Guerre austro-prussienne

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Guerre austro-prussienne
Description de cette image, également commentée ci-après
La bataille de Sadowa, huile sur toile de Georg Bleibtreu (1869)
Informations générales
Date juin à août 1866
Lieu Bohême, Allemagne, Italie et mer Adriatique
Issue

Victoire prussienne.

Changements territoriaux Traité de Prague pour la Prusse
Traité de Vienne pour l'Italie
Belligérants
Drapeau de la Confédération germanique Confédération germanique Drapeau de la Prusse Royaume de Prusse
Drapeau du Royaume d'Italie Royaume d'Italie
Modèle:Mecklembourg-Schwerin
Modèle:Mecklembourg-Strelitz
Drapeau du Grand-duché d'Oldenbourg Grand-duché d'Oldenbourg
Modèle:Duché d'Anhalt (1863-1918)
Modèle:Brunswick
Modèle:Saxe-Altenbourg
Modèle:Saxe-Cobourg-Gotha (1826-1911)
Modèle:Saxe-Lauenbourg
Modèle:Lippe-Detmold
Modèle:Schwarzbourg-Sondershausen
Modèle:Waldeck
Drapeau de Brême Brême
Drapeau de Hambourg Hambourg
Drapeau de Lübeck Lübeck
Forces en présence
600 000 Autrichiens et alliés allemands 500 000 Prussiens et alliés allemands
300 000 Italiens
Pertes
Plus de 70 000 Autrichiens 37 000 tués ou blessés (Prussiens et Italiens)

austro prussienne

Batailles

  • front austro-prussien
  • front austro-italien

La guerre austro-prussienne de 1866 opposa l'Empire d'Autriche et ses alliés de la Confédération germanique au Royaume de Prusse (seulement soutenu par quelques principautés mineures ou ses voisins immédiats, mais aussi par la jeune Italie). Prélude à l'Unité allemande, dans le monde germanique, elle est parfois appelée la « guerre allemande » (Deutscher Krieg), la « guerre fratricide allemande » (Deutscher Bruderkrieg), la « guerre d’Unification » (Einigungskrieg), la « guerre germano-allemande » (Deutsch-deutscher Krieg) ou la « guerre de Sept Semaines » (Siebenwöchiger Krieg). Elle est liée à la troisième guerre d'Indépendance italienne.

L’Autriche des Habsbourg-Lorraine était historiquement la nation dominante de l’Empire puis de la Confédération germanique, mais à partir du Printemps des Peuples, la puissance montante de la Prusse, militaire et économique, posa le problème de l’hégémonie au sein de la Confédération germanique. La Prusse, militaire, industrielle et protestante, aspirait à diriger une nouvelle Allemagne, unifiée sous son aile et excluant l'Autriche, empire catholique, agraire et multi-ethnique (avec une majorité de peuples non-germaniques). Il s’agissait de la réalisation de la vision d'une Kleindeutschland (petite Allemagne) dominée par la Prusse, par opposition à l’idée de Grossdeutschland, vision traditionnelle d'une Allemagne dominée par l'Autriche depuis le XIVe siècle. Déjà en 1740, 1778 et 1785, Marie-Thérèse puis Joseph II avaient été confrontés aux ambitions du roi Frédéric II de Prusse.

Cette guerre fut le point culminant de la lutte pour la suprématie en Allemagne que se livraient le Royaume de Prusse et l'Empire d'Autriche depuis 1740. La Prusse dispose d'une armée puissante, modernisée, bien équipée et rodée par la guerre des Duchés. Elle met en déroute les alliés de l'Autriche à la bataille de Langensalza (27 et 28 juin 1866), puis défait l'Autriche à la bataille de Sadowa le 3 juillet 1866. Le traité de Prague dissout la Confédération germanique. La Prusse peut alors créer la Confédération de l'Allemagne du Nord et imposer son roi comme président permanent. Prudemment, elle n'englobe pas les États du Sud. L'intégration de ces derniers, qui achèvera l'unité allemande, sera atteinte après la guerre franco-prussienne de 1870.

Contexte

Le dualisme allemand

Le conflit trouve son origine dans l'opposition entre les couronnes d'Autriche (Maison de Habsbourg-Lorraine) et de Prusse (dynastie des Hohenzollern) que l'on qualifie généralement de dualisme allemand. Le succès de la Prusse s'explique non seulement par sa prospérité économique, fruit de l'unification douanière des principautés d'Allemagne (le Zollverein) à l'exclusion de l'Autriche, mais aussi dans sa forte tradition militaire cultivée par les milieux réactionnaires, lesquels militaient pour une décision militaire dans la solution de la question allemande. Le casus belli fut la contestation de l'occupation prussienne des deux duchés de Schleswig et de Holstein à la suite de la guerre des duchés.

En ce début d’année 1866, les perspectives de victoire tournaient en faveur de la Prusse, car l'Autriche traversait une sévère crise économique et se trouvait en délicatesse avec la Russie depuis ses prises de position dans la guerre de Crimée, jugées inamicales à la cour de Saint-Pétersbourg. Cette dernière circonstance rendait peu probable une intervention russe, malgré les liens dynastiques de la maison du tsar avec les familles régnantes des états pro-autrichiens de Hesse-Darmstadt et de Würtemberg (et malgré les considérations de stabilité intérieure des États allemands). Tandis que par la Convention d'Alvensleben de 1863, la Prusse se conciliait l'empereur russe[1], l'Autriche tendait encore un peu plus ses relations avec la Russie en critiquant l'oppression militaire de la Pologne catholique. En outre, Saint-Pétersbourg était préoccupé par des problèmes de politique intérieure et n'eut part, dans les mois précédant le conflit, qu'à des tentatives avortées pour interrompre l'escalade des menaces.

La situation militaire de l'Autriche et de la Prusse

Selon l'historien britannique A. J. P. Taylor, Bismarck renâclait à se lancer dans un conflit, dans la mesure où cela l'amènerait à partager le pouvoir avec des généraux d'état-major dont il estimait peu les compétences. Les deux principales personnalités du Haut Commandement prussien étaient alors le général en chef Helmuth von Moltke et le ministre de la Guerre, le baron Albrecht von Roon. En fait, les raisons qui ont amené la Prusse à déclarer la guerre à l'Autriche procèdent sans doute d'autres facteurs que de la seule politique de Bismarck.

Nouvelles réformes militaires en Prusse

Dès 1862, le baron von Roon, qui avait été l'un des principaux partisans de la nomination de Bismarck à la chancellerie, avait mis en application diverses réformes de l'armée : il avait tout d'abord rendu la conscription obligatoire pour tous les sujets du roi de Prusse. Jusqu'alors, l'effectif de l'armée était fixe depuis des décennies, alors que la population du pays s'était très fortement accrue (de 10,3 millions d'habitants en 1816 à 18,5 millions en 1861[2]), rendant l'ancien système de plus en plus impopulaire : tandis que les Prussiens servaient dans l'armée de réserve jusqu'à l'âge de 40 ans, près d'un tiers de la population des provinces rhénanes (où la population s'était fortement accrue par suite de l'expansion des mines et de la sidérurgie) n'étaient soumis qu'à un bref passage dans la Landwehr, une milice civile soumise à une discipline moins stricte. La conscription universelle, associée à une prolongation de la durée du service (de deux à trois ans), fit passer l'effectif de 211 000 à 264 000 hommes. L'armée de réserve comptait un effectif à peu près comparable. La durée du service permettait également de mieux entraîner les recrues que ne le faisait l'Autriche, qui n'hésitait pas à démobiliser définitivement les civils une fois le service accompli, l'armée de métier ne servant qu'aux défilés militaires et aux missions ordinaires de maintien de l'ordre. Lorsque la guerre éclata, il fallut reprendre à zéro l'instruction des conscrits. Cependant la cavalerie et l'artillerie autrichienne étaient au moins aussi bien entraînées que leurs rivales prussiennes : l'Autriche disposait même de deux remarquables divisions de cuirassiers. Le conflit avec la Prusse montra toutefois que cette arme ne faisait plus la décision sur les champs de batailles modernes.

Vitesse de mobilisation

Une grande différence entre le dispositif de mobilisation des deux royaumes résidait dans l'organisation territoriale : tandis que la Prusse était organisée en Kreise (litt. « cercles »), les appelés se trouvant systématiquement à moins de 30 km d'un bureau de mobilisation, l'Autriche s'ingéniait à mobiliser les hommes loin de leur domicile, afin de les empêcher de prendre part à des soulèvements indépendantistes. Ainsi, la Prusse pouvait organiser une levée en masse beaucoup plus rapidement que son voisin autrichien.

En outre, les voies ferrées de Prusse étaient bien plus étendues que celles de l'Autriche-Hongrie, permettant de reporter très vite des troupes d'un front à l'autre. Il en résultait une meilleure capacité de concentration des forces. Von Moltke, présentant ses plans au baron von Roon, déclara :

« Nous disposons de l'inestimable avantage de pouvoir projeter les 285 000 hommes de notre infanterie par cinq lignes de chemin de fer, et de la concentrer, au moins en théorie, en l'espace de 25 jours... L'Autriche ne dispose, elle, que d'une ligne de chemin de fer, de sorte qu'il lui faudrait 45 jours pour nous opposer seulement 200 000 hommes[3]. »

Il avait précédemment affirmé que la guerre avec l'Autriche tombait au meilleur moment.

L'armée autrichienne de Bohême, commandée par le général Ludwig von Benedek disposait des avantages qu'offre ordinairement une position centrale, à savoir de pouvoir battre successivement des troupes dispersées le long du front, n'eût été que la vitesse de projection des forces prussiennes annulait cet avantage : lorsque l'armée autrichienne serait complètement mobilisée, elle ne pourrait se porter sur une armée prussienne sans risquer que les deux autres se portent, l'une sur une aile, l'autre sur ses arrières...

Armement et tactique

L'infanterie prussienne était équipée du fusil Dreyse, un fusil à chargement par la culasse permettant de tirer à une meilleure cadence qu'un fusil à chargement par le canon. Lors de la campagne d'Italie (1859), les Français avaient pris l'avantage, entre autres parce que les fusils de l'époque tiraient à longue distance au-dessus de l'objectif : leurs troupes purent arriver au corps-à-corps sans pertes excessives. Tirant les conclusions de cette confrontation, les Autrichiens mirent au point une Stosstaktik (combat à la baïonnette). Quoiqu'ils eussent quelques informations sur les nouveaux fusils prussiens, ils firent de la Stosstaktik un principe essentiel. Concernant l'artillerie, c'étaient les Autrichiens qui étaient en avance : tous leurs canons étaient à chargement par la culasse. Les usines Krupp venaient de développer une arme similaire (qui causerait la surprise lors de la guerre franco-prussienne de 1870), mais elles n'équipaient les régiments que très lentement. Comme on le verra, les généraux prussiens, par une guerre de mouvement énergique, feront en sorte que l'artillerie autrichienne ne puisse se déployer convenablement.

Croix-Rouge

La guerre austro-prussienne est le premier conflit armé auquel s'applique la première Convention de Genève, signée par douze états dont la Prusse et l'Italie sont les deux seuls à être parties au conflit[4].

Action diplomatique de Bismarck

Bataille de Sadowa : le prince Frédéric Charles de Prusse exhorte les troupes prussiennes.

Cette guerre a été préparée par la guerre des Duchés de 1864, dont l'enjeu était de démontrer que la Prusse était le champion du nationalisme allemand et d'entraîner l'Autriche dans une guerre contre le Danemark pour conquérir les duchés du Schleswig et du Holstein, majoritairement peuplés d'Allemands. La gestion commune de ces duchés permet à la Prusse de trouver un prétexte menant à la guerre contre l'Autriche. La Prusse est alors forte de l'appui de la bourgeoisie rhénane et des nationalistes, ainsi que des libéraux, intéressés par une réorganisation des pouvoirs. L'Autriche a quant à elle l'appui de la Confédération germanique. La majorité des États allemands (notamment le royaume de Bavière, le royaume de Wurtemberg, le grand-duché de Bade, le royaume de Hanovre, le royaume de Saxe et le Grand-duché de Hesse) soutiennent l'Autriche.

Le 22 février 1866, le Comte Karolyi, ambassadeur d’Autriche à Berlin, envoya une dépêche à son ministre des Affaires étrangères, le Comte Alexandre Mensdorff-Pouilly. Il expliquait à celui-ci que la question des Duchés n’était plus uniquement un sujet de discussion dans les cabinets ministériels mais que la rue s’en était emparée avec passion. Il affirmait également n’avoir aucun doute que «  cette exagération factice du danger par l’opinion publique prussienne faisait partie intégrante des calculs et des actes du Comte Bismarck [qui] considérait que l’annexion des Duchés était une question de vie ou de mort pour son existence politique » et qu’il souhaitait « faire croire qu’il en était de même pour celle de la Prusse [5]. »

La guerre affectait peu les intérêts britanniques. Pourtant Londres s'engagea massivement dans une initiative de paix regroupant les pays européens non-allemands ; toutefois, Berlin parvint à tenir la France à l'écart de cette coalition pacifique : le premier ministre de Prusse, Otto von Bismarck, sut mettre à profit les préoccupations françaises du moment pour remettre en cause le statu quo territorial. Lors de l'entrevue de Biarritz avec l'empereur Napoléon III (3 septembre 1865), il avait laissé entendre une possibilité d'annexion territoriale en faveur de la France concernant la Belgique, indépendante depuis 1830, et le Luxembourg, sans pour autant prendre d'engagement ferme, car il n'évoquait qu'une solution négociée avec l'Autriche. Paris observa donc une neutralité aux conditions que Bismarck avait bien voulu dicter, et dut plus tard militer seule pour ses revendications territoriales, son « allié prussien » s'étant désengagé.

Bismarck sut en outre gagner à ses vues la toute jeune Italie, amie de la France, dans la mesure où celle-ci cherchait à reconquérir la Vénétie et des îles de l'Adriatique autrefois vénitiennes, toujours sous occupation autrichienne. Une proposition autrichienne de cession de la Vénétie, obtenue sous la pression de la France, était ambiguë et parvint trop tard : depuis le 8 avril 1866, la Prusse et l'Italie avaient passé un traité secret d'attaque commune contre l'Autriche, mûri depuis trois mois, en contravention des articles III et II de l'Acte confédéral allemand.

Avec son projet de réforme confédérale, consistant à remplacer le congrès des représentants présidé par l'Autriche par un parlement librement élu, le gouvernement prussien misait sur un mouvement nationaliste attisé par une propagande active[6]. Cette opposition constitutionnelle de la Prusse assombrit toutefois sérieusement les relations avec ses alliés du Deutscher Nationalverein, d'obédience luthérienne.

La réaction autrichienne

Afin de ramener le débat sur le terrain du droit constitutionnel et de reprendre de l'influence sur les parlements provinciaux, l'Autriche mit au vote devant le parlement de la Confédération germanique, le 1er juin 1866, la proposition d'un référendum d'autodétermination sur l'avenir du Duché de Holstein. Le duché, à vrai dire, était alors sous administration autrichienne, mais l'Autriche, sous la pression de la Prusse, tolérait le gouvernement parallèle du duc fantoche Frédéric VIII de Schleswig-Holstein et, en accord avec ce dernier, convint de mettre en place le scrutin. La Prusse considéra que ces menées contrevenaient au pacte de Gastein, par lequel Prusse et Autriche avaient en 1865 partagé leurs domaines réservés dans le condominium (cogestion territoriale) du Schleswig-Holstein, et arrêté les principes de gouvernement.

Le 9 juin, les troupes prussiennes occupèrent le Holstein, de sorte que l'Autriche fit sur le champ voter par le Bundestag de la confédération la mobilisation générale malgré le droit de la Prusse à la légitime défense. Dans quelle mesure la Prusse était-elle encore tenue aux lois de la Confédération ? La réponse à cette question était peu claire. Toujours est-il que le 14 juin, le parlement de la Confédération vota la mobilisation par neuf voix contre six. La Prusse dénonça ce vote comme une infraction à la constitution, et proclama la dissolution de la Confédération germanique.

L'auto-dissolution de la Confédération devait intervenir finalement à l'issue de la paix de Prague le 23 août 1866 à Augsbourg.

Le mécanisme des alliances

Le jeu des alliances :
  • Prusse
  • alliés de la Prusse
  • Autriche
  • alliés de l'Autriche
  • états neutres
  • Schleswig et Holstein
  • Les alliés de la Prusse sont, outre le royaume du Piémont-Sardaigne, les grands duchés d'Oldenbourg, de Mecklembourg-Schwerin et de Mecklembourg-Strelitz, le duché de Brunswick, les villes hanséatiques de Hambourg, Brême et Lübeck et d'autres états de moindre importance (dont ceux de Thuringe).

    Du côté de l'Autriche (ou plus précisément du côté de la Confédération germanique) on compte les états d'Allemagne centrale : Saxe, Royaume de Bavière, Bade, Wurtemberg, Hanovre, Hesse-Darmstadt, Hesse-Cassel, Hesse-Hombourg, Nassau et d'autres États de moindre importance.

    Cependant la principale caractéristique du conflit, et dans laquelle il faut voir l'un des plus grands succès du chancelier Bismarck, est l'abstention des grandes puissances européennes.

    Déroulement du conflit

    Après une invasion sans combat du royaume de Saxe par la coalition prussienne, la Première armée prussienne se porte le 23 juin sur Seidenberg et Zittau, tandis que l'Armée de l'Elbe se dirige sur Waltersdorf et Schluckenau directement sur le territoire autrichien dans le Royaume de Bohême.

    C'est le 26 juin qu'ont lieu les premiers engagements significatifs avec la Bataille de Hühnerwasser (auj. Kuřivody), les combats de Sichrow, Turnau (auj. Turnov) et la bataille de Podol : ils opposent différentes divisions de la Première armée prussienne commandée par le prince Frédéric-Charles et de l'Armée de l'Elbe sous les ordres du général von Bittenfeld, aux unités de la Première armée autrichienne et du corps expéditionnaire saxon.

    Le lendemain 27 juin, la Deuxième armée prussienne, commandée par le prince héritier Frédéric-Guillaume parvient à franchir les Monts des Géants en empruntant plusieurs routes de col, et se heurte à l'ennemi lors des batailles de Nachod et de Trautenau. Cette dernière bataille est l'une des rares victoires autrichiennes de ce conflit : dès le lendemain, les Prussiens les défont simultanément à Skalitz, à Soor-Burkersdorf et à Münchengrätz.

    Le 29 juin, le corps d'armée de Frédéric-Charles de Prusse intercepta la Première armée autrichienne et les Saxons qui se repliaient, tandis que sur le front Est, on combattait à Königinhof et Schweinschædel. Puis les Prussiens perdirent le contact avec l'ennemi, et ne parvinrent à le localiser de nouveau (au nord-ouest de Sadowa) que le 2 juillet.

    Les contingents prussiens stationnés à Minden et Hambourg avaient été défaits le 27 juin 1866 par l'armée du Hanovre à la bataille de Langensalza ; toutefois les Hanovriens, qui y avaient essuyés de lourdes pertes, durent capituler faute de renforts le 29 juin devant la supériorité numérique écrasante des Prussiens. Un monument commémore toujours cette victoire des Hanovriens au centre-ville de Minden. Les alliés des Prussiens attaquèrent alors Cassel et Francfort, tandis que l'aile droite de l'Armée de l'Elbe se portait sans attendre aux portes de Nuremberg.

    Anton Romako : l'amiral Tegetthoff à la bataille navale de Lissa (tableau de 1878-1880, huile sur bois)

    Au sud, entretemps, l'armée autrichienne avait battu l'armée italienne du général Alfonso La Marmora à la bataille de Custoza le 24 juin 1866 ; la Marine impériale autrichienne (Marine austro-hongroise), commandée par Wilhelm von Tegetthoff, en infériorité numérique vainquit le 20 juillet au combat naval de Lissa (auj. Vis) une flotte italienne engagée dans un débarquement sur l'île, revendiquée par les italiens. Ce fut d'ailleurs l'un des derniers combats navals où l'on employa la tactique de l'éperonnage.

    Les armées prussiennes regroupées remportent finalement une bataille décisive à Sadowa le en Bohême près de la ville de Königgrätz (auj. Hradec Králové), sous le commandement de Guillaume Ier en personne (dans les pays de langue allemande, celle-ci est connue sous le nom de « bataille de Königgrätz »).

    Le chef d'état-major prussien est Helmuth von Moltke, le père spirituel de la stratégie prussienne de l'attaque en masse (cf. route stratégique). Dans le camp autrichien, les espoirs reposent pour l'essentiel sur le génie militaire du commandant en chef Ludwig von Benedek : dans le combat qui s'annonce, la Prusse a le dessous, non seulement numériquement (160 000 hommes contre 250 000 hommes) mais aussi techniquement.

    Benedek avait d'abord décliné le commandement de l'armée du nord, car il n'avait aucune expérience de ce théâtre d'opération et il avait trouvé cette armée mal équipée, ce que la bataille allait d'ailleurs effectivement montrer. Après la défaite de Sadowa, il fut démis de son commandement et comparut devant le conseil de guerre. Le jugement fut toutefois annulé à la demande du gouvernement : on ordonna à Benedek de garder à jamais le silence sur cette bataille, ordre auquel il obtempéra.

    Helmuth von Moltke avait divisé l'armée prussienne en trois corps distincts. Le combat s'engagea d'abord à l'initiative de l'Armée de l'Elbe commandée par Herwath von Bittenfeld et le Premier corps d'armée commandé par le prince Frédéric Charles de Prusse, sur l'armée autrichienne, qui avait pris position au nord de la place-forte de Königgrätz.

    En dépit de lourdes pertes, l'armée prussienne n'obtint d'abord aucun résultat tangible. Il devait revenir au Deuxième corps d'armée, qui gagnait le front à marche forcée sous le commandement du prince héritier Frédéric-Guillaume, de faire l'ouverture décisive. Le prince Frédéric-Guillaume entreprit une attaque de flanc pour faire diversion et soulager les deux premiers corps d'armée. Au cours de cette manœuvre, il parvint à s'emparer des hauteurs de Chlum, d'où il put mettre en batterie son artillerie et balayer l'ennemi par un tir d'enfilade. Sadowa devint ainsi le symbole du triomphe de la solution petite-allemande.

    Les combats d'Üttingen, ultimes engagements de cette guerre, terminent la campagne du Main, le 26 juillet 1866, avec une victoire prussienne sur l'armée Bavaroise. Le combat de Blumenau, le dernier jour du conflit, permit encore aux Autrichiens d'empêcher les Prussiens de s'emparer de Presbourg (auj. Bratislava)

    De gauche à droite : Otto von Bismarck, Albrecht von Roon, Helmuth von Moltke

    La défaite de l'Autriche et, formellement, de la Confédération allemande, s'explique principalement par l'obligation de diviser l'armée entre deux fronts, et l'inadéquation de l'armement pour contrer la tactique prussienne du combat d'artillerie. Les contingents prussiens sont également équipés d'une arme moderne, le fusil Dreyse. Au total, 600 000 hommes avaient combattu dans les rangs de la Confédération, 500 000 hommes pour la Prusse et ses alliés, et 300 000 pour l'Italie. Grâce à l'institution du service militaire, la Prusse compensait approximativement une population deux fois inférieure à celle des territoires de la coalition des Habsbourg-Lorraine. D'après les statistiques, les pertes sur les seuls théâtres d'opération de Bohême, de Basse-Autriche et de Slovaquie se montaient à :

    • Autriche : 1 313 officiers, dont 330 tués, ainsi que 41 499 soldats, dont 5328 tués
    • Saxe : 55 officiers, dont 15 tués, ainsi que 1446 soldats, dont 120 tués
    • Prusse : 359 officiers, dont 99 tués, ainsi que 8794 soldats, dont 1830 tués

    Les régiments prussiens, italiens et leurs alliés enregistraient au total 37 000 morts et blessés, soit beaucoup moins que leurs ennemis.

    Épilogue et conséquences

    Francfort-sur-le-Main doit payer 25 millions de florins à la Prusse comme réparations de guerre sous 24 heures (ultimatum du 20 juillet 1866 signé du général prussien Edwin von Manteuffel).

    Afin de prendre de vitesse une possible intervention française ou russe, Bismarck invite le roi de Prusse à ne pas pousser à fond sa victoire, mais plutôt à conclure une paix très rapidement. Il doit pour cela déployer toute sa force de persuasion, car Guillaume Ier de Prusse, en dépit de son opposition initiale à la politique d'agression, que l'état-major n'était parvenu qu'à grand-peine à surmonter, entend à présent dicter à l'Autriche des conditions d'armistice très dures et pour cela est prêt à faire marcher ses armées sur Vienne. Passé un différend momentané, il se rallie finalement aux vues de son gouvernement.

    Les pourparlers de Nikolsburg, menés le 26 juillet 1866 avec Napoléon III, constituent l'étape décisive vers la résolution du conflit : au terme de ces accords préliminaires, l'Autriche, réduite à un combat désespéré, cède sur l'essentiel, à savoir l'abandon de sa politique allemande. Ces pourparlers sont sanctionnés par la Paix de Prague (1866) signée avec la Prusse, et la paix de Vienne signée avec le royaume d'Italie.

    L’Italie y gagne la Vénétie, mais de façon indirecte : l'Autriche ayant remis cette province à la France, à charge pour elle de la remettre au vainqueur. La Prusse, de son côté, annexe le Schleswig-Holstein, et place les anciens états-souverains de Hanovre (avec la déposition de Georges V de Hanovre), le duché de Nassau, la Hesse-Cassel, et la ville libre de Francfort (suicide du bourgmestre Karl Fellner) sous administration militaire. Ainsi, le royaume de Prusse réalise la continuité territoriale entre ses provinces occidentales de Rhénanie et de Westphalie, et son berceau originel du Brandebourg à l'est de l'Elbe. D'autres membres de l'alliance comme le Duché de Saxe-Cobourg et Gotha tombent sous la dépendance de la Prusse.

    Annexions donnant suite à l'issue du conflit.
    Royaume de Prusse (bleu nuit).
    Alliés de la Prusse (bleu) : Oldenbourg, Mecklembourg-Schwerin, Mecklembourg-Strelitz, Brunswick, Hambourg, Brême et Lübeck principalement.
    Anciens alliés des Autrichiens (bleu clair) : Schleswig-Holstein (annexé par la Prusse), Hanovre, Hesse-Hombourg, Hesse-Cassel, Francfort-sur-le-Main et Nassau (placés sous commandement militaire prussien) principalement.
    Etats neutres (vert): Thuringe, Luxembourg et Limbourg.
    L'ancienne sphère d'influence autrichienne (rose clair) : Bavière, Wurtemberg, Saxe, Bade et Hesse-Darmstadt.
    Empire d'Autriche ("rose foncé").

    La Confédération allemande est dissoute et une Confédération de l'Allemagne du Nord, dirigée par la Prusse, est proclamée le en application de la solution petite-allemande, légitimant et affirmant l'hégémonie de la Prusse en Allemagne. Les États d'Allemagne méridionale, à savoir le royaume de Bavière, le royaume de Wurtemberg, le Grand-duché de Bade (dont l'indépendance est reconnue sous la pression de la France), et une partie du Grand-duché de Hesse (qui survit moyennant quelques concessions territoriales grâce à l'intercession de la Russie) conservent leur indépendance. La région de Haute-Hesse, comme le Duché de Saxe-Cobourg et Gotha est intégrée à la Confédération de l'Allemagne du Nord, et évite ainsi l'annexion pure et simple. La reconstitution d'une confédération d'Allemagne méridionale s'étendant du Main au lac de Constance, stipulée par les articles de la paix de Prague échouera grâce aux menées de Bismarck : les duchés du Sud-Ouest se rallieront finalement autour de la Bavière. L'exclusion de l'Autriche de la politique allemande apparaît avec le recul comme totale, même si l'empereur François-Joseph ne le reconnut pas d'emblée.

    Avec l'euphorie populaire qui s'ensuit, Otto von Bismarck remporte un succès éclatant au plan de la politique intérieure, d'autant qu'il obtient des parlementaires son amnistie pour avoir, hors de tout cadre légal, levé un budget de guerre (adoption de la loi d'immunité). Les débats autour de cette question diviseront longtemps le Parti progressiste allemand, membre de l'opposition.

    Les relations diplomatiques avec la France, jusque-là cordiales, se détériorent nettement après la victoire de la Prusse. L'empereur Napoléon III, en effet, attendait en contrepartie de son attitude bienveillante des compensations territoriales sur la rive gauche du Rhin : dépassé par la brièveté du conflit, ses revendications tombent à plat. En France, des voix s'élèvent contre l'impérialisme prussien avec le slogan « Vengeance pour Sadowa ! ». La politique étrangère de Napoléon III, comme celle de Bismarck, étant fondée sur l'impérialisme, l'échec de nouvelles annexions au nord-est de la France (plutôt contre-productives pour l'image de la France en terre allemande) devait tôt ou tard se traduire par la formation d'un nouvel axe diplomatique Paris-Vienne. L'ancien premier ministre de Saxe, le comte von Beust, devenu ministre des Affaires étrangères et chancelier de la monarchie d'Autriche-Hongrie, artisan d'une politique pro-française, ne sera toutefois pas en mesure de s'opposer aux calculs politiques de Bismarck.

    Napoléon III, portrait en pied de Franz Xaver Winterhalter, 1852

    Dans le cadre des pourparlers de paix, la Bavière, la Bade, le Wurtemberg et la Hesse-Darmstadt (située au Sud de la ligne frontalière du Main et qui restera indépendante jusqu'à la crise luxembourgeoise) concluent avec la Prusse un « traité de protection mutuelle » qui ouvre la voie à la guerre de 1870. La Prusse élargit son domaine d'influence en réveillant par toute l'Allemagne le sentiment national, en se proclamant le bouclier contre la Russie et en appelant les États d'Allemagne méridionale à l'union économique par le biais du Zollverein, tant et si bien qu'elle parvient à faire proclamer l'Empire allemand le dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Menacé par la Russie et la Hongrie d'une attaque militaire de la France, l'empereur d'Autriche, quant à lui, se résigne à se comporter en simple prince allemand, politique conciliante d'où naîtra peu à peu une certaine neutralité, puis même un rapprochement avec le Deuxième Reich, prémices à la Duplice.

    Notes et références

    Bibliographie

    • (en) Alan J. P. Taylor, The Course of German history: a Survey of the Development of Germany since 1815, Routledge, (réimpr. 2001), 288 p. (ISBN 0415255589, lire en ligne), chap. 6 (« The conquest of Germany by Prussia »), p. 110-129
    • Jacques Droz, L'Allemagne, vol. 1 : La Formation de l'unité allemande, Paris, Hatier, coll. « Collection d'histoire contemporaine / Hatier université », , 224 p., 15,5×23,5 cm broché
    • (de) Theodor Fontane, Der deutsche Krieg von 1866, vol. 1 : Der Feldzug in Böhmen und Mähren, Bad Langensalza, Rockstuhl, , 2 vol. (ISBN 3-936030-65-0)
    • (de) Theodor Fontane, Der deutsche Krieg von 1866, vol. 2 : Der Feldzug in West- und Mitteldeutschland, Bad Langensalza, Rockstuhl, , 2 vol. (ISBN 3-936030-66-9)
    • (en) Alan J. P. Taylor, The Habsburg Monarchy 1809–1918,

    Références

    1. Alan P. Taylor, p. 114.
    2. Cf. Kurt Hinze, Die Bevölkerung Preußens im 17. und 18. Jahrhundert (…), in: Otto Büsch, Wolfgang Neugebauer (éd.): Moderne Preußische Geschichte, vol. I, pp. 182 ff., et Wolfgang Köllmann, Demographische « Konsequenzen » der Industrialisierung in Preußen, op. cit., p. 447 ff.
    3. Tiré de Waldemar von Roon, Denkwürdigkeiten aus dem Leben des General-Feldmarschalls Kriegsministers Grafen von Roon, vol. II, Berlin, E. Trewendt, (réimpr. 1897, 1900, 1905), p. 402, cité dans Johannes Penzler, Kaiser und Kanzler-Briefe, Leipzig, Walther Fiedler,  : Vergebens versuchte Moltke die Zuversicht des Königs zu stärten. Er brachte immer in Erinnerung, daß es für Preußen vorteilhaft wäre, so bald wie möglich loszuschlagen. Denn Preußen könnte seine mobilisierten Truppen auf fünf Eisenbahnlinien auf den Kriegschauplatz befördern, Österreich nur durch die eine von Wien nach Prag gehende. Wenn demnach beide Staaten gleichzeitig mobilisierten, so könnte Preußen schon am 27. Tage 285 000 Mann versammeln, Österreich aber nur um 110 000 Mann weniger.
    4. http://www.icrc.org/web/fre/sitefre0.nsf/htmlall/5FZESP Explication sur le site du CICR.
    5. (en) Stephen Brooks, Nineteenth Century Europe, London, The Macmillan Press Ltd, , 108 p. (ISBN 0-333-28406-2), pp. 39-40
    6. Alan P. Taylor, p. 117.

    Voir aussi