Espace vert écologique

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La notion d’espace vert écologique (EVE) ou de gestion écologique des espaces verts est à rapprocher de la gestion différenciée des espaces verts mais va plus loin en s'appuyant sur les trois piliers du développement durable (environnement, économie, social) et sur un ensemble de critères et domaines d'action.

Critères

Les premiers projets de référentiels français ont listé les critères suivants, comme devant a minima être pris en compte :

Écolabellisation

En France, un référentiel (cahier des charges) définissant des objectifs à atteindre dans chacun des domaines listés a été élaboré par Écocert à partir de 2005, en collaboration avec la mairie de Paris. Le label EVE (Espaces végétaux écologiques)[1] a depuis été attribué à plus de 150 sites, en France comme à l’étranger, par exemple au parc de la Villette, labellisé depuis 2010. Fin 2008, il y avait à Paris 63 jardins, squares ou parcs satisfaisant aux exigences de ce cahier des charges de gestion écologique des espaces verts. Il existe également un référentiel complémentaire, « Professionnel S’EVE », créé en 2015 par Écocert. Destiné aux professionnels du secteur du paysage, il combine les pratiques écologiques de création et d’entretien des espaces végétaux et l’engagement environnemental des entreprises.

L'expérience du label EVE a fait des émules dans le secteur public (collectivités) et privé (dont Plante & Cité[2]), sous l'égide notamment de l'Association française des directeurs de jardins et d'espaces verts publics qui ont préparé un autre référentiel et un nouveau label : le label « EcoJardin[3] », lié aux espaces verts écologiques publics ou privés, ouverts au public (qu'ils soient gérés en régie ou par une entreprise) ; un référentiel « Espaces naturels aménagés[4] » complète ce dispositif.

Les cimetières constituent des espaces au potentiel écologique parfois élevé nécessitant des prescriptions spéciales[5].

Dans tous les cas, il s'agit aussi d'encourager les communes et parcs privés à se passer de pesticides (cf. axe 7 du plan Écophyto 2018, visant à diviser par deux l'utilisation de pesticides[6] et de mieux contribuer aux trames vertes urbaines et à la protection de la biodiversité.

Le concours Villes et villages fleuris accompagne ces évolutions dans le cadre du plan national, « Restaurer et valoriser la nature en ville[7] » et son comité de suivi[8].

Histoire

La nature en ville…

L'article espace vert définit ce terme et le situe historiquement dans le contexte de l'histoire des jardins. À titre de rappel, disons seulement qu'il se rapporte à des conceptions héritées, dans le domaine de l'urbanisme, des hygiénistes du XIXe siècle qui se souciaient de dédensifier l'espace urbain pour que les habitations (et les habitants) aient accès au soleil et à l'air pur.

Le Corbusier reprit cette idée dans sa Charte d'Athènes en 1943. En 1933, au Congrès international d'architecture moderne (CIAM) d'Athènes, il affirme : « Les matériaux de l'urbanisme sont le soleil, l'espace, les arbres, l'acier et le ciment armé, dans cet ordre et dans cette hiérarchie. » Le docteur P. Winter lui déclare : « Notre rôle et le vôtre, aujourd'hui est de restituer la nature à l'Homme, de l'y intégrer. »

Par conséquent, les espaces verts sont nés sous l'égide de la volonté de « donner une plus grande place à la nature au sein même de la ville », ce que les politiques urbaines ont consacré depuis les années 1950 en affectant une certaine part de l'espace à la création d'espaces non bâtis, « libres », généralement plantés, donc « verts ».

La nature, vraiment ?

Toute réflexion sur l'histoire des jardins conduit rapidement au constat suivant : l'architecture et l'horticulture sont deux arts et le jardin est souvent très éloigné de la nature, quand il n'est pas même une représentation symbolique du contrôle que l'on exerce sur elle. Versailles en est un archétype.

Les espaces verts héritent donc de cette culture et de ces savoir-faire horticoles et paysagers (au sens architectural) au moment où de nouvelles techniques, la motorisation agricole, et de nouveaux produits, ceux de l'industrie chimique, prennent leur essor dans l'immédiate après-guerre.

Au fil du temps, les jardiniers se raréfient et les désherbants remplacent la binette dans les allées, jusqu'au moment où, dans les années 1980-1990, on commence à se poser la question de la nocivité des produits de la chimie sur la santé humaine et sur l'environnement. Mais cette prise de conscience est lente, freinée par les intérêts en jeu (financiers notamment), jusqu'à ces dernières années où le doute n'est plus permis.

Rennes, avant les autres

Dans leur ouvrage Pesticides, un scandale français, Fabrice Nicolino et François Veillerette[9] présentent l'action de Jean Le Ruduler, directeur des espaces verts de la ville de Rennes, de 1966 à 1996. Il est considéré en France comme l'inventeur de la gestion différenciée qu'il a appliquée à Rennes depuis les années 1970-1980.

Reprenons quelques passages de cet ouvrage : « Le Ruduler a compris bien avant d'autres, à la suite de voyages d'étude en Allemagne, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, que le jardin, avant d'être une valeur économique, est un ensemble écologique. Quelle révolution ! Dès 1966, au moment où il crée le parc des Bois, il introduit une vision très moderne, repoussant l'horticulture classique, réhabilitant les espèces et les variétés indigènes. Un parc urbain, selon lui, peut et doit se rapprocher de la nature […]. »

Le Ruduler réduit de façon drastique l'emploi des pesticides, remplace les gazons tondus ras par des prairies de fauche là où c'est possible, réduit l'utilisation des fleurs annuelles, fragiles et devant être copieusement arrosées, pour leur préférer des vivaces rustiques.

Néanmoins, les paysagistes d'Haussmann, et parmi eux, Édouard André qui, dans son Traité général de la composition des parcs et jardins (1879)[10], soutient les mêmes idées : il pense que les végétaux exotiques doivent être utilisés avec parcimonie, réservés aux espaces les plus sophistiqués et prestigieux, près des bâtiments par exemple, mais que les espèces indigènes, bien adaptées à leur milieu, sont bien mieux indiquées pour l'utilisation courante. C'est la « gestion différenciée » avant l'heure. On trouve dans cet ouvrage des planches et des listes de végétaux dignes de Gilles Clément. En outre, à cette époque, l'usage de la tondeuse récemment inventée est très restreint. La plupart des surfaces de pelouses sont en fait des prairies, fauchées avec des machines agricoles ou à la faux.

Écologie urbaine

Toile de fond des démarches entreprises dans les espaces verts urbains : la montée des préoccupations écologiques à partir des années 1970 en France et dans le monde. En 1976, la France vote une loi sur la protection de la nature, suivie d'une loi instituant les espaces naturels sensibles. Des réserves naturelles se développent, ainsi que des conservatoires d'espaces naturels, autant de lieux où s'expérimentent des formes de « gestion de la nature » qui réinventent un nouveau rapport à celle-ci, perdu avec l'agriculture industrielle, mais sans doute même avant, voire inédit…

La ville, qui s'était toujours inscrite en rupture avec la campagne, inaugure elle aussi un nouveau rapport à la nature, en tout cas une préoccupation nouvelle, au tournant des années 1980. C'est ainsi que des villes comme Strasbourg, mais aussi des villes allemandes comme Fribourg, commencent à parler de faire de l'écologie urbaine en pensant la place de la nature en ville, ou dans sa proximité immédiate.

La préoccupation de l'éducation à l'environnement intègre cette idée : il ne suffit pas d'emmener les jeunes urbains en classes vertes, à la campagne, pour y découvrir une nature préservée (d'ailleurs de moins en moins), mais il faut leur montrer la nature chez eux, en ville, comme élément de leur cadre de vie, au fil des saisons et des rythmes de la nature dont ils n'ont parfois qu'une idée très approximative.

Petit à petit, cette notion d'écologie urbaine intègre des idées nouvelles, allant de la biodiversité, de la question des pollutions, en particulier celle de l'air, à la définition de nouvelles façons d'envisager l'urbanisme : la gestion de l'eau en particulier ou celle des déplacements urbains.

Les espaces verts y jouent leur rôle avec les idées de trames vertes, à la fois réseaux de corridors biologiques et réseaux de circulations « douces », à pied ou à vélo.

Ils intègrent beaucoup plus récemment de nouvelles fonctions techniques curieusement oubliées dès le XIXe siècle : en particulier l'infiltration de l'eau des pluies, la fonction de rétention des zones humides (il est vrai qu'on voulait ainsi assainir la ville et éviter des maladies). L'imperméabilisation des sols en ville constitue un véritable fléau au regard des problèmes d'inondation qui s'ensuivent à l'aval (rejet des eaux à l'égout et des égouts aux rivières avec une accélération majeure des flux lors des orages).

Enfin, c'est dans les nouveaux espaces péri-urbains, les extensions de la ville sur sa périphérie, que se développent de nouvelles façons de concevoir les espaces verts qui empruntent à la fois à l'agriculture, à la forêt et aux espaces naturels leurs modes de gestion spécifiques et définissent la nature de ces nouveaux espaces dits « de nature ».

Gestion différenciée, harmonique, raisonnable… gestion écologique ?

Que cachent ces terminologies ? Elles ont fleuri, très diverses, recouvrant des idées et des réalités parfois tout aussi diverses, parfois moins.

Peu évocateurs, à connotation plutôt technique, tous ces termes n'ont pas contribué à faciliter la communication sur les démarches des collectivités engagées dans le changement de leurs pratiques. Pour autant, il ne faut pas nier la difficulté majeure qu'il y a à changer des habitudes anciennes et une conception de la « propreté » attachée à la façon dont on entretient les espaces verts ou même dont on fleurit la ville.

La gestion différenciée

Terme utilisé à Rennes, il s'est imposé plus que les autres mais correspond finalement à une conception aujourd'hui un peu restrictive qui a pu justifier l'emploi d'autres termes tels que la « gestion harmonique », plus large dans son objet.

À la base, l'idée consiste en l'application de niveaux de gestion différents selon les lieux dans la ville, ou selon les parties d'un espace vert considéré. On l'a volontiers caricaturée en disant qu'il s'agissait de faire accepter la différence entre les fleurissements superbes de l'hôtel de ville et l'abandon, les friches, des quartiers périphériques. Elle avait aussi, évidemment, des objectifs économiques ou permettait de faire face à la gestion de surfaces plus importantes alors que le nombre de jardiniers augmentait peu, voire diminuait. Mais on ne peut nier ses objectifs écologiques. Plus récemment, elle a d'ailleurs pris des formes ambitieuses tout en conservant ce nom (voir les actions de la Mission gestion différenciée de la Région Nord portée par l'association Nord Nature Chico Mendès en partenariat avec le conseil régional).

La ville de Paris a mis en œuvre des plans de gestion différenciée dans ses espaces verts. Ils définissent par exemple des hauteurs et périodicité de coupe pour les pelouses, les prairies, etc., des façons de tailler les arbustes…

Voir aussi

Bibliographie

  • Céline Dubreuil, Une expérience de développement durable. La gestion harmonique dans les parcs départementaux de la Seine-Saint-Denis, de 1990 à 2005, Biotope Éditions, coll. « Parthénope », 2006, 144 p. (ISBN 978-2914817158).
  • Gaëlle Aggeri, Inventer les villes-natures de demain. Gestion différenciée, gestion durable des espaces verts, Educagri, 2010, 200 p. (ISBN 978-2844447753).

Notes et références

  1. « Label Eve (Espaces végétaux écologiques) », sur ecocert.fr, (consulté le ).
  2. « Centre technique Plante et Cité », sur plante-et-cite.fr, (consulté le ).
  3. « Carte des sites labellisés EcoJardin », sur label-ecojardin.fr, (consulté le ).
  4. « Grille d'évaluation des espaces naturels aménagés (version du 6 février 2015) », sur label-ecojardin.fr, (consulté le ).
  5. « Exemple de guide pratique pour la conception et la gestion écologique des cimetières », sur natureparif.fr, (consulté le ).
  6. « Vers des espaces verts écologiques reconnus », lien horticole du 28 avril 2010, p. 8.
  7. Ministère de l'Écologie : plan national « Restaurer et valoriser la nature en ville », l’un des engagements du Grenelle Environnement, repris dans la loi de programme du 3 août 2009 et dans le plan Ville durable dont il constitue l’un des 4 volets.
  8. Compte rendu de la 1re réunion du comité de suivi du plan national « Restaurer et valoriser la nature en ville », 13 janvier 2012.
  9. Fabrice Nicolino et François Veillerette, Pesticides, un scandale français, Fayard, 2007, 384 p. (ISBN 978-2213629346), p. 309-310, [1].
  10. Édouard André, Traité général de la composition des parcs et jardins, Paris, Masson, 1879. Réédition Lafitte, Marseille, 1983.

Articles connexes