Fontaine des Innocents
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La fontaine des Innocents, d'abord appelée fontaine des Nymphes, est une fontaine située dans le 1er arrondissement de Paris, sur l'actuelle place Joachim-du-Bellay dans le quartier des Halles. De style Renaissance, elle a connu diverses modifications et a été déplacée à deux occasions. Elle est classée monument historique depuis [1].
Ce site est desservi par les stations de métro Les Halles et Châtelet.
Historique
[modifier | modifier le code]La fontaine du Moyen-Âge
[modifier | modifier le code]La première fontaine des Innocents, adossée à église des Saints-Innocents, à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers (actuelle rue Berger), à une quarantaine de mètres au nord-est de son emplacement actuel, est établie vers au cours d'une période de forte croissance de la ville. Elle était alimentée par une conduite en terre cuite amenant les eaux des sources du Pré-Saint-Gervais qui desservait également le prieuré Saint-Lazare, le couvent des Filles-Dieu et la Fontaine du Ponceau[2].
La fontaine d'angle de la Renaissance
[modifier | modifier le code]Cette fontaine est remplacée en sous le règne du roi Henri II, au même endroit, par un édifice sous forme de loggia, œuvre de l'architecte Pierre Lescot, décorée de sculptures de Jean Goujon. Elle célébrait à l'origine l'entrée du roi dans Paris au retour du sacre de Reims, notamment celles de Jean le Bon, de Charles V, de Charles VI, de Charles VII le et de Charles VIII le : elle était une des étapes du parcours de la basilique Saint-Denis au palais de la Cité ou à la cathédrale Notre-Dame[3].
De forme rectangulaire et non carrée comme aujourd'hui, elle ne possédait donc que trois arcades ornées de cinq naïades : deux décorant l'arcade de la rue Saint-Denis, les trois autres sculptées sur les deux arcades donnant en retour d'angle sur la rue aux Fers. Un alignement de pilastres, d'ordre corinthien, encadrant chacune des arcades supportait une frise et un attique à fronton triangulaire. L'ensemble reposait sur un soubassement d'où l'eau s'écoulait par de petits mascarons.
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La fontaine des Innocents à l'angle des rues Saint-Denis et aux Fers (Berger).
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Détail des faces de la fontaine Renaissance.
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Gravure présentant les façades.
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Bas reliefs.
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Nymphe, vue de face, qui tient, à la hauteur des hanches, un vase.
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Nymphe, vue de face, qui porte un vase sur son épaule gauche.
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Nymphe, vue de face, qui porte un vase sur son épaule droite.
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Nymphe, vue de face, tête tournée vers la gauche, qui tient une rame.
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Nymphe, tournée vers la droite, qui tient, à la hauteur des hanches, un vase.
Le tétrapyle de l'époque classique
[modifier | modifier le code]À la fin du XVIIIe siècle, l'ensemble des cimetières de Paris sont vidés et remplacés par les actuels, situés à l'époque à l'extérieur de la ville. Le cimetière des Innocents, plus communément qualifié de charnier, qui jouxtait l'église des Saints-Innocents, est également vidé, à la suite de l'effondrement d'un muret dans une cave. L'église est démolie en et la fontaine se retrouve isolée dans un coin de l'espace dégagé, destiné à devenir un marché.
Elle est alors déplacée, puis installée au centre de la place récemment créée et baptisée à l'époque « place du marché des Innocents ». Un ingénieur nommé Six est chargé de la démonter, tandis que les architectes Poyet, Legrand et Molinos en conçoivent le nouveau plan de réédification. Ils décident de lui donner une forme d'un tétrapyle, c'est-à-dire un pavillon carré. Il devient donc nécessaire de sculpter une quatrième face à la fontaine, travail exécuté en par Augustin Pajou, qui s'efforce de retrouver la même inspiration que son prédécesseur.
Il sculpte donc trois naïades pour compléter les cinq de Goujon : les deux de la face méridionale et celle de gauche de l'occidentale. Les autres ornements sont confiés à Lhuillier, Mézières et Daujon.
Un lion est disposé à chacun des quatre angles. Le soubassement d'origine est remplacé par une suite de bassins superposés, prévus pour recueillir l'eau qui jaillit d'une vasque en bronze placée au centre du pavillon. Les trois bas-reliefs décorant le soubassement, menacés de rapide détérioration par l'écoulement de l'eau, sont démontés et déposés au musée du Louvre.
La fontaine est également coiffée d'une petite coupole constituée de feuilles de métal imitant les écailles de poisson.
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Fontaine des Innocents. Dispositions ancienne et moderne.
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La fontaine vers .
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La fontaine des Innocents sur la place du marché.
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La fontaine en .
Le déplacement de
[modifier | modifier le code]Lorsqu'en , un square est décidé pour remplacer le marché, devenu inutile à la suite de la construction des Halles par Baltard, la fontaine est encore déplacée de quelques mètres et recentrée dans l'espace réduit de moitié laissé à ce nouveau jardin public en 1860. Un soubassement de forme pyramidale, étagé de six bassins à bords arrondis, est ajouté sur chaque face. Le tout repose au milieu d'un bassin circulaire. Cette dernière transformation est confiée à l'architecte Gabriel Davioud.
La place Joachim-du-Bellay actuelle épouse dans les grandes lignes les dimensions de ce square supprimé en lors du réaménagement des abords des anciennes Halles transférées à Rungis.
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La fontaine aujourd'hui.
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La vasque en bronze dans le pavillon.
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Face est, naïade de droite ().
Restauration en –
[modifier | modifier le code]Le principe d'une restauration de la fontaine, très dégradée, est annoncé en par Karen Taïeb, adjointe à la maire de Paris, chargée du patrimoine[4]. Les travaux, d'un coût estimé à 5 millions d'euros, sont réalisés en s'appuyant sur un protocole de restauration déterminé par un comité scientifique de restauration de la fontaine des Innocents. Les travaux commencent en et sont achevés un an après, avec sa remise en eau le [5],[6], juste à temps pour les visiteurs des Jeux olympiques de Paris .
Une exposition temporaire au musée Carnavalet[7] évoque ce chantier chargé d’histoire, de même qu’un long article du paru dans Le Moniteur[8].
Cette fontaine est asséchée depuis . À cause d’un tassement inégal des fondations de quelques millimètres « la majeure partie des débits se déversait vers l’ouest. Les remous et les lames d’eau accéléraient l’usure », rappelle Emmanuelle Philippe, conservatrice du patrimoine. L’objectif était de restaurer la fontaine, abimée par des décennies de pollution, d’intempéries et de corrosion du système hydraulique. Le local technique souterrain a été complétement revu avec la pose d’un variateur de débit et de puissance et le changement du traitement des eaux aux ultraviolets qui remplacent le chlore. Pour sa vision nocturne, une nouvelle mise en lumière indirecte et chaude par LED savamment dissimulées a été réalisée. Les cinq nymphes de Jean Goujon ont été déposées et remplacées par des copies en résine chargée en poudre de pierre. Les nymphes originales exposées au musée Carnavalet jusqu’au ne connaissent pas encore leur destination finale, rejoignant peut-être les bas-reliefs de cette fontaine conservés au musée du Louvre.
Description des ornements sculptés
[modifier | modifier le code]L'œuvre de Jean Goujon selon les dessins de Pierre Lescot
[modifier | modifier le code]Sur chacune des trois faces originales, des pilastres jumelés d'ordre corinthien encadrent une arcade surmontée d'un attique et d'un fronton triangulaire. Les naïades au corps voilé, en bas-relief, s'insèrent entre les pilastres. Chacun des attiques est décoré de scènes mythologiques relatives aux sources et fontaines.
La décoration du soubassement de la fontaine d'angle du XVIe siècle était composée de trois bas-reliefs. Des nymphes couchées en compagnie de Tritons et de petits génies y sont sculptés entourés de créatures mythologiques. Ces bas-reliefs, démontés lors du premier déplacement de la fontaine, sont au musée du Louvre. Ces bas reliefs sont probablement le premier exemple de représentation tirée de la mythologie dans l'espace public en France[9].
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Nymphe et triton.
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Nymphe et un petit génie sur un dragon marin.
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Nymphe et un petit génie sur un cheval marin.
L'œuvre d'Augustin Pajou
[modifier | modifier le code]La quatrième face, de , conserve la même ordonnance que les trois autres d'origine. Pajou prit pour modèle la statue de la Paix, de Goujon, que l'on peut voir au musée du Louvre. L'artiste a sculpté les bas-reliefs de cette face méridionale, ainsi que ceux du panneau gauche de l'arcade occidentale.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Fontaine des innocents », notice no PA00085805, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Philippe Lorentz et Dany Sandron, Atlas de Paris au Moyen-Âge, Parigramme, , 240 p. (ISBN 2 8409 6402 3), p. 219.
- Philippe Lorentz et Dany Sandron, Atlas de Paris au Moyen-Âge, Parigramme, , 240 p. (ISBN 2 8409 6402 3), p. 97-98.
- Philippe Baverel, « Paris : la fontaine des Innocents va être restaurée », Le Parisien, (consulté le ).
- Claire Bommelaer, « En , buvez, Parisiens ! », Le Figaro, supplément Le Figaro et vous, 26-27 février 2022, p. 31.
- « L’eau est de retour à la fontaine des Innocents », sur paris.fr, .
- « Vaste opération de restauration pour la fontaine des Innocents », sur paris.fr, (consulté le )
- Laurent Miguet, « A Paris, dans le quartier des halles, la fontaine des Innocents révèle ses secrets », Le Moniteur, .
- Panneau d'information de ces bas reliefs au Louvre.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, Inventaire général des richesses d'art de la France, Tome 1, E. Plon et Cie, Paris, 1879.
- Jacques Hillairet et Pascal Payen-Appenzeller, Dictionnaire historique des rues de Paris, Éditions de minuit, Paris, 1985 (ISBN 2-707-310549).
- La Fontaine des Innocents est aussi un roman de Max Gallo, Livre de Poche, 1993, (ISBN 225306405X).
- Marie-Hélène Levadé (photogr. Hughes Marcouyeau), Les Fontaines de Paris : L'eau pour le plaisir, Paris et Bruxelles, Éditions Chapitre Douze, , 592 p. (ISBN 978-2-915345-05-6).
- Dominique Massounie (dir.), Pauline Prévost-Marcilhacy (dir.) et Daniel Rabreau (dir.), Paris et ses fontaines : De la Renaissance à nos jours, Paris, Délégation à l'action artistique de la ville de Paris, coll. « Paris et son patrimoine », , 318 p. (ISBN 2-905-118-80-6).
- Valérie Guillaume (dir.), Véronique Milande (dir.), Emmanuelle Philippe (dir.), Sophie Picot-Bocquillon (dir.) et Juliette Tanré-Szewczyk (dir.), La fontaine des Innocents : Histoires d'un chef-d'oeuvre parisien (exposition, Paris, musée Carnavalet, – ), Paris, Paris Musées et Conservation des œuvres d'art religieuses et civiles (COARC) de la Ville de Paris, , 207 p. (ISBN 978-2-7596-0581-1).
- Elsa Ricaud, Marion Del Sant et Mathieu Rousset-Perrier, « La restauration de la fontaine des Innocents à Paris », In Situ. Revue des patrimoines, no 51, (ISSN 1630-7305, DOI 10.4000/insitu.39083, lire en ligne).
Article connexe
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Ressources relatives à l'architecture :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Fontaine des Innocens, par Jean-Marie Amelin (1785-1858), en 1852.
- La fontaine des Innocents, Imago Mundi
- Place Joachim du Bellay, Insecula
- La fontaine des Innocents, Paris 1900