George Saliba

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George Saliba
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George Saliba est un historien et mathématicien libanais né en 1939, spécialiste de l’histoire de l’astronomie arabe, professeur de sciences arabes et islamiques au département d'études du Moyen-Orient, de l'Asie du Sud et de l'Afrique (en), à l'Université Columbia de New York, aux États-Unis, où il exerce ses activités depuis 1979.

Formation et carrière[modifier | modifier le code]

George Saliba étudie à l'Université américaine de Beyrouth et obtient en 1963 son Bachelor of Science en mathématiques puis en 1965 son Master of Arts. Il part ensuite à l'Université de Californie à Berkeley et obtient une maîtrise en sciences des langues sémitiques et un doctorat en sciences islamiques. En 1975, il décroche un poste de professeur invité à l’Université de New York, où il enseigne l’arabe et les sciences syriaques. En 1977 il part à l’Université de Columbia pour enseigner l’histoire des sciences arabes ainsi que l’histoire de la civilisation islamique, d'abord en tant que professeur adjoint invité, puis professeur titulaire et enfin chef du département des langues et cultures du Moyen-Orient en 1990[1].

Après sa carrière de chercheur aux États-Unis, où il enseigne jusqu’en 2017, il rentre à Beyrouth pour y fonder le Centre Farouk Jabre d’histoire des sciences et de la philosophie arabes et islamiques à l’Université américaine de Beyrouth[1].

Prix et distinctions[modifier | modifier le code]

Il a remporté de nombreux prix et récompenses académiques, notamment le prix d'histoire des sciences décerné par l'Académie des sciences du tiers monde en 1993 et le prix d'histoire de l'astronomie en 1996 de la Fondation koweïtienne pour l'avancement des sciences[2],[3]. En 2005, il a été nommé Senior Distinguished Scholar au Centre John W. Kluge[3].

Travaux sur l'astronomie arabe[modifier | modifier le code]

George Saliba a apporté d'importantes contributions à l'astronomie arabe, étroitement mêlée à l'astrologie : « L'astronomie islamique a longtemps entretenu des rapports ambivalents avec l'astrologie. Au début, l'astronomie et l'astrologie étaient toutes deux considérées comme des disciplines complémentaires que l'on désignait sous le nom générique de "science des astres" ('ilm al-nujûm). La transmission des traditions astronomiques de l'Inde et de la Grèce antique au sein de la nouvelle civilisation musulmane fournit l'occasion de soumettre ces sciences à une analyse plus rigoureuse. [...] Ce travail critique aboutit à une séparation de l'astronomie et l'astrologie, essentiellement parce que cette dernière traitait de questions métaphysiques [...] qui entraient d'une façon ou d'une autre en conflit avec le dogme religieux de l'islam. [...] Par ailleurs, les astrologues avaient sans cesse besoin de faire appel aux travaux des astronomes,dans la mesure où toute opération astrologique sérieuse devait impérativement s'appuyer sur des observations astronomiques. En raison de l'étroite dépendance de l'astrologie avec les observations et calculs mathématiques de l'astronomie, les frontières entre les deux disciplines devenaient extrêmement floues aux yeux des profanes »[4].

Dans ses travaux consacré à l'astronomie arabe, George Saliba a mis en lumière les découvertes remarquables accomplies jusqu'au XVIe siècle, alors qu'on pensait jusqu'à la fin du XXe siècle que les progrès des astronomes arabes dans la théorique des planètes avaient pris fin avec l'œuvre d’Ibn al-Shatir au XIVe siècle. Notamment dans ses travaux sur Shams al-Din al-Khafri (en) (mort en 1550), un glossateur séfévide des écrits des astronomes de Maragha, à propos duquel Saliba écrit :

« Par sa perception claire du rôle des mathématiques dans la description des phénomènes naturels, cet astronome réussit à porter la tradition hay’a à des sommets inégalés ailleurs, au plan mathématique comme au plan astronomique. La recherche de modèles mathématiques pouvant supplanter celui de Ptolémée, et l'examen des œuvres de ses prédécesseurs tous en quête d'un modèle mathématique unifié à même de rendre compte de tous les phénomènes physiques, lui firent conclure que toute modélisation mathématique n’a pas par elle-même de sens physique, et qu’elle n’est qu'un langage parmi d'autres pour décrire la réalité physique. Il se persuada également que les phénomènes décrits par les modèles ptoléméens n’admettent pas de solution mathématique unique soumise aux mêmes contraintes ; qu’au contraire il existe plusieurs modèles mathématiques capables de rendre compte des observations de Ptolémée ; qu’ils aboutissent aux mêmes prévisions sur les points critiques que Ptolémée avait retenus pour construire ses propres modèles (et qu’ainsi ils ne rendent pas mieux compte des observations que Ptolémée) tout en respectant les conditions imposées par la cosmologie aristotélicienne, admise par les auteurs de la tradition hay’a[5]. »

Il a montré l'influence significative que l’astronomie arabe exercera sur les astronomies indienne, chinoise et européenne[6], étudié les travaux d'Alhazen et son défi de développer un modèle de sphères qui éviterait les erreurs du modèle de Ptolémée qu'il avait relevées[7] ainsi que les apports d'Ali Qushji au modèle planétaire d’al-Tusi et au modèle de l'orbite de Mercure[8].

Le grand programme d'observation des étoiles entrepris à Damas et Bagdad sous l'impulsion d'Al-Ma’mūn (813-833) a permis d'obtenir de meilleures mesures, grâce à de nouvelles méthodes d'observations[9] que les résultats de Ptolémée, permettant un travail de reprise théorique de ces derniers. Et plus généralement les savants de l'époque se sont interrogés sur la validité des modèles proposés par les Anciens. Ainsi un document attribué à l’aîné des frères Banou Moussa démontré mathématiquement l'inexistence d'une neuvième orbe censée expliquer le mouvement diurne des astres[10].

Il a étudié les ressemblances entre les modèles arabes et ceux de Copernic notamment pour la Lune[11]. Les modèles proposés principalement dans la partie orientale du monde arabe, dans ce qu'on appelle l'école de Maragha, avec les astronomes Nasir ad-Din at-Tusi et Ibn al-Shatir par exemple, conservent le principe d'un soleil tournant autour de la terre[12]. Cependant, ils mettent en place des outils (couple d'al-Tusi, modèle d'ibn al-Shatir) que l'on retrouve dans l’œuvre de Copernic[13],[14]. Nasir al-Din al-Tusi montre de manière géométrique qu’on pouvait engendrer un mouvement rectiligne uniquement à partir de mouvements circulaires grâce à l’hypocycloïde[15].

Saliba s'est également intéressé à l'astronome perse et musulman Banu Musa, qui s'avère être le premier à réfuter au IXe siècle la conception aristotélicienne du monde en affirmant que les corps célestes et les sphères célestes obéissent aux mêmes lois physique que la terre[16]. Il a étudié les travaux d'Ali Quchtchi, qui participa à l'élaboration des Tables sultaniennes et mit au point un modèle planétaire pour la trajectoire de Mercure utilisant les outils mis en place par Muʾayyad al-Dīn al-ʿUrḍī (en)[17].

Columbia Unbecoming[modifier | modifier le code]

En 2004, une organisation militante pro-israélienne, le David Project (en), a produit un film, Columbia Unbecoming (en), interviewant des étudiants qui affirmaient que Saliba et d'autres professeurs de Columbia les avaient intimidé ou étaient injustes à l'égard de leurs points de vue pro-israéliens[18]. Saliba a rejeté l'accusation et publié une réfutation dans Columbia Spectator (en) () à cet effet[19],[20]. L'étudiante Lindsay Shrier a affirmé qu’il lui avait dit que ceux qui avaient les yeux verts (comme elle) ne sont pas des "sémites" raciaux et n’ont aucune revendication nationale valable sur les terres du Moyen-Orient[20]. Saliba affirme qu'il s'agit d'une fabrication[19].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Islamic Science and the Making of the European Renaissance, MIT Press () (ISBN 0-262-19557-7) (couverture rigide et en format de poche à partir de 2011. Le livre a depuis été traduit en turc, en arabe et en bahasa (indonésien)
  • A History of Arabic Astronomy: Planetary Theories During the Golden Age of Islam, New York, University Press; (ISBN 0-8147-7962-X)(1994) (couverture rigide); (réédition  : (en) George Saliba, A History of Arabic Astronomy : Planetary Theories During the Golden Age of Islam, New York University Press, 1994b, 352 p. (ISBN 978-0-8147-8023-7 et 0-8147-8023-7, lire en ligne) (broché).
  • (Avec Linda Komaroff, Catherine Hess) The Arts of Fire : Islamic Influences on Glass and Ceramics of the Italian Renaissance, Getty Trust Publications: Musée J. Paul Getty (), (ISBN 0-89236-757-1)(couverture rigide) Consulter en ligne.
  • "The Crisis of the Abbasid Caliphate" (Tabari, Chroniques de Tabari (Ta'rikh Al-Rusul Wa'l-Muluk) ; traduction annotée), Presses de l'Université d'État de New York () (ISBN 0-87395-883-7) (Relié), (ISBN 0-7914-0627-X) (broché) lire en ligne.
  • "The Astronomical Work of Mu’ayyad_al-Din_al-’Urdi (en) (died 1266): A Thirteenth Century Reform of Ptolemaic Astronomy", Markaz dirasat al-Wahda al-Arabiya, Beyrouth, 1990, 1995
  • (Avec Sharon Gibbs) Planispheric astrolabes from the National Museum of American History, Smithsonian Institution Press, (1984) (livre de poche)
  • « The Pebble That Became A Fist-Full Rock: On the Continued Importance of Edward Said's Orientalism » (consulté le )
  • "he Ash'arites and the Science of the Stars" dans Richard G. Hovannisian et George Sabagh (éd.), Religion and Culture in Medieval Islam (Cambridge: Cambridge University Press, 1999), 79-92.
  • (en) George Saliba, « Review: Geschichte des arabischen Schriftiums. Band VI: Astronomie bis ca. 430 H by F. Sezgin », Journal of the American Oriental Society, vol. 101, no 2,‎ , p. 219-221
  • (en) George Saliba, Whose Science is Arabic Science in Renaissance Europe?, université Columbia, (lire en ligne)
  • (en) George Saliba, « Arabic versus Greek Astronomy: A Debate over the Foundations of Science », Perspectives on Science, vol. 8,‎ , p. 328-341
  • (en) George Saliba, « Science before Islam », dans A. al-Hassan, M. Ahmad, and A. Iskandar (dir.), The Different Aspects of Islamic Culture, vol. 4: Science and Technology in Islam, Part 1 The exact and natural sciences, UNESCO, (lire en ligne), p. 27-49
  • George Saliba, « Seeking the Origins of Modern Science? », BRIIFS, vol. 1, no 2,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • David A. King (dir.) et George Saliba (dir.), From Deferent to Equant : A Volume of Studies in the History of Science in the Ancient and Medieval Near East in Honor of E. S. Kennedy, coll. « Annals of the New York Academy of Sciences » (no 500/1), , 569 p. (présentation en ligne, lire en ligne)
  • (en) George Saliba, « Ṭusi, Naṣir-al-Din ii. As mathematician and astronomer », dans Encyclopædia Iranica, (lire en ligne)

Références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « George Saliba » (voir la liste des auteurs).
  1. a et b Nour Braidy, « George Saliba, une carrière dédiée au patrimoine intellectuel arabe et islamique », L'Orient - le jour,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Diane Greenberg, « George Saliba to Give a Talk at Brookhaven Lab on Science in Renaissance Europe, August 19 », Brookhaven National Laboratory (consulté le )
  3. a et b Helen Dalrymple, « George Saliba Named Senior Distinguished Scholar at the John W. Kluge Center », Library of Congress (consulté le )
  4. George Saliba, « L'astronomie arabe », Djebbar, 2005, p. 53-67, citation p. 58-61
  5. Saliba 2000
  6. Saliba 1999.
  7. Saliba 1994b, p. 60
  8. (en) George Saliba, « Les théories planétaires en astronomie arabe après le XIe siècle », dans Rashed et Morelon 1997, p. 71-138.
  9. George Saliba, « L'astronomie arabe », dans Djebbar 2005, p. 55.
  10. (en) George Saliba, « Early Arabic Critique of Ptolemaic Cosmology: A Ninth-century Text on the Motion of Celestial Spheres », Journal for the History of Astronomy, 1994.
  11. George Saliba, « L'astronomie arabe », dans Ahmed Djebbar, L'Âge d'or des sciences arabes, Actes Sud / Institut du monde arabe, (ISBN 2-7427-5672-8), p. 66.
  12. George Saliba, « Les théories planétaires », dans Histoire des sciences arabes : Astronomie, théorique et appliquée, vol. 1, Seuil, , p. 101.
  13. Saliba 1997, p. 138.
  14. George Saliba, Whose Science is Arabic Science in Renaissance Europe?, Columbia University.
  15. (en) George Saliba, A History of Arabic Astronomy: Planetary Theories During the Golden Age of Islam, New York University Press, 1994b (ISBN 0814780237), p. 152 et suivantes sur Google Livres.
  16. (en) George Saliba, « Première critique arabe de la cosmologie ptolémaïque: un texte du neuvième siècle sur le mouvement des sphères célestes », Revue d'histoire de l'astronomie,‎ , p.116. (lire en ligne)
  17. George Saliba, « Les théories planétaires », dans Roshdi Rashed, Histoire des sciences arabes : Astronomie, théorique et appliquée, Seuil, , p. 72-137, p. 136
  18. "Columbia prof discusses Islamic science"
  19. a et b Rebutting a "Misguided Political Project" by George Saliba Columbia Spectator (November 3, 2004)
  20. a et b "The `Silent Jews' speak out" by Shoshana Kordova Haaretz, February 8, 2005

Liens externes[modifier | modifier le code]