Expédition de Morée

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 26 mars 2020 à 08:21 et modifiée en dernier par Leporello78 (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

L’expédition de Morée est le nom donné à l’intervention terrestre de l’armée française dans le Péloponnèse[N 1] entre 1828 et 1833, lors de la guerre d'indépendance grecque, afin de libérer la région des forces d'occupation turco-égyptiennes. Elle est également accompagnée d'une expédition scientifique mandatée par l'Institut de France.

Expédition de Morée
Carte ancienne en noir et blanc.
Entrevue du général Maison et d'Ibrahim Pacha à Navarin en septembre 1828 (détail)
(par Jean-Charles Langlois, 1838)
Informations générales
Date 1828-1833
Lieu Morée (Péloponnèse actuel)
Casus belli Chute de Missolonghi
Issue Indépendance de la Grèce
Belligérants
Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Première République hellénique
Drapeau de l'Empire ottoman Empire ottoman
Flag of the Ottoman Empire (1453-1844) Province ottomane d'Égypte
Commandants
- Nicolas Joseph Maison (expédition militaire)
- Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent (expédition scientifique)
- Ibrahim Pacha
Pertes
1 500 français Nombre inconnu

Guerre d'indépendance grecque

Batailles

Bataille de Navarin

Après la chute de Missolonghi en 1826, l’Europe occidentale avait décidé d’intervenir en faveur de la Grèce insurgée. Son principal objectif est d’obtenir qu’Ibrahim Pacha, allié égyptien de l’Empire ottoman, évacue les régions occupées et le Péloponnèse. L’intervention débute par l’envoi d’une flotte franco-russo-britannique qui remporte la bataille de Navarin en octobre 1827. En août 1828, un corps expéditionnaire français de 15 000 hommes conduit par le général Nicolas-Joseph Maison débarque dans le sud-ouest du Péloponnèse. Au cours du mois d'octobre, les soldats prennent le contrôle des principales places-fortes tenues par les troupes turques. Bien que l’essentiel des troupes rentre en France après 8 mois, début 1829, la présence française se poursuit jusqu’en 1833. Cependant, l’armée française subit de nombreuses pertes humaines, autour de 1 500 morts, dues principalement aux fièvres et à la dysenterie.

Comme lors de la campagne d'Égypte de Napoléon Bonaparte, où une commission des sciences et des arts avait accompagné l’expédition militaire, une commission scientifique placée sous la tutelle de trois académies de l'Institut est adjointe aux troupes militaires. Sous la direction du naturaliste et géographe Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, dix-neuf savants représentant diverses spécialités, histoire naturelle, archéologie et architecture-sculpture, font le voyage en mars 1829 et restent 9 mois sur place pour la plupart d'entre eux. Leurs travaux se révèlent essentiels pour le développement en cours du nouvel État grec et, plus largement, marquent une étape majeure dans l’histoire de l’archéologie, de la cartographie et des sciences naturelles, ainsi que dans l’étude de la Grèce[1],[2].

Contexte

Contexte militaire et diplomatique

Une femme de face en costume national grec, au milieu de ruines et de cadavres
Delacroix, La Grèce sur les ruines de Missolonghi (1826). Ce tableau joua un rôle important dans la campagne d’opinion en Occident qui détermina une intervention.

En 1821, les Grecs s’étaient révoltés contre l’occupation ottomane. Ils avaient d’abord remporté de nombreuses victoires et proclamé leur indépendance le 1er janvier 1822. Les victoires grecques avaient été de courte durée, en partie parce que les insurgés s'étaient rapidement déchirés entre factions rivales au cours de deux guerres civiles. Le sultan Mahmoud II avait appelé à l’aide son vassal égyptien Méhémet Ali qui, en 1824, dépêcha en Grèce son fils Ibrahim Pacha avec une flotte de 8 000 puis de 25 000 hommes. L’intervention d’Ibrahim fut décisive : le Péloponnèse était reconquis en 1825 ; le verrou de Missolonghi était tombé en 1826 ; Athènes avait été prise en 1827. Il ne restait plus alors à la Grèce que Nauplie, Hydra, Spetses et Égine[3],[4],[5].

Le jeu des puissances européennes était alors ambigu, tout comme celui de leurs représentants au Levant. Le soulèvement grec, considéré comme libéral et national, ne convenait pas à l’Autriche de Metternich, principal artisan de la politique de la Sainte-Alliance. Cependant, la Russie, autre gendarme réactionnaire de l’Europe, était favorable à l’insurrection grecque par solidarité religieuse orthodoxe et par intérêt géo-stratégique (contrôle des détroits des Dardanelles et du Bosphore). La France de Charles X, autre membre actif de la Sainte-Alliance (elle venait d’intervenir en Espagne contre les libéraux), avait une position ambiguë : les Grecs, certes libéraux, étaient d’abord des chrétiens et leur soulèvement contre les Ottomans musulmans pouvait ressembler à une nouvelle croisade. La Grande-Bretagne, pays libéral, s’intéressait surtout à la situation de la région sur la route des Indes, et Londres désirait pouvoir y exercer une forme de contrôle[6]. Enfin, pour l’ensemble de l’Europe, la Grèce était le berceau de la civilisation et de l’art depuis l’Antiquité.

Un fort courant d’opinion philhellène se développa en Occident, surtout après la chute héroïque et les massacres de Missolonghi en 1826, où le poète Lord Byron avait trouvé la mort en martyr peu avant. De nombreux artistes et intellectuels comme Chateaubriand[7], Victor Hugo[8], Alexandre Pouchkine, Gioachino Rossini, Hector Berlioz[9] ou Eugène Delacroix (dans ses tableaux des Scènes des massacres de Scio (1824) et de la Grèce sur les ruines de Missolonghi (1826)), amplifièrent le courant de sympathie pour la cause grecque dans l'opinion publique. Il fut alors décidé d’intervenir en faveur de la Grèce. Par le traité de Londres du 6 Juillet 1827[N 2], la France, la Russie et le Royaume-Uni reconnurent l’autonomie de la Grèce qui resterait vassale de l’Empire ottoman. Les trois puissances se mirent d’accord pour une intervention limitée afin de convaincre la Porte d’accepter les termes du traité. Une expédition navale de démonstration fut suggérée et adoptée. Une flotte conjointe russe, française et britannique fut envoyée pour exercer une pression diplomatique sur Constantinople[10]. La bataille navale de Navarin, livrée le , entraîna la destruction totale de la flotte turco-égyptienne[11].

tableau de bataille navale
La Bataille de Navarin, le 20 octobre 1827, au cours de laquelle les forces navales alliées (Grande-Bretagne, France et Russie) ont vaincu de manière décisive les flottes ottomane et égyptienne.

En 1828, Ibrahim Pacha était donc dans une situation difficile : il venait d’essuyer une défaite à Navarin ; la flotte conjointe exerçait un blocus qui l’empêchait de recevoir renforts et ravitaillement ; ses troupes albanaises qu’il ne pouvait plus payer avaient regagné leur pays, sous la protection des troupes grecques de Theódoros Kolokotrónis. Le 6 août 1828, une convention avait été conclue à Alexandrie entre le vice-roi d’Égypte, Méhémet Ali et l’amiral britannique Edward Codrington : Ibrahim Pacha devait évacuer ses troupes égyptiennes et laisser le Péloponnèse aux quelques troupes turques (estimées à 1 200 hommes) qui y restaient encore. Cependant, Ibrahim Pacha refusant de tenir les engagements pris, continuait à contrôler diverses régions grecques : Messénie, Navarin, Patras et quelques autres places fortes. Il avait même ordonné la destruction systématique de Tripolitza[12].

Par ailleurs, le gouvernement français de Charles X commençait à avoir des doutes quant à sa politique grecque[13]. Ibrahim Pacha lui-même releva cette ambiguïté lorsqu’il rencontra le général Maison en septembre : « Pourquoi la France après avoir fait des esclaves en Espagne en 1823 venait maintenant en Grèce faire des hommes libres ? »[14] Enfin, une agitation libérale, en faveur de la Grèce et s’inspirant de ce qui se passait alors en Grèce, commençait à se développer en France. Le gouvernement ultra-royaliste décida donc de hâter les choses. Une expédition terrestre fut proposée à la Grande-Bretagne, qui refusa d’intervenir elle-même directement. Cependant, la Russie avait déclaré la guerre à l’Empire ottoman et ses victoires militaires inquiétaient Londres qui ne désirait pas voir l’empire des tsars descendre trop au sud. La Grande-Bretagne ne s’opposa donc pas à ce que la France intervînt seule[15].

Contexte intellectuel

La philosophie des Lumières développa l’intérêt de l’Europe occidentale pour la Grèce, en fait pour une Grèce antique idéalisée. On considérait que les notions, si importantes pour les Lumières, de Nature et de Raison, avaient été les valeurs primordiales de l’Athènes classique. Les anciennes démocraties grecques, et surtout Athènes, devinrent des modèles à imiter. On alla y puiser des réponses aux problèmes politiques et philosophiques du temps. Des ouvrages tels que celui de l’Abbé Barthélemy : Voyage du Jeune Anacharsis, paru en 1788 servirent à fixer définitivement l’image que l’Europe avait de l’Égée.

Les théories et le système d’interprétation de l’art antique de Johann Joachim Winckelmann décidèrent du goût européen pour des dizaines d’années. Son œuvre majeure, Histoire de l’art antique., fut publiée en 1763, et traduite en français dès 1766. Il fut, dans cet ouvrage, le premier à périodiser l’art antique, classant les œuvres de façon chronologique et stylistique[16].

Les vues de Winckelmann sur l’art englobaient l’ensemble de la civilisation, puisqu’il faisait un parallèle entre niveau de développement général de celle-ci et évolution de l’art qu’il lisait comme on lisait à l’époque la vie d’une civilisation, en termes de progrès, d’apogée puis de déclin[17]. Pour lui, l’art grec avait été le sommet de l’art et il avait culminé avec Phidias. Winckelmann considérait que les plus belles œuvres de l’art grec avaient de plus été produites dans des circonstances géographiques, politiques et religieuses idéales. Cette conception domina longtemps la vie intellectuelle en Europe. Il classa l’art grec en Antique (période archaïque), Sublime (Phidias), Beau (Praxitèle) et Décadent (période romaine).

dessin en noir et blanc sur fond jaune d'un bâtiment antique en ruines
Le Parthénon, à l’époque de Lord Elgin.

Les théories de Winckelmann sur l’évolution de l’art culminant dans l’art grec, dans sa période Sublime, conçu dans une période de liberté politique et religieuse complète, participèrent à l’idéalisation de la Grèce antique et augmentèrent l’envie de se rendre en terre grecque. On croyait aisément alors avec lui que le bon goût était né sous le ciel de Grèce. Il sut convaincre l’Europe du XVIIIe siècle que la vie en Grèce antique était pure, simple et morale, et que l’Hellas classique était la source à laquelle les artistes devaient aller puiser les idéaux de « noble simplicité et calme grandeur »[18]. La Grèce devint la « patrie des arts » et « l’éducatrice du goût ».

Le gouvernement français avait placé les travaux de l’expédition de Morée dans la lignée de ceux de James Stuart et Nicholas Revett, qu’ils devaient compléter. Les expéditions à caractère semi-scientifique commanditées et financées par la Société des Dilettanti restaient la référence. Elles furent les premiers mouvements de re-découverte de la Grèce antique. La première, celle de Stuart et Revett à Athènes et dans les îles, eut lieu en 1751-1753. Celle de Revett, Richard Chandler et William Pars en Asie Mineure se déroula entre 1764 et 1766.

Enfin, les « travaux » de Lord Elgin sur le Parthénon au début du XIXe siècle avaient aussi suscité la convoitise. Il semblait qu’il était possible de constituer en Europe occidentale d’immenses collections d’art antique.

L’expédition militaire

Une grande partie des informations concernant cette expédition provient des témoignages directs d'Eugène Cavaignac[19] (capitaine en second dans le 2e régiment du génie et futur Premier ministre français en 1848), d'Alexandre Duheaume[20] (capitaine dans le 58e régiment d'infanterie de ligne), de Jacques Mangeart[21] (co-fondateur d'une imprimerie et du journal franco-grec «Le Courrier d'Orient» à Patras en 1829) et du docteur Gaspard Roux[22] (médecin en chef de l’expédition) qui se trouvent tous sur place, faisant partie de l’expédition militaire.

Préparation

tableau, portrait en pied d'un homme en uniforme
Le général Nicolas Joseph Maison, commandant en chef du corps expéditionnaire de 1828 à 1829 (en arrière plan, sous son bâton de maréchal, on peut observer la «carte de Morée de 1832» levée par l'expédition)

La Chambre des députés autorise un emprunt de 80 millions de francs-or pour permettre au gouvernement de tenir ses engagements[23]. Un corps expéditionnaire de 13 000 à 15 000 hommes commandés par le lieutenant-général Nicolas Joseph Maison est formé. Il est composé de trois brigades commandées par les maréchaux de camp Tiburce Sébastiani (le frère du maréchal Horace Sebastiani, 1re brigade), Philippe Higonet (2e brigade) et Virgile Schneider (3e brigade). Le chef d’état-major est le général Antoine Simon Durrieu[20],[24].

Le corps expéditionnaire comprend neuf régiments d’infanterie de ligne :

Partent aussi le 3e régiment de chasseurs à cheval (286 hommes, commandé par le colonel Paul-Eugène de Faudoas-Barbazan), quatre compagnies d’artillerie (484 hommes, 12 pièces de siège, 8 pièces de campagne, et 12 pièces de montagne) des 3e et 8e régiment d’artillerie et deux compagnies du génie (426 sapeurs et mineurs).

Une flotte de transport protégée par des vaisseaux de guerre est organisée, une soixantaine de navires en tout[20]. Il s’agit de transporter le matériel, les vivres, les munitions et les 1 300 chevaux pour l’expédition, mais aussi les armes, les munitions et l’argent destinés au gouvernement grec de Ioánnis Kapodístrias[25]. La France désire soutenir les premiers pas de la Grèce libre en l’aidant à mettre sur pied son armée. Le but est également de conserver une influence dans la région.

Après qu'une courte et énergique proclamation[N 3] du général en chef Nicolas Joseph Maison est lue aux compagnies assemblées la veille de l'embarquement, la première brigade quitte Toulon le 17 août, la deuxième le 19 août. La troisième brigade ne part que le 1er septembre[21]. Le général Maison se trouve avec la première brigade à bord du vaisseau de ligne Ville de Marseille[20]. Le premier convoi est composé de navires marchands et, outre le Ville de Marseille, des frégates l’Amphitrite, la Bellone[26] et la Cybèle[27]. Le second convoi est escorté par le vaisseau de ligne Duquesne et les frégates Iphigénie et Armide[28].

Opérations dans le Péloponnèse

Débarquement

Tableau : soldats et population locale devant un bateau.
L’Armée française en Morée (1828-1830)

Après une traversée sans problèmes, la flotte transportant les deux premières brigades arrive le 28 août à midi dans la baie de Navarin où mouille l’escadre conjointe franco-russo-britannique. L’armée égyptienne est concentrée entre Navarin et Modon (villes actuelles de Pylos et de Methóni). Le débarquement est donc risqué. Après deux heures d'entretien entre le général Maison et l’amiral Henri de Rigny, venu à sa rencontre à bord du Conquérant, la flotte décide de faire voile vers le golfe de Messénie dont l’entrée au sud est protégée par une forteresse tenue par les Ottomans à Coron (ville actuelle de Koróni). Le corps expéditionnaire gagne le nord-ouest du golfe et commence son débarquement sans rencontrer d'opposition dès le 29 août au soir, pour l’achever le 30 août au matin[19],[20],[22]. Ils montent leur camp à dix minutes au nord de la ville de Petalidi et des ruines de l’ancienne Coronée, sur les rives des rivières Djané, Karakasili-Karya et Velika[20],[22]. Une proclamation du gouverneur Kapodistrias avait informé la population grecque de l’arrivée imminente d’une expédition française. La population locale se serait alors précipitée au-devant des troupes dès qu’elles eurent posé le pied en Grèce et leur aurait offert des vivres[N 4]. La troisième brigade qui a essuyé une tempête et perdu trois bâtiments (dont le brick l'Aimable Sophie qui transporte 22 chevaux du 3e régiment de chasseurs) effectue son débarquement le 22 septembre[21]. Les français découvrent avec effroi un pays qui vient d’être ravagé par les troupes d'Ibrahim : villages entièrement rasés, cultures agricoles incendiées et une population qui vit encore sous un joug de terreur, affamée et recluse dans des cavernes[20],[21]. Edgar Quinet et Amaury-Duval (de l’expédition scientifique) écrivent six mois plus tard[29],[30]:

« Je pris la chaussée vénitienne de Modon, à travers les couches de cendre et les charbons des oliviers dont la vallée était autrefois ombragée. Quelques cavernes s'ouvrent tristement sur le chemin. A la place des villages, des kiosques et des tours qui pendaient à mi-côte, on ne voit plus que de longues murailles calcinées, et les huttes des troupes du pacha en forme de barques d'argile, amarrées au pied des montagnes. Une fois je me dirigeai vers les restes d'une église byzantine, où je croyais voir des marbres écroulés; mais il se trouva que le porche et le circuit étaient jonchés de blancs squelettes. »

— Edgar Quinet

« Le lendemain de notre arrivée, nous descendîmes à terre, où m'attendait le plus affreux spectacle que j'aie vu de ma vie. Au milieu de quelques baraques de bois construites sur le rivage, en dehors de la ville (Navarin), dont il ne restait que des ruines, circulaient, hâves et déguenillés, des hommes, des femmes, des enfants, qui n'avaient plus rien d'humain dans les traits : les uns sans nez, d'autres sans oreilles, tous plus ou moins couverts de cicatrices; mais ce qui nous émut au dernier point, ce fut un petit enfant de quatre ou cinq ans que son frère conduisait par la main; je m'approchai : il avait les yeux crevés. Les Turcs et les Égyptiens n'avaient épargné personne dans cette guerre. »

— Amaury-Duval

Départ de l’armée égyptienne

Tableau, rencontre de deux hommes, l'un sur un cheval blanc à gauche, l'autre à pied à droite, au milieu d'une foule suppliante.
La rencontre du général Maison et d'Ibrahim Pacha le 1er octobre 1828 sur les rives de la rade de Navarin.

Suivant la convention d'Alexandrie du 6 août 1828, conclue entre le vice-roi d’Égypte Méhémet Ali et l’amiral britannique Edward Codrington, Ibrahim Pacha devait évacuer ses troupes du Péloponnèse. Or ce dernier use de divers prétextes pour retarder l’évacuation : problèmes de vivres, de transport ou difficultés imprévues dans la remise des places fortes. Les officiers français ont des difficultés à retenir l’ardeur combative de leurs soldats qui par exemple s’enthousiasment à la nouvelle (démentie) d’une marche imminente sur Athènes[19],[20]. Cette impatience des troupes fut peut-être décisive pour convaincre le commandant égyptien de respecter ses engagements. De plus, les soldats français commencent à souffrir des pluies automnales qui détrempent leur camp de tentes, favorisant les fièvres et surtout la dysenterie[22]. Le capitaine Eugène Cavaignac écrit, le 24 septembre, qu’une trentaine d’hommes sur les 400 de sa compagnie du génie sont déjà touchés par les fièvres[19]. Le général Maison désire pouvoir établir ses hommes dans les casernes des forteresses[31].

Le 7 septembre, après une longue conférence à bord du vaisseau le Conquérant, en présence du général Maison et des trois amiraux alliés[20], Ibrahim Pacha accepte finalement l’évacuation de ses troupes, à compter du 9 septembre. La convention passée avec le général Maison prévoit que les Égyptiens partiront avec armes, bagages et chevaux, mais sans aucun prisonnier ou esclave grecs[19],[21],[32]. La flotte égyptienne ne pouvant évacuer toute l’armée en une seule fois, le ravitaillement des troupes restées à terre est autorisé (elles venaient de subir un long blocus). Une première division égyptienne de 5 500 hommes sur 27 navires, fait voile le 16 septembre, escortée par trois bâtiments de la flotte conjointe (deux bâtiments britanniques et la frégate française la Sirène). La veille, le 15 septembre, les troupes françaises ont déménagé leur camp de Pétalidi et ont traversé la péninsule de Messénie vers l'ouest afin de se rapprocher de Navarin. Elles ont installé leur nouveau camp au fond de la rade dans la plaine marécageuse de la Djalova, à deux lieues au nord de la ville[20],[21]. Le 1er octobre, le général Maison y effectue une revue des troupes françaises au complet sur le rivage, en présence d'Ibrahim venu sans escorte, et du général grec Nikitarás. L'imprimeur français Jacques Mangeart, présent à la revue, en donne une description détaillée[N 5].

L’évacuation se poursuit ainsi tout au long du mois de septembre et le dernier transport égyptien appareille le 5 octobre, en emportant Ibrahim Pacha. Des 40 000 hommes qu’il avait amenés d’Égypte, il en rembarque à peine 21 000[13],[33]. Il ne reste plus que quelques soldats ottomans pour tenir les différentes places fortes du Péloponnèse. La mission suivante des troupes françaises est de les « sécuriser » et de les remettre à la Grèce indépendante.

La prise des places fortes

Les dépêches adressées par le lieutenant-général Nicolas-Joseph Maison, commandant de la division d'expédition en Morée, au ministre de la Guerre Louis-Victor de Caux de Blacquetot offrent une description détaillée de la prise des place fortes de Morée au cours du mois d'octobre 1828[33].

Navarin
gravure noir et blanc : un fort
La forteresse de Navarin (actuelle Pylos) prise par le général Philippe Higonet

Le 6 octobre, au lendemain du départ d'Ibrahim, le général Maison ordonne au général Philippe Higonet de marcher sur Navarin. Il part avec le 16e régiment d’infanterie, de l’artillerie et des hommes du génie. Navarin est alors assiégé, côté mer, par la flotte de l’amiral Henri de Rigny et, sur terre, par les soldats du général Higonet. Le commandant turc de la place refuse de se rendre : « La Porte n’est pas en guerre avec les Français, ni avec les Anglais ; on ne commettra aucun acte d’hostilités, mais on ne rendra pas la place[33] ». Les sapeurs reçoivent alors l’ordre d’ouvrir une brèche dans les murailles. Le général Higonet entre dans la forteresse tenue par 530 hommes, qui se rendent sans résistance, avec soixante canons et 800 000 cartouches. Les soldats français s’installent durablement à Navarin dont ils relèvent les fortifications, reconstruisent les maisons et où ils installent un hôpital et diverses administrations locales[22].

Modon
La forteresse de Modon (actuelle Methóni) prise par le général Antoine Simon Durrieu

Le 7 octobre, le 35e régiment d’infanterie commandé par le chef d’état-major, le général Antoine Simon Durrieu, accompagné de l’artillerie et du génie se montre devant Modon, ville mieux fortifiée, défendue par 1 078 hommes, cent canons et qui dispose de vivres pour plus de six mois[33]. Deux vaisseaux de ligne, le Breslaw (capitaine Maillard) et le Wellesley (capitaine Maitland) bloquent le port et menacent la forteresse de leurs canons. Les commandants de la place, le Turc Hassan-Pacha et l’Égyptien Achmet-Bey, font le même type de réponse que le commandant de Navarin. Les fortifications de Modon étaient cependant dans un meilleur état que celles de Navarin. Au même signal, une partie des troupes et des marins embarqués sur des chaloupes enfoncent la porte de mer, tandis que côté terre, les sapeurs attaquent la porte principale de la ville. Mais la garnison ne se défend pas et ses commandants demandent de parlementer à nouveau. Ils expliquent alors au général Maison qu’ils ne pouvaient rendre la forteresse sans désobéir aux ordres du Sultan, mais ils reconnaissent aussi qu’il leur est impossible de résister et qu'il faudrait que la place soit défendue au moins symboliquement. Le général français leur accorde alors les mêmes conditions de reddition qu'à Navarin. La place est prise et le général Maison y installe ses appartements (dans l'ancienne maison d'Ibrahim Pacha) ainsi que le Quartier-Général de l’expédition de Morée[33].

Coron
gravure noir et blanc : un fort
La forteresse de Coron (actuelle Koróni) prise par général Tiburce Sébastiani

La prise de Coron est plus difficile. Le général Tiburce Sébastiani s’y présente le 7 octobre avec une partie de sa brigade et y annonce la prise des forteresses de Navarin et de Modon[33]. La réponse du commandant de la place est similaire à celles données à Navarin et Modon. Le 8, Sébastiani envoie ses sapeurs qui sont repoussés par des pierres lancées du haut des murailles. Il y a douze blessés, dont les capitaines du génie Cavaignac[19] et plus grièvement, Boutauld, ainsi qu'un sergent et trois sapeurs. Les autres soldats français se sentant insultés, leur général a de grandes difficultés à les empêcher d’ouvrir le feu et de prendre la place par la force. L’Amphitrite, puis le Breslaw et le Wellesley viennent prêter main-forte aux troupes terrestres. Leur menace amène le commandant ottoman à la reddition. Le 9 octobre, les Français entrent dans Coron[19],[20],[22] et s’emparent de quatre-vingts canons et mortiers et de nombreux vivres et munitions. La place est alors remise aux troupes grecques du général Nikitarás qui s'y installe[33].

Prise de Coron par les généraux Tiburce Sébastiani et Nikitarás (le 9 octobre 1828)
Patras

Patras est encore contrôlée par les troupes d'Hadji-Abdulah, pacha de Patras et du « château de Morée ». La troisième brigade du général Virgile Schneider avait été envoyée par la mer prendre la ville du nord-ouest de la péninsule[33]. Elle y débarque le 4 octobre. Le général français donne à Hadji-Abdulah vingt-quatre heures pour remettre la place. Le 5 octobre, à l’expiration de l’ultimatum, trois colonnes marchent sur la ville et l’artillerie est déployée. Le pacha signe alors immédiatement la capitulation de Patras et du « château de Morée »[21],[22]. Mais, le jour fixé par la convention entre le général Schneider et le pacha Hadji-Abdulah pour la remise du château aux troupes françaises, les aghas commandant celui-ci se révoltent et refusent d’obéir à leur pacha, considéré comme traître et annoncent qu’ils préfèrent mourir dans les ruines de leur forteresse plutôt que de se rendre[33].

tableau, des hommes dans un paysage de montagne.
Prise de Patras par le général Virgile Schneider (le 5 octobre 1828)

Cependant, le 14 octobre, la corvette l'Oise est déjà partie pour la France, ayant à son bord le capitaine d’état-major Jean Baptiste Eugène, vicomte Maison (fils et aide-de-camp du général Maison), qui est porteur des dépêches annonçant au roi Charles X la reddition des places de Navarin, Modon, Coron et Patras, et qu'une seule est encore sous contrôle des turcs, le château de Morée[20].

Siège du « château de Morée »

Le « château de Morée », Kastro Moreas ou encore Kastelli, situé en bord de mer à 10 km au nord de Patras (près de Rion, au pied de l'actuel pont Rion-Antirion), garde l'entrée du golfe de Corinthe. Il avait été construit sur cette place stratégique par le sultan Bayezid II (ou Bajazet II) en 1499[34].

Plan d'attaque du Château de Morée (manuscrit du Colonel Antoine-Charles-Félix Hecquet du 54e régiment d'infanterie)

Le général Schneider tente de négocier sa reddition avec les aghas rebelles. Mais ils persistent dans leur refus de se rendre et tirent même sur le général[33]. Le 19 octobre, le siège est alors mis devant la forteresse et quatorze pièces de marine et de campagne, installées à un peu plus de 400 mètres, réduisent l’artillerie des assiégés au silence. À Navarin, le général Maison décide de faire embarquer 1 500 hommes de plus, toute son artillerie ainsi que ses sapeurs sur les vaisseaux de ligne de l’amiral de Rigny, qu'il accompagne avec le général Durrieu. Le 20 octobre, il fait également envoyer, par la terre, le général Higonet qui commande deux régiments d’infanterie de sa brigade et le 3e régiment de chasseurs à cheval[19],[20]. Ces renforts arrivent le 26 octobre au soir, après une semaine de marche exténuante réglée au rythme du tambour, décrite par le capitaine Duheaume dans ses Souvenirs[20]. En plus de dix-huit pièces de marine et de campagne, vingt-deux nouvelles batteries dites « de brèche » sont installées. Elles reçoivent les noms de «Charles X» (roi de France), de «George IV» (roi de Grande-Bretagne; cette attention est saluée par les anglais), de «duc d’Angoulême» (fils du roi et dauphin de France), de «duc de Bordeaux» (Henri d'Artois, petit-fils du roi et futur comte de Chambord) et de la «Marine»[20],[33],[35]. Une partie de la flotte française, dont la Breslaw et le Conquérant, ainsi que la frégate britannique la Blonde (commandée par l'amiral Edmund Lyons) viennent ajouter leurs canons[19],[22]. Certaines pièces des batteries françaises et anglaises sont même mêlées et manipulées par des canonniers des deux nations. La flotte russe ne peut prendre part au siège, étant stationnée à Malte, mais l'amiral Lodewijk van Heiden avait depuis longtemps offert d'être à la disposition du général Maison[33].

Le 30 octobre au petit matin, les batteries, vingt-cinq pièces de gros calibre (dont six de campagne, quatre obusiers, plusieurs mortiers et une bombarde anglaise) ouvrent le feu. En quatre heures, une large brèche est ouverte dans les remparts. Un parlementaire sort alors en arborant un drapeau blanc afin de négocier les termes de la reddition de la place. Le général Maison répond que les termes avaient déjà été négociés au début du mois à Patras. Il ajoute qu'il n'accordera pas de capitulation à des gens qui en avaient déjà violé une. Il donne également une demi-heure à la garnison de 600 hommes pour ouvrir les portes de la place et l'évacuer sans armes[33]. Les aghas se soumettent. Cependant, la résistance de la forteresse a coûté 25 hommes, tués ou blessés, à l’expédition française[13],[33],[36].

Les Français dans le Péloponnèse

Tableau, un homme à cheval à droite, des hommes à gauche déposent armes et drapeaux à ses pieds.
Le général Maison recevant la reddition du château de Morée le 30 octobre 1828.

Le 5 novembre 1828, les derniers turcs et égyptiens ont définitivement évacué la Morée. Ces 2 500 hommes et leurs familles sont embarqués à bord de vaisseaux français à destination de Smyrne. C'est donc 26 à 27 000 hommes au total qui ont été forcés de quitter le pays et les places fortes en peu de jours. La prise des places fortes de Morée par le corps expéditionnaire français ne lui avait en effet nécessité qu'un mois[33] :

« En tout, nos opérations ont été heureuses : nous n'y trouvons pas de gloire militaire, sans doute; mais l'objet pour lequel nous sommes venus, la libération de la Grèce, en aura été plus heureux et plus prompt; la Morée aura été purgée de ses ennemis. »

— Lieutenant-général Nicolas-Joseph Maison

Les ambassadeurs français, britanniques et russes s’étaient installés à Poros en septembre 1828 pour y discuter avec les ambassadeurs turcs du futur régime et des frontières de la Grèce indépendante. Le 5 octobre, le jour du départ d'Ibrahim Pacha de Grèce et la veille seulement du début des opérations militaires, le général Maison avait explicitement exprimé au président grec Ioánnis Kapodístrias son désir de poursuivre les opérations militaires au delà de Patras et de les porter avant la fin du mois en Attique et en Eubée [37]. La France soutient secrètement ce projet[38], mais le premier ministre britannique, le duc de Wellington, s’y oppose vivement, souhaitant que le nouvel État grec ne se limite qu'au Péloponnèse seul. Il est décidé finalement de laisser aux Grecs seuls le soin de chasser les Ottomans de ces territoires. L’armée française, malgré sa déception de ne point pouvoir poursuivre son projet de libération de la Grèce[21], doit se résoudre à n'intervenir que si les troupes grecques se trouvent en difficulté[13].

Sa mission ainsi terminée, la plus grande partie des troupes de l’expédition de Morée organise alors son retour en France à partir du mois de janvier 1829 (départ du général Higonet le 9)[21]. Jacques Mangeart, le docteur Roux et la brigade dans laquelle se trouve le capitaine Cavaignac embarquent dans les premiers jours d’avril 1829[19],[21],[22]. Le général Maison (après avoir été fait maréchal de France le 22 février 1829) et le général Durrieu quittent le sol grec le 22 mai 1829[N 6] ; le capitaine Duheaume, le 4 août 1829[20]. Seule une brigade, dite « d'occupation », de 5 000 hommes (composée des 27e, 42e, 54e et 58e régiments stationnés à Navarin, Modon et Patras) reste dans le Péloponnèse sous le commandement du général Schneider[20]. Quelques troupes venues de France viennent relever les soldats restés en Grèce : ainsi, le 57e régiment d'infanterie de ligne débarque à Navarin le 25 juillet 1830[39].

Le premier plan d'urbanisme de Patras, établi en 1829 par Stamátis Voúlgaris et Auguste-Théodore Garnot, capitaines de l'expédition de Morée

Les troupes françaises, commandées par le général Maison, puis par le général Schneider, et enfin par le général Guéhéneuc à partir de juillet 1831, ne restent pas inactives pendant presque cinq ans[40],[41] : des fortifications sont relevées, comme celles de Navarin et de Modon[N 7],[N 8]; des ponts sont construits, comme sur le Pamissos entre Navarin et Kalamata ; la route entre Navarin et Modon est également construite; des hôpitaux (à Modon, à Navarin et à Patras) et des commissions de santé sont établies pour la population grecque (comme lors de l’épidémie de peste dans les villages montagneux de Kalávryta et de Vrachní en décembre 1828, qui est contenue par le général Higonet)[21]; de nombreuses améliorations sont apportées aux villes du Péloponnèse (établissement de leurs plans d'urbanisme, construction de maisons, casernes, hôpitaux, écoles, services de poste, imprimeries, ponts, places, fontaines, jardins, etc.) qui rapidement se repeuplent et retrouvent leur activité d'avant-guerre[N 9]. L'exemple de la modernisation rapide de la ville de Patras, dont les plans viennent tout juste d’être dessinés par les capitaines de l'état-major Stamátis Voúlgaris et du génie Auguste-Théodore Garnot, est longuement décrit dans ses Souvenirs par Jacques Mangeart, venu dans la ville avec le lieutenant-colonel Maxime Raybaud y installer une imprimerie et y fonder le journal franco-grec «Le Courrier d'Orient» en 1829[21]. La carte du nouvel État grec est levée par le capitaine et ingénieur-géographe Pierre Peytier. Enfin, l'École d'Artillerie (Σχολή Πυροβολικού), puis l'École Centrale Militaire des Évelpides (Κεντρική Στρατιωτική Σχολή Ευελπίδων, crée sur le modèle français de l'École Polytechnique) sont fondées en 1828 par capitaine de l'artillerie Jean-Henri-Pierre-Augustin Pauzié[42].

Les derniers régiments français quittent définitivement la Grèce en août 1833[41], peu après l’arrivée du roi Othon Ier de Grèce au mois de janvier.

Résultats militaires de l'expédition

L'Empire ottoman ne peut plus désormais s'appuyer sur les troupes égyptiennes pour tenir la Grèce. On revient ainsi à la situation stratégique qui avait précédé le débarquement d'Ibrahim Pacha en 1825. Alors, les insurgés grecs avaient triomphé sur tous les fronts.

Après l'expédition militaire de Morée, les Grecs n'ont plus à affronter que les troupes turques restées en Grèce centrale. Livadiá, verrou de la Béotie est conquise au début du mois de novembre 1828 par Dimítrios Ypsilántis. Une contre-attaque de Mahmut Pacha depuis l'Eubée est repoussée en janvier 1829. En avril, Naupacte est « restituée » aux Grecs. En mai, Augustínos Kapodístrias reprend la ville symbolique de Missolonghi et Ypsilántis celle de Thèbes[43].

Il faut cependant la victoire militaire de la Russie sur la Turquie lors de la guerre russo-turque de 1828-1829 et la signature du traité de Constantinople le pour voir reconnue et garantie par les grandes puissances l'indépendance de la Grèce. Ce traité marque ainsi le terme de la guerre d'indépendance grecque de 1821. Le territoire du nouveau Royaume de Grèce ne s'étend cependant que sur les régions libérées par les troupes françaises et grecques : le Péloponnèse, la Grèce centrale (la frontière nord est tracée suivant une ligne joignant les villes d'Arta et de Vólos ou ligne Ambracique–Pagasétique) et certaines îles.

Bilan humain de l'expédition

photographie couleurs : un monument de type obélisque en pierre grise et des drapeaux
Monument « à la mémoire du maréchal Maison, du général Fabvier, de l'amiral de Rigny et des marins et soldats de France morts pour l’indépendance hellénique, la patrie et la liberté » (place Philellinon à Nauplie).

Malgré la brièveté des opérations militaires et le faible nombre de combats, le bilan humain de l’expédition française est extrêmement lourd : entre le 1er septembre 1828 et le 1er avril 1829, le médecin en chef du corps expéditionnaire, le docteur Gaspard Roux, consigne un nombre de 4 766 malades et de 915 morts[22] (dont 23 officiers, 1 chirurgien, 2 pharmaciens et 5 officiers d'administration des hôpitaux), principalement dû aux fièvres, aux diarrhées et à la dysenterie qui furent surtout contractées entre les mois d'octobre et de décembre 1828 dans les camps installés dans les plaines marécageuses de Pétalidi, de l'embouchure de la Djalova (dans la baie de Navarin) et de Patras. Les causes en furent également l’intensité des travaux nombreux et pénibles, ainsi qu'une consommation excessive de viandes salées, de boissons spiritueuses, et de l'eau bourbeuse et saumâtre de la région[20],[22]. L'air plus pur de l'hiver, l’établissement des hommes dans les casernes des forteresses, la prise immédiate de mesures strictes d’hygiène et de salubrité, l’arrivée de médicaments de France, ainsi que l’établissement de trois hôpitaux militaires à Modon, à Navarin et à Patras réduiront d'une manière significative cette hécatombe[22].

Cependant, le nombre total de morts s'alourdira encore sensiblement jusqu'au départ de l'expédition en 1833 (notamment suite à quelques suicides[21], à l'explosion d'un poudrière dans le fort de Navarin qui coûte la vie à cinquante soldats le 19 novembre 1829[N 8], ou suite à l'affaire d'Argos du 16 janvier 1833 qui entraîne la mort de trois soldats français[41]), pour s’établir, selon les témoignages, autour de 1 500 morts[20],[29].

Par la suite, des monuments commémoratifs en hommage à ces soldats français tombés sont élevés par les États grec et français sur l’îlot de Sphactérie dans la rade de Navarin et dans les villes de Gialova, de Kalamata (église Saint-Nicolas) et de Nauplie, où l'on peut encore les voir aujourd'hui.

L’expédition scientifique

Frontispice de l’Expédition scientifique de Morée par Abel Blouet.

Établissement de la mission scientifique

L’expédition de Morée est la deuxième des grandes expéditions militaro-scientifiques menées par la France dans la première moitié du XIXe siècle[1],[2]. La première, la référence, avait été celle d’Égypte à partir de 1798 (Commission des sciences et des arts). La dernière est celle menée à partir de 1839 en Algérie (Commission d'exploration scientifique d'Algérie). Elles se font toutes à l’initiative du gouvernement français et sont placées sous la tutelle de ministère particulier (Relations extérieures pour l’Égypte, Intérieur pour la Morée et Guerre pour l’Algérie). Les grandes institutions scientifiques recrutent les savants (qu’ils soient civils ou militaires) et leur fixent leurs missions, mais le travail sur place se fait en relation étroite avec l’armée[1],[2],[44]. La Commission des sciences et des arts lors de l’expédition d’Égypte de Bonaparte et surtout les publications qui ont suivi sont devenues une référence. La Grèce étant l’autre grande région « antique » considérée comme à l’origine de la civilisation occidentale (c’était un des arguments principaux des philhellènes), il est décidé, comme le mentionne Abel Blouet[45], de :

« profiter de la présence de nos soldats qui occupaient la Morée pour envoyer une commission savante. Elle ne devait pas égaler celle qu’on vit attachée à la gloire de Napoléon […] Elle devait cependant rendre d’éminents services aux lettres et aux sciences. »

Le ministre de l’Intérieur du roi Charles X, véritable chef du gouvernement à l'époque, le vicomte de Martignac, charge six illustres académiciens de l’Institut de France (Académie des Sciences: Georges Cuvier et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire. Académie des Inscriptions et Belles-lettres: Charles-Benoît Hase et Desiré Raoul Rochette. Académie des Beaux-arts: Jean-Nicolas Hyot et Jean-Antoine Letronne) de nommer les chefs et membres de chaque section de la commission scientifique. Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent est ainsi nommé directeur de la commission le 9 décembre 1828[N 10]. Ils fixent également les itinéraires et les objectifs, hautement scientifiques de la mission[46],[47]. Comme l'écrira plus tard Bory[46],[48] :

« MM. De Martignac et Siméon, m'avaient expressément recommandé de ne pas restreindre mes observations aux Mouches et aux Herbes, mais de les étendre aux lieux et sur les hommes. »

L'expédition qui compte dix-neuf savants est divisée en trois sections[1] (Sciences physiques, Archéologie, Architecture-Sculpture) placées sous les directions de Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent (section des Sciences physiques), de Léon-Jean-Joseph Dubois (section d’Archéologie) et de Guillaume-Abel Blouet (section d'Architecture et de Sculpture). Le peintre Amaury-Duval donne des portraits de ces trois directeurs dans ses Souvenirs (1829-1830) écrits en 1885[N 11].

Vue de Navarin et de sa Baie peu après l’arrivée de la commission scientifique en Grèce (par Prosper Baccuet)

Les membres de l’expédition scientifique embarquent le 10 février 1829 à Toulon à bord de la frégate la Cybèle (commandée par le capitaine de frégate M. de Robillard) et, après 21 jours d'une traversée de la Méditerranée quelque peu mouvementée pour les membres de l’expédition[N 12], ils débarquent le 3 mars 1829 à Navarin[29],[30],[46],[49]. Alors qu'en Égypte et en Algérie, le travail scientifique s’est fait sous la protection de l’armée, en Morée, alors que l’exploration scientifique commence à peine, les premières troupes rembarquent déjà pour la France dès les premiers jours d’avril 1829[19],[22]. L’armée se contente de fournir un soutien logistique : « des tentes, des piquets, des outils, des bidons, des marmites et des sacs, en un mot tout ce qui put se trouver à notre usage dans les magasins de l’armée[46] ».

Peu après l’arrivée de la commission scientifique en Grèce et son installation dans son quartier général à Modon, le gouverneur de la Première République Hellénique Ioánnis Kapodístrias vient à sa rencontre, le 11 avril 1829. Il avait déjà eu l'occasion de rencontrer sur sa route, entre Argos et Tripolitza, Edgar Quinet qui s’était alors déjà séparé du reste de la commission et se rendait en Argolide. L'historien et futur homme politique français présente à cette occasion des portraits du président et de ses aides de camp, les héros de indépendance grecque Kolokotrónis et Nikitarás, qui tous lui laissent une forte impression[29]. Le président rencontre également Abel Blouet un peu plus loin, aux environs de Coron[50]. Un grand dîner est organisé à Modon, qui réunit pour une dernière fois avant le retour en France du corps expéditionnaire, le président Kapodístrias, le maréchal Maison, les officiers et principaux chefs grecs et français (Kolokotrónis, Nikitarás, Makriyánnis, Kallérgis, Fabvier, etc.) et les membres de la commission scientifique. Bory de Saint-Vincent présente au président les membres de sa section, puis tous deux ont l'occasion d’échanger longuement sur les questions de diplomatie internationale[46]. Ils se reverront à nouveau plus tard à Argos, à Nauplie et à Égine. Le peintre Amaury-Duval, très impressioné lui aussi, relève également l'attachement particulier du Président grec pour son projet de dévelopment des écoles d'enseignement mutuel dans le pays[30]. De manière générale, les textes relatant les nombreuses rencontres entre les membres de la commission scientifique et le président grec témoignent invariablement d'une forte estime et d'un profond respect mutuels[29],[30],[46],[50].

La section des sciences physiques

Cette section, supervisée à l'Académie des Sciences par Georges Cuvier et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire regroupe en fait de nombreuses sciences : d'une part la botanique (Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Louis Despreaux Saint-Sauveur, accompagnés par le peintre Prosper Baccuet) et la zoologie (Gaspard-Auguste Brullé, Gabriel Bibron, Sextius Delaunay et Antoine Vincent Pector), et d'autre part la géographie (Pierre Peytier, Pierre Lapie et Aristide-Camille Servier) et la géologie (Pierre Théodore Virlet d’Aoust, Émile Puillon Boblaye et Gérard Paul Deshayes).

Géographie et géologie

La «Carte de la Morée de 1832» (par le capitaine Pierre Peytier), la première carte du territoire grec jamais construite scientifiquement et géodésiquement.

Un des premiers objectifs fixé par le gouvernement français avait été de cartographier le Péloponnèse, dans un but scientifique, mais aussi pour des raisons économiques et militaires[1]. Le ministre de la Guerre, le vicomte de Caux, avait écrit au général Maison le 6 janvier 1829 : « Toutes les cartes de la Grèce sont fort imparfaites et ont été dressées sur des itinéraires plus ou moins infidèles, il est donc essentiel de les rectifier. Non seulement la géographie s’enrichira de ces recherches, mais on favorisera par là les intérêts commerciaux de la France en rendant ses relations plus faciles, et l’on sera surtout utile à nos forces de terre et de mer, qui pourraient être dans le cas d’agir dans cette partie de l’Europe[51]. » Les seules cartes disponibles alors sont celles de Jean-Denis Barbié du Bocage (1808, au 1/500.000°) relativement imparfaite, et celle de Pierre Lapie (1826, au 1/400.000°), plus exacte dans les tracés de détail et dont se serviront les membres de l’expédition[52],[53].

Le capitaine Pierre Peytier, du service topographique de l'armée française, avait déjà été invité en Grèce par son président Ioánnis Kapodístrias lorsque celui-ci était venu à Paris en octobre 1827 pour demander au gouvernement français des conseillers et officiers de l'armée française afin d'organiser l'armée du nouvel État grec. Il avait également demandé à Peytier de dresser la carte de la Grèce[52]. Ainsi, sur recommandation du ministère français de la Guerre, le capitaine Peytier et trois autres officiers (les capitaines du génie Auguste-Théodore Garnot, de l'artillerie Jean-Henri-Pierre-Augustin Pauzié et de l'état-major Stamátis Voúlgaris, français d'origine grecque) sont envoyés en Grèce en mai 1828, soit quatre mois avant l'expédition militaire, afin de former de jeunes ingénieurs militaires grecs. Le capitaine d'artillerie Pauzié fonde l'École d'Artillerie (Σχoλή Πυρoβoλικoύ), puis l'École Centrale Militaire des Évelpides (Κεντρική Στρατιωτική Σχολή Ευελπίδων) en 1828 sur le modèle français de l'École Polytechnique[42]. Les capitaines Garnot et Voúlgaris dessinent les plans de plusieurs villes grecques (Tripolitza, Corinthe, Nauplie et Patras). Le capitaine Peytier doit, quant à lui, dessiner la carte du nouvel État grec. Puis lorsque l'expédition scientifique de Morée débarque à Navarin dans le Péloponnèse le 3 mars 1829, Peytier lui est alors attaché.

Trigonométrie de la Morée (par MM. Peytier, Puillon Boblaye et Servier)

Dès le mois de mars, une base de 3 500 mètres est tracée en Argolide, d’un angle des ruines de Tirynthe à un angle de maison en ruines dans le village d’Aria[54]. Elle doit servir de point de départ à toutes les opérations de triangulations pour les relevés topographiques et géodésiques dans le Péloponnèse. Peytier et le géologue Puillon-Boblaye procèdent à de nombreuses vérifications de la base et des règles employées. La marge d’erreur est ainsi réduite à 1 mètre pour 15 km[55]. La longitude et la latitude du point de la base à Tirynthe sont relevées et vérifiées, afin de réduire à nouveau au maximum la marge d’erreur, estimée à 0,2 seconde[56]. 134 stations géodésiques sont installées sur les montagnes de la péninsule, mais aussi sur Égine, Hydra ou à Nauplie. Ainsi, des triangles équilatéraux dont chaque côté fait approximativement 20 km sont dessinés. Les angles sont mesurés avec des théodolites de Gambey[57]. Cependant, après le départ de Grèce de la mission scientifique, et bien que tombé malade de la fièvre cinq fois, Peytier y reste seul jusqu'au 31 juillet 1831 pour compléter le travail trigonométrique, topographique et statistique entrepris pour l'établissement de la carte de la Morée.

Cette «Carte de 1832», très précise, au 1/200.000°, en 6 feuillets (plus deux feuillets représentant quelques îles des Cyclades), est la première carte du territoire grec jamais construite scientifiquement et géodésiquement[52],[53].

La «Carte du royaume de Grèce de 1852» (par le capitaine Pierre Peytier)

Après l'assassinat de Kapodístrias en octobre 1831, l'activité de Peytier est presque totalement entravée par la guerre civile qui déchire le pays. Le roi Othon Ier de Grèce, arrivé en janvier 1833, demande à la France que la brigade topographique soit chargée du levé de la carte de l'ensemble du royaume. Peytier revient ainsi en Grèce le 28 mars 1833 et y reste jusqu'au mois de mars 1836 pour diriger la plus grande partie des travaux en vue de l'élaboration de cette carte complète. Des ingénieurs topographes resteront jusqu'en 1849 sous la direction du capitaine Soitoux pour des reconnaissances complémentaires. La «Carte de 1852», au 1/200.000° également, est définitivement publiée sous la direction de Peytier en 1852[52],[53]. Jusqu'à la parution après 1945 de la carte actuelle au 1/50.000° du Service Géographique de l'Armée Hellénique, cette carte de 1852 reste la seule à couvrir l'ensemble du territoire de la Grèce. À propos de cette carte, le géographe spécialiste de la Grèce, Michel Sivignion indique que : « pour la première fois, on dispose d'un rendu exact de la topographie, du tracé des cours d'eau, de la hauteur des montagnes, mais aussi de la distribution des lieux habités, du chiffre de leur population. Au-delà de cet aspect technique, il s'agit de la fabrication du territoire politique de la Grèce indépendante, de sa représentation officielle, de la prise de possession par les autorités d'un territoire, dont les bornes sont fixées[52]. »

Chef grec (par Pierre Peytier)

Peytier laisse également un Album qu'il composa lui-même de ses dessins au crayon, sépias et aquarelles représentant des vues de villes, des monuments, des costumes et des habitants de la Grèce d'alors, au style artistique qui évite une idéalisation au profit d'une fidélité et et d'une précision scientifiques révélant le topographe qu'il est[58].

Le gouverneur de la Grèce Ioánnis Kapodístrias charge également en 1829 le géologue de l’expédition Pierre Théodore Virlet d’Aoust d’étudier la possibilité de creuser un canal dans l’isthme de Corinthe[59], afin d’éviter aux navires le long (700 kilomètres) et dangereux contournement méridional du Péloponnèse par les caps Malée et Matapan (Ténare). Virlet d’Aoust lui remet un devis de l'entreprise qui s’élève, sans tenir compte des intérêts, à environ 40 millions de francs-or de l’époque. Cette dépense, trop considérable pour le gouvernement hellénique seul, le conduit alors à renoncer à entreprendre les travaux. À défaut d’exécution du projet, Virlet offre au gouvernement grec son tracé, qui suit celui établi par les romains entre Loutraki et Kalamaki, et qui est indiqué sur la Carte géologique au 1/200.000° de l’expédition scientifique. Il faudra attendre 1893 pour que le canal de Corinthe soit finalement ouvert.

Botanique et zoologie

Exemple de planche du Tome consacré à la botanique dans l'Expédition de Morée par Bory de Saint-Vincent (Nepeta argolica Bory & Chaub.)

Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent dirige non seulement l’expédition scientifique[1], mais se charge aussi plus particulièrement des études de botanique[60],[61]. Il recueille de très nombreux spécimens : la Flore de Morée de 1832 regroupe 1 550 plantes dont 33 orchidées et 91 graminées (seules 42 espèces n'ont pas encore été décrites) ; la Nouvelle Flore du Péloponnèse et des Cyclades de 1838 décrit 1 821 espèces[62]. En Morée, Bory de Saint-Vincent se contente seulement de collecter les plantes ; il ne procède à leur classement, identification et description que de retour en France. Il est alors secondé au Muséum d'histoire naturelle par les botanistes les plus importants de son époque, Louis Athanase Chaubard, Jean-Baptiste Fauché et Adolphe Brongniart[63]. De même, les célèbres naturalistes du Muséum, Étienne et son fils Isidore Geoffroy Saint-Hilaire participent à la rédaction des ouvrages scientifiques de l’expédition, sous la supervision de Georges Cuvier à l'Institut. Les plantes, mais aussi les oiseaux ou les poissons sont envoyés au fur et à mesure de leur récolte vers la France[64].

Le chacal de Morée (Canis aureus moreoticus), répertorié pour la 1re fois par l'Expédition de Morée (Gravures de Jean-Gabriel Prêtre, publiées par Bory de Saint-Vincent).

En matière zoologique, relativement peu de nouvelles espèces sont décrites. Cependant, l’expédition de Morée identifie pour la première fois l’espèce de chacal commun (ou Chacal doré, Canis aureus) qui peuple la région. Bien que des récits de voyage antérieurs aient mentionné sa présence, on ne les avait pas considérés alors comme dignes de foi. La sous-espèce décrite par l'expédition de Morée est, de plus, endémique à la région : Bory de Saint-Vincent lui donne ainsi le nom de la Morée (Canis aureus moreoticus) et rapporte au Muséum d'histoire naturelle de Paris des peaux et un crâne[65].

Bory est accompagné au cours de ses explorations du Péloponnèse par les zoologistes Gabriel Bibron, Sextius Delaunay et Antoine Vincent Pector, par l'entomologiste Gaspard Auguste Brullé, par le conchyliologue, malacologue et géologue Gérard Paul Deshayes, par le botaniste spécialiste des cryptogames et en particulier des lichens, champignons et algues Louis Despréaux Saint-Sauveur et par les géologues Pierre Théodore Virlet d’Aoust et Émile Puillon Boblaye. Le peintre et dessinateur-paysagiste Prosper Baccuet, qui les accompagne également laissera de célèbres illustrations des paysages visités dans la Relation de l'Expédition scientifique de Morée (1836) et dans l'Atlas (1835) de Bory[46].

La section d'archéologie

Cette section, supervisée à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres par Charles-Benoît Hase et Desiré Raoul Rochette est composée par les archéologues Léon-Jean-Joseph Dubois (directeur) et Charles Lenormant (directeur-adjoint), l'historien Edgar Quinet et les peintres Eugène-Emmanuel Amaury-Duval et Pierre Félix Trézel. L’écrivain et linguiste grec Michel Schinas les accompagne.

Elle avait pour mission de repérer quatre-vingts sites antiques (en Achaïe, Arcadie, Élide et Messénie) à l'aide de la littérature antique. Leur itinéraire devait suivre celui de l'historien de l'antiquité Pausanias le périégète. Les sites devaient être précisément situés par une triangulation précise. Ensuite, avec l'aide de la section d'architecture, ils devaient en lever les plans (généraux et par édifice), dessiner et mouler les bâtiments et décors, entreprendre des fouilles pour dégager bâtiments et antiquités. Des monastères byzantins avaient été ajoutés à l'itinéraire : ils devaient tenter d'y acheter des manuscrits[47].

Olympie en 1829, par l'Expédition de Morée.

Cependant, cette section ne réussit pas à réaliser l'énorme programme qui lui avait été fixé. Elle souffre de nombreuses maladies et fièvres et ses membres ne s'entendent pas. Charles Lenormant, par exemple, lorsqu'il apprend qu'il se trouve sous les ordres de Dubois, ou du moins qu'il va aller de pair avec lui, ne croit pas devoir accepter cette position auprès de son subordonné du Louvre (il venait en effet tout juste de rentrer de la mission archéologique d'Égypte organisée par Jean-François Champollion en 1828). Il fait donc le voyage en amateur et seul[30]. Edgar Quinet, lui, qui se soucie peu d'avoir un chef et de collaborer à un ouvrage - il a déjà l'intention d'en publier un tout seul - signifie à Dubois qu'on n'a pas à compter sur lui, et qu'il va partir seul de son côté[30]. Quinet visite Le Pirée le 21 avril 1829, d’où il gagne Athènes. Il parcourt ensuite en mai les Cyclades à partir de Syros. Mais atteint lui aussi par la maladie, il rentre en France dès le 5 juin. Sa De la Grèce moderne, et de ses rapports avec l'antiquité paraît en septembre 1831[29],[66]. Le sculpteur et helléniste lyonnais Jean-Baptiste Vietty (de la section d'architecture et sculpture), supportant mal son rôle "subalterne" dans l’expédition[N 13], se désolidarise également de ses compagnons dès son arrivée en Grèce et parcourt le Péloponnèse en solitaire. Il poursuit ses recherches en Grèce dans des conditions matérielles extrêmement difficiles jusqu'en août 1831, bien après le retour en France de la mission scientifique à la fin de l'année 1829[67]. Amaury-Duval donnera de Quinet et de Vietty des portraits pittoresques dans ses Souvenirs (1829-1830)[N 14].

Ainsi, les membres de cette section partent chacun dans des directions différentes, Dubois ne réussissant pas à imposer son autorité et à les en empêcher, ce qui provoque les commentaires plutôt sarcastiques de la part du commissaire de l’Académie patronnant la section "concurrente" des sciences physiques, Georges Cuvier[N 15]. Leurs résultats ne seront jamais publiés. Le principal travail archéologique est alors réalisé par la section d'Architecture et de Sculpture, à laquelle se joignirent les membres restants de la section d'Archéologie[1],[47].

La section d'architecture et sculpture

Elle avait été formée à l'Académie des Beaux-arts par Jean-Nicolas Hyot et Jean-Antoine Letronne qui avaient désigné pour la diriger l’architecte Guillaume-Abel Blouet[1],[47]. Elle lui avait adjoint l'archéologue Amable Ravoisié et les peintres Frédéric de Gournay et Pierre Achille Poirot. L'archéologue Léon-Jean-Joseph Dubois et les peintres Pierre Félix Trézel et Amaury-Duval les rejoignent après la dispersion de la section d’archéologie.

Hérôon du stade de l'ancienne Messène (reconstruction par Guillaume-Abel Blouet).

L’architecte Jean-Nicolas Huyot avait donné des instructions très précises à cette section. Fort de son expérience en Italie, en Grèce, en Égypte et au Moyen-Orient, et sous l’influence des ingénieurs, il avait demandé de tenir un véritable journal de fouille où devaient se trouver des précisions relevées grâce à la montre et la boussole, d’élaborer une carte de l’espace parcouru, et de décrire la configuration du terrain[68].

Itinéraires

La publication des travaux archéologiques et artistiques suit le même plan que la publication des travaux des sciences physiques et naturelles : celui d’un itinéraire avec des descriptions des routes empruntées, des monuments remarquables le long de ces routes et une descriptions des sites destinations. Ainsi, le tome 1 de l’ Expedition scientifique de Morée, Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique décrit Navarin (pages 1–7[69]) avec six pages de planches (fontaines, églises, forteresse de Navarin et ville de Nestor[70]) ; puis aux pages 9–10, l’itinéraire Navarin-Modon[71] est détaillé avec quatre pages de planches (église en ruines et ses fresques, mais aussi paysages bucoliques rappelant qu’on n’est pas si loin que cela de l’Arcadie légendaire[72]) et enfin trois pages sur Modon[73] avec quatre pages de planches[74].

gravure noir et blanc : porte de forteresse dans la végétation
La Porte d'Arcadie de l'ancienne Messène dans le style « berger d’Arcadie » et influencé par Hubert Robert.

Les paysages bucoliques sont assez proches de la « norme » que proposait Hubert Robert pour une représentation de la Grèce. La présence des soldats du corps expéditionnaire est importante, et alterne avec celle des bergers grecs : « dont l’hospitalité généreuse et les mœurs simples et innocentes nous rappelaient les beaux temps de la vie pastorale auxquels la fiction a donné le nom d’âge d'or, et qui semblaient nous offrir les personnages réels des églogues de Théocrite et de Virgile[75]. »

L’expédition archéologique parcourt Navarin (Pylos), Modon, Coron, Messène et Olympie (publiés dans le premier tome de la publication) ; le temple d’Apollon à Bassae, Megalopolis, Sparte, Mantinée, Argos, Mycènes, Tirynthe et Nauplie (objets du deuxième tome) ; les Cyclades (Syros, Kéa, Mykonos, Délos, Naxos et Milo), le cap Sounion, Égine, Épidaure, Trézène, Némée, Corinthe, Sicyone, Patras, Élis, Kalamata, le Magne, le cap Ténare, Monemvasia, Athènes, Salamine et Éleusis (traités dans le troisième tome).

Modalités d’exploration et l'identification de l'Ancienne Pylos

L’exploration artistique et archéologique du Péloponnèse se déroule comme on pratiquait alors les recherches archéologiques en Grèce[1]. La première étape est toujours une tentative de vérification sur place (une forme d’autopsie comme le faisait Hérodote) des textes des auteurs antiques : Homère, Pausanias le Périégète ou Strabon. Ainsi, au cap Coryphasium près de Navarin (Paléokastro, Vieux-Navarin ou Zonchio), l’emplacement de la ville du roi homérique Nestor, la célèbre Pylos, est déterminé pour la première fois, à partir des adjectifs « inaccessible » et « sablonneuse » (ἠμαθόεις) employés dans l'Iliade et l'Odyssée (le palais de Nestor quant à lui, situé un plus haut dans les terres, ne sera découvert par l'archéologue américain Carl Blegen qu'en 1939). Blouet ajoute : « Ces constructions helléniques, dont aucun voyageur moderne n'avait encore fait mention, et que j'avais remarquées dans une course précédente, furent pour nous une découverte importante et un motif très-plausible de nous convaincre que nous voyions la Pylos de Messénie[76]. » De même un peu plus loin, pour la ville de Modon, la Pédase d'Homère : « les restes antiques du port, dont la description s’accorde parfaitement avec celle de Pausanias, suffisent pour déterminer de manière certaine l’emplacement de la ville antique[77]. »

Les premières fouilles archéologiques de l'Ancienne Messène

Après avoir exploré Navarin, Modon et Coron, les membres de la section se rendent à la cité antique de Messène (fondée en 369 av. J.-C. par le général thébain Épaminondas après sa victoire sur Sparte à Leuctres), située sur les pentes des Monts Ithômé et Évan. Ils y passent un mois entier à partir du 10 avril 1829, où ils sont accueillis très chaleureusement par les habitants du village de Mavrommati[N 16]. Ils sont les premiers archéologues à effectuer des fouilles scientifiques sur ce site de la Grèce classique[78].

Ils y trouvent le célèbre mur d'enceinte fortifié et crénelé d'Épaminondas dans un état de conservation parfaite. Le mur est enchâssé de portes monumentales, dont l'une (comportant un linteau ou architrave d'une dimension extraordinaire de près de 6 mètres de longueur) est qualifiée par Blouet comme « la plus belle peut-être de toute la Grèce[79] ». Cette enceinte leur permet dans un premier temps de délimiter le site et de « donner un plan général de Messène avec les détails topographiques les plus minutieux et les plus précis[80]. » Puis ils procèdent à la campagne de fouilles du site archéologique proprement dite. Ils y exhument pour la première fois de nombreux fragments renversés de gradins du stade, de tambours et chapiteaux de colonnes, de portiques, d'autels, de bas-reliefs, de sculptures et d'inscriptions (relevées par Charles Lenormant, encore présent à cette époque). Ces fouilles, réalisées par tranchées, leur permettent d’établir des plans précis des fondations des monuments et de proposer ainsi des modèles restaurés du stade de Messène et de son hérôon, ainsi que du petit théâtre ou ekklesiasterion. Il ne retrouvent cependant pas de nombreux monuments, dont le grand théâtre ou la fontaine d'Arsinoë. Seule la fontaine de la Clepsydre (où selon Pausanias, Zeus enfant aurait été lavé par les nymphes Ithômé et Néda), située plus haut dans le village de Mavrommati, est décrite et dessinée.

Gravure noir et blanc : des hommes dans un paysage de ruines bucoliques.
Les membres de la commission scientifique de l’Expédition de Morée étudiant les ruines du stade de l'antique Messène (par Prosper Baccuet).

Les premières fouilles archéologiques d'Olympie et la découverte du temple de Zeus Olympien

L’expédition passe ensuite six semaines à partir du 10 mai 1829 à Olympie[1],[30],[81],[82]. Léon-Jean-Joseph Dubois (de la section d’Archéologie) et Abel Blouet (de la section d'Architecture et de Sculpture) y entreprennent les premières fouilles. Ils y sont accompagnés des peintres Frédéric de Gournay, Pierre Achille Poirot, Pierre Félix Trézel et Amaury-Duval, ainsi que d'une troupe de plus d'une centaine d'ouvriers.

Le site d'Olympie avait été redécouvert par l'antiquaire anglais Richard Chandler en 1766. Depuis, il avait été visité par de nombreux voyageurs-antiquaires comme Fauvel en 1787, Pouqueville en 1799, Leake en 1805, Gell en 1806, et Cokerell en 1811. Son repérage général par les archéologues de l’expédition de Morée est permis grâce aux descriptions plus précises d'Edward Dodwell en 1806 (pour Dubois) et à la carte établie par John Spencer Stanhope en 1813 (pour Blouet). La plupart des bâtiments est en effet invisible à l’œil, car comme le note Abel Blouet, ils doivent être recouverts d'une épaisse couche de sédiments due aux nombreux débordements des rivières Alphée et Cladée[N 17].

gravure noir et blanc : vue aérienne de champs avec un relevé de plan de temple au centre.
Plan des premières fouilles archéologiques d'Olympie et du temple de Zeus Olympien découvert par l'expédition de Morée en mai 1829 (par Abel Blouet et Pierre Achille Poirot).

Seul un fragment de colonne dorique d'une grande dimension est visible. Il avait déjà été repéré par les voyageurs précédents, car les habitants des villages voisins y avaient creusé des tranchées pour en retirer la pierre, mais aucun ne l'avait attribué avec certitude au temple de Zeus. Abel Blouet précise[83] : « Il ne pouvait donc y avoir de mérite à y découvrir un monument. Mais ce qui pouvait être une découverte, c'était d'y trouver des preuves que ce monument était le fameux temple de Jupiter Olympien ; et c'est ce que nos fouilles nous ont mis à même de démontrer. Lorsque nous arrivâmes à Olympie, M. Dubois, directeur de la section d'archéologie de notre expédition, y était déjà depuis quelques jours avec MM. Trézel et Amaury Duval, ses collaborateurs. D'après les instructions qui lui avaient été données par la commission de l'Institut, cet antiquaire avait fait commencer des fouilles dont le résultat avait été la découverte des premières assises des deux colonnes du pronaos et quelques petits fragments de sculpture. » Les conseils archéologiques de Jean-Nicolas Huyot sont donc suivis. Dubois met ses ouvriers à la face antérieure du temple et Blouet les siens à la face postérieure afin de donner à ces fouilles toute l'extension possible. Le peintre Amaury-Duval offre également dans ses Souvenirs (1829-1830) un témoignage[N 18] personnel, direct et précis, des circonstances qui conduisent à l'identification précise du temple de Zeus Olympien, qui est ainsi déterminé pour la première fois[84].

sculpture de marbre : une figure féminine sur un rocher et une tête masculine
Une des métopes d’Olympie ramenées au Louvre avec l'autorisation du gouvernement grec par l’expédition de Morée.

Là encore, les descriptions précises des sculptures, des éléments de structure du temple et des métopes représentant les Douze travaux d'Héraclès, par Pausanias qui visita le site au cours du second siècle ap. J.-C., se révèlent cruciales pour valider l'identité du temple de Zeus. Ces sculptures, qui témoignent des débuts de l'art classique et du style sévère, frappent fortement les archéologues sur place ou à l’Académie à Paris par leur type nouveau empreint de naturalisme[85].

Modèle de restauration du temple de Zeus Olympien (par Abel Blouet)

Comme pour les fouilles pratiquées à Messène, le site est quadrillé topographiquement, des tranchées sont creusées, des sondages sont pratiqués en ligne, et des modèles de restauration sont proposés : l’archéologie se rationalise. On commence alors à quitter la simple chasse au trésor. L’apport primordial de l’expédition scientifique de Morée réside en effet dans son désintérêt total pour le pillage, la chasse aux trésors et la contrebande d'antiquités. Blouet refuse les fouilles risquant d’endommager les monuments, et interdit qu’on mutile les statues pour en emporter un fragment sans intérêt séparé du reste, comme l'avait fait Elgin sur le Parthénon vingt-cinq ans auparavant[86]. Pour cette raison, les trois métopes du temple de Zeus découvertes à Olympie sont transférées au musée du Louvre dans leur intégralité (avec l'autorisation du gouvernement grec de Ioánnis Kapodístrias)[1],[83]. Cependant, beaucoup d'œuvres précieuses sont ré-enfouies afin de les protéger, selon le témoignage direct d'Amaury-Duval[N 19]. Cette volonté de protéger l’intégrité du monument est un véritable progrès épistémologique.

La Grèce byzantine

Vue, coupe et plan de l'église de Samari (par Abel Blouet)

L’intérêt des Français ne se limite pas à l’Antiquité seule. Ils décrivent, relèvent les plans et dessinent avec minutie également les monuments byzantins[1]. Bien souvent, jusque-là chez les voyageurs, seule comptait la Grèce antique, la Grèce médiévale et moderne était ignorée. Blouet, dans son Expedition scientifique de Morée ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique donne des renseignements très précis sur les églises qu’il rencontre, notamment celles de Navarin (Église de la Transfiguration du Sauveur, à l'intérieur de la nouvelle forteresse Néokastro), d'Osphino (village détruit), de Modon (Église de Saint Basile), d'Androussa (Église de Saint Georges), de Samari (Église de Zoodochou Pigis) ou du monastère de Vourkano (ou Voulkano, monastère de Notre-Dame), parmi d'autres. Par exemple, les planches 19 et 20 du tome 1 sont décrites ainsi : « Vue, plan et coupe de l'église de Samari. Cette église, la plus complète et la mieux conservée de toutes celles que nous avons vues en Grèce, est remarquable par la complication de ses combles qui lui donnent un caractère très-pittoresque. Comme tous les monuments de ce genre, sa construction se compose de moellons et de briques liés par un mortier de terre et de chaux. A l'intérieur, qui est entièrement couvert de peintures à fresque, représentant des sujets tirés de l'Ecriture-Sainte, sont deux colonnes en marbre veiné, supportant l'un des côtés de la coupole du milieu; deux colonnes et deux piliers en pierre noircis par le temps soutiennent le porche d'entrée de la façade principale; et une autre colonne, également en pierre, porte l'angle du porche latéral. Près de cette église sont des fragments de colonnes qui paraissent avoir appartenu à un monument antique[87] ».

La création de l'École française d'Athènes

Les résultats obtenus par l'expédition scientifique de Morée font sentir la nécessité de créer une structure stable et permanente qui permettrait de prolonger le travail de la mission. À partir de 1846, il devient possible de « continuer systématiquement et en permanence l'œuvre commencée si glorieusement et si heureusement par l'expédition scientifique de Morée[88] » grâce à la création, rue Didot au pied du Lycabette, de l'École française d'Athènes.

Fin de la mission scientifique

Les membres de l’expédition scientifique ont payé un lourd tribut aux fièvres durant leur séjour en Morée. Beaucoup seront obligés d’écourter leur séjour dans la péninsule et d’être rapatriés en France avant le début de 1830.

La brigade topographique est lourdement touchée : « sur dix-huit officiers qui avaient été successivement employés aux travaux topographiques de Morée, trois y étaient morts et dix, dont la santé fut à tout jamais ruinée, se virent dans l'obligation de prendre leur retraite[89] ». Le capitaine Peytier écrit en 1834 : « c'est la géodésie qui ruine ma santé et je n'en veux plus faire en montagne, à quelque prix que ce soit ». Aussi bien en sont-ils réduits à ne travailler que pendant la saison fraîche et à s'arrêter en été, saison pendant laquelle ils dessinent leurs cartes. Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent évoque quant à lui : « la chaleur horrible qui nous a assaillis en juillet, [et qui] a mis, au reste, toute la brigade topographique en désarroi. Ces messieurs, ayant travaillé au soleil, sont presque tous tombés malades et nous avons eu la douleur de voir mourir, il y a une huitaine de jours, M. Dechièvre à Napoli[90]. » Émile Puillon Boblaye : « Sur douze officiers employés au service géodésique, deux sont morts et tous ont été malades. Nous avons perdu en outre deux sapeurs et un domestique[91]. »

Quant à la section des sciences physiques, alors que ses membres explorent l'embouchure de l'Eurotas au mois de juillet 1829, ils se font piquer par une espèce de moustiques ("cousins", que Gaspard Auguste Brullé décrit pour la première fois comme le Culex kounoupi Br.), n'ayant point prévu de moustiquaires dans leurs tentes. Pierre Théodore Virlet d’Aoust, Sextius Delaunay, Prosper Baccuet, Gaspard Auguste Brullé, trois muletiers, deux sapeurs, un interprète et Villars le valet de chambre, sont tous saisis de violentes fièvres, qui empirent parfois jusqu'au délire, et qui précipitent le départ de la section pour Malvoisie, suspendant ainsi leurs travaux. Bory de Saint-Vincent, l'un des seuls membres de la section à être épargné par la maladie, prend un caïque et se rend aussitôt à Nauplie par mer, malgré les tempêtes, pour aller chercher du secours. Le médecin bavarois philhellène M. Zuccarini est alors envoyé à Malvoisie et sauve tous ses patients, sauf un sapeur et le valet Villars qui décèdent. Le président Ioánnis Kapodístrias met alors à leur disposition un navire à vapeur pour les rapatrier à Nauplie, puis de là, en France[46]. Bory de Saint-Vincent, Pierre Felix Trézel, Virlet d'Aoust et Peytier exploreront ensuite les Cyclades et l'Attique. Dans le section d’archéologie, sont également atteints par la fièvre Léon-Jean-Joseph Dubois, Edgar Quinet et Amaury-Duval, qui sont rapatriés prématurément en France[N 20].

Seuls Jean-Baptiste Vietty et Pierre Peytier poursuivent leurs recherches dans le pays après 1830 : jusqu'en août 1831 pour le premier et mars 1836 pour le second.

Les membres de la commission scientifique de l’Expédition de Morée se reposant sur les rives du Pamissos, en face des Monts Ithômé et Évan, près de l'antique Messène (par Prosper Baccuet).

Membres de l'expédition de Morée

Parmi les membres de l'expédition présents en Morée, dix deviendront par la suite Ministres (de la Guerre, de la Marine ou des Affaires étrangères en France, ou de l'Éducation en Grèce pour Michel Schinas) et l'un d'entre eux Premier Ministre (Eugène Cavaignac).

Publications de l'expédition de Morée

À leur retour en France, les militaires et des scientifiques de l'expédition de Morée relatent leurs expériences personnelles ou présentent leurs résultats scientifiques dans de nombreux ouvrages publiés tout au long XIXe siècle.

gravure noir et blanc : une troupe d'hommes et d'ânes dans un paysage de ruines
Les membres de la commission scientifique de l’Expédition de Morée accompagnés de soldats français entrant dans la ville de Tripolizza ravagée pendant la guerre d’indépendance grecque (par Prosper Baccuet)

Expédition militaire

Expédition scientifique

Section des sciences physiques

Les scientifiques de la Section des sciences naturelles ont publié leurs résultats en six livres, regroupés en trois Tomes (reliés en cinq parties) et un atlas (sixième partie) intitulé « L'expédition scientifique de Morée. Section des sciences physiques », Ministère de l'éducation nationale, France. Commission scientifique de Morée, F.G. Levrault, Paris, 1832-1836:

  • Tome I: Relation (1836) par M. Bory de Saint-Vincent.
  • Tome II: Première Partie: Géographie et géologie (1834) par M. Bory de Saint-Vincent.
  • Tome II: Deuxième Partie: Géologie et minéralogie (1833) par MM. Puillon de Boblaye et Théodore Virlet.
  • Tome III: Première Partie: Zoologie (1832): Première section (Vertébrés, Mollusques et Polypiers) par MM. Geoffroy Saint-Hilaire père et fils, Bibron, Deshayes et Bory de Saint-Vincent. Deuxième section (Animaux articulés) par M. Brullé et Guérin.
  • Tome III: Deuxième Partie: Botanique (1832) par MM. Fauché, Inspecteur général du service de santé pour les graminées; Adolphe Brongniart pour les orchidées; Chaubard et Bory de Saint-Vincent pour le reste de la Phanérogamie; cе dernier collaborateur s'est réservé la cryptogamie.
  • Atlas (1835): Relation (Cartes & Vues de Paysages), Géologie (Coupes & Roches), Zoologie (Vertébrés & Invertébrés), Botanique.

D'autres ouvrages viennent compléter cet opus :

Section d'archéologie

Section d'architecture et sculpture

Bibliographie

Sources

Ouvrages généraux

  • (fr) Wladimir Brunet de Presle et Alexandre Blanchet, Grèce depuis la conquête romaine jusqu’à nos jours, Paris, Firmin Didot, , 589 p. (lire en ligne)
  • (fr) Georges Contogeorgis, Histoire de la Grèce, Paris, Hatier, coll. Nations d'Europe, , 477 p. (ISBN 978-2-218-03841-9)
  • (fr) A. Hugo, France militaire. Histoire des armées françaises de terre et de mer de 1792 à 1837. Delloye, 1838.
  • (fr) Archibald de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, jusqu’à l'avènement de Louis-Philippe, de janvier 1813 à octobre 1830., Perrotin, 1860.
  • (fr) Alessia Zambon (préf. Alain Schnapp), Aux Origines de l'archéologie en Grèce : Fauvel et sa méthode, Paris, cths et INHA, , 351 p. (ISBN 978-2-7355-0822-8).
  • (en) Collectif, An Index of events in the military history of the greek nation, Athènes, Hellenic Army General Staff, Army History Directorate, , 1re éd., 471 p. (ISBN 978-960-7897-27-5)
  • (en) David Brewer, The Greek War of Independence : The Struggle for Freedom from Ottoman Oppression and the Birth of the Modern Greek Nation, New York, The Overlook Press, , 393 p. (ISBN 978-1-58567-395-7, LCCN 2001036211)
  • (en) C. M. Woodhouse, The Philhellenes, Londres, Hodder et Stoughton, , 192 p. (ISBN 034010824X)
  • (el) Kyriakos Simopoulos, Ξενοκρατία, μισελληνισμός και υποτέλεια, εκδ. Στάχυ, Αθήνα, 1997, σελ. 450-455.
  • (el) Kyriakos Simopoulos, Ξένοι Ταξιδιώτες στην Ελλάδα, τομ. 1-4, χ.ε. 1970-76, εκδ. Στάχυ, 2001
  • (el) Kyriakos Simopoulos, Πως είδαν οι Ξένοι την Ελλάδα του '21 (1821-1829), τομ. 1-5, χ.ε. 1979-82, εκδ. Πιρόγα, 2007

Notes et références

Notes

  1. La Morée est le nom donné à la région du Péloponnèse en Grèce, de l'époque médiévale au XIXe siècle. « La Morée (ό Μωρἐας, Μωριᾶς), soit que ce nom ait remplacé celui du Pélopοnèse à cause de la configuration de cette péninsule qui imite sur la carte une feuille de mûrier (μουριά), soit plutôt qu'il lui ait été donné par rapport à la grande multiplication des arbres de cette espèce, propres à l'entretien des vers à soie, la Morée, dis-je, contient aujourd' hui 400 000 habitants environ. » selon le linguiste grec et membre de l'expédition scientifique de Morée Michel Schinas, Mémoire sur l'état présent de la Morée, Archives de l'Académie des Sciences de l'Institut de France, Dossier: Commission de Morée (1830). Annoté et commenté par A. Panayiotopoulou-Gavatha. Παναγιωτοπούλου–Γαβαθά, Α. (2016). Ένα υπόμνημα του Μ. Σχινά για την κατάσταση της Πελοποννήσου στα 1830. Σχολιασμένη έκδοση. The Gleaner, 11, 333-362. DOI 10.12681/er.9408
  2. Le texte sur Gallica
  3. « SOLDATS, De concert avec ses alliés, votre Roi vous charge d'une grande et noble mission ; vous êtes appelés à mettre un terme à l'oppression d'un peuple célèbre. Cette entreprise, qui honore la France, et à laquelle tous les cœurs généreux applaudissent, ouvre devant vous une carrière de gloire que vous saurez remplir ; j'en ai pour garans les sentimens et l'ardeur qui vous animent. Pour la première fois depuis le treizième siècle, nos drapeaux, aujourd'hui libérateurs, vont apparaître aux rivages de la Grèce. Soldats, la dignité de la couronne, l'honneur de la patrie attendent un nouvel éclat de vos triomphes. Dans quelque situation que les événemens vous placent, vous n'oublierez pas que de chers intérêts vous sont confiés. Des privations et des fatigues vous attendent, vous les supporterez avec courage, et vos chefs vous en donneront l'exemple ! ! ! » Le Lieutenant-Général, Pair de France, commandant l'Expédition de Morée, Marquis MAISON. (in Alexandre Duheaume, capitaine au 58e régiment d’infanterie de ligne, Souvenirs de la Morée, pour servir à l'histoire de l'expédition française en 1828-1829, Anselin, Paris, 1833)
  4. Arch. de Vaulabelle, op. cit., p.471. Cependant, ni les capitaines Duheaume (Souvenirs de la Morée) et Cavaignac (Lettres), ni Jacques Mangeart (Souvenirs de la Morée), ni le Dr. Roux (Histoire médicale) ne confirment cette affirmation. Au contraire, les témoignages concordants de Duheaume et de Mangeart affirment qu'à leur arrivée, des marchands grecs et marseillais viennent leur vendre fort cher des raisins, des figues, des pastèques, des courges, puis les jours suivants, du mouton et quelques poules.
  5. « Ce fut le 1er d'octobre qu'eut lieu , à quelque distance de Navarin, et presque sur le rivage de la mer, la revue des troupes françaises récemment arrivées en Morée. Déjà le général Maison, entouré du plus brillant état-major, parcourait à cheval les rangs de nos phalanges que la mort et les maladies n'avaient pas encore atteintes (...) Le prince égyptien venait d'arriver au camp français, sans pompe et sans escorte, accompagné seulement de M. Abro, son interprète. Le général Maison ayant appris l'arrivée imprévue du fils de Méhémet, lui envoya, par un de ses aides-de-camp, un cheval sur lequel il le priait de venir le rejoindre. Ibrahim, après l'avoir refusé d'abord, sous prétexte qu'il se rendrait à pied auprès du général français, finit par le monter; un autre cheval fut offert à M. Abro, qui accompagna son chef jusqu'auprès du général Maison. Ibrahim complimenta le général en chef sur la bonne tenue et la précision des mouvements de nos troupes : mais il ne put contenir son enthousiasme et son admiration quand il vit manœuvrer nos chasseurs à cheval (...) Ibrahim en fit des compliments tout particuliers au colonel de ce régiment, qui lui offrit un équipement complet de chasseur, sans oublier les harnachements du cheval; Son Altesse, à son tour, fit à M. de Faudoas, cadeau d'un damas qui a été estimé d'une valeur de 10,000 francs (...) Le fils du vice-roi d'Égypte avait alors trente huit ans. Quoique d'une petite taille, il était doué d'une force prodigieuse. Les chirurgiens français, que j'ai vus dans son camp, m'ont assuré qu'il avait plus d'une fois abattu la tête d'un taureau d'un seul coup de son damas. Une barbe longue et roussâtre donne à sa figure, fortement marquée de petite vérole, un air sombre et farouche. Ses membres sont d'une grosseur extraordinaire. Quand il se rendit à la revue dont nous venons de parler, il était vêtu très simplement, quoique d'une manière riche et distinguée. Il avait sur la tête une large calotte rouge, surmontée d'un gland de soie bleu assez long. Une veste couleur amaranthe, et chargée de belles broderies de soie, le serrait étroitement, et faisait voir en même temps tout son embonpoint; une ceinture de soie soutenait son large pantalon, de même couleur que la veste, et non moins couvert de broderies. Il n'avait d'autres armes, qu'un riche sabre recourbé, et renfermé dans un fourreau plus riche encore (...) La nouvelle de la revue des troupes françaises avait également excité la curiosité des soldats grecs qui ne se trouvaient pas loin de là. Le général Nikitas, supérieur à la maladie qui l'accablait, et aux fatigues dont il était épuisé, voulut aussi jouir de ce nouveau spectacle. Il arriva au lieu de la revue, au moment où le général Maison parcourait, avec le chef égyptien, les rangs de nos brillantes légions. Il était suivi d'une douzaine de Grecs vêtus aussi misérablement que lui. Doué d'une taille aussi haute que celle d'Ibrahim est petite, il est aussi maigre, et paraît aussi souffrant, que celui-ci est · gras et bien portant. Une paire d'énormes pistolets étaient attachés à sa ceinture, ainsi qu'un long yatagan, espèce de sabre presque droit, ou légèrement recourbé en sens contraire aux nôtres ; il avait de plus, un damas d'une trempe semblable peut-être à celle du sabre d'Ibrahim, mais renfermé dans un fourreau de bien moins de valeur. Il s'arrêta pour voir passer les généraux qui entouraient le fils de Méhémet. Celui-ci l'aperçut, et le regarda d'un air de dédain et avec un sourire moqueur, comme pour comparer les honneurs dont on l'accablait, avec l'oubli dans lequel on le laissait, lui, général grec, dont on paraissait pourtant être venu embrasser et défendre la cause. Nikitas, indigné, lança sur lui des yeux pleins de feu et étincelants de colère, qui firent baisser ceux d'Ibrahim. Il avait déjà porté sa main à la poignée de son sabre, quand, modérant tout à coup ses transports, il avança quelques pas, de manière à être aperçu du général Maison, ou des autres généraux qui l'accompagnaient. Le général Schneider le remarqua; il s'approcha aussitôt de lui, lui serra la main, lui adressa mille paroles flatteuses, et lui offrit un cheval, que le capitaine grec refusa. Après la revue, deux généraux vinrent encore à sa rencontre, et le prièrent d'agréer leurs excuses, et celles du général en chef, qui ne l'avait pas aperçu. » in Jacques Mangeart, Souvenirs de la Morée: recueillis pendant le séjour des Français dans le Peloponèse, Igonette; Paris, 1830.
  6. Ils partent après avoir reçu du gouverneur de la Grèce Ioánnis Kapodístrias un dernier et brillant hommage au nom de la nation grecque : ils se font offrir les sabres de Kóstas Bótsaris et Geórgios Karaïskákis, guerriers célèbres de la révolution grecque, morts en combattant les Turcs (in Alexandre Duheaume, Souvenirs de la Morée, pour servir à l'histoire de l'expédition française en 1828-1829, Anselin, Paris, 1833).
  7. « La ville de Navarin, (…) fut remise en 1829, aux Français, dont l’armée l’occupe aujourd’hui. Une partie de la garnison travaille au rétablissement de la citadelle et des fortifications qui l’entourent. », in Abel Blouet, Expédition de Morée. Section des Beaux-Arts., tome 1, p. 2.
  8. a et b « Ces fortifications [du fort de Navarin], il y a peu de temps, ébranlées, ouvertes de toutes parts, et ne laissant même pas à celui qui aurait voulu les défendre l'honneur d'un beau désespoir, ont été relevées et raffermies d'abord par nous ; quelques mois après, de grands travaux allaient être terminés, lorsque la foudre du ciel est venue les renverser de fond en comble. L'explosion de la poudrière, dans cette nuit fatale [du ], a coûté la vie à cinquante de nos compagnons d'armes, et plus de cent ont été horriblement mutilés », in Jacques Louis Lacour, Excursions en Grèce pendant l'occupation de la Morée par l'armée française en 1832-33, Arthur Bertrand, Paris, 1834
  9. En 1833, Jacques Louis Lacour (sous-intendant militaire dans la brigade d'occupation) écrivait : « Ibrahim-Pacha (...) n'admirerait pas moins, s'il retournait aujourd'hui à Navarin, les talents et l'activité de notre génie militaire, en voyant une ville presque française se déployer en pittoresque amphithéâtre autour de la rade où il ne laissa qu'une vieille masure abandonnée bientôt par la douane. Cette cité, jeune au plus de cinq ans [1828-33], ne compte pas moins de deux à trois cents maisons de construction assez élégante, la plupart à plusieurs étages ; ses rues sont entretenues proprement ; on y trouve grand nombre de boutiques à l'européenne; une place bien pavée, servant de bourse et de promenade; une fontaine monumentale au milieu ; de riches magasins, sans dames de comptoir, il est vrai (les hommes de l'Orient s'en garderaient bien) ; un hôpital militaire construit sur les bords de la mer, dont la vue seule est déjà un sujet de repos et de récréation : cet établissement offre à nos braves enfants tous les secours et les soins empressés qui leur seraient prodigués en France. Une administration paternelle a su y transporter sa surveillance, ses prévisions et ses bienfaits, et les agents qu'elle a choisis participent tous également ici à la sagesse et à la dignité de ses pieuses obligations. Le bazar de Navarin est devenu l'entrepôt de la haute et basse Messénie. Il est pourvu de toutes les choses indispensables aux besoins et au luxe d'une civilisation exigeante ; (...) Enfin, Navarin, qui renfermait quelques mendiants abrutis par l'oisiveté, la servitude et la misère, offre aujourd'hui une population aisée, laborieuse et libre. Quel contraste offrirait un tel spectacle aux yeux du fils de Méhemet ! Il ne reconnaîtrait plus la plage déserte où campaient ses noires phalanges, mais il aurait bientôt reconnu la main des Français à tant d'heureuses métamorphoses. », in Jacques Louis Lacour, Excursions en Grèce pendant l'occupation de la Morée par l'armée française en 1832-33, Arthur Bertrand, Paris, 1834
  10. Bory de Saint-Vincent était par ailleurs un ami d'enfance de Martignac à Bordeaux à l’époque de la révolution française.
  11. « M. Dubois, chef de la section d'archéologie, dont je faisais partie comme dessinateur, avait été élève de David. Je croirais volontiers que ses dispositions pour la peinture n'étaient pas assez grandes pour qu'il continuât à suivre cette carrière; toujours est-il qu'il y renonça et devint, je ne sais par quelles circonstances, ami et aide du grand Champollion. Il avait exercé son œil dans de nombreuses expertises, avait probablement un peu glané à droite et à gauche, surtout dans la conversation de son maître, qui lui fit obtenir, au Musée du Louvre, une place assez importante. Grand, gros, de l'entrain, de la gaieté, une apparence de Joseph Prudhomme, avec qui des lunettes d'or lui donnaient encore plus de ressemblance. Son répertoire de charges d'atelier, quoique varié, n'était cependant pas inépuisable; les plaisanteries et les histoires qu'il contait drôlement, se répétaient un peu ; quelques-unes dataient du temps de l'Empire, mais je ne les connaissais pas, et elles m'amusèrent. Il était marié et vivait à Paris, avec sa femme et sa jeune fille, dans un intérieur modeste, mais confortable; pendant notre excursion, je l'entendis souvent regretter cette vie de famille, sans que j'aie jamais voulu approfondir ce qu'il en regrettait le plus, car c'était surtout pendant nos repas qu'il se plaignait. Ce que je dois ajouter, c'est qu'au premier abord il était fort séduisant, et qu'il faisait beaucoup de frais, surtout pour les derniers arrivants [...] L'esprit brillant de M. Bory Saint- Vincent ne put me faire passer, tout jeune que j'étais, sur son outrecuidance et son aplomb, et je m'habituai difficilement à cette activité, à ce mouvement perpétuel. Son habillement, dans les cérémonies ou dans les visites que nous allions rendre aux autorités, était d'un grotesque achevé. Il avait réuni en un mélange fort bizarre le costume de colonel et celui de membre de l'Institut. Mais il n'avait pas conscience ou feignait de ne pas s'apercevoir de l'étonnement qu'il provoquait partout. Dès les premiers jours, il laissa percer l'ambition, qu'il n'a cessé d'avoir pendant le voyage, de passer pour le chef suprême de la commission, et je m'aperçus bien vite de la froideur que M. Blouet et M. Dubois lui témoignaient quand il laissait trop paraître ses prétentions. Spectateur indifférent de ce petit antagonisme, je pus prévoir facilement combien en souffriraient les résultats de l'expédition. Je me trompe sans doute; mais j'ai peine à comprendre une commission de cette nature sans un chef unique, qui en dirige l'ensemble et qui assume toute la responsabilité. Il y avait à notre tête trois chefs : c'était trop de deux, qui devaient nécessairement, et bientôt, tirer chacun de son côté... Il est vrai qu'il y a bien d'autres circonstances encore où je n'admets qu'un seul maître. Aussi, je le répète, j'ai probablement tort. M. Blouet, architecte de talent, avait l'apparence grave d'un travailleur acharné. Mais les deux types les plus curieux de la commission étaient, sans conteste, Edgar Quinet et Vietty , sculpteur lyonnais... », Eugène-Emmanuel Amaury-Duval, Souvenirs (1829-1830), Chapitre III, Librairie Plon, E. Plon, Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, Paris, 1885.
  12. « Le commencement du dîner, fort bien servi, se passa joyeusement. Nous avions fait depuis quelque temps la connaissance de nos officiers; mais peut-être leur gaieté, à eux, venait-elle de la scène qu'ils s'attendaient à voir. Le vent, à ce qu'il paraît, s'était élevé au sortir de la rade [de Toulon], et le vaisseau roulait assez fort. Le moment de la soupe se passa régulièrement; mais, tout à coup, silence profond. Le regard fixé sur un point dont rien au monde n'aurait pu les détacher, mes camarades pâlissaient à vue d’œil; on apercevait la sueur perlant sur leurs fronts. Un d'eux n'y tint plus, se leva précipitamment, et, dans sa fuite, se heurta aux poutres du plafond, fort peu élevé; mais rien ne l'arrêta. Un second le suivit; bientôt la déroute devint générale. Les officiers, qui dissimulaient mal leur envie de rire, avaient tous les yeux tournés de mon côté et attendaient..., mais en vain! Seul, je ne bougeai pas, dévorant ce que j'avais sur mon assiette, et la figure aussi calme, aussi joyeuse que si j'avais été à terre, assis à une bonne table. Tous les officiers, alors, remplissant leurs verres, se mirent à pousser trois Hurrah! et burent à la santé du jeune savant. Après le dîner, je montai sur le pont, et je vis l'affreux spectacle de tous mes compagnons inanimés [...] C'étaient pour moi des impressions que ne paraissaient pas éprouver mes pauvres compagnons, presque toujours malades, souvent alités. », Eugène-Emmanuel Amaury-Duval, Souvenirs (1829-1830), Chapitre IV, Librairie Plon, E. Plon, Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, Paris, 1885.
  13. « Je voulais faire fouiller quelques tombeaux mais la position subalterne dans laquelle on m'a placé en une telle Expédition ne m'en a pas laissé, ni le temps, ni les moyens. J'ajourne donc l'étude que j'avais faite de cette partie si intéressante de l'ancienne histoire. », Jean-Baptiste Vietty, Carnet 12, p.38. in Stéphane Gioanni, « Jean-Baptiste Vietty et l'Expédition de Morée (1829). À propos de deux manuscrits retrouvés », Journal des Savants, De Boccard, 2008, 2 (1), pp.383 - 429. DOI 10.3406/jds.2008.5891
  14. A propos de Jean-Baptiste Vietty (p. 56, Chapitre III) : « M. Blouet, architecte de talent, avait l'apparence grave d'un travailleur acharné. Mais les deux types les plus curieux de la commission étaient, sans conteste, Edgar Quinet et Vietty, sculpteur lyonnais. [...] Le sculpteur, espèce de paysan du Danube, pour la forme du moins, avait, disait-on, une profonde instruction : il savait le grec autant qu'homme de France; aussi traita-t-il les habitants de la Morée comme des ânes bâtés, parce qu'ils ne comprenaient pas la langue d'Homère : enfin, plus helléniste que sculpteur. » et p. 103: « Comptait-il enseigner la langue d'Homère aux Grecs modernes ? Peut-être, car on nous raconta plus tard que, voulant entrer de force dans une ville fermée, il avait adressé en grec à la sentinelle un discours si peu compris, surtout avec la prononciation française, que, pour en finir, on l'avait conduit au poste. Toujours est-il qu'il nous quitta, et que je ne l'ai jamais revu. » En effet, Vietty mourra précocement en France en 1842, dans une grande misère et sans avoir publié la moindre page de ses recherches en Morée (selon le témoignage du géologue Virlet d’Aoust dans un lettre au ministère de 1843, voir note précédente sur l’étude de Stéphane Gioanni). Quant à Edgar Quinet lors de son départ de la commission (p. 104, Chapitre VII) : « Monté sur un âne que cachait en partie son immense houppelande, il était coiffé d'un énorme chapeau de paille de femme, dont les bords, relevés par le vent, laissaient voir un ruban de soie rose noué sous le cou et flottant sur sa poitrine. Des deux côtés de la selle étaient attachés des espèces de paniers remplis de livres; derrière, le guide et un cheval chargé du reste des bagages. Il passa ainsi au milieu de la foule, sans s'apercevoir de l'effet qu'il produisait, et sans se douter qu'il allait être un thème prolongé pour les conversations et les lazzi des officiers. » Eugène-Emmanuel Amaury-Duval, Souvenirs (1829-1830), Librairie Plon, E. Plon, Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, Paris, 1885.
  15. Lettre du baron Cuvier, membre de la section de sciences physiques (15 avril 1829) : « Ma section est toujours compacte et travaille. Malheureusement il n’en est pas de même de celle d’archéologie. M. Lenormant, arrivé d’Égypte, s’est trouvé (à 25 ans) humilié d’être sous les ordres de M. Dubois (qui en a 50) et a déclaré qu’il était pour son compte, afin de pouvoir correspondre avec le Globe. Un M. Schinas, Grec, et un M. Quinet, philosophe (que je crois fou) sont partis de leur côté, de sorte que ce pauvre M. Dubois reste à peu près seul avec un peintre (Trézel) qui est précisément devenu aveugle en arrivant et le jeune Amaury-Duval. La section d’architecture a aussi une sorte de fou, nommé Vietty, qui court seul sans qu’on sache ce qu’il fait. » (dans Edgar Quinet, Journal de Voyage, notes complémentaires, n. 118, p. 290-291).
  16. « Logés dans la plus belle maison du village, laquelle équivaudrait à l'une de nos chaumières, nous jouissions, à la fin de chaque jour, du spectacle enchanteur que produit le soleil couchant sur les belles montagnes qui bordent l'horizon et sur l'admirable végétation qui couvre la vallée de Messène ; et, presque devenus habitants du village, ce n'est pas sans quelques regret que nous quittâmes ce beau séjour, ainsi que nos hôtes, dont l’hospitalité généreuse et les mœurs simples et innocentes nous rappelaient les beaux temps de la vie pastorale auxquels la fiction a donné le nom d’âge d'or, et qui semblaient nous offrir les personnages réels des églogues de Théocrite et de Virgile. » Abel Blouet, Expédition de Morée., tome 1, p. 25 (passage cité plus haut).
  17. « Une autre observation qui vient détruire tout à fait ces suppositions, c'est que les fouilles que nous avons fait faire au temple de Jupiter Olympien, nous ont prouvé que le sol antique de la plaine était de 10 et 12 pieds en contre-bas du sol moderne, et que dans ce sol moderne, qui est un terrain d'alluvions amenées par les eaux de l'Alphée, et descendues des montagnes sablonneuses qui environnent la vallée, on ne doit pas chercher de traces de l'hippodrome et du stade, puisque ce terrain n'existait pas lorsqu'il y avait un stade et un hippodrome. » Abel Blouet, Expédition de Morée., tome 1, p. 58.
  18. « Avant de chercher un emplacement pour notre campement, une curiosité bien naturelle nous fit circuler à l'aventure. Quelques Grecs qui labouraient leur champ, ayant comme toujours le pistolet et le yatagan à la ceinture, s'offrirent pour nous guider. M. Dubois, croyant déjà s'y reconnaître assez, voulut se passer de leur aide, et le hasard fit que, moi, qui étais loin d'avoir celte prétention, j'arrivai le premier sur l'emplacement du temple que mes collègues constatèrent, plus tard, être celui de Jupiter Olympien. Voici comment. Un Grec, que M. Dubois avait repoussé, s'attacha à moi, et, probablement en vue du pourboire, voulut me conduire à un endroit que sa pantomime me faisait supposer devoir être très-curieux. « Allez-y, si vous voulez, me dit M. Dubois; mais il va vous mener à quelque ruine romaine sans intérêt. » Je suivis donc mon guide jusque dans une partie de la plaine presque inabordable, couverte d'arbustes, d'herbes, de pierres énormes, mais sans forme, et qui sortaient de terre à égale distance. Cet amas confus de matériaux de toutes sortes me parut cependant mériter l'attention. Je rejoignis M. Dubois, que je trouvai dépité de n'avoir rencontré que des ruines peu intéressantes, fort mal conservées, et rien qui parût devoir amener quelque découverte. Mon récit le fit réfléchir : il se dirigea, avec Trézel et moi, vers le lieu que je venais de voir, et décida sur-le-champ que les fouilles seraient commencées là. », Eugène Emmanuel Amaury Duval, Souvenirs (1829-1830), Chapitre IX, Librairie Plon, E. Plon, Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, Paris, 1885.
  19. « Nous quittâmes la vallée de l'Alphée, avec une vraie tristesse et regrettant de ne pouvoir en emporter quelques souvenirs; mais les fragments de sculptures, même les plus petits, étaient d'un volume et d'un poids embarrassants. Il y avait, entre autres, un pied en marbre, de travail admirable, qui tenait encore à une partie du socle : de crainte qu'il ne subît quelque nouvelle mutilation encore plus complète, nous allâmes l'enfouir, Trézel et moi, dans un trou profondément creusé. Qui sait ? ce fragment fera peut-être faire fausse route à quelque antiquaire de l'avenir, s'il le découvre au lieu où nous l'avons placé. » Eugène-Emmanuel Amaury-Duval, Souvenirs (1829-1830), p. 201, Chapitre XIII "Départ d'Olympie", Librairie Plon, E. Plon, Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, Paris, 1885.
  20. « Des raisons de santé ayant obligé Messieurs Dubois et Duval de rentrer en France, je continuerai seul le voyage avec les instructions que Monsieur Dubois me laisse par écrit. Il emporte avec lui les dessins que j'ai faits depuis le commencement de notre campagne. » Pierre Félix Trézel, Journal de voyage de M. Trézel (inédit), Bibliothèque Nationale de France - BnF, n. acq. fr. 1849, fol. 19r (21 juillet 1829).

Références

  1. a b c d e f g h i j k et l Yiannis Saïtas et coll., L'œuvre de l'expédition scientifique de Morée 1829-1838, Edited by Yiannis Saïtas, Editions Melissa, 2011 (1re Partie) - 2017 (2de Partie).
  2. a b et c Marie-Noëlle Bourguet, Bernard Lepetit, Daniel Nordman, Maroula Sinarellis, L’Invention scientifique de la Méditerranée. Égypte, Morée, Algérie., Éditions de l’EHESS, 1998. (ISBN 2-7132-1237-5)
  3. Index, p. 51 et 54
  4. Contogeorgis 1992, p. 345.
  5. Woodhouse 1969, p. 19.
  6. Woodhouse 1969, p. 23-24.
  7. François-René vicomte de Chateaubriand, Note sur la Grèce (1826) précédent l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, Firmin Didot, 1852.
  8. Victor Hugo, Les Orientales, Charles Gosselin, Paris, 1829.
  9. Hector Berlioz, La révolution grecque: scène héroïque, pour solistes, avec ou sans chœur, orchestre, H 21, texte d'Humbert Ferrand, 1825.
  10. Woodhouse 1969, p. 40-41.
  11. Eugène Bogdanovitch, La Bataille de Navarin d'après des documents inédits des archives impériales russes., G. Charpentier, E. Fasquelle, Paris, 1897.
  12. Brunet de Presle et Blanchet 1860, p. 555.
  13. a b c et d Brunet de Presle et Blanchet 1860, p. 556
  14. Arch de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations., tome 7, p. 472
  15. Arch. de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations., tome 7, p. 649.
  16. Alain Schnapp, La Conquête du passé. Aux origines de l'archéologie., Editions Carré, Paris, 1993. p. 258.
  17. Francis Haskell et Nicholas Penny, Taste and the Antique., Yale U.P., 1981, p. 104.
  18. Cité par Roland et Françoise Étienne, La Grèce antique : Archéologie d'une découverte., Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Archéologie » (no 84), 1990, p. 60-61.
  19. a b c d e f g h i j et k Eugène Cavaignac, Lettres d'Eugène Cavaignac, Expédition de Morée (1828-1829), Revue des deux Mondes, tome 141, 1er mai 1897.
  20. a b c d e f g h i j k l m n o p q r et s Alexandre Duheaume (capitaine au 58e régiment d’infanterie de ligne), Souvenirs de la Morée, pour servir à l'histoire de l'expédition française en 1828-1829., Anselin, Paris, 1833.
  21. a b c d e f g h i j k l et m Jacques Mangeart, Souvenirs de la Morée: recueillis pendant le séjour des Français dans le Peloponèse, Igonette; Paris, 1830.
  22. a b c d e f g h i j k l et m Gaspard Roux, médecin en chef, Histoire médicale de l'armée française en Morée, pendant la campagne de 1828, Méquignon l'aîné père, Paris, 1829
  23. Antoine Calmon, Histoire parlementaire des finances de la Restauration., Michel Lévy, 1868-1870, tome 2, p. 313.
  24. A. Hugo, France militaire. Histoire des armées françaises., tome 5, p. 316
  25. A. Hugo, op. cit., p. 316
  26. A bord de laquelle se trouve le Dr. Gaspard Roux, médecin en chef de l’expédition. Dans Histoire médicale de l'armée française en Morée, pendant la campagne de 1828, Méquignon l'aîné père, Paris, 1829 (page 3).
  27. A bord de laquelle se trouve Eugène Cavaignac, (capitaine en second dans le 2e régiment du génie). Dans Lettres d'Eugène Cavaignac, Expédition de Morée (1828-1829), Lettre du 30 août 1828, p. 1, Revue des deux Mondes, 141, 1er mai 1897.
  28. Vice-amiral Jurien de la Gravière, « Station du Levant. L’Expédition de Morée », in Revue des deux Mondes, 1874, p. 867.
  29. a b c d e et f Edgar Quinet (historien, membre de la commission scientifique), De la Grèce moderne, et de ses rapports avec l'antiquité., F.-G. Levrault, Paris, 1830.
  30. a b c d e f et g Eugène-Emmanuel Amaury-Duval (peintre, membre de la commission scientifique), Souvenirs (1829-1830), Librairie Plon, E. Plon, Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs, Paris, 1885.
  31. Arch. de Vaulabelle, op. cit., p. 471.
  32. A. Hugo, France militaire, tome 5, p. 317
  33. a b c d e f g h i j k l m n et o Nicolas-Joseph Maison (Lieutenant-général) : dépêches adressées au ministre de la Guerre Louis-Victor de Caux, vicomte de Blacquetot, octobre 1828, in Jacques Mangeart, Chapitre Supplémentaire des Souvenirs de la Morée: recueillis pendant le séjour des Français dans le Peloponèse, Igonette, Paris, 1830.
  34. Robin Barber, Blue Guide. Greece., Black, Londres, 1987, p.392. (ISBN 0393303721)
  35. Colonel Antoine-Charles-Félix Hecquet, commandant d'un bataillon du 54e régiment d'infanterie de ligne lors de l'expédition militaire (manuscrit donné par le Pr. Jack Davis), Bibliothèque Gennadius: https://www.ascsa.edu.gr/news/newsDetails/notes-sur-le-siege-de-chateau-de-moree.-notes-sur-lexpedition-de-moree-en-1828
  36. A. Hugo, op. cit, p. 319 et Arch de Vaulabelle, op. cit., p. 474.
  37. Ioánnis Kapodístrias lui répond 4 jours plus tard: Lettre à M. le Général Maison, de Poros le 9 octobre (27 Septembre) 1828 (p.354), in Correspondance du comte J. Capodistrias, président de la Grèce, Tome II, A. Cherbuliez et Cie., Paris, Genève, 1839.
  38. Soult de Dalmatie, La Grèce après la campagne de Morée, Revue Des Deux Mondes (1829-1971), 1/2, première série, 7-87, 1831.
  39. Capitaine Berthemet, Historique du 57e régiment d'infanterie., Bordeaux, 1901, chapitre 9. Le régiment resta jusqu'en 1833.
  40. A. Hugo, France militaire, tome 5, p. 319
  41. a b et c Jacques Louis Lacour (sous-intendant militaire dans la brigade d'occupation), Excursions en Grèce pendant l'occupation de la Morée par l'armée française en 1832-33, Arthur Bertrand, Paris, 1834
  42. a et b (en) Andreas Kastanis, « The teaching of mathematics in the Greek military academy during the first years of its foundation (1828–1834) », Historia Mathematica, vol. 30, no 2,‎ , p. 123-139 (ISSN 0315-0860, DOI 10.1016/s0315-0860(02)00023-x, lire en ligne)
  43. Index, p. 65-67
  44. Bernard Lepetit, « Missions scientifiques et expéditions militaires : remarques sur leurs modalités d’articulation. », in L’Invention scientifique de la Méditerranée., p. 97.
  45. A. Blouet, Expédition de Morée., p. xxii.
  46. a b c d e f g et h Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Relation de l'Expédition scientifique de Morée: Section des sciences physiques, F.-G. Levrault, Paris, 1836.
  47. a b c et d Zambon 2014, p. 16-17
  48. Serge Briffaud, « L’Expédition scientifique de Morée et le paysage méditerranéen. » in L’invention scientifique de la Méditerranée, p.293.
  49. Abel Blouet, Expédition scientifique de Morée., tome 1, p. 1.
  50. a et b Abel Boulet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (Tome I, 1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris.
  51. Bory de Saint-Vincent, Expédition scientifique de Morée. Section des sciences physiques., tome II Géographie et géologie., p. 18. in Bernard Lepetit, article cité, p. 109.
  52. a b c d et e Michel Sivignon, Université Paris X - Nanterre, Les enseignements de la carte de Grèce à l’échelle de 1/200.000 (publiée en 1852) (Pergamos - Bibliothèque digitale de l’Université d’Athènes). Communication présentée au colloque de Gythion-Aréopolis Lakonias « Voyageurs et expéditions scientifiques: témoignages sur l'espace et la société de Mani », 4-7 nov 1993 et publiée in « Mani. Témoignages sur l’espace et la société. Voyageurs et expéditions scientifiques (15°-19° siècle) », Athènes, Institut d’Études Néo-helléniques, 1996, p. 435-445.
  53. a b et c (en) Evangelos Livieratos, Université Aristote de Thessalonique, Mapping Greece in 19th Century, website. (el) E. Livieratos 2009, Cartographic adventures of Greece 1821-1919, Athens: MIET/ELIA; p. 287, (ISBN 978-960-201-194-2)
  54. « Notice sur les opérations géodésiques exécutées en Morée, en 1829 et 1830, par MM. Peytier, Puillon-Boblaye et Servier » in Bulletin de la Société de géographie, tome 19, n° 117-122, janvier-juin 1833, p. 91.
  55. « Notice sur les opérations géodésiques exécutées en Morée, en 1829 et 1830, par MM. Peytier, Puillon-Boblaye et Servier », p. 95.
  56. « Notice sur les opérations géodésiques exécutées en Morée, en 1829 et 1830, par MM. Peytier, Puillon-Boblaye et Servier », p. 98.
  57. « Notice sur les opérations géodésiques exécutées en Morée, en 1829 et 1830, par MM. Peytier, Puillon-Boblaye et Servier », p. 89.
  58. (en) Pierre Peytier, The Peytier Album, Liberated Greece and the Morea Scientific Expedition, in the Stephen Vagliano Collection, Publié par la Banque Nationale de Grèce, Athènes, 1971.
  59. Pierre Théodore Virlet d'Aoust, Percement de l'isthme de Corinthe, p. 408-421, Bulletin de la Société de géographie, 1881, tome 2.
  60. Publiées dans le Tome III: Deuxième Partie: Botanique (1832) par MM. Fauché, Inspecteur général du service de santé pour les graminées; Adolphe Brongniart pour les orchidées; Chaubard et Bory de Saint-Vincent pour le reste de la Phanérogamie; cе dernier collaborateur s'est réservé la cryptogamie.
  61. Les planches botaniques se retrouvent également dans l'Atlas (1835): Relation (Cartes & Vues de Paysages), Géologie (Coupes & Roches), Zoologie (Vertébrés & Invertébrés), Botanique.
  62. Jean-Marc Drouin, « Bory de Saint-Vincent et la géographie botanique. » in L’invention scientifique de la Méditerranée, p. 144.
  63. Jean-Marc Drouin, « Bory de Saint-Vincent et la géographie botanique. » in L’invention scientifique de la Méditerranée, p. 145.
  64. Nouvelles annales des voyages, de la géographie et de l’histoire ou Recueil des relations originales inédites, juillet-août-septembre 1829, p. 378
  65. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire & Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1836), Expédition scientifique de Morée, tome III, 1re partie, Levrault, pp. 19-27
  66. Hervé Duchêne, Le Voyage en Grèce., Bouquins, Robert Laffont, 2003, (ISBN 2-221-08460-8), p. 557.
  67. Stéphane Gioanni, « Jean-Baptiste Vietty et l'Expédition de Morée (1829). À propos de deux manuscrits retrouvés », Journal des Savants, De Boccard, 2008, 2 (1), pp.383 - 429. doi : 10.3406/jds.2008.5891
  68. Bernard Lepetit, article cité, p. 112.
  69. Expédition de Morée. Section des Beaux Arts., tome 1, Navarin, pages 1 à 7
  70. Expédition de Morée. Section des Beaux Arts., tome 1, six pages de planches sur Navarin
  71. Expédition de Morée. Section des Beaux Arts., tome 1, itinéraire Navarin-Modon, pages 9 et 10
  72. Expédition de Morée. Section des Beaux Arts., tome 1, quatre pages de planches sur l'itinéraire Navarin-Modon
  73. Expédition de Morée. Section des Beaux Arts., tome 1, Modon
  74. Expédition de Morée. Section des Beaux Arts., tome 1, quatre pages de planches, Modon
  75. Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., tome 1, p. 25 (à propos de Messène).
  76. Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris. t. I, pp. 5-6.
  77. A. Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., t. I, p. 12.
  78. « Pendant le mois que nous passâmes à Messène, je fis faire des fouilles assez considérables, dont les résultats ne furent pas sans importance pour nos travaux. » Abel Blouet, Ibid., p. 25. Les pages suivantes décrivent le stade et les monuments antiques en détail.
  79. Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., tome 1, p. 40.
  80. Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., tome 1, p. 25.
  81. Nouvelles annales des voyages, de la géographie et de l’histoire ou Recueil des relations originales inédites, 1829, p.378.
  82. Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., tome 1, p. 56.
  83. a et b Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., tome 1, p. 61.
  84. Plan de l'emplacement du temple de Zeus à Olympie in Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris.
  85. Extrait du rapport de M. Raoul-Rochette, lu à la séance publique des quatre Académies, le 30 Avril 1831. in Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., tome 1, p. 62.
  86. Olga Polychronopoulou, Archéologues sur les pas d’Homère., p. 33.
  87. Abel Blouet, Expedition scientifique de Morée ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (1831) par MM. Abel Boulet, Amable Ravoisié, Achille Poirot, Félix Trézel et Frédéric de Gournay, Firmin Didot, Paris., tome 1, p. 21.
  88. M. Cavvadias, Éphore général des Antiquités, « Discours pour le cinquantenaire de l'École Française d'Athènes », Bulletin de Correspondance Hellénique., XXII, suppl. 1898, p. LVIII. Lien Persée
  89. Henri-Marie-Auguste Berthaut (1848-1937, général français, directeur du Service géographique de l'Armée (1903-1911)), Les ingénieurs-géographes militaires 1624-1831 (Gallica - BnF), Paris 1902.
  90. Bory de Saint-Vincent, Lettre du 4 août 1829, in Bulletin de la Société de Géographie., tome 12, n°75-80, juillet-décembre 1829., p. 122-123.
  91. Puillon-Boblaye, Lettre du 23 août 1829, in Bulletin de la Société de Géographie., tome 12, n°75-80, juillet-décembre 1829., p. 124.