Diffamation

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Le klapperstein : la « pierre des bavards », un exemple célèbre d'ancien supplice réservé aux personnes reconnues coupables de diffamation dans l'ancienne République de Mulhouse.
La Vie Illustrée du 25 juillet 1902. Mme Camille du Gast devant le tribunal

La diffamation est un concept juridique désignant le fait de tenir des propos portant atteinte à l'honneur d'une personne physique ou morale. Dans certains pays[1], il ne peut y avoir de diffamation que si l'accusation s'appuie sur des contrevérités (ce n'est pas le cas en France, bien que l'exception de vérité puisse être utilisée comme un moyen de défense). Ce type d'infraction existe depuis le droit romain. Le délit de diffamation peut être rapproché du droit à la vie privée, qui est équilibré avec le respect du droit à la liberté d'expression. Les gouvernements qui abusent des procédures de diffamation sont accusés de manier celle-ci comme moyen de censure.

Droit international

L'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 édicte:

  1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
  2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

Droit suisse

En Suisse, la calomnie est punie d'une peine de prison de trois ans au plus, ou d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au moins, selon l'article 174 alinéa 2 du Code pénal suisse (CPS ; RS/CH 311.0). Il y a une calomnie quand le calomniateur, connaissant la fausseté de ses allégations et, délibérément, cherche à ruiner la réputation de sa victime (voir articles 174 alinéa 1 et 174 alinéa 2 CPS)[2].

D’autre part, la diffamation est punie au plus par une peine pécuniaire de 180 jours-amende (article 173 alinéa 1 CPS)[3]. S'il s'agit d'une personne morte ou absente, la prescription s'opère après trente ans[4].

Droit belge

En Belgique, les « atteintes portées à l'honneur » sont prévues dans le Chapitre V du Code pénal, articles 443 à 453-bis. Quelqu'un « est coupable de calomnie lorsque la loi admet la preuve du fait imputé, et de diffamation lorsque la loi n'admet pas cette preuve » (article 443). La peine est d'emprisonnement de huit jours à un an et en plus d'une amende (article 444). La dénonciation calomnieuse est punie avec un emprisonnement de quinze jours à six mois et une amende (article 445).

Dans tous les cas prévus par le chapitre V, le minimum des peines peut être doublé (article 453-bis), « lorsqu'un des mobiles du délit est la haine, le mépris ou l'hostilité à l'égard d'une personne en raison de sa prétendue race, de sa couleur de peau, de son ascendance, de son origine nationale ou ethnique, de sa nationalité, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son état civil, de sa naissance, de son âge, de sa fortune, de sa conviction religieuse ou philosophique, de son état de santé actuel ou futur, d'un handicap, de sa langue, de sa conviction politique, d'une caractéristique physique ou génétique ou de son origine sociale »[5].

Droit canadien

Au Canada, deux infractions criminelles concernent la diffamation: la publication d'un libelle diffamatoire[6] et la publication d'un libelle diffamatoire sachant qu'il est faux[7]. Les peines sont respectivement un emprisonnement maximal de deux ans et un emprisonnement maximal de cinq ans. Le libelle diffamatoire se définit comme « une matière publiée sans justification ni excuse légitime et de nature à nuire à la réputation de quelqu’un en l’exposant à la haine, au mépris ou au ridicule, ou destinée à outrager la personne contre qui elle est publiée »[8]. L'accusé peut opposer comme défense que la publication de la matière diffamatoire a été faite pour le bien public et que celle-ci était vraie[9]. Toutefois, les articles du code criminel relatifs à la diffamation ne sont plus appliqués par les procureurs de la Couronne qui préfèrent laisser les tribunaux civils trancher les questions de diffamation..[citation nécessaire]

Droit québécois

Le droit à la réputation étant protégé par la Charte des droits et libertés de la personne[10], la diffamation est une faute engageant la responsabilité civile. La nature diffamatoire des propos s’analyse selon un point de vue objectif: il faut « se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d’un tiers »[11]. La véracité des propos et l'intérêt public de ceux-ci ne permet pas à l'auteur de s'exonérer de toute responsabilité, à la différence du tort of defamation de common law[12].

Droit américain

Aux États-Unis, des lois dites « false light (en) laws » répriment le fait de présenter une personne de façon fallacieuse[13]. Ces lois sont limitées par la liberté d'expression, en particulier depuis New York Times Co. v. Sullivan (en), une décision de 1964 de la Cour suprême. La jurisprudence américaine a dès 1804-1805 pris en compte ces impératifs lors du procès opposant le journaliste Harry Croswell au président américain Thomas Jefferson[14]. Alexander Hamilton, l'avocat du journaliste, avait plaidé avec succès devant la Cour suprême de l'État de New York, alors la juridiction américaine la plus importante en la matière, que le journaliste devait échapper aux poursuites en raison de la bonne foi de ses écrits, qui devait elle-même être appréciée par un jury[15].

Droit britannique

En droit britannique, la charge de la preuve revient à l'accusé, si bien que les tribunaux y acceptent largement les plaintes pour diffamation. Il en résulte une inflation des procès, du fait de la compétence des tribunaux anglais pour tout contenu accessible depuis le Royaume-Uni, soit tout l'internet anglophone[réf. nécessaire]. Cette bizarrerie juridique a transformé Londres en capitale du 'tourisme de la diffamation' (libel tourism)[16], où des Islandais, par exemple, peuvent attaquer d'autres Islandais pour des textes postés sur internet[17].

Le Libel Act de 1843 a introduit très tôt d'importantes modifications pour assurer la liberté de la presse, après des campagnes menées en ce sens en Angleterre[18], afin de prendre en compte certaines nécessités de l'Intérêt général[19] et la bonne foi éventuelle du journaliste.

Droit français

En France, la diffamation est distincte de l'injure.

La diffamation sur Internet

Aux États-Unis, la diffamation sur Internet peut amener à des actions en justice contre la personne, physique ou morale, propriétaire de l'ordinateur ayant effectué la modification[20].

Références

  1. Ce n'était pas le cas, au Royaume-Uni, avant le Libel Act de 1843. Ce n'est pas non plus le cas en France, où toutefois l'exception de vérité peut être utilisée comme un moyen de défense
  2. Code pénal suisse – Calomnie (article 174)
  3. Code pénal suisse – Diffamation (article 173)
  4. Code pénal suisse - Diffamation et calomnie contre un mort ou un absent (article 175)
  5. Code pénal belge – Atteintes portées à l’honneur (voir articles 443 à 453-bis)
  6. Code criminel, L.R., 1985, c. C-46, art. 301
  7. Code criminel, L.R., 1985, c. C-46, art. 300
  8. Code criminel, L.R., 1985, c. C-46, art. 298 (1)
  9. Code criminel, L.R., 1985, c. C-46, art. 311
  10. Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12, art. 4
  11. Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 R.C.S. 663, ¶ 34
  12. Gilles E. Néron Communication Marketing inc. c. Chambre des notaires du Québec, [2004] 3 R.C.S. 95, ¶ 60
  13. (en-US) « False Light Law and Legal Definition », USLegal.com (consulté le )
  14. Selon le professeur de droit américain Walter Berns.
  15. Arkes 2014, p. 44
  16. Article 19, Freedom House, « LIBEL TOURISM—A GROWING THREAT TO FREE SPEECH »,
  17. Jon Ungoed-Thomas et Michael Gillard, « Libel tourists flock to 'easy' UK courts », The Sunday Times,
  18. "Provincial Newspaper Society, 1836-1886: A Jubilee Retrospect" 1886
  19. Ingelhart 1987, p. 187
  20. Une nouvelle affaire de diffamation sur Wikipédia, Infos du net, 26 février 2007.

Bibliographie

  • (en) Louis Edward Ingelhart, Press Freedoms : A Descriptive Calendar of Concepts, Interpretations, Events, and Court Actions, from 4000 BC to the Present, Greenwood Publishing Group, , 430 p. (ISBN 0-313-25636-5, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Murray Dry, Civil Peace and the Quest for Truth : The First Amendment Freedoms in Political Philosophy and American Constitutionalism, Lexington Books, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Hadley Arkes, The Philosopher in the City : The Moral Dimensions of Urban Politics, Princeton University Press, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Voir aussi

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Articles connexes