Effet électro-calorique

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L'effet électro-calorique (EC) est la réponse thermique d'un matériau associée à un changement d'ordre dû à l'action d'un champ magnétique, électrique ou bien à une contrainte mécanique. Les effets caloriques sont particulièrement importants à proximité d'une transition ferroïque où le matériau subit un changement de phase entre un état ordonné et un état désordonné (ou moins ordonné).

Le cas le plus étudié dans ce domaine est celui de l'effet magnétocalorique qui met en jeu le couplage entre l'aimantation et le champ magnétique[1],[2]. L'effet électrocalorique (couplage entre polarisation et champ électrique) est de plus en plus étudié ces dernières années.

Théorie[modifier | modifier le code]

Figure 1 : Le cycle de refroidissement par effet magnétocalorique

Les principes de fonctionnement de base de la réfrigération électro-calorique sont, en principe, analogues à ceux du refroidissement magnétique et par compression de vapeur. Ceux-ci sont constitués par le transport de chaleur d'une charge calorifique à l’environnement à travers un matériau électro-calorique, magnéto-calorique ou gaz qui est soumis à un cycle thermodynamique. Les cycles de réfrigération sont entraînés par la variation de l’entropie d’un matériau diélectrique polaire  lors d’une application ou annulation d’un champ électrique externe.

Le cycle de refroidissement électro-calorique est constitué de quatre  processus ; deux processus adiabatiques et deux processus isothermes :

  1. Polarisation adiabatique : un matériau électro-calorique isolé est soumis à une augmentation brutale d’un champ électrique externe, qui entraîne une diminution de l’entropie des dipôles électriques. Comme le matériau est isolé de son environnement (conditions adiabatiques), il n'y a pas d'échange de chaleur, d’où le matériau s’échauffe et sa température augmente (T + ΔT).
  2. Transfert de chaleur : Le matériau électro-calorique est mis en contact avec une source chaude. En maintenant un champ électrique constant le matériau expulse de la chaleur à la source chaude, d’où sa température diminue.
  3. Dépolarisation adiabatique : le matériau électro-calorique est à nouveau isolé et le champ électrique appliqué est annulé. Cette annulation  du champ permet aux dipôles de s’orienter aléatoirement et d’augmenter l’entropie du système. Comme le matériau est isolé de son environnement (conditions adiabatiques), il n'y a pas d'échange de chaleur, d’où le matériau se refroidit et sa température diminue (T - ΔT).
  4. Transfert entropique : En maintenant un champ électrique nul, le matériau électro-calorique est placé en contact avec une source froide. La chaleur migre de la source froide vers le réfrigérant qui l’absorbe et revient à sa température initiale[3].

Les matériaux utilisés pour de tels applications sont des ferroélectriques. Ces derniers présentent des constantes diélectriques et des indices de réfraction élevés. Ils possèdent également une polarisation spontanée (Ps) dans certains domaines de température et la direction de cette Ps peut être réorientée ou même renversée sous l’action d’un champ électrique externe. Leur polarisation décrit une hystérèse en fonction du champ électrique appliqué. Par analogie avec le comportement des matériaux ferromagnétiques sous champ magnétique, Müller leur donna le nom de ferroélectrique en 1935.

Figure 2 : Boucle d’hystérésis ferroélectrique typique

La figure 2 montre un cycle d’hystérésis typique d’un ferroélectrique avec Ds = la polarisation à saturation, Dr = la polarisation rémanente (à champ nul) et Ec = le champ coercitif. Le cycle d’hystérésis disparaît progressivement en s’approchant de la température de Curie. C'est la température à laquelle se produit la transition ferroélectrique-paraélectrique correspondant à un changement de structure qui a pour conséquence de supprimer la polarisation rémanente.

La partie décroissante de la courbe située dans la région paraélectrique suit une loi de type Curie-Weiss de formule :

c et Tc sont respectivement la constante et la température de Curie-Weiss.

Par conséquent :

  • Si le matériau est chauffé au-dessus de sa température de Curie ou température de transition, sa polarisation spontanée disparaît. On dit alors que le matériau est dans son état paraélectrique.
  • Si le matériau est refroidi en dessous de sa température de Curie, le caractère ferroélectrique réapparaît.

Au passage à Tc, deux phénomènes sont remarquables dans le matériau.

Premièrement, à cette transition, un pic très accentué de la constante diélectrique ε se manifeste.

Deuxièmement, le matériau subit un changement de structure à cette température. Au changement de structure, le matériau acquiert une élasticité maximale et devient très facilement polarisable.

Dans le cas des matériaux ferroélectriques, l’effet EC est étroitement lié à l'effet pyroélectrique. En effet, les effets pyroélectriques et électro-caloriques peuvent être considérés comme des effets réciproques. L’effet EC peut être utilisé pour la réfrigération tandis que l’effet pyroélectrique peut servir pour des capteurs de température/chaleur ou de la récupération d’énergie.

Le principe physique de l’effet électro-calorique est similaire à l'effet magnéto-calorique qui consiste à accroître l’écart de température. Toutefois, au lieu du processus d’aimantation , le matériau électro-calorique est soumis à une polarisation/dépolarisation.

Méthodes expérimentales de caractérisation de l’effet électro-calorique[modifier | modifier le code]

Méthodes directes[modifier | modifier le code]

La mesure directe consiste à mesurer directement une grandeur thermique lors de l’application d’un champ électrique, soit le flux de chaleur échangée qui permet de déduire la variation d’entropie (ΔS), soit la variation de température (ΔT)[4],[5].

Mesure par calorimétrie[modifier | modifier le code]

La calorimétrie adiabatique permet de mesurer le flux de la chaleur dégagée lors de l'application d’un champ externe aux bornes d’un matériau électro-calorique. Pour mesurer la chaleur un ou plusieurs thermocouples sont utilisés à proximité de l’échantillon. Le matériau est monté à l'intérieur d’un récipient isolé thermiquement.

Une autre approche plus précise pour la mesure du flux de chaleur utilise des  systèmes calorimétriques différentiels (DSC suivant l’acronyme : Differential Scanning Calorimetry). Ces systèmes utilisent des dispositifs du commerce modifié pour pouvoir appliquer des tensions élevées à l’échantillon étudié. Ils permettent de mesurer la chaleur échangée par l’échantillon lors de l’application d’un champ électrique.

Mesure directe de température[modifier | modifier le code]

La température de l’échantillon peut aussi être mesurée lors de l’application d’un champ électrique, soit à l’aide des thermocouples ou des thermistances de précision, soit en utilisant des caméras infrarouges ou des détecteurs.

Méthode indirecte[modifier | modifier le code]

Effet pyroélectrique et effet électro-calorique[modifier | modifier le code]

Les mesures indirectes sont basées sur la relation de Maxwell pour évaluer l’effet électro-calorique. En mesurant le coefficient pyroélectrique en fonction d’un champ électrique externe, l’activité électro-calorique peut être prévue.

Équation[modifier | modifier le code]

Afin d'étudier l'effet électro-calorique, la plupart des recherches reposent sur le calcul théorique de la relation de Maxwell pour estimer la valeur de .

La relation de Maxwell est dérivée de deux fonctions (l'entropie (S), la température (T)) et (la polarisation (P), le champ électrique (E)) [Line and Glass, 1977]

Or,

Désormais, l'expression de la variation de température adiabatique des matériaux électro-calorique peut être obtenue par :

c étant la capacité thermique ou calorifique du matériau et V son volume.

Selon l'équation ci-dessus, pour aboutir à une large variation de , le matériau diélectrique, doit avoir un coefficient pyroélectrique considérable sur un champ relativement élevé à un intervalle de température déterminé. Un large coefficient pyroélectrique d’un matériau ferroélectrique existe à la température de transition de phase. Par conséquent, cet effet est capable de décaler la température de transition suite à l’application d’un champ électrique externe.

Effet réciproque : la pyroélectricité[modifier | modifier le code]

L'effet pyroélectrique peut être décrit comme la dépendance en température de la polarisation spontanée d'un cristal[6]. Il s'agit de la variation de la polarisation d'un cristal lorsqu'il subit une variation de sa température.

Le matériau doit posséder une polarisation spontanée non nulle et de préférence dirigée perpendiculairement à la surface des électrodes.

Une faible variation de la température va produire un changement de la polarisation . Si cette variation de température est effectuée dans un temps , la polarisation varie alors au cours du temps. Les charges d'espaces sont compensées par des charges libres présentes dans le matériau. Ce déplacement de charge génère un courant, le courant pyroélectrique. On aura, équivalent à un courant pyroélectrique .

Le coefficient pyroélectrique décrit les changements du vecteur polarisation en réponse à un changement de température[7] :

pi (Cm-2K-1) est le vecteur du coefficient pyroélectrique.

Pour de faibles variations de , peut être considéré comme une constante à cette température. Ainsi, le courant ne dépend que du taux de variation de la température. Si ce dernier est élevé, le courant i peut être détecté.

Applications[modifier | modifier le code]

L’ECE a été observé pour la première fois par Kobeco et Kurtschatov[8] dans des matériaux ferroélectriques, sel de Seignette ou sel de Rochelle. Bien que cet effet ait été découvert dès 1930, ce n’est qu’à partir des années 1960 que ses travaux se sont intensifiés. L’ECE des matériaux ferroélectriques (céramiques) et des monocristaux ont été étudiés[9],[10],[11], toutefois ils ont été abandonnés car les variations de températures restaient trop faibles ( pour les céramiques et pour les monocristaux) pour envisager une exploitation. En 2006, Michenko et al. ont découvert un ECE « géant » () sur une couche mince de PbZr0.95Ti0.05O3 de 300 nm préparée par sol-gel sous un champ électrique de à 222 °C[12]. Cette découverte a revitalisé ce domaine et a incité de nombreuses études portant sur l'effet du champ électrique élevé sur la réponse pyroélectrique d'autres matériaux ferroélectriques. Les premiers travaux portent sur PZT et bien que cet alliage soit toujours en quête[13],[14] d'autres cristaux de perovskite sont également intéressants, notamment PbMg1/3Nb2/3O3 -x PbTiO3[15],[16], BTO[17],[18], BaTiO3 - SrTiO3[19], et  les couches d’oxyde SrBi2Ta2O9[20].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. L. Zhang, M. Bao, Q. Zheng, L. Tian and J. Du. AIP Advances 6, 035220 (2016)
  2. Y. Zhang, Y. Yang, X. Xu, L. Hou, Z. Ren, X. Li, and G. Wilde. J. Phys. Appl. 49 (2016)
  3. (en) Electrocaloric Materials: New Generation of Coolers, vol. 34, Springer Berlin Heidelberg, coll. « Engineering Materials », (ISBN 978-3-642-40263-0 et 978-3-642-40264-7, DOI 10.1007/978-3-642-40264-7, lire en ligne)
  4. Gaël SEBALD, « Matériaux électrocaloriques », sur Ref : TIP510WEB - "Constantes physico-chimiques", (consulté le )
  5. (en) Matjaz Valant, « Electrocaloric materials for future solid-state refrigeration technologies », Progress in Materials Science, vol. 57, no 6,‎ , p. 980–1009 (DOI 10.1016/j.pmatsci.2012.02.001, lire en ligne, consulté le )
  6. S.B.Lang, Sourcebook of pyroelectricity, Gordon and Breach science publishers, London, 1974, 584
  7. D. Damjanovic Rep. Prog. Phys. 61, 1267–1324 (1998)
  8. P. Kobeco, I.V.Kurtchatov, Dielectric properties of Rochelle salt crystal, Z. Phys. 66 (1930),192–205.
  9. P. D. Thacher, Electrocaloric effects in some ferroelectric and antiferroelectric Pb(Zr,Ti)O3 compounds, J. Appl. Phys. 39,(1968), 1996.
  10. W. N. Lawless, Specific heat and electrocaloric properties of KTa O 3 at low temperatures, Phys. Rev. B 16,(1977),433.
  11. B. A. Tuttle and D. A. Payne, The effects of microstructure on the electrocaloric properties of Pb (Zr, Sn, Ti) O3 ceramics, Ferroelectrics 37,(1981), 603.
  12. S. Mischenko, Q. Zhang, J. F. Scott, R. W. Whatmore, and N. D. Mathur, Giant electrocaloric effect in thin-film PbZr0.95Ti0.05O3, Science 311,(2006),1270.
  13. S Prosandeev, I Ponomareva, L Bellaiche. Electrocaloric effect in bulk and low-dimensional ferroelectrics from first principles, Phys Rev B 7, (2008).
  14. J Karthik, LW Martin, Pyroelectric properties of polydomain epitaxial Pb(Zr(1-x), Ti(x))O(3) thin films, Phys Rev B 84 (2011).
  15. A Mischenko, Q Zhang, R Whatmore, J Scott, N Mathur, Giant electrocaloric effect in the thin-film relaxor ferroelectric 0.9PbMg1/3Nb2/3O3 – 0.1 PbTiO3 near room temperature, Appl Phys Lett 89 (2006).
  16. Hagberg J , Uusimaki A , Jantunen H , Electrocaloric characteristics in reactive sintered 0.87Pb(Mg(1/3)Nb(2/3))O(3)–0.13PbTiO(3). Appl Phys Lett 92 (2008).
  17. H Cao, Z Li, Electrocaloric effect in BaTiO3 thin-films, J Appl Phys 106 (2009).
  18. G Akcay , S Alpay, J Mantese, G Rossetti, Magnitude of the intrinsic electrocaloric effect in ferroelectric perovskite thin films at high electric fields, Appl Phys Lett 90 (2007).
  19. JH Qiu, Q Jiang. Orientation dependence of the electrocaloric effect of ferroelectric bilayer thin films, Solid State Commun 149 (2009),1549–1552.
  20. H Chen , T-L Ren, X-M Wu, Y Yang, L-T Liu, Giant electrocaloric effect in lead- free thin film of strontium bismuth tantalite, Appl Phys Lett 94 (2009).