D'où viens-tu Johnny ? (film)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

D'où viens-tu Johnny ?

Réalisation Noël Howard
Scénario Yvan Audouard
Noël Howard
Christian Plume
Musique Eddie Vartan
Johnny Hallyday
Jean-Jacques Debout[1]
Acteurs principaux
Sociétés de production Hoche Productions
Société nouvelle de cinématographie
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Comédie dramatique
comédie musicale
Durée 99 minutes[2]
Sortie 1963

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

D'où viens-tu Johnny ? est un film français réalisé par Noël Howard, sorti en 1963.

Western à la française, dans une Camargue tenant lieu de Far West, avec des gardians faisant office de cow-boys et des Gitans en guise de Mexicains, le film met en vedette Johnny Hallyday dans un rôle comme en offre Hollywood à la même époque à Elvis Presley, à savoir un scénario convenu prétexte à glisser çà et là quelques chansons. Johnny chanteur-acteur en interprète trois en solo et une en duo avec Sylvie Vartan.

Synopsis[modifier | modifier le code]

Johnny Rivière est un jeune Parisien au cœur pur, passionné de rock 'n' roll. Le sous-sol d'un bar lui sert de salle de répétition, à lui et à ses musiciens, en échange de menus services qu'il rend au patron, M. Franck. Lorsqu'il comprend qu'il est manipulé par des truands, il se révolte et jette à la Seine un chargement de drogue qu'il était chargé de convoyer à son insu. Menacé de mort, il part se réfugier auprès des siens en Camargue, bientôt rejoint par sa fiancée Gigi mais aussi traqué par les malfrats qui se sont lancés à ses trousses. D'où bagarres, chevauchées, amour et chansons… et inévitable dénouement heureux.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Accueil[modifier | modifier le code]

La postérité a été sévère avec ce film[3], mais il a bénéficié en son temps d'une certaine indulgence. Dans Le Monde, Jean de Baroncelli note que « le film s'adresse aux lecteurs de Tintin autant qu'à ceux de Salut les copains. Johnny, c'est un peu Tintin qui aurait grandi et qui ne se couperait plus les cheveux. Chez l'un et chez l'autre la gentillesse, l'honnêteté morale, l'astuce et l'esprit d'aventure sont les mêmes »[4].

De même, il s'est dit plus tard que le film n'avait pas fait un succès d'entrées[5]. En fait, les chiffres du box office pour les films sortis en France en 1963 indiquent que D'où viens-tu Johnny ? a été un des plus gros succès de l'année, arrivant en 10e position avec 2 785 185 entrées[réf. nécessaire].

Signification historique[modifier | modifier le code]

D'où viens-tu Johnny revêt une certaine importance en tant que jalon culturel dans l'histoire des années 1960. Alors que les films mettant auparavant en scène des bandes de jeunes opposaient leurs pulsions délinquantes à la passivité d'adultes dépassés (Avant le déluge, L'Équipée sauvage, La Fureur de vivre, Les Demi-sel, Les Tricheurs, Terrain vagueetc.), D'où viens-tu Johnny renverse la perspective : les jeunes rockers sont les « bons », tandis que les « méchants » sont tous des quadragénaires hypocrites et pervers.[réf. nécessaire]

Rectification et récupération d'image[modifier | modifier le code]

Dans le film, le personnage Johnny Rivière cogne quand il lui faut se battre, mais toujours pour la bonne cause. Le sociologue et historien Yves Santamaria observe que « cet enrôlement dans le camp de la juste violence » est au cœur d'un « processus de rectification de l'image de Johnny » (Hallyday), rendu nécessaire par l'énorme croissance du marché de la musique yéyé, et d'autant plus urgent que les incidents de la célèbre « Folle nuit de la Nation » () surviennent en plein tournage du film et risquent de rejeter définitivement le rock dans le camp des blousons noirs honnis. Le quotidien conservateur L'Aurore annonce lors du lancement du tournage que le chanteur incarnera « un blouson noir gentil »[6].

Lors de l'avant-première (à l'Olympia de Paris[7]), le , le film est projeté en présence de plusieurs ministres dont celui des Anciens Combattants, Jean Sainteny, qui préside l'événement et le programme de la soirée est vendu au profit des œuvres sociales des anciens combattants[8]. Présence qui scelle la réconciliation après l'incident de Trouville-sur-Mer, du , où Johnny Hallyday en concert en ce jour de fête nationale chante La Marseillaise, ce qui lui fut reproché par les anciens combattants qui l'accusèrent de l'avoir « interprétée en rock »[9]. En fait tout cela s'inscrit dans un processus beaucoup plus large de la part de l'autorité militaire, qui souhaite redorer son image, mise à mal avec la guerre d'Algérie, auprès de la jeunesse, en utilisant celle des « idoles » désormais en âge d'effectuer leur service militaire[10],[11]. C'est ainsi que les Chaussettes noires, durant leur conscription, se voient imposer des galas de bienfaisance, au grand dam d'Eddy Mitchell[12], et que, quelques mois plus tard, le « soldat Smet » est autorisé à poursuivre ses enregistrements à la condition qu'il apparaisse sur les pochettes de disques en tenue militaire[13].

Ce jour de première est aussi celui où Sylvie Vartan et Johnny Hallyday, au cours du journal de midi de Jacques Paoli sur Europe 1[14], annoncent qu'ils sont « presque fiancés »[15]. Jean-Louis Bory déplore dans L'Express que « le twist se range du côté de la famille et de la patrie »[16].

Dès , la revue Communications (dirigée par Edgar Morin) livre une analyse, signée de Christian Hermelin[17], de ce « processus de rectification », décrit comme conséquence du nouveau statut des stars du « yéyé », devenues des demi-dieux inaccessibles, des « idoles », mais qui en même temps se présentent comme les « copains » de leur public qui les érige en modèles.

C'est ainsi qu'on assiste « à une moralisation progressive. Il y a loin du Hallyday blouson noir ou assimilé[N 2] d'une époque, au personnage d'aujourd'hui faisant sagement son service militaire [...] D'ailleurs les chanteurs qui refusent d'entrer dans le jeu d'une morale conformiste sont exclus : ainsi Vince Taylor ». Toujours selon l'auteur, deux facteurs sont à l'œuvre dans ce processus : la pression du monde adulte (et corrélativement la volonté de se faire admettre par lui), mais aussi « la poussée d'un public qui cherche à sanctifier ses modèles [...] sanctification qui se fait dans le sens d'un conformisme "petit bourgeois" ».

Musique du film et discographie[modifier | modifier le code]

Concomitamment au film, sort chez Philips un super 45 tours de Johnny Hallyday comportant les quatre chansons du film, Pour moi la vie va commencer, Ma guitare, Rien n'a changé, ainsi que la version solo de À plein cœur[18],[19].

Un 33 tours 25 cm nommé D'où viens-tu Johnny ? est également publié, proposant en plus des chansons la bande originale écrite par Eddie Vartan[20],[21]. Ces disques se trouvent être les tout premiers de Johnny Hallyday entièrement faits de compositions originales, sans aucune reprise.

La version de À plein cœur chantée en duo par Johnny Hallyday et Sylvie Vartan est demeurée inédite en support audio durant 51 ans[N 3].

En prévision de la diffusion du film à l'étranger, les chansons Pour moi la vie va commencer et Ma guitare sont également enregistrées dans des versions anglaise, allemande et italienne[22].

Autour du film[modifier | modifier le code]

  • Au début du film Johnny pilote un deux roues qu'il appelle « ma moto » mais est en fait un Paloma Super-Strada Flash 50 cm3, le « nec plus ultra » des cyclomoteurs de l'époque. Du coup, le constructeur (les Établissements Cazenave à Belin, Gironde) a sorti peu après une version « Spécial Johnny » de ce modèle. Dans la suite du film on voit des publicités Paloma dans les arènes pendant la course de taureaux.
  • Le film est (à l'époque) interdit en Algérie[22].
  • C'est en accompagnant son père venu donner la réplique à Johnny Hallyday sur ce tournage que l'adolescent Michel Sardou, vivement impressionné par le chanteur qu'il harcela aussitôt de chansons de sa propre composition, s'est subitement découvert une vocation de chanteur sans aucune forme de prédisposition[23][source insuffisante].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le premier quart-d'heure du film, qui se passe à Paris, est en noir et blanc. Puis vient le générique, la scène se transpose en Camargue, et la couleur survient en même temps que l'accent du Midi.
  2. « Assimilé » est bien le juste mot, car à cette époque, Johnny Hallyday ne porte pas à la scène de blouson noir ; ce qu'il fera pour la première fois en 1967, lors de son passage au Palais des sports de Paris à l'occasion d'un Musicorama (uniquement à l'occasion du second rappel). Source : http://www.tenues-johnny.fr/67_pds/palais-des-sports-67.html / consulté le 30 août 2016.
  3. En 2014, une réédition en CD, distribuée de façon très confidentielle, de l'album D'où viens-tu Johnny, inclus pour la première fois le duo / Source : http://www.hallyday.com/Son/Disco/disco14.html / consulté le 23 août 2016. En 2016, la version duo de À plein cœur sort (toujours aussi confidentiellement), en CD deux titres / source : http://www.hallyday.com/Son/Disco/2016/2016-01sppicculturefactory091005apleincoeurjohnnyetsylvieb.html / consulté le 23 août 2016.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Histoire du cinéma français : encyclopédie des films 1961-1965, p. 265, Maurice Bessy, Raymond Chirat, André Bernard, éd. Pygmalion Gérard Watelet
  2. « D'où viens-tu Johnny ? », sur Allociné (consulté le )
  3. Pierre-Yves Le Priol, « Superbe navet sur fond de twist et de chevaux camarguais », sur La Croix, (consulté le ) : « Superbe navet sur fond de twist et de chevaux camarguais »
  4. Le Monde, 4 novembre 1963
  5. Par exemple, Bernard Violet affirme par erreur que D'où viens-tu Johnny ? a été un « échec commercial cuisant », Johnny Hallyday pour les nuls, EDI8, , p. 101
  6. L'Aurore, 20 avril 1963
  7. Livret Johnny Hallyday Single collection l'intégrale des 45T et CD singles de 1960 à 2006, conception-réalisation : Jean-Yves Billet, Jean-Christophe Casalonga, texte Jean-François Brieu, p. 78, Édition Universal Mercury, 2006.
  8. « ARMISTICE AVEC L'IDOLE », Le Monde, (consulté le )
  9. François Jouffa, Johnny story, , p. 68 :

    « Le 14 juillet, Johnny chante la Marseillaise à Trouville, une Marseillaise même pas accélérée, ce qui n'empêche pas des associations d'anciens combattants de hurler d'horreur. Et un mois plus tard, Annecy fait des difficultés au chanteur qui est étonné que l'on s'acharne contre lui, alors qu'il a décidé de donner un concert au profit des anciens combattants précisément dans cette ville. »

  10. François Jouffa, Johnny story, , p. 74 :

    « C'est plus qu'un événement du show business, ce service militaire de Johnny. L'Armée française, deux ans après les accords d'Évian et la fin de la guerre d'Algérie, a besoin de redorer son blason auprès des jeunes. »

  11. Rémi Bouet, Johnny Hallyday mille et… une vie, Sala éditions, , p. 49 :

    « Le , au sommet de sa popularité, il rejoint le 43e régiment blindé d'infanterie de marine en garnison à Offenbourg. Terni par la débâcle algérienne, le blason de l'armée française sera, on ne peut mieux porté par Johnny Hallyday […]. En effet l'armée utilisera son image pour ses compagnes de promotion du service militaire […] »

  12. Daniel Lesueur, Eddy Mitchell discographie et cotations, Éditions alternatives, , p. 37 :

    « Bidasses ou ex-bidasses, les Chaussettes [...], entament une tournée aux armées, en Algérie. […] Un geste visiblement apprécié dans les hautes sphères. […] Pourtant Eddy reconnaîtra, en 1967, qu'il a dû se plier à la volonté de l'administration militaire : « Quand ils se sont aperçus qu'ils pouvaient gagner de l'argent avec nous, ils nous ont fait passer à l'Olympia. Je leur ai dit que je n'avais pas du tout envie de passer à l'Olympia et de donner la moitié de mon cachet au profit des œuvres pour l'armée. [...] Ils m'ont répondu : on ne peut pas vous avoir pour le moment, mais vos petits copains, les Chaussettes noires, on peut les envoyer au fin fond de l'Allemagne et vous ne serez pas près de faire des disques. Alors j'ai marché dans leur combine. » (Entretien dans le magazine no 7 de Rock & Folk, mai 1967) »

  13. Rémi Bouet, Johnny Hallyday mille et… une vie, Sala éditions, , p. 59 :

    « Johnny est contraint de poser en militaire sur les pochettes, condition sine qua non pour continuer à publier des disques […] »

  14. Bernard Violet, Johnny & Sylvie, Éditions Alphée-Jean-Paul Bertrand, , p. 106
  15. François Jouffa, Johnny Story, , p. 69
  16. Yves Santamaria, Johnny, sociologie d'un rocker, Paris, La Découverte,
  17. Christian Hermelin, « L'interprète-modèle et "Salut les Copains" », Communications, no 6,‎ , p. 43-53 (lire en ligne, consulté le )
  18. http://www.encyclopedisque.fr/disque/7639.html / consulté le 13 mars 2021.
  19. Daniel Lesueur, L'argus Johnny Hallyday discographie mondiale et cotations, 2003, Éditions Alternatives, page 62, citation : « 10 octobre : parution du super 45T extrait du film D'où viens-tu Johnny ? comprenant les chansons Pour moi la vie va commencer, Ma guitare, À plein cœur, Rien n'a changé. »
  20. https://www.discogs.com/fr/Johnny-Hallyday-DO%C3%B9-Viens-Tu-Johnny-Bande-Originale-Du-Film/release/3214998 / consulté le 13 mars 2021.
  21. Daniel Lesueur, L'argus Johnny Hallyday discographie mondiale et cotations, 2003, Éditions Alternatives, pages 62, 63, citation : « Octobre : parution du 33T 25cm tiré du film D'où viens-tu Johnny ? (Philips 76245 R) comprenant les chansons [...], ainsi que les thèmes instrumentaux. »
  22. a et b Daniel Lesueur, L'Argus Johnny Hallyday discographie mondiale et cotations, p. 62, Éditions Alternatives, 2003.
  23. Jackie Sardou, Hé, la petite grosse !, Plon, 1987.

Liens externes[modifier | modifier le code]