Euphonia (Berlioz)

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Euphonia
ou la ville musicale
Image illustrative de l’article Euphonia (Berlioz)
Titre, dans une édition des Soirées de l'orchestre (Calmann Lévy, 1878).

Auteur Hector Berlioz
Pays Drapeau du royaume de France Royaume de France
Genre Nouvelle
Éditeur Revue et gazette musicale de Paris
Lieu de parution Paris
Date de parution Février-mars 1844

Euphonia ou la ville musicale est une nouvelle d'Hector Berlioz publiée en 1844 dans la Revue et gazette musicale de Paris puis, dans une version remaniée en 1852, dans le recueil Les Soirées de l'orchestre.

Publication[modifier | modifier le code]

Euphonia paraît d'abord dans la Revue et gazette musicale de Paris en cinq feuilletons, du 18 février au 24 mars 1844[1], avant de figurer sous une forme remaniée comme vingt-cinquième et dernière nouvelle des Soirées de l'orchestre, recueil publié en cinq grands numéros de la Revue et gazette musicale de Paris, du 19 septembre au 17 octobre 1852[2], puis en volume par Michel Lévy[3] en décembre 1852[4].

Présentation[modifier | modifier le code]

Selon Béatrice Didier, « Euphonia est probablement la nouvelle qui permet le mieux de voir l'originalité de Berlioz conteur romantique et comment s'opère chez lui la jonction entre langage musical et langage littéraire »[5].

Dans la première version, publiée à partir du 18 février 1844[6], les personnages portent des noms anacycliques :

  • Xilef (pour Félix), compositeur et préfet des instruments à cordes de la ville musicale d'Euphonia, éponyme de la nouvelle ;
  • Rotceh (Hector), compositeur et préfet des instruments à vent ;
  • Ellimac (Camille), cantatrice danoise ;
  • Mme Ellianac (Canaille), sa mère ;
  • Eérised (Désirée), sa femme de chambre.

Ces personnages renvoient à des personnes réelles et des événements repris dans les Mémoires de Berlioz[7] et font écho au chapitre « Distraction violente »[8] : pour les principaux, en Xilef se cache le compositeur Ferdinand Hiller, en Rotceh, Berlioz lui-même, et en Ellimac « à peine déguisée[9] » la pianiste Camille Moke[10], éphémère fiancée du compositeur[11]. Ces éléments sont estompés dans la version publiée au sein des Soirées de l'orchestre, Rotceh devenant Shetland, Ellimac, Mina, Mme Ellianac, Mme Happer, et Eérised, Fanny[12].

Dominique Catteau soutient que le nom imaginaire Xilef renvoie à Felix Mendelssohn, même si « les faits et gestes de Xilef sont ceux de Berlioz sans conteste[13] ». De même, l'auteur semble vouloir « répondre trait pour trait aux admirations révoltantes (pour lui) qu'avait auparavant éprouvées Stendhal, dont Shetland est l'anagramme[14] ».

Analyse[modifier | modifier le code]

Euphonia est une nouvelle d'anticipation, dont l'action se déroule en 2344[3]. Le lecteur est projeté dans une utopie proche de la science-fiction où Berlioz anticipe le développement de l'industrie et de l'aviation[15], évoquant en particulier des navires et locomotives volantes[16].

L'écriture de la nouvelle, « sorte de feu d'artifice futuriste »[15], réunit plusieurs techniques : lettres entre les personnages, récits à la troisième personne, et dialogue au caractère « théâtral[15] ».

Euphonia, conte cruel[modifier | modifier le code]

S'inscrivant dans le courant du romantisme frénétique, la nouvelle se clôt en une sanglante apothéose qui « exploite tous les ressorts du mauvais goût le plus « gothique » : machinerie et machination diaboliques, sarcasmes, désespoir, cris, folie, suicide[16] ». David Cairns, biographe de Berlioz, considère « ce dénouement d'une horreur et d'un grotesque dignes d'Edgar Allan Poe[17] ».

Euphonia, la ville musicale[modifier | modifier le code]

Un chapitre est consacré à la description de la ville d'Euphonia, « petite ville de douze mille âmes, située sur le versant du Hartz, en Allemagne », dont tous les habitants, « Euphoniens, hommes, femmes et enfants, s’occupent exclusivement de chanter, de jouer des instruments, et de ce qui se rapporte directement à l’art musical[12] ».

Euphonia, ville d'innovations[modifier | modifier le code]

Postérité[modifier | modifier le code]

La nouvelle a inspiré le compositeur Michaël Levinas, qui compose un mélodrame lyrique adapté de l’œuvre de Berlioz, Euphonia 2344, créé en 2019 — après une première version en 2003[18] — lors du festival Berlioz[19],[18].

Laurent Petitgirard est aussi l'auteur en 1988 d'un ballet symphonique, Euphonia[20], dont l'argument est tiré de la nouvelle de Berlioz[21].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Éditions[modifier | modifier le code]

  • Hector Berlioz, Les Soirées de l'orchestre, Paris, Calmann Lévy, , 3e éd. (1re éd. 1852), 428 p. (lire en ligne).
  • Hector Berlioz et Léon Guichard (éd.), Les Soirées de l'orchestre, Paris, Gründ, , 649 p. (ISBN 2-7000-2102-9), p. 331-377, avec une préface d'Henry Barraud,
  • Hector Berlioz, Euphonia ou la ville musicale, Toulouse, Ombres, coll. « Petite bibliothèque », , 79 p. (ISBN 2-905964-54-5)
  • Hector Berlioz et Alain Galliari (notes et postface), Le Suicide par enthousiasme, et autres nouvelles, Paris, L'arche, , 141 p. (ISBN 2-85181-365-X), p. 59-107
    Texte original de 1844.

Biographies[modifier | modifier le code]

Monographies[modifier | modifier le code]

Articles[modifier | modifier le code]

  • Marie Blaise, « La musique et la cruauté : Euphonia d’Hector Berlioz », dans Sylvie Triaire et François Brunet (dir.), Aspects de la critique musicale au XIXe siècle, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, (ISBN 9782367810553, lire en ligne), p. 227-250.
  • Béatrice Didier, « Hector Berlioz et l'art de la nouvelle », Romantisme, no 12,‎ , p. 19-26 (lire en ligne).
  • Joël-Marie Fauquet, Catherine Massip et Cécile Reynaud (dir.), Berlioz : textes et contextes, Paris, Société française de musicologie, , 326 p. (ISBN 978-2-853-57022-0).
    • Éric Bordas, Présences rythmiques de Berlioz écrivain, p. 119–131.
    • Joël-Marie Fauquet, L'imagination scientifique de Berlioz, p. 167–180.
    • David Charlton (trad. Cécile Reynaud), Sur le chemin d'Euphonia : la « promotion » de la musique ancienne par Berlioz, p. 191–208.
  • (en) Inge Van Rij, « Back to (the Music of) the Future: Aesthetics of Technology in Berlioz's Euphonia and Damnation De Faust », Cambridge Opera Journal, Cambridge University Press, vol. 22, no 3,‎ , p. 257–300 (lire en ligne).
  • Christian Wasselin, « Au miroir d'E.T.A. Hoffmann », dans Christian Wasselin et Pierre-René Serna (éd.), Cahier Berlioz, Paris, L'Herne (no 77), (ISBN 2-85197-090-9), p. 258-267.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Citron 2000, p. 108.
  2. Citron 2000, p. 153.
  3. a et b Van Rij 2010, p. 261.
  4. Citron 2000, p. 155.
  5. Didier 1976, p. 25.
  6. Hector Berlioz, Euphonia ou la ville musicale, Paris, Revue et gazette musicale de Paris, 18 février 1844lire en ligne=https://archive.org/details/revueetgazettemu1844pari/page/48/mode/2up
  7. Karine Le Bail, « "Euphonia ou la ville musicale" par Hector Berlioz », sur France Musique, (consulté le )
  8. « Hector Berlioz: Mémoires - Chapitre 28 », sur www.hberlioz.com (consulté le )
  9. Cairns 2002, p. 522.
  10. Edmond Hippeau, Berlioz intime, Paris, Fischbacher, (lire en ligne), p. 254
  11. « A la recherche de l'indépendance: Camille Marie Moke Pleyel - Radio », sur Play RTS (consulté le )
  12. a et b « Hector Berlioz: Les Soirées de l’orchestre - Vingt-cinquième soirée », sur www.hberlioz.com (consulté le )
  13. Catteau 2001, p. 283.
  14. Catteau 2001, p. 284.
  15. a b et c Didier 1976, p. 21.
  16. a et b Blaise 2002.
  17. Cairns 2002, p. 345.
  18. a et b Pierre-René Serna, « Euphonia 2344 de Michaël Levinas en création mondiale au Festival Berlioz 2019 », sur Concertclassic, (consulté le )
  19. José Pons, « Euphonia 2344 ou Berlioz visionnaire au Festival de La Côte-Saint-André », sur Olyrix.com, (consulté le )
  20. « Euphonia, Laurent Petitgirard », sur brahms.ircam.fr (consulté le )
  21. « PETITGIRARD: 12 Guardians of the Temple (The) / Poeme / Euphonia », sur www.naxos.com (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]