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Déserteurs de l'armée française durant la guerre d'Algérie

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Les déserteurs de l’armée française durant la guerre d'Algérie, souvent désignés sous l'acronyme DAF, sont des engagés dans l'Armée française qui décidèrent pendant la guerre d'Algérie de déserter pour rallier l'Armée de libération nationale (ALN).

Origines des désertions

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L'historienne Saphia Arezki donne deux raisons principales à ces désertions au sein de l'armée française. D'une part les conséquences de l'affaire des officiers algériens et d'autre part la volonté du FLN de pousser les militaires issus des « Français de souche nord-africaine » à rejoindre l'Armée de libération nationale (ALN)[1].

L'affaire des officiers algériens commence en 1957 avec une lettre d'Abdelkader Rahmani, signée par 52 officiers d'origine algérienne et adressée au président René Coty. Ils y exposent leur dilemme d'aller combattre en Algérie. Leur demande reste sans réponse. Il s'ensuit des projets de désertions collectives. Découverts, plusieurs militaires d'origine algériennes sont emprisonnés. Par la suite plusieurs signataires réussissent à rejoindre les rangs de l'ALN[2],[3].

Les militaires d'origine algérienne dans l'armée française sont alors en Allemagne ou dans le nord de la France sans participer effectivement à la guerre d'algérie[4]. En , le Front de libération nationale (FLN) met en place à Bonn en Allemagne une organisation dont l'objectif est d'inciter les militaires français de souche nord-africaine, en garnison, à déserter pour rejoindre l'Armée de libération nationale (Algérie) (ALN). Ils pourront conserver leur grade acquis au sein de l'armée française et une belle carrière est promise au sein de l'ALN puis dans la nouvelle armée algérienne après l'indépendance[5].

Mais certains désertent de leur propre initiative. C'est le cas de Saïd Aït Messaoudène formé par l'école de l'air de Salon-de-Provence, il déserte en puis il dirige plusieurs missions dont celle de formation en Chine et en URSS. Il sera à la tête de l'aviation algérienne en 1962 [6].

Après leur désertion, ils sont tous condamnés par des tribunaux militaires français.

Rôle dans l'ALN

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L'époque de désertion influe sur la pêrception qu'on d'eux les combattants algériens, c'est pouquoi la loyauté des déserteurs « tardifs » est souvent questionnée[7],[1].

Près de 500 déserteurs, au total[8],[N 1], auraient rallié les rangs de l'ALN jusqu’à 1961, provenant de divers corps de troupes de l'armée française, certains d'entre eux étaient des saint-cyriens, voire des aviateurs de l'école de l'air de Salon-de-Provence. Ils ont connu une promotion rapide au sein de l'ALN, ils mettaient la technique professionnelle militaire au-dessus du politique[réf. nécessaire]. Ils entendaient bien trouver dans une Algérie indépendante des avantages de carrière supérieurs à ceux qu'ils avaient laissés en quittant l'armée française[réf. nécessaire].

En revanche, peu avant la fin de la guerre d'indépendance, c'est-à-dire à partir de 1960, d'autres ralliements d'une autre catégorie d'Algériens très limitée en nombre (fraîchement promus aux grades de sous-lieutenant, lieutenant et capitaine) ont été préparés par les services secrets français sous l'impulsion de Roger Wybot de la Direction de la Surveillance du territoire (DST) pour infiltrer l'ALN. Le général de Gaulle[9] aurait encouragé la stratégie de Wybot dans le but de franciser de l'intérieur la future armée du pays indépendant et maintenir l'Algérie sous l’influence française.

Selon la technique conçue par Roger Wybot, ancien agent supérieur du contre-espionnage français au sein du bureau central de renseignements et d'action (BCRA) et l'un des créateurs de la Direction de la Surveillance du territoire (DST), il a joué un rôle capital en infiltrant l'armée de libération nationale (ALN) de l'armée des frontières par ces agents recrutés au sein de la promotion, désignée parfois sous l'appellation de « promotion Lacoste », il leur procure un ascendant sur leurs adversaires au sein de l'ALN et les propulse au sommet de la hiérarchie militaire puis à la tête de la gouvernance de l’Algérie devenue indépendante [7],[10].

Place après l'indépendance

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Souvent désignés par l'acronyme DAF[N 2], ils sont souvent accusés de constituer un groupe dans l’armée, pour protéger les intérêts de la France dans l’Algérie indépendante. L'appartenance à l'armée coloniale est utilisée pour les discréditer, ils sont alors opposés au Moudjahid qui symbolise lui la pureté révolutionnaire[7].

Quatre déserteurs, anciens officiers de l’armée française, Abdellah Belhouchet, Khaled Nezzar, Abdelmalek Guenaizia et Mohamed Lamari, occuperont le poste le plus élevé de l'armée algérienne celui de chef d'État-Major de l'Armée nationale populaire[7].

Abdelhamid Brahimi avance que l'effondrement d'abord de l'Égypte nassérienne, puis de l'Union soviétique, les a conduits peu à peu à se retourner vers le Nord et à renouer avec la France ainsi qu'avec le pluralisme latent de la société algérienne, au moment même, à la fin des années 1980, où se levait la tempête islamiste. Cette conversion a coïncidé avec la montée en puissance, au sein de l'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), d'une forte équipe de généraux et de colonels issus du clan des DAF. Les deux clans, celui des maquisards ou « orientaux » et celui des DAF, se sont souvent affrontés à l'intérieur du sérail, se disputant notamment les postes stratégiques. Chaque président a dû composer avec les deux partis et respecter un équilibre pour l'attribution des postes de commandement[11].

D'après l'homme d'État algérien Abdelhamid Brahimi, ancien premier ministre de Chadli Bendjedid : « Sur les quelques 500 déserteurs, certains étaient sans doute sincèrement déterminés à épouser la cause de leur nouvelle patrie. De la même façon, l'on peut avec certitude affirmer que les quelques dizaines d'entre eux qui ont accaparé le pouvoir en éliminant les vrais patriotes de façon radicale, ont été ceux qui déclencheront décennie noire en 1992 et font obstacle à la démocratie dans le pays » [11].

Déserteurs notables

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Notes et références

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  1. Selon les déclarations de l'ancien ministre de la défense le général Khaled Nezzar il avait avancé le chiffre de 15 000 déserteurs qui ont rejoint l'ALN. Interview réalisé le 12 juillet 2012 par la chaine Anahar TV.
  2. Cette appellation déserteurs de l'armée française comporte une connotation très péjorative qui sous-entend une accusation de trahison. Elle sera reprise par les islamistes qui utiliseront, quant à eux, une autre expression avec un sens tout aussi péjoratif et accusatoire : « Hizb França », qui veut littéralement dire « Le Parti de la France » ou « Clan français » pour certains écrivains journalistes algériens.

Références

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  1. a et b Saphia Arezki 2022, p. 105.
  2. Robert Gauthier, « Le lieutenant Rahmani expose « l'affaire des officiers algériens » », sur Le Monde, (consulté le )
  3. Saphia Arezki 2022, p. 106.
  4. « Au sommet de l'Etat, les déserteurs de l'armée française », sur Le Monde, (consulté le )
  5. Saphia Arezki 2022, p. 107 à 108.
  6. Saphia Arezki 2022, p. 109.
  7. a b c et d Abed Charef, « Khaled Nezzar et les déserteurs de l’armée française : leur pouvoir réel reste une énigme », sur Middle East Eye, (consulté le )
  8. Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN (1954-1962), Fayard, 2002, (ISBN 2-213-61377-X)
  9. Constantin Melnik, De Gaulle, les services secrets et l'Algérie, Nouveau Monde éditions, 2010. (ISBN 978-2-84736-499-6)
  10. Roger Faligot et Pascal Krop : [La Piscine : les services secrets français (1944-1984) Le Seuil, collection L'Épreuve des faits. (ISBN 2-02-008743-X)
  11. a et b Ahbdelhamid Brahimi 2000.

Bibliographie

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Articles connexes

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