Ewostatewos

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Ewostatewos
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Naissance
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Religieux catholique, moineVoir et modifier les données sur Wikidata

Ewostatewos (guèze ኤዎስጣቴዎስ, ʾĒwōsṭātēwōs), né le et mort le , est une personnalité religieuse sanctifiée par l'Église éthiopienne orthodoxe. Il a notamment défendu l'observance du double sabbat, c'est-à-dire du repos le samedi et le dimanche.

Biographie[modifier | modifier le code]

Initiation à la vie monastique[modifier | modifier le code]

Ewostatewos naquit le 21 Hamlé sous le nom de Ma`əqaba Egzi (Guèze ማዕቃበ እግዚ), qui signifie «Confiance de Dieu», dans une famille noble de la région du Tigré[1], plus précisément dans la province du Sər'a. Son père Krəstos Mo'a et sa mère Sənä Həwät, qui n'avaient pas encore d'enfants, lui donnèrent naissance dans des conditions miraculeuses, comme beaucoup de saints éthiopiens[2]. Alors qu'il était âgé de sept ans, ses parents le confièrent à son oncle maternel, Dana'el, abbé supérieur du monastère de Däbrä Maryam sur le mont Qorqor, dans le Gar'alta. C'est auprès de lui qu'il commença son éducation religieuse, et fut initié à la vie monastique. Vers l'âge de quinze ans, il prononça sa profession de foi et son oncle lui remit l'habit monastique en même temps qu'il lui attribua le nom sous lequel nous le connaissons aujourd'hui, Ewostatewos. Quelques années plus tard Dana'el l'envoya auprès du métropolite, dont le nom n'est jamais mentionné dans son gädl, pour y recevoir les ordres sacerdotaux. Il resta encore douze années auprès de son oncle pour continuer son apprentissage religieux, avant de quitter la communauté de Däbrä Maryam du Gar'alta pour la région du Sara'e.

Les débuts de la communauté[modifier | modifier le code]

Après avoir quitté son oncle, il s'installa avec ses disciples dans la région du Sarā'e, à Särabi pour y fonder sa propre communauté, suivi par de nombreux élèves[3], dont les plus célèbres furent Absadi (en), Bakimos, Marqorewos et Gabra Iyasus. Il instaura des règles strictes à sa communauté. Il prônait l'indépendance de son mouvement vis-à-vis du monde séculier, il prônait également l'autosuffisance de la communauté qui produisait sa propre nourriture. Il interdit à ses disciples de recevoir des donations ou des présents des riches nobles de la région ou du pouvoir afin de maintenir une spiritualité indépendante[4]. Il dénonça aussi le commerce des esclaves auquel avaient recours les chefs locaux, et se fit un farouche adversaire des pratiques païennes dans la région. Cet enseignement le poussa parfois à entrer en conflit direct avec les autorités locales et religieuses, allant même jusqu'à excommunier ceux qui ne respectaient pas son enseignement. Ewostatewos fonda sa doctrine sur le respect strict des enseignements du Christianisme, en se référant aux Écrits canoniques et à l'enseignement du Christ, à travers les Actes des Apôtres, le Livre des Prophètes et le Senodos.

Exil et mort[modifier | modifier le code]

Les pouvoirs politiques et religieux du royaume tentèrent par tous les moyens d'éradiquer cette pratique contraire à la doctrine officielle. Les eustathiens furent tour à tour malmenés et persécutés par les autorités. Le Gädl Ewostatewos mentionne en effet qu'on aurait attenté à la vie du moine en projetant de le lapider[5]. Mais c'est l'arrivée de l'abuna Ya'eqob, en 1337 qui provoqua l'exil d'Ewostatewos. Il quitte donc l'Éthiopie accompagné par certains de ses disciples, dont les moines Bakimos, Marqorewos et Gabra Iyasus. Il confie à l'un de ses plus anciens disciples, Absadi (en), la charge de le remplacer à la tête de la communauté, en lui commandant de suivre à la lettre les préceptes des saintes Écritures. Son voyage commence par la traversée de la Nubie en direction du Caire, où il rencontre le patriarche d'Alexandrie Benjamin II d'Alexandrie (1327-1340). Il y est accusé par d'autres moines éthiopiens d'observer des pratiques juives, telles que le Sabbat ou certains interdits alimentaires. Il doit pour se défendre s'expliquer sur ses pratiques, en se référant aux Écrits. Il apprend la venue du Patriarche d'Arménie, expulsé pour des raisons religieuses, et décide de le rencontrer. Il fait ensuite un séjour dans le Monastère Saint-Macaire de Scété, séjour pénible puisqu'il y est enchainé par des moines à cause de son enseignement. Il embarque ensuite pour Chypre afin de regagner l'Arménie, où il meurt le 18 Mäskäräm (15 ou 16 septembre) [6], après y avoir séjourné quatorze ans.

L'observance du double Sabbat[modifier | modifier le code]

Le repos le samedi et le dimanche n'est pas une pratique propre à l'Église éthiopienne. On la retrouve chez les premières communautés chrétiennes, surtout dans l'Église copte d'Égypte, dont le clergé éthiopien dépendait. Bien qu'elle ait été interdite à de nombreuses reprises, depuis le transfert des attributs du samedi au dimanche par saint Paul, et également par le concile de Laodicée en 381[7] elle semble être restée en vigueur en Éthiopie et probablement également au sein de l'Église alexandrine. Durant le patriarcat de Cyrille II (1078-1092), l'évêque d'Éthiopie, Sawiros (Sévère) demanda au patriarche d'Alexandrie d'écrire aux Éthiopiens pour leur interdire d'observer des coutumes issues de l'Ancien Testament. Il est impossible de savoir si cette allusion désignait ou non l'observance du sabbat. La seconde mention contre cette pratique date du XIIIe siècle; elle est relatée dans l'ouvrage de compilation de canon attribué à Ibn al Assal[8]. Il est difficile de savoir si Ewostatewos a repris à son compte une coutume qui malgré les interdictions répétées a continué à être observée ou s'il est à l'origine de la réintroduction de cette pratique en Éthiopie. Quoi qu'il en soit, c'est véritablement au moment de sa prédication, entre la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle que débuta ce que l'on nomme généralement la controverse du double sabbat, qui voit s'affronter la communauté d'Ewostatewos, partisane du double sabbat et le clergé éthiopien dans sa grande majorité, soutenu par le patriarcat d'Alexandrie par le biais des métropolites égyptiens et l'autorité royale dans ce qui fait figure de parti anti-sabbat.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. BEYLOT Robert [1995].
  2. FIACCADORI Gianfranco, "Ewostatewos", in Encyclopædia Æthiopica, vol. 2 D-Ha, Harrassowitz, Wiesbaden, 2005, p. 469-472.
  3. Le nombre de ses disciples varie selon les traditions. On compte généralement douze disciples d'Ewostatewos, et seulement sept dans les traditions orales. LUSINI Gianfrancesco, Studi sul monachesimo eustaziano : secoli XIV-XV, Naples, Istituto universitario orientale, 1993.
  4. Taddesse Tamrat, «Ethiopia, the Red Sea and the Horn, Further Christian Expansion», in The Cambridge History of Africa c.1050 to c.1600, vol.3, Cambridge University Press, 1977.
  5. TURAEV Boris, Vitæ Sanctorum Indigenarium, I, Acta Sancti Eustathii, CSCO32, Scriptorum Æthiopici 15, Rome, Paris, Liepzig, 1906.
  6. voir la notice dans le Synaxaire : http://www.stmichaeleoc.org/Synaxarium/Meskerem_18.htm
  7. Canon 29 : «Il n'est pas propre pour les chrétiens de judaïser en chômant le Sabbat, mais ils doivent travailler en ce jour ; ils doivent se reposer le dimanche comme les chrétiens, préférant ce jour s'ils veulent. Sous peine d'anathème».
  8. Compilation de canons de 1238 qui rejettent le sabbat comme coutume «juive», MUYSER J. «Le samedi et le dimanche dans l'Église et la littérature copte, appendix Togo Mina», in Le Martyr d'Apa Epima, Le Caire, 1937, p.89-111.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • BEYLOT Robert, «La controverse sur le Sabbat dans l'Église éthiopienne», in La controverse religieuse et ses formes, LE BOULLUEC Alain (ed), Paris, 1995, p.165-187.
  • DERAT Marie-Laure, Le domaine des rois éthiopiens (1270-1527), Espaces, pouvoir et monachisme, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003.
  • FASQUELLE Fabienne, Les monastères du nord de l'Éthiopie (1508-1543), espace et pouvoir, mémoire de maîtrise, université Paris 1, 1994.
  • Gianfranco Fiaccadori, sv «Ewostatewos», in Encycloædia Æthiopica, vol. 2, D-Ha, Harrassowitz, Wiesbaden, 2005, p. 469-472.
  • KAPLAN Stephen, The monastic holy man and the Christianization of early Solomonic Ethiopia, Wiesbaden, Allemagne, 1984.
  • Gianfrancesco Lusini, Studi sul monachesimo eustaziano : secoli XIV-XV, Naples, Istituto universitario orientale, 1993.
  • PIOVANELLI Pierluigi, «Les controverses théologiques sous le roi Zar'a Ya'eqob (1434-1468) et la mise en place du monophysisme éthiopien» in La controverse religieuse et ses formes, LE BOULLUEC Alain (ed), Paris, 1995, p.189-228.
  • Taddesse Tamrat, Church and State in Ethiopia : 1270-1527, Oxford, 1972.
  • Taddesse Tamrat, «Ethiopia, the Red Sea and the Horn, Further Christian Expansion», in The Cambrigde History of Africa c.1050 to c.1600, vol.3, Cambridge University Press, 1977.
  • TURAEV Boris, Monumenta Æthiopica Hagiologica, Gadla Qeddus ʿEwostatewos Vita e Miracula Eustathii ad fidem codicum, Orient704, Orient 705, Musei Britanici edita, Saint Petersboug, 1905.
  • TURAEV Boris, Vitæ Sanctorum Indigenarium, I, Acta Sancti Eustathii, CSCO32, Scriptorum Æthiopici 15, Rome, Paris, Liepzig, 1906.