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Crêpe bretonne

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Crêpe bretonne
Description de cette image, également commentée ci-après
Crêpe avec garniture à Auray.
Lieu d’origine Basse-Bretagne
Place dans le service Petit déjeuner, plat principal, dessert, en-cas, cuisine de rue
Température de service Chaud (plat ou dessert) ou froid (en-cas)
Ingrédients

Recette salée : farine de blé noir, œufs, lait

Recette sucrée : farine de froment, farine de blé noir (30 %), œufs, lait, sucre
Mets similaires Kouign (crêpe), crêpe Suzette, crêpe dentelle, galette de sarrasin, galette de sarrasin (Haute-Bretagne), galette-saucisse, galette (cuisine)
Accompagnement Cidre breton, lait ribot, bière de Bretagne, rhum
Classification Cuisine bretonne, cuisine française

La crêpe bretonne est une spécialité culinaire traditionnelle emblématique de la cuisine bretonne (étendue à la cuisine française) originaire de Basse-Bretagne, à base de froment (salée ou sucrée) ou de sarrasin et froment (salée, typique de Basse-Bretagne) déclinées sous de nombreuses variantes de garnissage.

Sa production en Bretagne est décelable dès le milieu du Moyen-âge, et elle peut alors se substituer à la consommation de pain. Elle s'adapte à l'introduction du sarrasin au XVIe siècle et l'intègre à sa préparation. Elle devient un aliment « du pauvre », consommée sans garniture.

Les crêpes bretonnes commencent une mue importantes à partir du milieu du XIXe siècle, en étant progressivement produites pour être consommée dans des restaurants spécialisés, les crêperies. Après 1945, la hausse du niveau de vie dans la région, ainsi que l'apparition de billig au gaz ou à l'électricité permettant de mieux maitriser la cuisson, vont déboucher sur l'adoption de garnitures variées. L'essor du tourisme dans la région va amplifier la consommation de crêpes en Bretagne, mais aussi renforcer l'association de l'image des crêpes à la Bretagne.

Origines au moyen-âge

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L'existence de plats dédiés à la cuisson de crêpes, ou galetières, remonte au moins au XIe siècle en Bretagne. Des analyses de plats de ce type faits de terre cuite et datant du XIIIe siècle retrouvés à l'Abbaye Saint-Guénolé de Landévennec montrent qu'ils sont utilisés pour cuire à plus de 200°C des pates liquides, et qu'ils sont enduits de beurre lors de la cuisson. Ces plats, de 25 à 40 cm de diamètre sont régulièrement retrouvés dans des fouilles archéologiques en Bretagne, mais pas dans les régions avoisinantes. L'avoine alors cultivé en Bretagne ne permet pas la production de pain, et la consommation de ce type de crêpes peut avoir partiellement occupé sa place dans le régime alimentaire de la population de l'époque[1],[2].

La culture du sarrasin (ou blé noir) se développe en Bretagne à partir du XVIe siècle, mais il serait arrivé dans la région avec les croisades du XIIe siècle[3],[4],[5]. La farine de sarrasin (blé noir) (du kig ha farz et du pain de sarrasin) est attestée dans la cuisine bretonne du XVe siècle, et son usage dans des galette de sarrasin au XVIe siècle. La galette se mange alors à la main ou trempée dans la soupe pour l'épaissir, sans les ingrédients supplémentaires[m 1]. Le Catholicon indique en 1499 que le terme « crampoezenn » est utilisé pour décrire cette préparation en breton, et traite aussi de termes associés comme « spanell » (l'outils utilisé pour retourner ces crêpes)[6]. Dès le début du XVIIIe siècle est attesté le métier de crêpier, et la profession est très féminisée dès cette époque[7].

Adaptations contemporaines

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Confection et vente de crêpes lors d'un pardon à la fin du XIXe siècle.

La crêpe est dès le XIXe siècle assimilée à la Bretagne par les visiteurs étrangers. « La partie de la Bretagne où l'on parle breton, vit de galettes de farine de blé noir » écrit Stendhal dans ses Mémoires d'un touriste de 1838. La version sucrée au froment apparaît à la fin du XIXe siècle, grâce à la baisse du prix de la farine de froment[m 1]. La garniture est longtemps absente de la recette, le Guide des merveilles culinaires et des bonnes auberges française de 1923 de Marcel Rouff et Curnonsky décrit encore le plat comme une simple crêpe au beurre, accompagné de verre de lait ou de bolée de cidre. Ce n'est qu'avec la hausse du niveau de la vie de la population bretonne après la Seconde Guerre mondiale que l'usage de garniture (jambon, fromage...) va s'imposer[7].

La création de restaurants dédiés à la consommation de crêpes est concomitante au développement d'une exode des bretons à partir du XIXe siècle. La première crêperie ouvre probablement à Rennes au XIXe siècle, où émigrent des habitants de la basse-Bretagne. Dans des villes où s'installent en nombre des bretons comme à Paris ou au Havre, ces restaurants deviennent des points de réunions des populations bretonnes locales[6]. Si les crêpes sont plutôt consommées à la main, et debout, l'essor de ce type de restaurants après-guerre va standardiser son mode de consommation, et imposer l'usage d'assiettes et une consommation à table. La création des premières billig à gaz puis électriques, avec notamment la création de la marque Krampouz en 1949, permet une meilleure maitrise de la cuisson, et facilite l'introduction de garnitures plus variées[8].

Ustensiles utilisés

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La pâte à crêpe est traditionnellement cuite sur une crêpière bretonne spécifique (ou une poêle) appelée bilig en breton, nommé galetière en Haute-Bretagne, galettoire, ou encore tuile. La pâte y est étalée en disque à l'aide d'une sorte de petit râteau nommé entre-autres rozell, rouable ou raclette.

À l'origine une pierre ronde, donnant son étymologie à l'appareil, ou une plaque en terre cuite, la plaque de cuisson est en fonte à partir du XVe siècle[9]. Avant l'apparition de l'électricité ou du gaz dans les campagnes bretonnes au milieu du XXe siècle, la cuisson se faisait au feu de bois. Le trépied permet d'enserrer de petits fagots de bois secs enflammés suivant une méthode particulière[10] ; pour cuisiner à l'extérieur, la plaque est posée sur un fourneau cylindrique[10]. Au courant du XXe siècle, le bois est progressivement remplacé par l'électricité ou le gaz[10]. Pour une production familiale et domestique, l'usage d'une poêle classique est souvent privilégié[11].

Différents types de préparations

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Ce que les bretonnants de Basse-Bretagne appellent krampouezhenn (pluriel : krampouezh) désigne indifféremment une préparation salée au sarrasin ou sucrée au froment.

Il existe deux types de crêpes traditionnelles en Basse-Bretagne. Les crêpes à la farine de froment (en breton : krampouezh gwinizh ou krampouezh dous) avec des œufs, de sucre et de lait, éventuellement parfumée (zestes d'orange, alcool, etc.) ; elle se mange généralement sucrée. Les crêpes à la farine de sarrasin (blé noir) (en breton : krampouezh ed-du ou krazmpouezh gwiniz-du) coupée avec un maximum de 30 % de farine de froment, du sel et de l'eau, éventuellement un peu de lait ou des œufs ; elle se mange usuellement salée mais peut se marier avec certains produits sucrés[3],[12].

Une « galette » désigne traditionnellement une galette de sarrasin (blé noir) salée en pays gallo de Haute-Bretagne ; elle désigne également un biscuit sablé au beurre sucré en Basse-Bretagne[13],[14]. La galette de sarrasin de Haute-Bretagne est préparée à base de farine de sarrasin, d'eau et de sel (sans œuf, ni sucre, ni lait). Elle est épaisse, molle après cuisson[15] et présente des trous à sa surface. Elle entre notamment dans la composition de la galette-saucisse. La crêpe de sarrasin basse-bretonne est faite avec de l'eau et est visuellement plus fine, cassante juste après cuisson[15] et d'une surface lisse, sans trous (bien que des restaurateurs puissent proposer des galettes sucrés, de blé noir ou de froment, selon des recettes spéciales[16],[17]).

Une crêpe dentelle est une crêpe bretonne très fine, roulée sur elle-même et croustillante.

Modes de consommation

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Les crêpes bretonnes se déclinent sous de nombreuses variantes de garnissages salés ou sucrées (pomme de terre, oignon, champignons, fromages, viandes, produits de la mer, œuf...) avec en particulier la « crêpe complète » (jambon, fromage râpé, et œuf miroir ou brouillé). Quant aux crêpes sucrées, elles sont consommées chaudes avec divers accompagnements ou froides, au petit déjeuner, au goûter ou comme en-cas. Une noix de beurre salé est traditionnellement ajoutée sur les crêpes bretonnes sucrées ou salées au moment de les servir, pour améliorer leur gout et présentation.

Les crêpes bretonnes sont traditionnellement consommées avec du cidre breton, boisson produite abondamment en Bretagne.

La pratique touristique participe à l'essor des crêperies, notamment à partir des années 1970. Sur environ 4 000 établissements de ce type recensés en France, 1 600 à 1 800 sont implantés en Bretagne[18].

Les crêpes bretonnes sont consommées dans toute la France, et sa recette fait partie des recherche les plus fréquentes sur internet dans le pays[19]. Sa consommation connait un pic lors de la chandeleur en Bretagne [11] comme dans le reste de la France.

Une production industrielle s'est développée depuis les années 1970, et écoule sa production essentiellement en grande distribution et en restauration collective. Sur les 120 entreprises recensées en France en 2025, 100 sont implantée en région Bretagne[20].

Elles sont parfois trempée dans, ou arrosées de lait ribot.

Label qualité

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Un label de qualité « crêperies gourmandes » est attribué depuis 2006 à des crêperies de Bretagne respectant une certaine démarche qualité, par le Comité régional du tourisme de Bretagne et développé par la Fédération régionale des pays touristiques de Bretagne.

Notes et références

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  1. « Tradition : l'incroyable histoire de la crêpe bretonne », France TV :,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. Paule-Emilie Ruy et Carole Tymen, « Quand l’archéologie retourne l’histoire de la crêpe », Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. a et b François-Régis Gaudry, « Spéciale Crêpes » dans l'émission On va déguster, sur France Inter, 25 mars 2012
  4. Erwan Le Gall, « Le blé noir : mythes et réalités d’une culture emblématique en Bretagne », sur www.bcd.bzh (consulté en )
  5. « L’ Histoire des Galettes et du Sarrasin », sur raffinementfrancophone.wordpress.co (consulté en )
  6. a et b « Les Bretons ont-ils inventé les crêpes ? », Bécédia, Bretagne Culture Diversité,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. a et b Erwan Le Gall, « La crêperie : l’invention de la tradition ? », Bécédia, Bretagne Culture Diversité,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. Erwan Chartier-Le Floch, « De quand datent les premières crêperies ? », Le Télégramme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  9. Morand 1985, p. 2-3
  10. a b et c Morand 1985, p. 5
  11. a et b Jessica Desbois, « Chandeleur : avant les poêles et les billigs électriques, les crêpes étaient cuites au feu de bois », Ouest-France,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  12. « Les vraies recettes des crêpes et des galettes bretonnes », Slate.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Keltz 2013, p. 20
  14. Philippe Brochen, « Galette-saucisse, manne de Bretagne », Libération, (consulté le )
  15. a et b Keltz 2013, p. 50
  16. « Êtes-vous plutôt sarrasin ou froment, crêpe ou galette ? », sur www.latrinitaine.com (consulté en )
  17. « Crêpe de blé noir, version dessert », sur www.cuisinealouest.com (consulté en )
  18. Jessica Desbois, « Bretagne. La crêperie a le vent en poupe », dans Ouest-France, le 30 janvier 2020, consulté sur www.ouest-france.fr le 17 avril 2020
  19. « La pâte à crêpes, recette la plus recherchée par les Français », Le Télégramme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. Virginie Monvoisin, « La nouvelle jeunesse de la crêpe bretonne », Le journal des entreprises,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  1. a et b Morand Simone, Des Galettes et des crêpes en Bretagne, J. Le Doaré, (ISBN 2-85543-040-2, OCLC 461869658, lire en ligne), p. 2-3

Bibliographie

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Liens externes

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