Crise politique béninoise de 2019

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La crise politique béninoise de 2019 est une crise politique et sécuritaire faisant suite à la campagne électorale et aux élections législatives de 2019, qui voient l'ensemble de l'opposition exclue du scrutin à la suite de la mise en place d'un code électoral plus restrictif par le gouvernement.

Contexte pré-électoral[modifier | modifier le code]

Réforme du système électoral[modifier | modifier le code]

La préparation de ces élections est marquée par la réforme du système électoral[1] qui entraîne la disparition des partis d’opposition de la course à la législature. Alors que les élections législatives de 2015 avaient vu vingt listes s’affronter, celles de 2019 n’enregistrent que deux listes autorisées à participer[2]. Ces deux listes, celle de l’Union progressiste et celle du Bloc républicain, sont favorables au président Patrice Talon[3],[4].

Appels au report et au boycott des élections[modifier | modifier le code]

À la fin du mois de la Cour africaine des droits de l’homme critique les dérives éloignant le pays de l’État de droit. En , Jean-Baptiste Elias, dirigeant du Front des Organisations Nationales contre la corruption, déclare que «la démocratie risque de tourner en dictature» au Bénin[5]. Alors que la date des élections approche, Thomas Boni Yayi, ancien président de la République, appelle le président Talon à reporter le processus électoral en cours. Il alerte son successeur sur les dangers que représentent la disparition des oppositions durant ce scrutin ainsi que sur “les dérives autoritaires que véhicule le processus électoral”[6]. Des manifestations organisées par l’opposition pour demander le report du scrutin sont dispersées par la police et l’armée[7]. Face au refus de Patrice Talon, l’ancien président Thomas Boni Yayi, à l’instar d’une grande partie de l’opposition, appelle à boycotter les élections[8],[9]. Amnesty International dénonce dans un communiqué, le , « la vague d'arrestations arbitraires de militants politiques et de journalistes et la répression des manifestations pacifiques [10]».

Déroulement de la journée[modifier | modifier le code]

Tensions le jour des élections[modifier | modifier le code]

Le déroulement de la journée est marqué par des incidents dans sept villes selon le ministère de l’Intérieur béninois[11]. À Tchaourou, ville natale de l’ancien président Thomas Boni Yayi, des manifestations violentes empêchent la tenue du vote dans le centre de la ville. À Parakou, grande ville du nord du pays, des urnes sont brûlées. Selon Emmanuel Tiando, président de la Commission électorale nationale autonome, le vote n’a pas pu avoir lieu dans 39 arrondissements sur les 546 que compte le pays[12]. Deux morts sont à déplorer[13] ainsi que 206 incidents[14] (saccage de bureaux de vote, affrontement entre manifestants et forces de sécurité ou entre partisans de différents partis politiques). Des affrontements ont lieu pour reprendre la rue aux manifestants qui dressent des barricades à Cotonou. Ces élections sont marquées par une très faible mobilisation des électeurs et des actes de violence. Alors qu’en 2015 la participation avait atteint les 66 %, l'élection de 2019 enregistre un effondrement de la participation qui n'atteint que 27,12  %. En fonction des bureaux de vote, la participation est comprise entre 1,25 % et 63,27 %[15].

Censure des réseaux sociaux[modifier | modifier le code]

Violences post-électorales[modifier | modifier le code]

Voitures brûlées à Cotonou le .

Les jours suivant les élections, la violence s’étend dans le pays[16]. Une partie des violences se concentrent autour de la demeure de l’ancien président Boni Yayi[17]. Le , la police entoure le bâtiment, provoquant l’intervention de militants déclarant s’opposer à une tentative d’arrestation. Le ministère de l’Intérieur affirme que les forces déployées dans le quartier ont pour but de préserver le calme et de limiter les violences. Des affrontements violents ont lieu dans les alentours. Gaz lacrymogènes et tirs à balles réelles sont utilisés contre des manifestants brûlant des pneus et jetant des projectiles divers[18],[16]. Au moins un mort est à déplorer dans le cadre de cet événement. Parmi les blessés graves, l’un d’entre eux aurait été blessé par une balle tirée dans le dos[19]. Amnesty International dénonce la mort de quatre manifestants ainsi que des arrestations arbitraires, y compris celle d’un blessé grave. RFI fait état du fort déploiement sécuritaire dans les rues de Cotonou et à Porto-Novo à l’approche de la cérémonie d’investiture de la nouvelle assemblée : des paras commandos, des chars anti-émeutes, des CRS et des unités de la Garde Républicaine sont chargés de maintenir l’ordre[20].

Réactions internationales[modifier | modifier le code]

À la suite des violences du début du mois de mai, l’ONU, par l’intermédiaire de Stéphane Lejarric, porte-parole du secrétaire général de l’organisation, Antonio Guterres, constate avec inquiétude la “réaction brutale des forces de sécurité “[21]. L’ambassade des États-Unis appelle à une résolution pacifique de la crise provoquée par les élections législatives[22]. La CEDEAO et l’UNOWAS souhaitent une résolution “légale et pacifique” de la crise en cours[23].

Suites[modifier | modifier le code]

Un dialogue politique s'engage pendant six mois et aboutit à un accord sur les règles de participation aux élections, inscrites dans une révision de la constitution. Les partis ne peuvent plus désormais participer au sein d'alliances, et doivent présenter des candidats dans chaque circonscription afin de concentrer les suffrages sur des formations de réelle envergure nationale. Lors des élections municipales de mai 2020, qui impliquent 546 arrondissements, cinq partis parviennent ainsi à voir leur participation validée en amont par la Cena, contre 34 listes de partis ou d'alliance de partis aux municipales précédentes en 2015[24]. L'accord concerne directement les élections législatives de 2022, qui voient le nombre de députés passer de 83 à 109, élu pour un mandat exceptionnellement raccourci de quatre à trois ans, afin de déboucher sur la tenue en janvier 2026 de nouvelles élections législatives et municipales combinées à une élection présidentielle en avril[25]. Cette dernière verra également élu en même temps que le président un vice-président, tous deux élus pour cinq ans[26],[27].

Article connexe[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Bénin : le nouveau code électoral suscite la polémique », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  2. « Au Bénin, l’opposition privée d’élections législatives », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Gabin Dédjila, « Législatives 2019 au Bénin: Drôle de campagne à Cotonou », sur La Nouvelle Tribune, (consulté le )
  4. Paris Match, « Le Benin élit ses députés en l'absence de l'opposition », sur parismatch.com (consulté le )
  5. « Invité Afrique - J.-B. Elias (Le Fonac): «La démocratie risque de tourner en dictature» au Bénin », sur RFI, (consulté le )
  6. « Urgence de mettre fin au processus électoral en cours : L’ultime invite de Boni Yayi à Talon », sur Matin Libre, (consulté le )
  7. « Manifestation de l'opposition dispersée à Cotonou », sur VOA (consulté le )
  8. « Au Bénin, la démocratie en question après la victoire d’un parlement totalement acquis au pouvoir », sur France 24, (consulté le )
  9. « Législatives au Bénin : fin de campagne sans grand enthousiasme, l’opposition appelle au boycott », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  10. « Bénin : en l'absence de l'opposition, abstention massive aux législatives », sur France 24, (consulté le )
  11. « Législatives au Bénin : peu d'électeurs aux urnes et des incidents dans le Nord - RFI », sur RFI Afrique (consulté le )
  12. « Législatives au Bénin: la Commission électorale confirme la faible participation - RFI », sur RFI Afrique (consulté le )
  13. « Législatives au Bénin : l’opposition lance un ultimatum à Patrice Talon au lendemain du scrutin », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  14. « Bénin - Législative 2019: 206 incidents relevés avant la fermeture des postes de vote », sur Benin Web TV, (consulté le )
  15. Le Point Afrique, « Bénin - Législatives : la participation au plus bas, à 22,99 % », sur Le Point, (consulté le )
  16. a et b « Retour au calme au Bénin après les violences post-électorales », sur France 24, (consulté le )
  17. « Bénin: tensions autour du domicile de Boni Yayi - RFI », sur RFI Afrique (consulté le )
  18. « Bénin : heurts autour du domicile de Boni Yayi », sur TV5MONDE, (consulté le )
  19. « Bénin: le ministre de l'Intérieur reconnaît l'usage d'armes par la police - RFI », sur RFI Afrique (consulté le )
  20. « Bénin: installation de la nouvelle législature sous haute sécurité - RFI », sur RFI Afrique (consulté le )
  21. Sam Boton, « Violences au Bénin : l'ONU appelle à la retenue », sur La Nouvelle Tribune, (consulté le )
  22. Benjamin Lawson, « Bénin : L’ambassade des USA déplore des législatives sans l’opposition et la coupure d’Internet », sur La Nouvelle Tribune, (consulté le )
  23. « Bénin - Crise post-électorale: l'appel de la Cedeao et de l'Unowas aux parties », sur Benin Web TV, (consulté le )
  24. « [Édito] Les municipales au Bénin, un test démocratique – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com, jeuneafrique1, (consulté le ).
  25. Deutsche Welle (www.dw.com), « Au Bénin, la 9e législature fera un mandat de transition », sur DW.COM (consulté le ).
  26. « Limitation du nombre des mandats électifs au Bénin: Quels candidats pour les législatives de 2023 et la présidentielle de 2026 ? », sur acotonou.com (consulté le ).
  27. « Bénin/législatives : la campagne électorale pour le scrutin de janvier 2023 débutera le 23 décembre », sur french.news.cn, (consulté le ).