother (La Daronne)[14]

Notes et références

  1. Sabrina Champenois, « La robe grillée » (portrait d'Hannelore Cayre), 12 octobre 2007, Libération, consulté le 16 mars 2012 (archive web).
  2. Le JDD, « Hannelore Cayre, l'avocate qui se réinvente en auteure de polars », sur lejdd.fr (consulté le )
  3. « Les numéros XXI », sur www.revue21.fr (consulté le )
  4. « Les numéros XXI », sur www.revue21.fr (consulté le )
  5. « Les numéros XXI », sur www.revue21.fr (consulté le )
  6. a et b « “La Daronne” d'Hannelore Cayre, une déambulation dans les bas-fonds de la justice », sur Télérama.fr (consulté le ).
  7. « Stupéfiante Hannelore Cayre », sur www.franceinter.fr (consulté le )
  8. « Hannelore Cayre et Marie-Aldine & Anne-Sophie Girard », sur www.franceinter.fr (consulté le )
  9. « Hannelore Cayre : «Le deal, je connais ça par cœur» », sur Libération.fr, (consulté le )
  10. « Hannelore Cayre, pour la bonne cause », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. Quais du polar, de très bonne humeur noire liberation.fr 3 avril 2017
  12. Hannelore Cayre remporte le prix du Polar européen 2017 du "Point" livreshebdo.fr 30 mars 2017
  13. Palmarès 2017
  14. palmarès prix Barry

Liens externes