Franciscæ meæ laudes

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Franciscæ meæ laudes est un poème de Charles Baudelaire contenu dans la partie Spleen et idéal de son recueil Les Fleurs du mal. C'est le seul poème écrit en latin du recueil ; le titre signifie : Louanges de ma Françoise ou pour ma Françoise (si l'on considère Franciscae meae comme un datif et non un génitif[1]).

Le poème a d’abord été publié dans L'Artiste le [2]. Il porte le numéro LIII dans la première édition des Fleurs du mal en 1857, le numéro LX dans celle de 1861[1]

Le poème se présente comme une prière religieuse, composée « pour une modiste érudite et dévote », traitant de l'amour spirituel, mais Baudelaire utilise le latin, langue morte au XIXe siècle, pour y dissimuler au centre une obscénité : « Quod debile, confirmasti. [...] recte me semper guberna », ce qui signifie : « Ce qui était faible, tu l’as affermi [...] Dirige toujours bien droit mon gouvernail » ; le gouvernail, comme la quille ou la bitte d’amarrage, est l’un des mots d’argot usuels pour désigner le sexe masculin en érection ; Baudelaire le laisse entendre dans l'introduction en prose qui précède le poème : « Le calembour lui-même, quand il traverse ces pédantesques bégaiements, ne joue-t-il pas la grâce sauvage et baroque de l’enfance ? »[3].

Jules Mouquet en donne la traduction suivante dans son édition des Vers latins de Baudelaire (Mercure de France, 1933) :

Je te chanterai sur des cordes nouvelles,
Ô ma bichette qui te joues
Dans la solitude de mon coeur.

Sois parée de guirlandes,
Ô femme délicieuse
Parqui les péchés sont remis !

Comme d'un bienfaisant Léthé,
Je puiserai des baisers de toi
Qui es imprégnée d'aimant.

Quand la tempête des vices
Troublait toutes les routes,
Tu m'es apparue, Déité,

Comme une étoile salutaire
Dans les naufrages amers...
—Je suspendais mon coeur à tes autels !

Piscine pleine de vertu,
Fontaine d'éternelle jouvence,
Rends la voix à mes lèvres muettes !

Ce qui était vil, tu l'as brûlé ;
Rude, tu l'as aplani ;
Débile, tu l'as affermi.

Dans la faim mon auberge,
Dans la nuit ma lampe,
Guide-moi toujours comme il faut.

Ajoute maintenant des forces à mes forces.
Doux bains parfumés
De suaves odeurs !

Brille autour de mes reins,
Ô ceinture de chasteté,
Trempée d'eau séraphique ;

Coupe étincelante de pierreries,
Pain relevé de sel, mets délicats,
Vin divin, Françoise[4].


Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jean-Yves Tilliette, « Les décadents, les symbolistes et le moyen âge latin », dans L. Kendrick, F. Mora, M. Reid (dir.), Le Moyen Âge au miroir du XIXe siècle (1850-1900), Paris, L'Harmattan, , 277 p. (lire en ligne), p. 277-294.
  2. Pierre Brunel, « Grâce(s) noire(s). Au sujet de Baudelaire et Senghor », Littératures classiques, no 60,‎ , p. 61-72 (lire en ligne).
  3. Judith Lyon-Caen et Alain Vaillant, « La face obscène du romantisme », Romantisme, no 167,‎ , p. 41-59 (lire en ligne).
  4. Charles Baudelaire (préf. Claude Pichois), Les Fleurs du Mal, Paris, Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard » (no 85), (ISBN 978-2-070-30766-1), p. 299

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