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Guy-Albert Rufin Duhamel

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Guy-Albert Rufin Duhamel
Biographie
Naissance
Nationalité
Activité

Guy-Albert Rufin Duhamel est un ingénieur social français, né en Martinique le 31 janvier 1974. Il est connu comme une personnalité de l’ingénierie sociale dans les outre-mer, et plus particulièrement aux Antilles françaises où il réside.

Travailleur social, Guy-Albert Rufin Duhamel est titulaire du diplôme d’État d’ingénierie sociale et du diplôme d’État d’assistant de service social. ll détient également un master européen en économie sociale ainsi qu’un diplôme de manager de projet européen, également de niveau master, dans le même domaine. Ancien élève diplômé de l’École de santé publique de Nancy, il a suivi le troisième cycle en santé publique et promotion de la santé, option « pays industrialisés », avec un mémoire portant sur l’envenimation par le serpent Bothrops lanceolatus (serpent fer de lance, trigonocéphale) en Martinique[1].

En 2022, il a entrepris une thèse doctorale en santé publique à l’Université des Antilles, consacrée à la lutte contre les cancers du col de l’utérus et des voies aéro-digestives supérieures aux Antilles françaises[2].

Le cadre de recherche de Guy-Albert Rufin Duhamel porte sur l’analyse des dynamiques sociales, culturelles, identitaires et politico-environnementales propres aux Antilles françaises. Ses travaux s’intéressent aux pathologies sociales et à leurs manifestations dans un contexte marqué par les héritages post-coloniaux. Il explore en particulier l’endémisme des tensions sociales et identitaires, ainsi que l’influence des problématiques politico-environnementales sur les dynamiques territoriales. Inscrivant son approche dans une perspective décoloniale appliquée à la santé, il examine l’émergence de politiques publiques et sociales de réparation en réponse aux inégalités historiques et contemporaines[3]. Sa réflexion intègre également les enjeux de santé publique et d’agnotologie[4], afin de comprendre le rôle joué par la production et la gestion de l’ignorance dans la structuration des tensions sociales[5].

Il est à l’origine du modèle de socio-oncologie en France, une approche qui considère le travail social et la santé publique comme un continuum et qui vise à réduire l’impact du cancer dans les populations les plus socialement exposées. Ce modèle appréhende la lutte contre les cancers comme un processus global et interdisciplinaire, en articulant filières et parcours depuis la recherche étiologique, la prévention, le dépistage, la détection précoce, le diagnostic et les soins jusqu’à l’après-cancer et la réhabilitation multidimensionnelle de la personne et de son entourage

Travaux durant la crise Covid-19

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Guy-Albert Rufin Duhamel a consacré une grande partie de ses travaux à l’analyse des inégalités sociales persistantes aux Antilles françaises et à leur impact direct sur la santé de ces populations ultramarines[6].

Guy-Albert Rufin Duhamel a été à l’origine du comité scientifique indépendant Covid-19 de l’Agence Régionale de Santé de Martinique, dont il a été membre en qualité d’ingénieur social. Ses recherches se sont concentrées sur les effets sociaux de la crise sanitaire dans les Antilles françaises, en particulier l'analyse sociale de l’opposition populaire à la vaccination[7]. Son approche a reposé sur des enquêtes de terrain, l’analyse des revendications et la cartographie des zones de mobilisation. Il a étudié les tensions sociales générées par ces mouvements, notamment les barrages érigés un peu partout sur l'île. Guy-Albert Rufin Duhamel avait anticipé dès le début de la pandémie que la crise, focalisée uniquement sur les aspects sanitaires, entraînerait en Martinique une crise sociale quasi généralisée[8]. Il avait également anticipé et alerté sur le fait que la pandémie amplifierait, de manière durable et incontrôlable, la mortalité par cancer dans un contexte social déjà fragile[9],[10].Selon lui, ces événements ont contribué à une rupture durable du lien de confiance entre les populations locales, en particulier les plus vulnérables, et les institutions publiques, ainsi qu’avec la parole scientifique. Il a souligné que cette méfiance persistante pouvait avoir des effets durables sur les politiques publiques de santé, notamment en matière de prévention et d’accès aux soins, et qu’elle révélait des fractures sociales préexistantes non-traitées. Ses travaux ont été cités le 7 septembre 2021 à l’Assemblée nationale par la députée Manuela Kéclard-Mondésir, qui, lors d’une question adressée au ministre de la Santé, Olivier Véran, s’est appuyée sur ses analyses en le citant directement pour souligner que « la crise sanitaire d’aujourd’hui est la conséquence d’une crise sociale amplifiée par la Covid, et non traitée »[11]. Des travaux qui ont été reconnus pour leur apport à l’analyse des tensions sociales et pour la mise en évidence de l’importance de la dimension sociale dans la gestion des crises sanitaires[12], notamment à travers ses interventions publiques et médiatiques[13],[14]. L’une de ses recommandations durant la crise Covid a été la mise en place d’un « bouclier social »[15]visant à limiter les effets de la crise et à renforcer l’action du travail social auprès des populations les plus exposées, notamment par le soutien d’équipes mobiles de médiation et d’accompagnement social[16].

Travaux sur les dynamiques sociales des crises

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Ses travaux ont également porté sur les dynamiques sociales des crises en Martinique et sur la criminalité liée au narco-trafic aux Antilles françaises. Il a développé le concept de « société de style » pour analyser les effets de la porosité identitaire et des influences exogènes sur les jeunes, notamment la banalisation du crime et du sexe ou l’absence de repères. Il met en évidence les risques liés au narco‑trafic et à la circulation d’armes aux Antilles françaises, ainsi que la montée de la criminalité[17]. Il considère le narco‑trafic comme un phénomène mondial, à traiter à cette échelle, et non uniquement lié au contexte post‑colonial ou à la précarité locale, même s’il n’exclut pas que certaines familles en tirent des revenus, parfois comme unique moyen de subsistance. Il plaide pour la protection des repentis et des personnes exposées, tout en soulignant la nécessité de moyens policiers renforcés et d’une répression dissuasive pour freiner l’expansion de ces phénomènes[18].

Guy-Albert Rufin Duhamel a également analysé les effets sociaux des manifestations contre la vie chère en 2024 en Martinique. Ses travaux se sont intéressés particulièrement à la présence de jeunes, souvent mineurs, sur les barrages nocturnes observés en octobre 2024.  Il a documenté et cartographié ces mobilisations jamais observées auparavant, en recueillant des données directement sur le terrain et en analysant les facteurs sociaux et culturels qui les sous-tendent.  Il a émis l’hypothèse que ces barrages nocturnes devaient être dissociés des mobilisations liées à la vie chère, leur fonction semblant différente et nécessitant des investigations complémentaires. Il a analysé ces phénomènes dans des contextes pouvant dépasser le seul cadre territorial, avec des logiques géopolitiques et de réseaux, et pouvant s’apparenter à la formation de gangs[19]. Les barrages nocturnes constituent encore aujourd’hui un sujet d’étude majeur, témoignant de tensions sociales inédites et persistantes[20]. Ces travaux, qui se poursuivent, adoptent une approche systémique et constituent la première analyse documentée des barrages nocturnes en Martinique : souvent enflammés, mobilisant des moyens logistiques et rassemblant jeunes et moins jeunes dans des contextes de crises sociales, sans pour autant être directement liés aux revendications, et devant être considérés de manière dissociée.

Vie privée, positionnement et engagements

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Guy-Albert Rufin Duhamel a passé une grande partie de son enfance avec sa mère au quartier Trénelle en Martinique[21]. Il a perdu sa compagne d’un cancer quelques semaines après la naissance de leur premier fils en 2008. Père de cinq enfants, il réside dans la commune du Marigot au nord atlantique de la Martinique[22],[23]. De confession protestante, il est également franc-maçon. Il a occupé des fonctions nationales au sein de la Grande Loge unie de France[24][source insuffisante]. Il est l’auteur d'un ouvrage sur la franc-maçonnerie, La franc-maçonnerie d’inspiration traditionnelle: que reste-t-il des anciens usages du métier des bâtisseurs d’autrefois? ainsi que d’un essai philosophique, Les Matinales d’Oko, publié aux mêmes éditions[25],[26]. Il est membre de la Grande Loge nationale française.

Politiquement orienté à gauche, il n’appartient cependant à aucun parti politique national ou local. Par ses prises de position, il défend les valeurs républicaines, le progrès, la justice sociale, la solidarité, l’égalité, l’accès universel aux droits pour tous et la lutte contre toutes les discriminations humaines. Il soutient également un engagement décolonial, en faveur de la réparation pour le crime contre l’humanité que représente l’esclavage. Son positionnement combine convictions personnelles, références identitaires, culturelles et politiques, ainsi qu'engagements citoyens, qui se reflètent dans ses travaux scientifiques[27],[28],[29],[30]

Références

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  1. « Direction du groupement – Groupement d'intérêt public national- Plateforme régionale d'oncologie de Martinique » (consulté le )
  2. Guy-Albert Rufin-Duhamel, « La lutte contre les cancers des voies aérodigestives supérieures et du col de l'utérus aux Antilles françaises à l'épreuve des tensions identitaires, sociales, culturelles et politico-environnementales », theses.fr, Antilles,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. « Archive ouverte HAL », sur cv.hal.science (consulté le )
  4. [vidéo] « Communication orale de Guy-Albert RUFIN DUHAMEL CIRS 2025, BREST », editions Travail social & ingénierie, , 27:21 min (consulté le )
  5. « XVIIe Conférence Internationale sur les Représentations Sociales - Le futur en représentations : se saisir de notre monde - Sciencesconf.org », sur cirs2025.sciencesconf.org (consulté le )
  6. « Les inégalités, des ulcères bien présents dans la vie des Martiniquais », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  7. « Depuis l'arrivée du Covid, on observe une ruée vers les plantes médicinales », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  8. « Après le temps de l'urgence sanitaire, sera celui de la crise sociale », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  9. « Guy-Albert Rufin-Duhamel :« La mortalité liée aux cancers pourrait augmenter dès 2021... » », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  10. « Guy-Albert Rufin-Duhamel : « On ne pourra pas éviter une surmortalité par cancer si la situation ne s'améliore pas » », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  11. « Question au Gouvernement n° 4284 », sur www.assemblee-nationale.fr (consulté le )
  12. « Coronavirus : « Il faut impérativement une stratégie commune entre le sanitaire et le social» », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  13. [vidéo] « Covid-19 dans les Antilles: ce membre du Conseil scientifique de Martinique parle d'une "vraie catastrophe" », (consulté le )
  14. [vidéo] « Martinique: tension à l'hôpital et transferts - 31/07 », (consulté le )
  15. « Sans le travail social, l'accès équitable aux soins de santé s’avère impossible », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  16. « Cette crise va aggraver des situations sociales déjà sensibles », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  17. « Édition spéciale : regain de violence en Martinique en replay - Politik Péyi », sur www.france.tv (consulté le )
  18. [vidéo] « Intervention Guy Albert RUFIN, Ingénieur social, spécialiste des politiques publiques et sociales », editions Travail social & ingénierie, , 19:52 min (consulté le )
  19. « Guy-Albert Rufin Duhamel, ingénieur social : «Des jeunes vulnérables peuvent devenir des proies faciles» », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  20. « A la Martinique, les violences se poursuivent malgré la signature d’un protocole de lutte contre la vie chère », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  21. « Guy-Albert Rufin-Duhamel se dévoile dans «Angle de vue» avec France-Antilles », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  22. « Au Marigot, la fête patronale a tenu toutes ses promesses », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  23. « Musique, jeux et rire pour la fête patronale », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )
  24. Géplu, « La GLUF : conférence et Tenue de Grande Loge », sur Hiram.be, (consulté le )
  25. Guy-Albert Rufin-Duhamel, Les matinales d'Oko : un surprenant éloge du contresens initiatique et fantaisiste d'un monde densifié, complexifié, tout aussi ridiculement amphibien qu'artistique, Éditions Bourrache, coll. « Les essais philosophiques », (ISBN 978-2-9547928-2-8, lire en ligne)
  26. [vidéo] « Les matinales d'oko », Madininactu Actualité, , 8:38 min (consulté le )
  27. [vidéo] « Réalités et besoins territoriaux vs politiques publiques ? || Madjumbé - Libre Antenne Zouk TV », Yich Matinik (Enfants de Martinique), , 103:4 min (consulté le )
  28. [vidéo] « BUMIDOM : "L'avenir est ailleurs"...? || Madjumbé sur Zouk TV », Yich Matinik (Enfants de Martinique), , 103:3 min (consulté le )
  29. [vidéo] « La fabrique de la précarité : Ki mannyè nu rivé la...? || Madjumbé sur Zouk TV », Yich Matinik (Enfants de Martinique), , 97:45 min (consulté le )
  30. « Guy Albert Rufin-Duhamel « L'écosystème social du pays est favorable au crime, sachons-le » », sur martinique.franceantilles.fr, (consulté le )

Articles connexes

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