Europe néolithique

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L'Europe vers
L'Europe vers 5000 av. J.-C.
Carte simplifiée des plus grandes cultures de l’« Europe ancienne » de la fin du IVe millénaire av. J.-C.. En vert la culture des vases à entonnoir (TRB). En bleu, la culture rubanée, à céramique linéaire (LBK). En orange, la culture de Lengyel, en violet, la culture Vinča, en rouge, culture de Cucuteni-Trypillia et en jaune, la partie occidentale de la culture Yamna.

L’Europe néolithique correspond à la période néolithique en Europe. Durant cette période, l’agriculture et l’élevage se sont diffusés au fil des migrations et des échanges, et ont été adoptés par les différentes communautés vivant en Europe, sans pour autant se généraliser car encore à l’âge du fer on trouve des communautés vivant exclusivement de chasse et de cueillette, notamment en Europe du Nord[1].

Le développement en Europe de la métallurgie du cuivre est si progressif et les changements dans les modes de vie et l’organisation sociale sont si peu marqués que les expressions « âge du cuivre » ou « Chalcolithique » tendent chez les préhistoriens à être remplacées par les expressions « Néolithique récent » ou « Néolithique final ». Le Néolithique s'achève donc avec le développement et la généralisation de la métallurgie du bronze, qui permet de définir l’âge du bronze, mais ce processus, commencé en Grèce et dans les Balkans au début du IIIe millénaire av. J.-C., ne s'est déroulé que progressivement et selon différentes modalités selon les régions d'Europe.

Principales caractéristiques culturelles

L'Europe néolithique est un patchwork de cultures, le plus souvent définies, pour l'essentiel, sur la base des formes et des décors de la céramique. Ces cultures sont d'une ampleur géographique et chronologique très variable. En outre, le Néolithique européen recouvre en fait des modes de vie et une organisation sociale très variés selon les périodes et les régions. Certaines cultures sont marquées par le développement de très vastes villages d'agriculteurs, d'autres correspondent à des communautés vivant pour l’essentiel du pastoralisme, dans d’autres encore l’agriculture et l’élevage restent des activités marginales par rapport à la chasse, la cueillette ou la pêche.

Le développement du Néolithique : les différentes hypothèses

L’origine proche-orientale du Néolithique européen a été avancée dès 1925 par l’archéologue australien V. Gordon Childe dans son ouvrage majeur L’Aube de la civilisation européenne. Pour ce chercheur, la diffusion de l’élevage, de l’agriculture et des autres techniques liées au mode de vie néolithique en Europe est liée à la migration à travers l’Anatolie de populations proche-orientales. Cette hypothèse qui fit autorité, fut nuancée par différentes découvertes successives. Le développement de la technique de datation par mesure du carbone 14 à partir des années 1960 a permis de l’enrichir et de la préciser. Dans l’article de 1971[2] d’Ammerman et Cavalli-Sforza sont synthétisées les datations des plus anciens sites néolithiques de toute l’Europe jusqu’au Proche-Orient. Les auteurs démontrent la diffusion progressive du Néolithique à partir du Proche-Orient jusqu’au Nord-Ouest de l’Europe. Selon leur calcul, ce processus se serait déroulé à des rythmes différents selon les régions.

Différents outils dont, au milieu, un couteau pour moissonner vers , (musée historique du Palatinat, Spire).

À partir des années 1960 et dans les années 1970 et 1980, de nombreux chercheurs remettent en cause l’idée d’une migration massive de population du Sud-Ouest de l’Asie pour expliquer l’adoption du Néolithique en Europe, et suggèrent plutôt des passages locaux à l’agriculture et à l’élevage indépendants les uns des autres, dans plusieurs régions européennes. Leur argumentation se base sur la critique des datations de l’article d’Ammerman et Cavalli-Sforza qui ne sont pas calibrées, et qui donc « rajeunissent » artificiellement de plusieurs siècles les sites datés. Après calibration des dates carbone 14, plusieurs sites apparaissent comme aussi anciens voire plus anciens que les sites proche-orientaux desquels ils sont censés être les descendants. D’autres arguments sont avancés ; les chercheurs notent de profondes différences entre les productions matérielles des groupes du Néolithique de l’Ouest de l’Europe et ceux du Proche-Orient. Ils relèvent également que dans de nombreuses régions européennes, les espèces animales et végétales domestiquées avaient des ancêtres sauvages, une domestication locale était donc possible. Il existe également des régions dans lesquelles le passage du mode de vie mésolithique vers le mode de vie néolithique semble progressif ; il y a par exemple des communautés qui possèdent de la céramique mais qui vivent encore exclusivement de chasse et de cueillette.

Toutefois l’hypothèse du développement totalement indépendant et autonome du Néolithique dans différentes régions d’Europe de l’Ouest a rencontré le scepticisme de la majorité des chercheurs, notamment parce que le nomadisme était initialement de règle dans la population humaine, et aussi parce que la diffusion d’outils en obsidienne montre des échanges sur de longues distances : les communautés ne vivaient pas isolées. La multiplication des datations carbone 14 sur des sites des différentes régions et les nombreuses recherches sur les plus anciens sites néolithiques du Proche-Orient démontrent clairement l’ancienneté de ces derniers par rapport aux sites européens. D’autre part, la présence supposée d’espèces végétales pouvant correspondre aux espèces domestiquées en Europe a été en partie remise en cause, ce que confirment les analyses génétiques qui montrent que les espèces animales et végétales domestiques des plus anciens sites néolithiques d’Europe sont originaires du sud-ouest de l’Asie. Tout au plus peut-on parler d’hybridation partielle entre des espèces domestiquées ailleurs et les espèces sauvages européennes, par exemple entre les aurochs et les bovins. Enfin, hormis dans quelques régions, le passage au Néolithique n’est pas progressif mais soudain, ce qui n’est pas cohérent avec un développement local car le processus de domestication des plantes et des animaux est nécessairement assez long.

Les modalités selon lesquelles le Néolithique s’est étendu à l’Europe ont fait et font l’objet de nombreux travaux. En 2001, Marek Zvelebil[3] propose différentes modalités hypothétiques pour ce processus :

  • Folk migration (migration communautaire) : c’est l’ensemble d’une population déjà néolithisée qui se déplace dans une autre région.
  • Demic diffusion (migration progressive) : colonisation progressive d’une région par épisodes successifs par des petits groupes ou quelques familles.
  • Elite dominance (migration d'’une élite) : pénétration dans une région donnée d’une élite sociale qui s’impose à la population locale.
  • Infiltration : pénétration graduelle dans une région de petits groupes généralement spécialisés qui remplissent une niche sociale ou économique spécifique.
  • Leapfrog colonisation (migration sporadique) : ou colonisation par « sauts de grenouille », colonisation sélective d’une zone par des petits groupes qui forment une enclave parmi la population locale.
  • Frontier mobility (mélange frontalier) : mouvements de population de faible ampleur entre les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs (mariages, alliances, etc.) au niveau de la zone de contact.
  • Contact : le commerce, les échanges, les réseaux régionaux ou extra-régionaux permettent la diffusion dans des groupes mésolithiques des innovations comme les pratiques agricoles.

Les modèles actuels

Il existe un consensus sur l'hypothèse d'une origine sud-ouest asiatique du Néolithique européen. La plupart des chercheurs s'accordent également sur le fait que ce développement s'est accompagné au moins dans certaines régions de migrations de populations. Le modèle développé par Guilaine en 2001[4] qui se base en premier lieu sur les très nombreuses datations carbone 14, suggère un développement arythmique du Néolithique. Il y aurait eu des vagues relativement rapides de progression du Néolithique suivies dans certaines régions par des arrêts de parfois plusieurs siècles avant de nouvelles phases de progression. Ces phases d'arrêt s'expliquent selon ce chercheur par une nécessaire adaptation des espèces animales et végétales à des environnements différents avant de pourvoir s'étendre à de nouvelles régions, par exemple entre le climat et la végétation méditerranéennes et celles de l'Europe continentale.

Les données archéologiques semblaient indiquer un processus complexe à l'échelle de l'Europe et pour une même région plusieurs modèles de diffusion ont pu jouer simultanément. Il apparaît aussi que le rôle et la place des derniers chasseurs-cueilleurs est très variable selon les régions considérées, de probablement marginal par exemple en Grèce ou dans le sud de l'Italie[5],[6], et paraissait central pour au moins une partie de l'Europe du Nord.

En réalité, les données génétiques sur l’ADN autosomal ancien ont permis de montrer qu'une seule et unique population, les EEF (pour Early Europeans Farmers), génétiquement proches des Sardes[7] et des Européens du sud-ouest actuels[8],[9], mais originaires du Proche-Orient ancien (dont la population était très différente au Néolithique par rapport à aujourd'hui)[10], ont colonisé la majeure partie de l'Europe durant le Néolithique ancien, que ce soit par la Méditerranée ou par le bassin du Danube, presque sans mélange avec les populations de chasseurs-cueilleurs autochtones qui ont simplement été supplantés (mais ces anciens chasseurs-cueilleurs qui avaient survécu en zones retranchées connaitront une petite résurgence et un mélange léger avec les EEF au Néolithique moyen et récent). Plus tard, les Indo-européens arriveront depuis les steppes d'Europe de l'Est durant les âges des métaux et se mélangeront partout en Europe avec la population EEF issue du Néolithique, donnant les Européens actuels[11],[12].

Principaux courants de développement du Néolithique en Europe

Expansion néolithique de la Culture cardiale et de la Culture rubanée en Europe d'après l'archéologie

Malgré la complexité extrême des modalités de développement du Néolithique à l'échelle de l’Europe, deux courants majeurs se distinguent. Le premier concerne la majeure partie des régions méditerranéennes, c’est le courant de la céramique cardiale (dit aussi courant impressa ou méditerranéen), le second qui concerne l’Europe continentale est le courant de la céramique rubanée (dit aussi courant LBK ou danubien ou continental).

Les deux courants sont issus d'une seule et même source commune ayant conu un mélange mineur avec les chasseurs-cueilleurs rencontrés sur le chemin, probablement dans les Balkans, en amont de leur séparation[13].

Au contraire de ces deux mouvements de populations, il semblerait que la transition néolithique dans la Baltique et l'Ukraine se soit produite avec peu ou pas de contribution des agriculteurs d'ascendance anatolienne. Ainsi, plus on va au nord et à l'est du bassin des Carpates, moins une diffusion démique paraît jouer un rôle dans la propagation des traits néolithiques, ce qui impliquerait une augmentation de l'importance des échanges culturels[14]. Les chercheurs ne sont pas capables de répondre si les fermiers d'ascendance anatolienne étaient inadaptés aux nouveaux climats et environnements rencontrés dans le nord-est de l'Europe ou si les chasseurs-cueilleurs étaient dans des densités plus élevées dans ces régions orientales[14].

Le courant Impressa ou méditerranéen

Le courant Impressa, ou courant de la céramique imprimée doit son nom aux décors des poteries qui consistent en impressions réalisées par différents moyens sur les vases avant leur cuisson. La céramique imprimée apparaît au Proche-Orient durant la seconde moitié du VIe millénaire, elle apparaît ensuite dans différentes parties de la mer Égée mais demeure marginale dans les sites archéologiques. On la retrouve dans le site de Sidari sur l'île de Corfou à l'Ouest de la Grèce à puis en Italie, en Dalmatie, dans le sud de la France jusqu'en Catalogne à des dates autour de Dans toute la partie centrale de la Méditerranée, cette céramique apparaît dans les plus anciens sites du Néolithique. L'agriculture et l'élevage sont en effet attestés dans tous les sites en question.

La diffusion du Néolithique s’est nécessairement effectuée par voie maritime. Il est très probable qu’elle corresponde au moins en partie à la migration de groupes d’agriculteurs venus de l’Est de la Méditerranée.[réf. nécessaire]

Le courant danubien

Céramique rubanée (Marbourg-Schröck, excavation 1983)

Les cultures archéologiques du bassin des Carpates ont fourni la base génétique des premiers agriculteurs d'Europe centrale qui ont affecté les cultures préhistoriques ultérieures pendant une longue période. Ainsi, la culture de Starčevo (-6200 à -5600) du début du néolithique a joué un rôle majeur dans la néolithisation de l'Europe du Sud-Est[7].

Le courant danubien correspond à l’extension progressive vers l’Ouest de la culture rubanée. La première désignation est liée à l’extension géographique principale de ce courant dans le bassin du Danube. Les deux dernières correspondent au décor de la céramique décorée de rubans, d’où le mot « rubané » en français ou LinearBandKeramik abrégé en LBK en allemand (céramique à bandes linéaires). Ce courant est issu des Balkans, notamment du nord de la Serbie (site de Lepenski Vir) et de la Bulgarie, et du sud de la Roumanie, autour de On retrouve la céramique rubanée, associée à une architecture particulière, des productions techniques distinctives, et la pratique de l’agriculture et de l’élevage jusque dans le Bassin parisien vers

Les analyses génétiques soutiennent une diffusion démique des premiers agriculteurs et agricultrices dans l'ouest de la Hongrie et démontrent l'importance primordiale de cette région en tant que couloir préhistorique de la migration[7].

Génétique du Néolithique

La quasi-totalité des archéologues s'accordent sur le fait que le développement du Néolithique en Europe est dû au moins en partie et dans certaines régions à la migration d'individus originaires du Proche-Orient ancien. Néanmoins l'ampleur de ces déplacements de population et le rôle des derniers chasseurs-cueilleurs étaient mal compris et donnaient lieu à d'importants désaccords. La génétique des populations constitue un apport récent et essentiel à ce débat.

Les premiers résultats fondés sur l'ADN ancien, les haplogroupes

La synthèse des données [15],[16] a permis de mettre en évidence l'existence d'une importante discontinuité génétique entre le Mésolithique et le Néolithique en Europe, interprété comme l'effet d'importants mouvements de population lors de la néolithisation de l'Europe, en provenance d'une ancienne population du Proche-Orient. Mais aussi ces résultats ont mis en évidence une discontinuité génétique entre la population européenne du Néolithique, très spécifique, et la population européenne actuelle, suggérant qu'il y eut en Europe d'importants mouvements de population plus tardifs au cours des âges des métaux qui succèdent au Néolithique. De plus on concluait alors à une certaine hétérogénéité des populations au Néolithique en Europe, que l'on expliquait par une certaine complexité des mouvements et des mélanges de population, entre colons fermiers et chasseurs-cueilleurs autochtones, au cours de la néolithisation.

À ce stade, les rares données sur les haplogroupes Y des populations anciennes permettaient de suggérer que l'haplogroupe R1b-M269, qui représente 60 % des lignées masculines en France, pourrait être associé, non pas aux fermiers du Néolithique, mais aux Proto-Indo-Européens arrivés depuis l'Europe de l'Est durant l'âge du bronze et qui auraient remplacé une grande partie de la population néolithique masculine existante[17],[18]. En conclusion, ces résultats supportent une Préhistoire européenne ponctuée par deux migrations majeures. D'abord l’arrivée des premiers fermiers au début du Néolithique en provenance du Proche-Orient ancien, et ensuite l'arrivée des pasteurs à la fin du Néolithique en provenance des steppes. Les populations celtiques seraient caractérisées par différents sous-groupes de l'haplogroupe R1b-M269 introduit en Europe par ces migrations indo-européennes[19].

Les résultats récents à partir de l'ADN autosomal ancien

Les années 2010 connaissent une révolution des études génétiques sur l'ADN ancien, puisqu'il est désormais possible de séquencer l'ensemble du génome.

C'est entre 2010 et 2012 qu'est enfin séquencé le génome d'Ötzi, l'« Homme des glaces » découvert congelé dans un glacier des Alpes, vieux de 5300 ans c'est-à-dire de la fin du Néolithique européen. Ötzi a alors révélé pour la première fois la grande parenté entre la population européenne ancienne du Néolithique et les populations actuelles du sud-ouest de l'Europe et en particulier la Sardaigne qui semble être restée un refuge actuel où l'ancienne population du Néolithique européen a perduré jusqu'à nos jours. Son haplogroupe Y G2a2b confirme également cette parenté, cet haplogroupe aujourd'hui minoritaire en Europe avait déjà été précédemment trouvé comme le plus fréquent au Néolithique européen, il est de nos jours encore très fréquent en Corse et en Sardaigne[20].

Ensuite d'autres génomes anciens de diverses cultures archéologiques, issus de nombreuses régions d'Europe et de périodes différentes, seront peu à peu séquencés, permettant d'avoir un entraperçu de plus en plus affiné de l'histoire du peuplement de l'Europe. La principale découverte en ce qui concerne le mouvement néolithique est alors que tous les échantillons issus de fermiers européens du Néolithique ancien et moyen, que ce soit en Hongrie (culture de Starčevo), en Allemagne (culture rubanée), en Espagne (culture cardiale et dérivés) ou encore en Suède (culture des vases à entonnoir) et en Irlande, entre autres, semblent tous être très semblables génétiquement entre eux et forment une seule et même population génétique (cluster) baptisée EEF (pour Early Europeans Farmers)[21],[22]. Cette population est très différenciée génétiquement vis-à-vis des anciens chasseurs-cueilleurs du Mésolithique[23], ces derniers ont d'ailleurs persisté un moment à leurs côtés. Dans un premier temps cette population EEF a été perçue comme étant issue d'un mélange complexe entre deux populations initiales pour environ moitié chacune : les anciens chasseurs-cueilleurs du Mésolithique autochtones, divers, et des agriculteurs originaires du Proche-Orient.

En 2015, grâce à l'augmentation du nombre d'échantillons disponibles permettant de plus fines comparaisons, Olalde et al.[13] ont pu déterminer que les anciens fermiers néolithiques européens étaient en réalité une population très homogène, et que, comme cela avait déjà été seulement supposé auparavant, les deux grands courants de néolithisation de l'Europe, le courant danubien (culture rubanée) et le courant méditerranéen (culture cardiale), sont en réalité le fait d'une seule et unique population colonisatrice issue d'une seule et même source commune qui a conquis la majeure partie de l'Europe presque sans mélange avec les chasseurs-cueilleurs rencontrés sur le chemin, même longtemps après la séparation des deux courants et ce jusqu'à l’atteinte des côtes atlantiques. On a pu ainsi déterminer que, si mélange conséquent il y avait eu avec les anciens chasseurs-cueilleurs, celui-ci aurait alors plutôt eu lieu dans les Balkans, en amont de la séparation des deux grands courants, de sorte que les deux courants sont issus du même mélange génétique.

Fin 2015, les premiers échantillons du Néolithique du Proche-Orient sont disponibles[24],[25], plus précisément d'Anatolie. Ils montrent une distance génétique très importante vis-à-vis de la population actuelle du Proche-Orient, cette dernière est donc le fruit de migrations et remplacements de population plus récents dans cette région du monde. La population ancienne du Néolithique d'Anatolie était en revanche bien plus proche des Européens actuels, elle était surtout très étroitement apparentée aux anciens fermiers européens du Néolithique (les EEF) qui étaient très semblables aux actuels Sardes. À leur entrée en Europe ces premiers agriculteurs n'ont connu qu'un mélange limité (7 à 11 %) avec les chasseurs-cueilleurs européens avant de coloniser et peupler une grande partie de l'Europe.

Changements sociaux liés à l'arrivée des premières communautés d'agriculteurs

Les études génétiques montrent avec l'arrivée des premières communautés d'agriculteurs en Europe balkanique et centrale que la population effective des femmes était plus importante, probablement en raison des effets différenciés des pratiques sociales et culturelles, notamment un sédentarisme croissant parallèlement au passage à la monogamie et à la patrilocalité dans les premières communautés d'agriculteurs. Compte tenu de l'ensemble des anciennes archives NRY publiées disponibles pour l'Europe à ce jour (2015), la faible diversité paternelle au début du néolithique est assez remarquable: G2a est l'haplogroupe dominant (65,5 %) dans l'ensemble de données néolithique du VIe au IVe millénaire avant notre ère. La variation limitée des haplogroupes NRY par rapport à la diversité élevée des haplogroupes d'ADNmt suggère une taille de population effective plus petite pour les hommes que pour les femmes. Une des explications plausibles de ce phénomène est la patrilocalité (où les femmes déménagent après le mariage pour le lieu de naissance de leur mari), tandis que d'autres possibilités incluent la polygynie ou une mortalité adulte biaisée pour les hommes. Une règle résidentielle patrilocale était probablement liée à un système d’ascendance le long de la ligne paternelle (patrilinéarité) dans les premières communautés agricoles[7].

Santé

Les études génétiques semblent montrer que l'avènement de l'agriculture et les changements consécutifs dans l'exposition aux agents pathogènes auraient radicalement changé les gènes immunitaires chez les premiers agriculteurs[26].

Caractéristiques physiques

Une étude génétique s'est penchée sur les caractéristiques de taille des populations du néolithique à partir de leur génome. Elle montre que les chasseurs-cueilleurs européens étaient grands et qu'il y a eu une forte diminution de la taille associée à l'arrivée des premiers agriculteurs venus d'Anatolie. Durant le Néolithique, la taille des individus augmente progressivement en même temps que le pourcentage de l'ascendance chasseur-cueilleurs croît à nouveau. Cet accroissement augmente encore durant l'Âge du Bronze, influencé par l'arrivée des pasteurs des steppes qui étaient également de plus grande taille[27].

Langues du Néolithique

Par définition, nous n'avons aucune trace directe ou indirecte des langues parlées par les peuples du Néolithique européen. Quelques paléolinguistes tentent d’étendre les méthodes de la linguistique comparée à l’âge de la pierre, mais cette démarche ne reçoit aucun soutien académique. Le débat sur les langues parlées du Néolithique en Europe est centré sur l'origine des langues indo-européennes et l'importance des langues pré-indo-européennes (voir hypothèse du substrat germanique). On présume généralement que les langues indo-européennes primitives atteignirent l’Europe au Chalcolithique ou aux débuts de l’âge du bronze européen, par exemple avec la culture de la céramique cordée, la culture des champs d'urnes ou la culture campaniforme (voir également l’hypothèse kourgane pour des débats en relation avec ce sujet). L’hypothèse anatolienne postule l’arrivée des langues indo-européennes avec le début du Néolithique. Hans Krahe considère l’hydronymie européenne ancienne comme la plus ancienne trace de la présence des Indo-Européens en Europe.

Les théories sur les langues « pré-indo-européennes » sont fondées sur des indices très minces. Le basque est le meilleur « candidat » pour être le descendant d’une telle langue, mais comme il s'agirait d'un isolat (linguistique), il n’existe encore aucun indice comparatif définitif pour bâtir une théorie. Theo Vennemann postule néanmoins une famille vasconique, dont il suppose la coexistence avec un groupe « atlantique » ou « sémitidique » (c’est-à-dire un groupe para-sémitique). Le bascologue Michel Morvan souligne le fait que les noms d'animaux basques ne sont pas indo-européens et sont donc issus du néolithique pré-indoeuropéen. Un autre candidat est la famille tyrrhénique qui aurait donné naissance à l’étrusque et au rhétique à l’âge du fer, et peut-être aussi aux langues égéennes telles que le minoen ou le pélasgien à l’âge du bronze. La langue originelle des Ligures est aussi considérée comme un des substrats de l'indo-européen primitif.

Principales cultures néolithiques européennes

Habitations mises au jour à Skara Brae (Orcades, Écosse), le village néolithique le plus complet d'Europe.
Reconstitution d'un village néolithique.

Ne sont mentionnées ici que les cultures les plus importantes par leur ampleur chronologique et géographique et les cultures les plus remarquables par certains aspects.

vers 6500 av. J.-C.

  • « Précéramique » (Grèce)
  • Sesklo (Grèce)

vers 6000 av. J.-C.

vers 5500 av. J.-C.

vers 5000 av. J.-C.

vers 4500 av. J.-C.

vers 4000 av. J.-C.

vers 3500 av. J.-C.

vers 3000 av. J.-C.

vers 2500 av. J.-C.

Notes et références

  1. André Leroi-Gourhan (dir.), Dictionnaire de la préhistoire, Paris, 1994.
  2. (en) A. J. Ammerman et L. L. Cavalli-Sforza, « Measuring the Rate of Spread of Early Farming in Europe », Man, 1971, vol. 6, nº 4, p. 674-688
  3. (en) Marek Zvelebil, « The agricultural transition and the origins of Neolithic society in Europe », Documenta Praehistorica, 2001, vol. 28, p. 1-26
  4. J. Guilaine, « La diffusion de l’agriculture en Europe : une hypothèse arythmique », Zephyrus, 2001, vol. 53–54, p. 267–272
  5. (en) C. Perlès, « An alternate (and old-fashioned) view of Neolithisation in Greece », Documenta Praehistorica, 2003, vol. XXX, p. 99-113
  6. D. Guilbeau, « Le début du Néolithique en Italie méridionale : ce que nous disent les productions en silex du Gargano », Origini, 2011, vol. XXXIII, p. 83-106
  7. a b c et d (en) Anna Szécsényi-Nagy et al., « Tracing the genetic origin of Europe's first farmers reveals insights into their social organization », 2015 apr 22
  8. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2013/12/27/Les-m%C3%A9solithiques-europ%C3%A9ens-sont-de-l-haplogroupe-du-chromosome-Y%3A-I
  9. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2015/09/03/Origine-g%C3%A9n%C3%A9tique-commune-des-premiers-fermiers-d-Europe-Centrale-et-de-M%C3%A9diterran%C3%A9e
  10. http://eurogenes.blogspot.fr/2015/09/ashg-2015-abstracts.html
  11. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2015/02/11/Migration-massive-des-Steppes-vers-l-Europe-li%C3%A9e-%C3%A0-la-propagation-des-langages-Indo-Europ%C3%A9ens
  12. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2015/06/11/G%C3%A9n%C3%A9tique-de-la-population-de-l-%C3%82ge-du-Bronze-en-Eurasie
  13. a et b (en) I. Olalde et al, A common genetic origin for early farmers from Mediterranean Cardial and Central European LBK cultures, Molecular Biology and Evolution, Volume 32, Issue 12, 2015
  14. a et b (en) Gloria González-Fortes et al., Paleogenomic Evidence for Multi-generational Mixing between Neolithic Farmers and Mesolithic Hunter-Gatherers in the Lower Danube Basin, Current Biology, Volume 27, numéro 12, P1801-1810.E10, 25 mai 2017
  15. Ron Pinhasi et al, « The Genetic History of Europeans », Trends in Genetics, 2012, vol. 28, nº 10, p. 496-505.
  16. Marie Lacan, La néolithisation du bassin méditerranéen : apports de l'ADN ancien, thèse de doctorat, université Toulouse-III Paul-Sabatier, 2012.
  17. « L'un des plus importants mouvements migratoires serait celui des proto-Indo-Européens caractérisés par les haplogroupes de l'ADN-Y R1a et R1b provenant des peuples des steppes pontiques et asiatiques utilisant des sépultures recouvertes de tumulus, les kourganes », Jean Chaline (préf. Jean-Louis Beaucarnot), Généalogie et génétique : La saga de l'humanité : migrations, climats et archéologie, Paris, Ellipses, , 471 p. (ISBN 9782729888718), p. 307
  18. « R1a and R1b are the most common haplogroups in many European populations today, and our results suggest that they spread into Europe from the East after 3,000 BCE. » in Haak et al., 2015, Massive migration from the steppe was a source for Indo-European languages in Europe
  19. Jean Chaline (préf. Jean-Louis Beaucarnot), Généalogie et génétique : La saga de l'humanité : migrations, climats et archéologie, Paris, Ellipses, , 471 p. (ISBN 9782729888718), p. 254
  20. (en) A. Keller et al, New insights into the Tyrolean Iceman's origin and phenotype as inferred by whole-genome sequencing, 2012, http://www.nature.com/ncomms/journal/v3/n2/full/ncomms1701.html
  21. (en) Lazaridis et al, Ancient human genomes suggest three ancestral populations for present-day Europeans, 2013, http://biorxiv.org/content/early/2013/12/23/001552
  22. (en) Haak et al, Massive migration from the steppe is a source for Indo-European languages in Europe, 2015, http://biorxiv.org/content/early/2015/02/10/013433
  23. (en) Torsten Günther, Mattias Jakobsson, Genes mirror migrations and cultures in prehistoric Europe, a population genomic perspective, septembre 2016, https://dx.doi.org/10.1101/072926
  24. (en) I. Lazaridis et al., Genome-wide data on 34 ancient Anatolians identifies the founding population of the European Neolithic. ASHG, 9 octobre 2015,
  25. (en) I. Mathieson et al., Eight thousand years of natural selection in Europe, 2015, lignes 48 à 65, http://www.biorxiv.org/content/early/2015/10/10/016477.abstract?%3Fcollection=
  26. (en) Alexander Immel et al., Neolithic genomes reveal a distinct ancient HLA allele pool and population transformation in Europe, biorxiv.org, novembre 2019
  27. (en) Rui Martiniano et al., The population genomics of archaeological transition in west Iberia: Investigation of ancient substructure using imputation and haplotype-based methods, journals.plos.org, 27 juillet 2017

Bibliographie

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