Grand-rabbinat d'Israël

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Le grand-rabbinat d'Israël est l'autorité suprême du judaïsme, reconnue par la loi, en Israël[1].

Si le grand-rabbinat d'Israël n'existe sous ce nom que depuis la création de l'État d'Israël, l'institution, au moins en tant que grand-rabbinat de Jérusalem, est beaucoup plus ancienne et remonte à l'époque où la Palestine faisait partie de l'Empire ottoman. Aujourd'hui, le grand-rabbinat administre la vie religieuse juive en Israël et particulièrement toutes les questions relatives au mariage et au divorce des Israéliens juifs. Quant à la fonction de grand-rabbin d'Israël, elle est répartie sur deux titulaires, le grand-rabbin séfarade et le grand-rabbin ashkénaze[2].

Sous l'Empire ottoman[modifier | modifier le code]

Depuis le XVIIe siècle (et jusqu'à aujourd'hui pour les séfarades), la communauté juive de Jérusalem possède à sa tête un grand-rabbin, appelé en hébreu Rishon LeTzion (ראשון לציון - le premier à Sion)[3]. En 1835, les autorités turques reconnaissent officiellement le grand-rabbin de Constantinople Hakham Bachi de Constantinople et de l'Empire[4]. Le firman précise que le Hakham Bachi est choisi par les Juifs mais que ce choix doit être ratifié par le sultan ottoman.

En 1841, les autorités turques reconnaissent officiellement le grand-rabbinat de Jérusalem (comme ceux d'autres grandes villes de l'Empire)[5] et accordent donc au Rishon LeTzion le titre de Hakham Bachi[6],[Note 1].

Le Rishon LeTzion était à l'origine le grand-rabbin de toutes les communautés de Jérusalem et non des Séfarades seulement[7]. Carol Iancu ajoute que tous les Rishonim furent nommés après une carrière fertile en déplacements, en fonctions d'administration ou d'enseignement ou de justice, en publications en de nombreuses villes de la diaspora séfarade, de Constantinople à Amsterdam.

Rishon LeTzion
Hakham Bachi

Après la mort de Jacob Saul Elyashar, le grand-rabbinat de Jérusalem connaît une période d'instabilité[Note 5] : sept grands-rabbins sont nommés en dix ans[22].

  • Jacob Meir est pressenti mais sa candidature n'est pas retenu car, soutenu par l'Alliance Israélite Universelle, il est considéré par les rabbins orthodoxes comme trop français[Note 5].
  • Eliahu Panigel (ou Fanijil) (1907) est nommé substitut du Hakham Bachi[22] ou selon Glass et Kark, « Vicaire du Grand-Rabbin à Jérusalem » (sic)[Note 5].

En 1909, le Hakham Bachi de Constantinople est nommé grand-rabbin de l'Empire ayant autorité sur tous les autres rabbins[23].

Sous le mandat britannique[modifier | modifier le code]

Appel signé des deux grands-rabbins pour secourir les Juifs d'Éthiopie (1921)

En 1917, la Palestine est occupée par les Britanniques. La Palestine est placée en 1920 sous le mandat de la Grande-Bretagne par la Société des Nations.

Haim Moshe Eliashar, avant la création du grand-rabbinat de la terre d'Israël, assume la charge de grand-rabbin de Jérusalem[25].

Sir Herbert Samuel, le premier Haut-Commissaire britannique en Palestine, instaure une commission qui recommande la création d'un Conseil du grand-rabbinat de Palestine (en anglais Chief Rabbinate of Palestine, en hébreu הרבנות הראשית לארץ-ישראל, (grand-rabbinat de la terre d'Israël)) avec deux grands-rabbins élus à sa tête, l'un séfarade qui garde le titre de Rishon LeTzion, l'autre ashkénaze, ceci pour tenir compte à la fois des institutions du Hakham Bashi léguées par le régime ottoman et de la nouvelle importance de la communauté ashkénaze en Palestine[26],[27]. En , les deux premiers grands-rabbins sont élus[Note 6]. Le conseil est composé de deux tiers de rabbins et d'un tiers de représentants de la population[28].

Grands-rabbins séfarades Grands-rabbins ashkénazes

Sous l'État d'Israël[modifier | modifier le code]

Le siège du grand-rabbinat avec, sur la droite de la photo, la grande synagogue de Jérusalem

L'institution du grand-rabbinat (appelé dès lors grand-rabbinat d'Israël) est reconduite par le jeune État d'Israël, né en 1948. En 1953, David Ben Gourion étant premier ministre, une loi détermine les attributions du grand-rabbinat, véritable service public administré par des fonctionnaires religieux payés par l'État et les collectivités locales : rabbins, responsables de bains rituels, de l'abattage et de la surveillance de la cacherout dans les cuisines publiques. Cette organisation cultuelle est complétée par les tribunaux rabbiniques et une cour d'appel ayant compétence en matière de mariage et de divorce[30].

Jusqu'en 1973, les grands-rabbins d'Israël étaient désignés à vie. Depuis cette date, leur mandat est limité à 10 ans.

Une loi votée en 1980[2] fixe jusqu'à maintenant le fonctionnement de l'institution. La loi israélienne reconnaît le grand-rabbinat comme l'autorité suprême en matière de Halakha et de religion pour les Juifs dans l'État d'Israël. Le Conseil du grand-rabbinat, uniquement composé de rabbins, assiste les deux grands rabbins qui en assurent la présidence à tour de rôle. Il a l'autorité légale et administrative pour encadrer la vie religieuse des Juifs d'Israël, particulièrement mariages, divorces et conversions. Il répond aussi aux questions relatives à la halakha que peuvent poser des organisations juives de la Diaspora. Le Conseil établit, guide et instruit les organismes soumis à son autorité, quant à leurs activités et leur domaine de compétence[31]. Quant aux deux grands rabbins, ils sont élus par un collège électoral de 150 membres, 80 rabbins et 70 représentants du public[2].

Le siège du grand-rabbinat se situe à Jérusalem[2].

Grands-rabbins séfarades Grands-rabbins ashkénazes

Position halakhique[modifier | modifier le code]

Le grand-rabbinat maintient une approche orthodoxe de la Halakha et ne reconnaît pas les conversions ou les mariages effectués par des rabbins massortis ou libéraux[33]. Cette approche peut être à l'origine de grandes difficultés d'état-civil pour les immigrants en Israël dont les certificats de mariage ou de conversion sont signés de rabbins massortis ou libéraux. En , malgré les réticences du grand-rabbinat, un projet de loi est adopté par le gouvernement israélien pour permettre aux rabbins de chaque grande ville de tenir des tribunaux de conversion et de diriger une Cour apte à traiter les demandes, alors que, jusqu'alors, seuls quatre tribunaux, dirigés par des rabbins orthodoxes permettaient d’avoir accès à cette conversion[34]. Cette question des conversions divise en 2016 le rabbinat israélien, comme l'illustre un conflit entre la cour rabbinique de Petah Tikva et le grand-rabbin ashkénaze d'Israël David Lau à propos d'une conversion effectuée par un rabbin orthodoxe américain[35]. La position du grand-rabbinat vis-à-vis des conversions et plus généralement des judaïsmes conservateur et réformé est dénoncée en par le chef de l’Agence Juive, Natan Sharansky, lors d'une réunion de la Commission chargée du poids de la Religion et de l’État de la Knesset[36]. En , une nouvelle polémique naît lorsque le grand-rabbinat publie une liste de 160 rabbins issus de la Diaspora dont les conversions ne sont pas reconnues. Parmi eux sont cités plusieurs éminents rabbins orthodoxes américains[37]. Le 1er mars 2021, la Cour suprême d'Israël reconnaît la validité des conversions effectuées en Israël par des rabbins conservateurs ou réformés, c’est-à-dire hors du cadre imposé par le grand-rabbinat[38]. En 2022, le grand rabbin ashkénaze David Lau appelle à la révocation de la clause dite des « petits-enfants », qui permet à tous ceux qui ont au moins un grand-parent juif et qui ne pratiquent pas une autre religion de devenir citoyens israéliens[39].

Après l'attentat de Pittsburgh, le grand rabbin d’Israël, David Lau a défini le lieu de l'attentat comme « un lieu à caractère juif marqué » et déclaré que « le meurtre d’un Juif, où que ce soit dans le monde, parce qu’il est juif, est quelque chose d’impardonnable » et qu'ils « ont été tués parce qu’ils étaient Juifs. La question de leur synagogue ou de leur tradition liturgique n’importe pas »[40]. Benyamin Netanyahou le désapprouve[41].

Quant à la place des femmes dans le culte ou son organisation, elle reste très limitée même si pour la première fois, des femmes ont participé à l'élection des grands-rabbins en 2013[42]. En 2019, le grand-rabbin séfarade d'Israël s'oppose à l'allumage des bougies de Hanoukka dans les synagogues par des femmes[43]. En 2020, le grand-rabbinat menace de faire la grève des examens nécessaires à la certification des rabbins s’il était contraint de dispenser une formation aux femmes qui souhaitent étudier les lois requises pour devenir rabbin orthodoxe, même si ces femmes n’insistent pas pour recevoir l’ordination rabbinique[44].

En 2020 et 2021, le médiateur de la justice s'oppose aussi au grand-rabbin séfarade Yitzhak Yosef sur les femmes, le judaïsme réformé, la Haute Cour de justice puis sur les réformes proposées par le gouvernement Bennett qui supprimeront le monopole orthodoxe sur la certification de la casheroute et sur les conversions religieuses[45].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. D'autres hakham bachi pouvaient être reconnus par les autorités turques en Palestine. Ainsi Makhlouf Eldaoudi fut hakham bachi pour les villes de Saint-Jean-d'Acre, Tibériade, Haïfa et Safed. Voir (en) Yaffa Szekely, « Unknown episodes in the public activity of Rabbi Makhlouf Eldaoudi in his early years as Hakham Bashi of Acre and Haifa »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  2. Jusqu'au début du XIXe siècle, la liste et l'orthographe adoptées sont celles de l'article de Gérard Nahon publié en 1988 Judaïsme médiéval et moderne qui précise : « Avec beaucoup de difficultés, nous avons proposé une liste des titulaires - sinon toujours du titre [Rishon le Tzion] - du moins de la fonction de Rav ha-Colel [(rabbin suprême ou grand-rabbin)] ». À partir de Jacob Moïse Ayache, nous revenons à la liste de Mathilde Tagger. Si ces deux listes sont légèrement différentes, celle de Gérard Nahon est reprise par Carol Iancu.
  3. Ce rabbin n'est pas cité dans toutes les énumérations, peut-être parce qu'il aurait quelque peu soutenu Sabbataï Tsevi.
  4. Lors de ses missions hors de Palestine, ce rabbin était passé à Bordeaux où il avait fixé la répartition des dons entre les communautés de Jérusalem, Safed et Hébron et où il avait aussi vérifié la cacherout (voir Gérard Nahon, Métropoles et périphéries séfarades d'Occident : Kairouan, Amsterdam, Bayonne, Bordeaux, Jérusalem, Éditions du Cerf, ).
  5. a b et c À propos de la lutte d'influence entre rabbins orthodoxes et ceux soutenus par l'Alliance israélite universelle, on peut se rapporter à (en)Joseph B. Glass et Ruth Kark 2007, p. 250
  6. C'est la première institution juive en Palestine à être reconnue par les autorités britanniques. Voir (en) Shulamit Eliash, « The Political Role of the Chief Rabbinate of Palestine, during the Mandate: its Character, its nature », Jewish Social Studies, Indiana University Press,

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Chief Rabbinate of Israel Law, 5740 (1980) »
  2. a b c et d (en) « Chief Rabbinate of Israel Law, 5740 (1980) », sur IsraelLawResourceCenter.
  3. Dictionnaire encyclopédique du judaïsme [détail des éditions], article Richon le-Tsiyyon, page 978
  4. Westreich 2011, p. 10
  5. Westreich 2011, p. 1 et 11
  6. Mathilde Tagger, « Grands Rabbins d'Israël », sur SephardicGen.com.
  7. Carol Iancu, Permanences et mutations dans la société israélienne, page 37, Le Centre, 1996
  8. (en) « Moses Galante (the Younger) », sur Jewish Encyclopedia
  9. (en) « Moses ibn Habib », sur Jewish Encyclopedia
  10. (en) « Eliezer ben Jacob Nahum », sur Jewish Encyclopedia
  11. a et b (en) Nissim Rejwan, Outsider in the Promised Land: An Iraqi Jew in Israel, University of Texas Press, (ISBN 0-292-71288-X, lire en ligne)
  12. (en) « Isaac b. Judah ha-Kohen Rapoport: », sur Jewish Encyclopedia
  13. (en) « Israel Jacob Algazi », sur Jewish Encyclopedia
  14. a et b (en) « Raphael ben Samuel Meyuḥas », sur Jewish Encyclopedia
  15. (en) « Yom Tob ben Israel Jacob Algazi », sur Jewish Encyclopedia
  16. (en) Sherman Lieber, Mystics and Missionaries: the Jews in Palestine (1799-1840), University of Utah Press, , p. 353
  17. (en) « Ḥayyim Abraham Gagin », sur Jewish Encyclopedia
  18. (en) « Isaac Covo », sur Jewish Encyclopedia
  19. Abraham Isaac Laredo, Les noms des Juifs du Maroc, Instituto Benito Arias Montano, (lire en ligne), p. 184
  20. (en) « Ḥayyim David Hazan », sur Jewish Encyclopedia
  21. (en) « Ashkenazi, Abraham », sur Jewish Encyclopedia
  22. a et b Westreich 2011, p. 13
  23. Westreich 2011, p. 14
  24. a et b (en)Joseph B. Glass et Ruth Kark 2007, p. 251
  25. (en) Harvey E. Goldberg, Sephardi and Middle Eastern Jewries : History and Culture in the Modern Era, Indiana University Press, (lire en ligne)
  26. (en) Bernard Reich et David H. Goldberg, Historical Dictionary of Israel, Scarecrow Press, (lire en ligne)
  27. (en) « Formation of a joint chief rabbinate in Palestine, one Sephardi and one Ashkenazi », sur UCC Palestine Solidarity Campaign
  28. Claire Dana-Picard, « Le Grand-Rabbinat d’Israël : une fonction convoitée »,
  29. Jean Georges Kahn, « Cent ans d'hébreu moderne », Hamore, sur Sefarim.fr, , p. 15
  30. Ferenczi 2003, p. 103
  31. (en) « Ministry of Religious Affairs », sur Jewish Virtual Library,
  32. (en) « The Liberation of the Temple Mount and Western Wall (June 7, 1967) », sur Jewish Virtual Library
  33. +Laurent Zecchini, « En Israël, Benyamin Nétanyahou ouvre une brèche dans le monopole des ultraorthodoxes », sur Le Monde,
  34. « Israël : le gouvernement facilite la conversion au judaïsme », sur itélé,
  35. Amanda Borschel-Dan, « La cour rabbinique de Petach Tikva rejette la conversion d’une Juive américaine », sur The Times of Israel,
  36. « Sharansky : Les députés ne connaissent pas grand-chose au judaïsme réformé », sur The Times of Israel,
  37. « Le Grand Rabbinat d'Israël inscrit 160 rabbins de l'étranger sur "liste noire" », sur i24News,
  38. « Qui est juif ? : en Israël, la Cour suprême provoque un vif débat sur les conversions », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  39. Judah Ari Gross, « Le grand rabbin appelle le gouvernement à changer les lois sur l’immigration », sur The Times of Israel,
  40. « Savoir si Tree of Life est une synagogue n’a pas d’importance, dit David Lau », sur The Times of Israel,
  41. « Attentat de Pittsburgh : Nétanyahou recadre le rabbinat israélien », Libération (journal)
  42. « Les rabbins David Lau et Yitzhak Yossef élus grands rabbins d’Israël », sur La Croix,
  43. « Yitzhak Yosef suggère que les femmes ne devraient pas allumer la Hannoukia », sur The Times of Israel,
  44. Stuart Winer, « Le rabbinat refuse de former les femmes aux lois rabbiniques », sur The Times of Israel,
  45. « Le médiateur de la justice demande la révocation du grand rabbin séfarade », sur The Times of Israel,

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Thomas Ferenczi, Religion et politique, une liaison dangereuse ?, Éditions Complexe, (lire en ligne)
  • (en) Joseph B. Glass et Ruth Kark, Sephardi Entrepreneurs in Jerusalem : The Valero Family 1800-1948, Gefen Publishing House Ltd, (lire en ligne)
  • (en) Elimelech Westreich, Jewish Judicial Autonomy in Nineteenth Century Jerusalem : Background, Jurisdiction, Structure, université de Tel-Aviv, (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]