Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section « Notes et références ».
La formule BBP (ou formule de Bailey-Borwein-Plouffe) permet de calculer le n-ième chiffre après la virgule du nombre π en base 2 (ou 16) sans avoir à en calculer les précédents, et en utilisant très peu de mémoire et de temps. Elle a été obtenue le par Simon Plouffe en collaboration avec David H. Bailey et Peter Borwein[1].
Dans sa forme originelle, la formule BBP est donnée par
.
Démonstration
Notons et démontrons la formule de Plouffe généralisée :
(le cas r = 0 est sa formule originale ; le cas r = –1/4 est, sous une forme plus détaillée, celle d'Adamchick et Wagon).
Posons et calculons de deux façons l'intégrale suivante :
Elle est d'une part reliée aux Sn par
et d'autre part calculable par des méthodes élémentaires (en calculant séparément sa partie réelle et sa partie imaginaire), ou de façon plus synthétique via le logarithme complexe :
L'égalité entre ces deux expressions de I équivaut à :
Mais ln 2 s'exprime par ailleurs plus directement en fonction des Sn :
(2) et (3) donnent donc, par soustraction des membres de droite, une relation entre les Sn :
En multipliant le membre de droite de (4) par 1+4r et en ajoutant ce produit au membre de droite de (1), on obtient l'égalité (0) annoncée.
Exploitation de la formule pour calculer les chiffres après la virgule de π
Le but est de calculer le N-ième chiffre après la virgule de π en base 16.
Déjà, on remarque que le (N + 1)-ième chiffre après la virgule de π en base 16 est le même que le 1er chiffre après la virgule de 16Nπ. En effet, comme en base 10, multiplier un nombre en base 16 par 16 permet de décaler la virgule d'un rang vers la droite. En multipliant un nombre par 16N, la virgule est donc décalée de N rangs vers la droite. Ainsi, il suffit de calculer le premier chiffre de 16Nπ, égal par la formule BBP à :
.
Mais calculer les premiers chiffres derrière la virgule de ce nombre n'est pas si simple, pour deux raisons :
d'abord, ce nombre étant très grand, cela demande d'effectuer des calculs sur des nombres très grands ;
ensuite, parce que cette somme est infinie.
Posons . Le calcul des premiers chiffres de SN(a) permettra d'obtenir ceux de 16Nπ, par la relation :
Bien que ce soit une somme infinie, ce terme est très simple à calculer, car on remarque que ses termes deviennent vite très petits et on ne cherche que les premiers chiffres.
En effet, le premier terme de la somme est : . Comme on cherche le N-ième chiffre derrière la virgule de π (N = 1 000 000 000 par exemple), le premier terme bN est très inférieur à 1.
De plus, chaque terme suivant a un zéro de plus derrière la virgule que le précédent, car pour k ≥ N, bk > 16 bk+1 :
.
Finalement, la somme BN(a) est de la forme (au pire) :
Donc pour obtenir BN(a) avec une précision de P chiffres derrière la virgule, il suffit de calculer les P premiers termes de la somme, plus les quelques suivants pour éviter les problèmes de retenues qui peuvent éventuellement apparaître.
Il suffit donc de calculer :
Cette somme n'étant composée que d'un petit nombre de termes (de nombre constant), son temps de calcul est négligeable pour un ordinateur.
Le problème pour calculer AN(a) est que les premiers termes sont extrêmement grands (N chiffres en base 16 devant la virgule). Néanmoins, comme on ne cherche que les premiers chiffres derrière la virgule, peu importe la partie entière, aussi grande qu'elle soit. On peut donc s'en « débarrasser » en utilisant l'arithmétique modulaire.
Toute la difficulté se réduit donc à trouver la partie fractionnelle de .
BN'(a) se calcule en temps constant (O(1)). La complexité du calcul de SN' est donc la même que la complexité du calcul de AN'(a).
AN'(a) : en utilisant la méthode d'exponentiation rapide, ses termes se calculent en O(log2(n)) multiplications sur des entiers de taille log2(n). En notant M(k) la complexité de la multiplication de deux entiers de taille k, la complexité est donc O(log(n)M(log(n))). Finalement, la somme des n termes, AN'(a), se calcule en temps O(n log(n)M(log(n))). Même en utilisant l'algorithme de multiplication naïf plutôt que l'algorithme de Karatsuba ou la transformée de Fourier rapide, on obtient une complexité quasi linéaire de O(n log(n)3).
Le calcul de BN'(a) s'effectue en espace constant (somme d'un nombre fixé de termes, avec un nombre fixé de chiffres significatifs). Le calcul de AN'(a) nécessite d'effectuer des calculs modulo 8k+a, c'est-à-dire de manipuler des nombres de taille log(k) avec k ≤ N. À chaque étape de l'algorithme, on manipule un nombre constant de tels nombres : la complexité en espace du calcul de AN'(a) est donc O(log(n)). L'algorithme total utilise donc un espace logarithmique.
Pour comparaison, le record de calcul de toutes les décimales de π est, en 2016, de 22 600 milliards de décimales (soit environ 70 000 milliards de chiffres binaires).
Actuellement, aucune formule réellement efficace n'a été découverte pour calculer le n-ième chiffre de π en base 10. Simon Plouffe a mis au point en décembre 1996, à partir d'une très ancienne série de calcul de π basée sur les coefficients du binôme de Newton, une méthode pour calculer les chiffres en base 10, mais sa complexité en O(n3 × log2(n)) la rendait en pratique inutilisable. Fabrice Bellard a bien amélioré l'algorithme pour atteindre une complexité en O(n2), mais cela n'est pas suffisant pour concurrencer les méthodes classiques de calcul de toutes les décimales.
↑(en) David H. Bailey, Peter B. Borwein et Simon Plouffe, « On the Rapid Computation of Various Polylogarithmic Constants », Math. Comp., vol. 66, no 218, , p. 903-913 (DOI10.1090/S0025-5718-97-00856-9, MR1415794).
Jörg Arndt et Christoph Haenel (trad. de l'allemand par Henri Lemberg et François Guénard), À la poursuite de π [« Pi. Algorithmen, Computer, Arithmetik »], Paris, Vuibert, (1re éd. 1998), 273 p. (ISBN978-2-7117-7170-7), chap. 10 (« L'algorithme BBP »).