Guerre du Rif

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Guerre du Rif
Informations générales
Date 1921-1926
Lieu Rif (nord du Maroc)
Issue Défaite marocaine,
Exil d'Abdelkrim El Khattabi
Belligérants
Espagne
(1921-1926)
Drapeau de la France France
(1925-1926)
Drapeau de la République du Rif République du Rif
Commandants
Manuel Sylvestre
Dámaso Berenguer
José Millán-Astray
Miguel Primo de Rivera
Drapeau de la France Philippe Pétain
Drapeau de la France Hubert Lyautey
Abdelkrim El Khattabi
Abdel-Salam Mohammed Abdel-Karim
Mhamadi Bojabbar Mohamed, les Aït Ghannou
Forces en présence
63 000 à 125 000 soldats[1]

Drapeau de la France 60 000 soldats[1]
Sources espagnoles:
80 000 irréguliers[1],

Autres sources:
1925: 35 000-50 000[2]
1926: moins de 20 000[2]
Pertes
26 500 victimes
(morts et blessés)[3]

Drapeau de la France 10 000 morts (dont 2 500 au combat, les autres étant morts de maladie) et 8 500 blessés[3]
30 000 victimes[3]
(dont 10 000 morts[4])
[réf. à confirmer]

Batailles

Bataille d'Anoual
Débarquement d'Al Hoceima

La guerre du Rif est une guerre coloniale qui opposa les tribus rifaines aux armées espagnole et française, dans le Rif, chaîne de montagnes du nord du Maroc longue de 150 km. Le conflit dura de 1921 à 1926 pour ce qui est de la participation de l'Espagne et de 1925 à 1926 pour ce qui est de la participation de la France.

Contexte historique

La société rifaine était essentiellement tribale, chaque tribu étant dirigée par une assemblée, ayant pour chef un « Amghar ».

Dans sa politique de colonisation, l'Espagne eut le désir de coloniser encore plus de territoires au nord du Maroc pour pouvoir protéger ses ports présents au sud.

Contexte géographique

La zone nord du « protectorat espagnol », telle qu'établie par le traité franco-marocain de Fès puis de la convention franco-espagnole de Madrid de 1912, est couverte en partie par la chaîne de montagnes du Rif, qui est une des quatre chaînes du territoire marocain. Elle comprend alors, de l'ouest vers l'est, les territoires de quatre tribus :

Carte du Nord du Maroc indiquant les territoires sous protectorat espagnol.

Opérations militaires

Soulèvement d'el-Raisuni

Le commandant espagnol Manuel Fernández Silvestre souhaite devancer une éventuelle poussée française vers Tanger et Larache. Il va se heurter à un chef de guerre local, Mohamed ben Abdallah el-Raisuni. Ce chef irrite les puissances occidentales par des enlèvements d'otages étrangers, libérés contre rançon (il menace la route de Tétouan). Après les combats de Oued Ras et Beni Sidel, il échoue contre Alcazarquivir défendu par Gonzalo Queipo de Llano. Des combats se livrent sans arrêt dans la Jebala, mais la région de Melilla s'agite. Les versants du Djebel Gurugu sont menacés en 1916.

Anoual

Le , l'armée espagnole fait face aux rebelles, et elle va être défaite. C'est le départ du projet de Mohamed Abdelkrim El Khattabi, dit Abd el-Krim. Les Rifains, organisés dans une armée de libération du monde musulman, s'attaquent à l'Espagne; et à la France. Le général Manuel Fernández Silvestre dispose alors d'une puissante armée forte de 60 000 soldats espagnols pour contrer la tribu des Aït Ouriaghel à laquelle s'allient les tribus Ait Touzine, les Aït Ghannou et Temsamane. Mais le , il subit une écrasante défaite où périssent 12 000 de ses hommes au cours de la bataille d'Anoual. À la suite de cette défaite humiliante, le général espagnol se suicide le .
Les vainqueurs s'emparent des armes et traitent les prisonniers avec une extrême rudesse[5]
Les espagnols abandonnent l'arrière pays à Abd el-Krim, lui permettant ainsi de fonder la République du Rif.

Après Anoual

Après la victoire spectaculaire d’Anoual, Abd el-Krim renforce son pouvoir en créant un État, la République du Rif, avec un gouvernement et une administration centralisée. La République du Rif se dote d’une présidence dévolue à Abd el-Krim el-Khattabi, d’une délégation générale attribuée au frère d’Abd el-Krim, M’hamed el-Khattabi, d’un ministère de la Guerre dirigé par Ahmed Boudra, de l’Intérieur conduit par le caïd Lyazid, des Affaires Étrangères octroyé à Azerkane, des Finances donné à Abd es-Salam el Khattabi, de la Justice et de l’Instruction confié au faqih Zerhouni.

Ces institutions sont renforcées par l’application de la Charia islamique qui interdit les affrontements entre les différentes tribus au sein de la République. Cela est particulièrement important dans une région marquée par les solidarités claniques et où la logique de la vendetta se substitue souvent au droit. De plus, une intense action d’éducation est menée par des cadis et des fouqaha chargés d’expliquer le sens de la lutte et de mesures telles que l’interdiction du thé ou du tabac.

L'organisation de l'armée est calquée sur le modèle de l'ancienne armée marocaine. Les formations militaires, fortes de vingt à trente mille hommes, âgés de 16 à 50 ans, sont divisées en « centuries » et subdivisées en groupes de vingt cinq à cinquante hommes assez bien équipés en armes saisies à l’ennemi ou achetées à l’étranger.

La république du Rif

Il réunit ainsi les chefs tribaux, qui organisent la résistance par la création de la République confédérée des tribus du Rif le 1er février 1922. Abd-el Krim devient président de la République. Néanmoins en ne se déclarant pas sultan, et en ordonnant aux imams du Rif de faire la Joumouaa (prière du Vendredi) au nom du sultan Moulay Youssef (successeur de Moulay Abd al-Hafid), Abdelkrim ne remet jamais en question l'autorité du roi, et ancre la révolution dans une future révolution nationale marocaine ayant pour objectif de sortir à terme le monde musulman de la colonisation occidentale[6]. De nombreuses lettres de bonne foi restituant la beyaa (allégeance) due au sultan parviennent à Moulay Youssef. Mais le risque élevé du projet d'Abdelkrim dissuade le sultan qui craint les réactions des occupants.

Intervention franco-espagnole

La France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne sentant leur projet colonial menacé interviennent aux côtés de l'Espagne à partir de 1925.

La légion étrangère espagnole

Une guerre contre les Espagnols s'ensuit, et ceux-ci doivent se retirer sur la côte. Ils n'occupent plus, en 1924, que Ceuta, Melilla, Asilah et Larache. L’Espagne refuse progressivement d'exposer ses conscrits, envoyant à la rescousse au Maroc surtout les Regulares et en septembre 1921, la Légion étrangère espagnole, d'abord commandée par Millán-Astray puis par Franco. Ce dernier se retrouve à la tête de deux banderas puis à la tête du Tercio[7].

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Commandant rifain.

Comme commandant de la 1re Bandera, il engage le combat à Dar Drius en janvier 1922. Il contient les Rifains qui menaçaient Melilla. Puis la bandera est engagée contre les positions rifaines et enlève à la baïonnette Tizi Azza. Le 5 juin 1923, le colonel Rafael Valenzuela qui commande le Tercio est tué en portant secours à Tizi Azza. Francisco Franco est nommé commandant du Tercio le 8 juin 1923. Il bat les rebelles d'Abdelkrim, le 22 août suivant à Tifaruin, à l'est de Melilla.

Guerre chimique

À ce moment débutèrent les bombardements chimiques : d'après le général de l'aviation espagnole Hidalgo de Cisneros dans son autobiographie Cambio de rumbo[8], il fut le premier à larguer une bombe de 100 kilogrammes de gaz moutarde depuis son Farman F60 Goliath au cours de l'été 1924, arme chimique fabriquée avec l'aide du chimiste allemand de Hambourg Hugo Stoltzenberg[9].

Les descendants des Marocains qui ont souffert de cette guerre chimique (études épidémiologiques avec taux de cancers plus élevés) entre les années 1921 et 1927, regroupés en associations de Rifains, portent depuis leur cause jusqu'au Cortes espagnol pour demander des indemnisations.

Intervention française

En décembre 1924, le Tercio couvre la retraite de Xauen. L'Espagne cherche à négocier un accord avec Abdelkrim. Ceci déclenchera une insurrection générale en Yebala et en Gomara.

Abdelkrim attaque alors par surprise la zone française. Cela entraîne immédiatement une alliance de l'Espagne avec la France. La France intervient pour secourir l'Espagne et éviter la contagion au reste du Maroc, alors sous domination française. Des postes avancés sont installés par l'armée française, ce qui provoque l'affrontement avec les troupes rifaines, écrasées lors de l'offensive française vers Fès pendant l'hiver et le printemps 1925. La France envoie en particulier le 64e régiment d'artillerie d'Afrique, qui, jusqu’en 1934, prend part à des opérations au Maroc : le Rif, la Tache de Taza, le Tadla, le Djebel Sagho, l’Anti-Atlas et le Draa[10].

En septembre 1925, la flotte française soutient le débarquement espagnol d'Al Hoceima[11], première opération amphibie aéronavale de l'Histoire[11].

Le maréchal Lyautey, résident général au Maroc depuis 1912, écrit en 1925 : « En présence des éventualités créées par la soudaineté et la violence de l'irruption des Rifains […], il est impossible de rester dans cette situation, sous peine, je le dis nettement, de risquer de perdre le Maroc[12]. » Il obtient des victoires, mais il est remplacé par le général Pétain. L'aide de camp de Pétain, Charles de Gaulle, lui reproche d'avoir accepté de lui succéder et rompt avec lui[13]. Le commandant Naulin réussit à vaincre les Rifains.

Défaite rifaine

À l'automne 1925, des négociations échouent à cause des exigences des colons européens. Depuis plusieurs mois, Franco et le général Dámaso Berenguer ont présenté un plan de débarquement dans la baie d'Alhucemas. Les troupes franco-espagnoles repoussent les Rifains. Le Tercio établit une tête de pont dans la nuit du 7 septembre 1925 et ils prennent le 22 septembre les hauteurs du mont Djebel Amekran, nid d'aigle d'Abdelkrim. Le 8 septembre 1925, le débarquement franco-espagnol reçoit l'appui de l'artillerie d'une escadre franco-espagnole. La route d'Ajdir est ouverte. Abdelkrim est contraint à la reddition, à Targuist le 30 mai 1926[14].

Abdelkrim captif

Abdelkrim s'est rendu à la France pour empêcher l’extension de la guerre chimique et le massacre de tout un peuple par les colons. Abd el-Krim fut envoyé en exil à l'île de la Réunion en 1926, d'où il s'évada 20 ans plus tard pour fuir en Égypte, où il mourut en 1963.

Des opérations de police suffiront à briser les dernières dissidences des derniers montagnards rifains résistant.

Abd el-Krim se plaignit à la Société des Nations de l'utilisation par les aviations espagnole et française de gaz moutarde sur les douars et les villages[15].

L'émergence de l'aviation comme arme déterminante

La guerre du Rif symbolise l'émergence de la première génération de pilotes militaires, formés dans les écoles de l'armée française. Celle-ci n'est d'ailleurs pas encore appelée armée de l'air, mais aviation militaire, dépendant du ministère de la guerre. Beaucoup de ces jeunes pilotes, découvrent alors la réalité des manœuvres de l'aviation militaire, embarqués sur des appareils d'observation et de bombardements d'une grande vétusté. À l'inverse de leur supérieurs hiérarchiques, ce ne sont pas des "héros" de la Première Guerre mondiale, mais engagés dans des opérations de reconnaissance et d'appuis à l'armée de terre, ils apportent une nouvelle dynamique aux opérations.

En conclusion

La guerre se conclut par une défaite pour la république du Rif.

L'usage de gaz pour éradiquer sans nuances civils comme militaires préfigure les difficultés que la France rencontrera en Algérie face à une guérilla rurale en terrain escarpé qui peut se mêler aisément à la population pour mener des opérations de harcèlement.

Le but de cette guerre pour les forces françaises était, à l'époque, bien sûr de conserver l'influence de la France sur son protectorat marocain, mais aussi d'unifier les différentes « tribus » sous l'autorité du « Sultan » Moulay Youssef, dont le troisième fils est devenu, à l'indépendance du Maroc, le roi Mohammed V, premier souverain du pays indépendant et grand-père du roi actuel Mohammed VI. Nombre d'opérations de l'armée française sont alors effectuées à la demande du Service des « Affaires indigènes » (bureau de renseignement).

Voir aussi

Bibliographie

Filmographie

Articles connexes

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Notes et références

  1. a b et c Timeline for the Third Rif War (1920–25) Steven Thomas.
  2. a et b David E. Omissi: Air Power and Colonial Control: The Royal Air Force, 1919–1939, Manchester University Press, 1990, ISBN 0-7190-2960-0, page 188.
  3. a b et c Micheal Clodfelter: Warfare and armed conflicts: a statistical reference to casualty and other figures, 1500–2000, McFarland, 2002, ISBN 0-7864-1204-6, page 398.
  4. Meredith Reid Sarkees, Frank Whelon Wayman: Resort to war: a data guide to inter-state, extra-state, intra-state, and non-state wars, 1816–2007, CQ Press, 2010, ISBN 0-87289-434-7, page 303.
  5. La voix du combattant février 2012
  6. Interview de Saïd Khattabi (fils de Abdelkrim Khattabi) par Karim Boukhari : « Abdelkrim Khattabi ne se battait pas contre le roi », sur le site TelQuel : Le Maroc tel qu'il est
  7. voir Philippe Conrad (1997), p. 21
  8. Hidalgo, de Cisneros. Cambio de Rumbo, p. 193-7
  9. (en) Sebastian Balfour, Deadly Embrace: Morocco and the road to the Spanish Civil War, Oxford University Press, 2002 (ISBN 0-1992-5296-3), p. 142
  10. Amicale des anciens du 64e RAA [1]
  11. a et b Julie d'Andurain, « Le Rif, une guerre coloniale en montagne », Guerres & Histoire, no 28,‎ , p. 25 et 26
  12. La guerre du Rif n'aura pas lieu, critique sur nonfiction.fr par Anne Pédron
  13. Henry Rousso, Paule Muxel et Bertrand de Solliers, documentaire « Philippe Pétain » sur Arte, 2010
  14. voir Philippe Conrad (1997), p. 23-24
  15. Omar Mezoug, « Chronique du livre de Courcelle-Labrousse et Marmié », La guerre du Rif, Maroc 1921-1926, dans La Quinzaine littéraire no 973, 16 juillet 2008, page 26
  16. http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=6448.html