Dérivée covariante

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En géométrie différentielle, la dérivée covariante est un outil destiné à définir la dérivée d'un champ de vecteurs sur une variété.

Il n'existe pas de différence entre la dérivée covariante et la connexion, à part la manière dont elles sont introduites.

Dans la théorie des variétés riemanniennes et pseudo-riemanniennes, la dérivée covariante est souvent utilisée pour la connexion de Levi-Civita.

Dans cet article, on définit la dérivée covariante (aussi connue sous le nom de dérivée de tenseur) d'un vecteur au sein d'un champ vectoriel. La dérivée covariante d'un tenseur est une extension de ce concept.

L'ensemble de cet article utilise la convention de sommation d'Einstein pour les tenseurs et les coordonnées covariantes et contravariantes. Le lecteur est supposé avoir des notions concernant les variétés et particulièrement les vecteurs tangents.

Concept général

Une dérivée covariante (aussi écrite ) d'un champ de vecteur u selon la direction v est une fonction définissant un vecteur (aussi écrit ou Dvu) qui dispose des propriétés d'une dérivée, décrites plus bas. Un vecteur est un objet géométrique indépendant du choix de la base. Lorsqu'on fixe un système de coordonnées, cette dérivée se transforme lors d'un changement de base « de la même manière » que le vecteur lui-même (selon une transformation covariante), d'où le nom de la dérivée.

Dans le cas d'un espace euclidien disposant d'un système de coordonnées orthonormées, on peut définir la dérivée d'un champ de vecteur en tant que différence entre deux vecteurs en deux points proches. Dans un tel système il est possible de translater un des vecteurs à l'origine de l'autre, parallèlement à lui-même. On obtient l'exemple le plus simple de dérivée covariante, obtenue en prenant la dérivée des coordonnées.

Dans le cas général, cependant, il est nécessaire de prendre en compte le changement du système de coordonnées. Par exemple, si la même dérivée covariante devait être écrite en coordonnées polaires dans un espace euclidien à deux dimensions, elle devrait contenir un terme supplémentaire décrivant la rotation des coordonnées elles-mêmes. Dans d'autres cas les termes supplémentaires décrivent comme les coordonnées s'étendent, se contractent, se déforment… La dérivée covariante des vecteurs de base permet d'exprimer ce changement (voir les symboles de Christoffel).

En espace courbe, tel que la surface de la Terre, la translation n'est pas définie, et son analogie, le transport parallèle, dépend du chemin le long duquel le vecteur est translaté.

Soit un vecteur e défini sur l'équateur d'une sphère en un point Q et dirigé vers le Nord. Supposons qu'on transporte parallèlement tout d'abord le vecteur le long de l'équateur jusqu'à P, puis (toujours grâce au transport parallèle le long d'un méridien) vers le pôle nord et enfin à nouveau jusqu'au point Q le long d'un autre méridien. On remarque que le transport parallèle de ce vecteur le long d'un circuit fermé ne retourne pas le même vecteur. À la place, il a pris une autre orientation. Ceci ne pourrait arriver dans l'espace euclidien et est causé par la courbure de la surface du globe. Le même effet peut être observé si on déplace le vecteur le long d'une surface infinitésimale. Le changement infinitésimal du vecteur est une mesure de la courbure.

Notes

Les vecteurs u et v dans la définition sont définis en un même point P. De même la dérivée covariante est un vecteur défini en P.

La définition d'une dérivée covariante n'utilise pas la métrique de l'espace. Cependant, une métrique définit de manière unique une dérivée covariante particulière appelée la connexion de Levi-Civita. Celle-ci joue donc un rôle privilégié dans les variétés riemaniennes.

Les propriétés de la dérivée impliquent que dépend du voisinage du point P de la même manière que par exemple la dérivée d'une fonction scalaire le long d'une courbe en un point P dépend du voisinage de P.

L'information sur le voisinage du point P peut être utilisée pour définir au moyen d'une dérivée covariante le transport parallèle d'un vecteur, ainsi que la torsion de la variété en P. De même, dans une variété riemannienne, la courbure de la variété, et les géodésiques peuvent être définies uniquement en termes de dérivée covariante utilisant la connexion de Levi-Civita.

Définition formelle

Fonctions

Pour une fonction et un vecteur tangent v, la dérivée covariante correspond à la dérivée de f dans la direction du vecteur v, généralement notée ou .

Champ de vecteurs

Une dérivée covariante est une fonction qui, à tout champ de vecteurs et , associe un champ de vecteurs , appelé dérivée covariante du champ de vecteurs u dans la direction v, et vérifiant les propriétés suivantes :

  1. L'application est -linéaire, ce qui signifie que pour toute fonction f et g à valeurs réelles définie sur la variété et tout champ de vecteurs , et .
  2. Pour tout , l'application est -linéaire : pour tout réel et et tout champ de vecteurs , et .
  3. obéit aux règles générales de la dérivation concernant le produit du champ par une fonction f, c'est-à-dire , où est définie plus haut.
  4. est le crochet de Lie

Noter que au point P dépend des valeurs de u dans un voisinage de P du fait de la troisième propriété, mais uniquement de la valeur de v en P du fait de la première propriété. Ceci signifie que la dérivée covariante n'est pas un tenseur.

Champ de tenseurs

Une fois que la dérivée covariante est définie pour les champs de vecteurs, elle peut être étendue aux champs tensoriels en utilisant les identités suivantes où et sont deux tenseurs quelconques :

et si et sont deux champs de tenseurs du même ordre alors

La dérivée covariante d'un champ de tenseurs le long d'un vecteur v est à nouveau un champ de tenseur du même type.

Description en coordonnées

Champ de vecteurs

Soit des coordonnées , tout vecteur tangent peut être décrit à l'aide de ses composantes dans la base correspondant aux dérivations par rapport à . La dérivée covariante est un vecteur et peut ainsi être exprimée comme la combinaison linéaire Γkek de tous les vecteurs de base, où Γkek représente chacune des composantes du vecteur (en notation d'Einstein). Pour décrire la dérivée covariante il suffit de décrire celle de chacun des vecteurs de base ej le long de ei.

Les coefficients Γki j sont appelées les symboles de Christoffel. La donnée d'une dérivée covariante définit les coefficients de Christoffel correspondants. Réciproquement, la donnée de coefficients de Christoffel définit la dérivée covariante. En effet, en utilisant ces coefficients pour des vecteurs et on a :

Le premier terme de cette formule décrit la « déformation » du système de coordonnées par rapport à la dérivée covariante, et le second les changements de coordonnées du vecteur u. En particulier

La dérivée covariante est la dérivée selon les coordonnées à laquelle on ajoute des termes correctifs décrivant l'évolution des coordonnées.

Champ de tenseurs

La dérivée covariante d'un tenseur de type (r,s) par rapport à est donnée par l'expression :

Notation

Dans les ouvrages de physique, la dérivée covariante est parfois décrite à l'aide de ses composantes dans les équations.

On note souvent la dérivée covariante à l'aide d'un point-virgule, tandis que la dérivée partielle usuelle est indiquée par une virgule, sur le modèle suivant :

À nouveau, ceci montre que la dérivée covariante d'un champ vectoriel n'est pas simplement obtenue en dérivant les coordonnées , mais dépend aussi du vecteur v lui-même à travers .

Dans d'autres textes plus anciens (incluant l'ouvrage Introduction to General Relativity, Adler, Bazin & Schiffer), la dérivée covariante est notée à l'aide d'une double barre verticale :

Dérivée le long d'une courbe

Du fait que la dérivée covariante dépend uniquement de la valeur de en un point on peut définir la dérivée covariante le long d'une courbe régulière d'une variété :

Dans ce cas le champ tensoriel doit être défini simplement le long de la courbe . Il est préférable de ne pas identifier t au paramètre temps, du moins pour les applications en relativité générale : c'est simplement un paramètre variant continûment et de manière monotone le long de la courbe.

Parfois la dérivée covariante le long d'une courbe est qualifiée d'absolue ou dérivée intrinsèque.

Voir aussi

Bibliographie

  • Claude Semay, Bernard Silvestre-Brac, Introduction au calcul tensoriel, Applications à la physique, Dunod, 2007, (ISBN 978-2-10-050552-4)