Ensemble de Cantor

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En mathématiques, l'ensemble de Cantor (ou ensemble triadique de Cantor, ou poussière de Cantor[1]), est un sous-ensemble remarquable de la droite réelle construit par le mathématicien allemand Georg Cantor[2].

Il s'agit d'un sous-ensemble fermé de l'intervalle unité [0, 1], d'intérieur vide. Il sert d'exemple pour montrer qu'il existe des ensembles infinis non dénombrables mais négligeables au sens de la mesure de Lebesgue. C'est aussi le premier exemple de fractale (bien que le terme ne soit apparu qu'un siècle plus tard), et il possède une dimension non entière.

Il admet enfin une interprétation sous l'angle du développement des réels en base 3. Pour cette raison, il est souvent noté K3.

On le construit de manière itérative à partir du segment [0, 1] en enlevant le tiers central ; puis on réitère l'opération sur les deux segments restants, et ainsi de suite. On peut voir les six premières itérations du procédé sur le schéma suivant :

Six premières itérations de la construction de l'ensemble de Cantor.

Construction[modifier | modifier le code]

Construction itérative[modifier | modifier le code]

On dénote par l'opérateur « enlever le tiers central » :

On note et on définit par récurrence une suite de parties de [0, 1] par la relation :

On a :

Alors l'ensemble de Cantor est la « limite »[3] de quand tend vers  :

Écriture en base 3[modifier | modifier le code]

Positions de 1/4, 2/3 et 1 dans l'ensemble de Cantor, avec 1/4 dans K3[4].

On peut aussi définir[5] l'ensemble de Cantor via l'écriture en base 3. En effet tout réel peut s'écrire :

avec . On écrit alors

Cette écriture est unique à ceci près : on peut remplacer par (et par ) à la fin d'une écriture. Si on choisit de faire cette transformation on peut alors définir par :

L'ensemble de Cantor est formé des réels de [0, 1] ayant une écriture en base 3 ne contenant que des 0 et des 2.

Ou plus formellement :

Par exemple le réel 1/3 est dans cet ensemble, puisqu'il admet les deux écritures 0,1000… et 0,02222… en base 3. Le réel 2/3 également (0,2000… ou 0,12222…). On peut remarquer que parmi les nombres admettant un développement propre et un développement impropre, il n'en existe aucun dont les deux écritures vérifient la propriété demandée.

Propriétés[modifier | modifier le code]

Mesure[modifier | modifier le code]

L'ensemble de Cantor est de mesure nulle, c'est-à-dire négligeable au sens de la mesure de Lebesgue[6].

En effet en notant la mesure de Lebesgue sur , on a :

  •  ;
  • pour une réunion d'intervalles :  ;

est l'opérateur « ablation du tiers central » (voir premier paragraphe).

On en déduit que pour les étapes de la construction itérative ci-dessus :

Et comme l'ensemble de Cantor est inclus dans tous les  : .

L'ensemble de Cantor est donc « petit » au sens de la mesure de Lebesgue.

Non-dénombrabilité[modifier | modifier le code]

Cependant l'ensemble de Cantor n'est pas dénombrable. Plus précisément, il a la puissance du continu, c'est-à-dire qu'il est équipotent à , l'ensemble des parties de l'ensemble des entiers naturels (or , d'ailleurs équipotent à , n'est pas dénombrable, d'après le théorème de Cantor).

On peut en effet, grâce à l'écriture en base 3 ci-dessus, définir une bijection de dans , en associant à toute partie de le réel , où désigne la fonction caractéristique de la partie .

Ainsi l'ensemble de Cantor est « grand » au sens de la théorie des ensembles.

Propriétés topologiques[modifier | modifier le code]

Auto-similarité[modifier | modifier le code]

L'image de l'ensemble de Cantor par l'homothétie h de centre 0 et de rapport 1/3 est incluse dans ensemble de Cantor. Plus précisément :

[8].

Ainsi, est la réunion disjointe de deux parties qui lui sont homothétiques. C'est une manifestation de ce qu'on appelle l'auto-similarité, qui est l'une des propriétés de base des fractales.

Dimension[modifier | modifier le code]

En conséquence de ce qui précède, on peut calculer la dimension de Minkowski ; elle vaut log3(2) = logb(2)/logb(3) ≈ 0,631, où b est n'importe quelle base. C'est un nombre irrationnel et même transcendant. On parle parfois de dimension fractionnaire car elle n'est pas entière, même s'il ne s'agit pas davantage d'un nombre rationnel.

Cette valeur log3(2) est également la dimension de Hausdorff de l'ensemble.

Variantes[modifier | modifier le code]

Le carré de Cantor.
Le cube de Cantor.

Soit s un nombre strictement compris entre 0 et 1. Si, au lieu de couper chaque intervalle en trois et d'enlever l'intervalle central, on enlève à la n-ème étape un intervalle de longueur au centre de chaque intervalle de la génération précédente, on obtient un ensemble de Cantor dont la mesure de Lebesgue est 1 - s. Cela permet d'obtenir un compact d'intérieur vide de mesure aussi proche de 1 que l'on veut. Le cas s = 1 redonne l'ensemble de Cantor usuel. Un procédé comparable est utilisé dans l'ensemble de Smith-Volterra-Cantor.

Une autre version de l'ensemble de Cantor est le carré de Cantor. Il est construit sur le même principe général, mais basé sur un carré : on considère un carré que l'on découpe en 9 carrés de même taille, et on supprime tous les carrés n'étant pas dans un coin du carré de départ. L'ensemble est construit de façon itérative en répétant cette action sur les nouveaux carrés. Ce n'est rien d'autre que le produit cartésien d'un ensemble de Cantor par lui-même (à ne pas confondre avec le tapis de Sierpiński).

La même construction en dimension 3 conduit au cube de Cantor, égal au produit cartésien (à ne pas confondre avec l'éponge de Menger).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Gerald Edgar, Measure, Topology, and Fractal Geometry, Springer, (OCLC 255688131, lire en ligne), p. 2, 7.
  2. G. Cantor, « De la puissance des ensembles parfaits de points », Acta Math., vol. 4,‎ , p. 381-392 (DOI 10.1007/BF02418423).
  3. Il s'agit d'ailleurs d'une véritable limite, pour la topologie de la distance de Hausdorff.
  4. Edgar 2008, p. 3.
  5. Cf. théorème 52 du mémoire de L3 de L. Iôôs et S. Peronno, « Autosimilarité, ensemble triadique de Cantor et dimension de Hausdorff », Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2007.
  6. Edgar 2008, p. 144.
  7. (en) S. Willard, General Topology, Addison-Wesley, Reading, MA, 1970, th. 30-7.
  8. Edgar 2008, p. 7.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]