Dépression de l'Afar

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Vue en perspective, texturé par une image satellite et légendé du relief de la dépression de l'Afar vue depuis le sud-est.

La dépression de l'Afar, également appelée triangle de l'Afar, ou encore Danakil ou Dancalie du nom de sa région septentrionale située sous le niveau de la mer, est une dépression située en Afrique de l'Est. Elle est la manifestation d'une jonction triple formée par le rift est-africain au sud-ouest, la mer Rouge au nord et le golfe d'Aden à l'est[1],[2]. La partie nord de la dépression Afar est connue sous le nom de dépression de Danakil ou de dépression de Dancalie. La région est le lieu de découvertes paléontologiques importantes.

Géographie[modifier | modifier le code]

Rivages du lac Assal à Djibouti.

Situation[modifier | modifier le code]

D'une superficie approximative de 4 000 km2 (100 × 40 km) pour sa partie sous le niveau global des océans, la dépression de l'Afar est majoritairement située dans l'est de l'Éthiopie mais couvre aussi le centre de l'Érythrée, le sud de Djibouti et l'extrême nord-ouest de la Somalie[2].

Topographie[modifier | modifier le code]

Atteignant 155 mètres sous le niveau de la mer au lac Assal et bordée par des montagnes et des falaises culminant à plus de 4 000 mètres d'altitude, la dépression de l'Afar se présente sous la forme d'un large effondrement triangulaire dont l'altitude diminue en allant vers le nord et l'est[Note 1]. Elle est connectée à la vallée du Grand Rift au sud-est, au golfe d'Aden via le golfe de Tadjourah à l'est et à la mer Rouge au nord[1],[2].

Le plus grand cours d'eau de la dépression est l'Awash qui prend sa source dans les plateaux éthiopiens, coule vers le nord et forme une série de lacs salés dont le lac Abbe, le plus grand de la région[1].

Cadre géologique[modifier | modifier le code]

Carte géologique de la dépression de l'Afar, structure approximativement triangulaire encaissée entre les hauts plateaux éthiopiens.
Image satellite de la dépression de l'Afar et de ses environs.

Cette dépression produite par les forces tectoniques qui déchirent la corne de l'Afrique, constitue un graben triangulaire encadré au nord-est par le bloc Danakil et à l'ouest et au sud par les plateaux d'Éthiopie qui constituent des trapps[1]. De son centre rayonnent trois grandes zones de distension de la croûte terrestre[Note 2] : un rift partant vers le sud-sud-ouest et constituant la vallée du Grand Rift, un rift se prolongeant par une dorsale dans le golfe d'Aden via le golfe de Tadjourah à l'est et un troisième rift se prolongeant par une autre dorsale dans la mer Rouge au nord[2]. Cette configuration tectonique fait que le bloc Danakil, un horst situé dans le nord de Djibouti et le sud de l'Érythrée, fait partie non pas de la plaque africaine mais de la plaque arabique et s'éloigne du reste de l'Afrique en restant soudé à l'Arabie, au large du Yémen[2]. Cette région est l'un des deux seuls endroits du monde avec l'Islande, où l'on peut observer un rift émergé[3],[4].

Il y a 40 Ma[5], la remontée active du manteau asthénosphérique, qui correspond à un panache mantellique venant s'écraser à la base de la lithosphère[Note 3], à l'aplomb de la région de l'Afar, est à l'origine du magmatisme, de l'extension, et de la dépression centrale due à la subsidence tectonique[6]. Cette remontée est associée à un volcanisme fissural de point chaud qui engendre il y a 30 Ma une épaisse série de trapps (trapps éthiopiens et trapps du Yémen). Cette série accumulée sur 2 500 m d'épaisseur et sur une superficie de 500 000 km2 (à peu près la superficie de la France), « précède l'effondrement, qui est à son tour suivi par l'émission de plusieurs séquences de coulées basaltiques très volumineuses (trapps du Dalha, 8–4 Ma ; basaltes stratoïdes de l'Afar, 3–1 Ma)[Note 4] et l'édification de très grands volcans centraux dans l'axe du système de rifts (Erta Ale, Oldoinyo Lengai) et sur ses marges (mont Kenya, Kilimandjaro)[7] ».

La zone est sismiquement active avec la présence de failles normales occasionnant des tremblements de terre de relativement faible ampleur. En revanche, le volcanisme y est très actif avec la présence de très nombreux volcans rouges émettant des laves fluides, généralement basaltiques, au cours d'éruptions effusives dont l'Erta Ale – qui contient de manière plus ou moins permanente un lac de lave[8] –, le Dallol et ses concrétions et sources chaudes[9], et l'Ardoukôba, dont la première et dernière éruption remonte à 1978[10].

Les « chaines volcaniques axiales » de l'Afar sont de type « océaniques » (au plan tectonique et magmatique) et assurent le relais entre les vallées axiales de la mer Rouge et celles du golfe d'Aden, de sorte que la frontière des plaques entre l'Afrique et l'Arabie ne passe pas « en mer » par le détroit de Bab-el-Mandeb, mais à terre à travers l'Afar. La nature de la tectonique et du volcanisme de l'Afar se distingue ainsi de celle du rift africain, qui reste un « rift continental » n'ayant pas donné lieu à la génération de croûte océanique nouvelle.

Climat[modifier | modifier le code]

La dépression de l'Afar est une des zones les plus chaudes, les plus arides et les plus stériles du globe. Les précipitations moyennes annuelles y sont très faibles et les températures moyennes très élevées, ce qui fait de cette région un désert, le désert Danakil. De plus, les sols sont relativement pauvres, surtout dans les parties basses de la dépression et dans les zones volcaniques, en raison de la présence de lave et d'eau de mer qui s'infiltre et s'évapore en laissant des dépôts de sels.

Site paléontologique[modifier | modifier le code]

Les eaux de ruissellement en provenance des hauts plateaux et les sources hydrothermales consécutives aux éruptions volcaniques, ont contribué à la formation de nombreux lacs dans la vallée du Grand Rift et l'Afar, favorisant une faune de bord de lac venant s'abreuver. Ce milieu de sédimentation rapide facilite la fossilisation et les couches de basalte marquant chaque éruption volcanique, permettent de dater ces fossiles. « Les couches de sédiments accumulées depuis plusieurs millions d’années ont constitué un « piège à fossiles » très efficace, que les mouvements tectoniques ont ensuite basculé par endroits, amenant en surface des ossements qui, sans cela, n’auraient probablement jamais été découvert », ce qui fait de ce rift « un terrain de chasse rêvé pour les paléontologues[11] ». Le grand nombre de sites fossilifères dans la région témoigne de crues qui auraient charrié de nombreux cadavres avant de les recouvrir de sédiments, expliquant la concentration de fossiles en un même site[12]. Au sein du rift, l'Afar reste une région d’intérêt majeur pour les paléontologues travaillant sur l’évolution des hominidés. De nombreux fossiles y ont été découverts, dont des spécimens d'Ardipithecus ramidus et d'Ardipithecus kadabba ; le crâne d'hominidé appelé crâne de Gawis (en) ; des outils en pierre parmi les plus anciens du monde. Hadar, le site de Lucy, spécimen fossilisé d'Australopithecus afarensis, et Dikika, le site de l'enfant fossilisé Selam, un hominine également de l'espèce Australopithecus afarensis, se trouvent dans la dépression de l'Afar[13].

Volcanologie[modifier | modifier le code]

La dépression de l'Afar est étudiée par Haroun Tazieff dès la fin des années 1960 et il en sort un ouvrage intitulé L'Odeur du soufre et sous-titré Expéditions en Afar.

Histoire[modifier | modifier le code]

Chamelier au-dessus du lac Assal à Djibouti.

Les différences environnementales entre les hauts plateaux éthiopiens et la dépression « définissent approximativement une frontière traditionnelle économique, politique et culturelle entre deux mondes que tout semble séparer : l’Abyssinie agraire, sédentarisée, étatisée, christianisée ; l’Afar pastoral, nomade[Note 5], clanique, islamisé[14] ».

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Carte topographique et structurale de la dépression de l'Afar, tirée de (en) Ian D. Bastow, Adam D. Booth, Giacomo Corti, Derek Keir, Craig Magee, Christopher A.-L. Jackson, John Warren, Jason Wilkinson, Matteo Lascialfari, « The Development of Late-Stage Continental Breakup: Seismic Reflection and Borehole Evidence from the Danakil Depression, Ethiopia », Tectonics, vol. 37, no 9,‎ , p. 2848-2862 (DOI 10.1029/2017TC004798).
  2. Carte topographique, déduite d'un modèle numérique de terrain, tirée de (en) Paolo Billi, Landscapes and Landforms of Ethiopia, Springer, , p. 215. Légende : AA Aleyu– Amoissa ; Ado Ado Ale; AnBF Ankober border fault ; BG Borkena graben; Bo Borama; D Dabbahu ; Da Dallol ; De Der'Ela graben ; DG Dobi graben; EAR Erta Ale range; GG Gaddale graben; HG Hanle graben; IG Immino graben; MH Manda–Hararo ; MI Manda-Inakir rift; TG Tendaho graben.
  3. D'un diamètre initial de 700 km, ce panache se serait développé au contact de la lithosphère continentale pour atteindre près de 1 500 km de diamètre entre 30 Ma et 20 Ma, et déplacé avec la plaque arabo-africaine depuis au moins 20 Ma. Il est actuellement centré sous le lac Abbe. Il induit le réchauffement de la lithosphère, produisant un halo thermique d'environ 500 km. Cf Jean-Renaud Boisserie, « Évolutions tectonique, environnementale et humaine dans le triangle afar », Annales d'Éthiopie, vol. 25, no 1,‎ , p. 119 (DOI 10.3406/ethio.2010.1410).
  4. Carte structurale de la dépression de l'Afar et tableau résumant les principales phases tectoniques qui ont structuré l'Afar central, tirée de (en) Martin Stab, Nicolas Bellahsen, Raphaël Pik, Xavier Quidelleur, « Modes of rifting in magma-rich settings: Tectono-magmatic evolution of Central Afar », Tectonics, vol. 35, no 1,‎ , p. 2-38 (DOI 10.1002/2015TC003893).
  5. Malgré le caractère inhospitalier de son climat, la dépression de l'Afar est habitée, notamment par les Afars, des pasteurs semi-nomades.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d (en) Volcano World.
  2. a b c d et e (en) USGS - Maps of Alid volcanic center.
  3. « Il y aurait bien un point chaud sous l'Islande », sur Futura-Sciences.
  4. « La naissance d'un océan, la dépression de l'Afar », sur ens-lyon.fr (consulté le ).
  5. (en) Thomas Redfield, W.H. Wheeler, Morten Often, « A kinematic model for the development of the Afar Depression and its paleogeographic implications », Earth and Planetary Science Letters, vol. 216, no 3,‎ , p. 383-398 (DOI 10.1016/S0012-821X(03)00488-6).
  6. (en) Alebachew Beyene, Mohamed G.Abdelsalam, « Tectonics of the Afar Depression: A review and synthesis », Journal of African Earth Sciencesl, vol. 41, nos 1–2,‎ , p. 41-59 (DOI 10.1016/j.jafrearsci.2005.03.003).
  7. Gilles Chazot, René Charles Maury, Jean-François Lénat, Arnaud Agranier, Olivier Roche, Volcanologie, De Boeck Supérieur, , p. 79.
  8. (en) Global Volcanism Program - Erta Ale.
  9. (en) Global Volcanism program - Dallol.
  10. (en) Global Volcanism Program - Ardoukôba.
  11. Jean-Paul Dufour, « Abel, l'australopithèque découvert au Tchad, secoue l'arbre généalogique de l'humanité », sur lemonde.fr, .
  12. Alain Beauvilain, Pages d'histoire naturelle de la terre Tchadienne, Centre national d'appui à la recherche, , p. 14.
  13. Jamie Shreeve, « The Evolutionary Road », National Geographic Society, Washington, D.C.,‎ (ISSN 0027-9358, lire en ligne, consulté le )
  14. Jean-Renaud Boisserie, op. cit., p. 117

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Jacques Varet, Geology of Afar (East Africa), Springer International Publishing, , 336 p. (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]