Création des médicaments

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La création des médicaments suit aujourd'hui des méthodes élaborées qui permettent d'en contrôler la qualité.

Comment faire de la recherche thérapeutique ?[modifier | modifier le code]

Il existe deux principales méthodes :

  • l’inventaire systématique des produits naturels contenus dans les plantes (et champignons, algues…), en allant sur le terrain.
  • la chimie thérapeutique, où l’on part d’une molécule A, à partir de laquelle on synthétise un grand nombre de molécules analogues, puis des analogues d’analogues, et ainsi de suite, jusqu'à aboutir à une molécule intéressante, soit la molécule Z qui reprend en A une partie de sa structure (par exemple un noyau aromatique) activité première mais avec une activité plus forte. On constate qu’un même motif chimique peut aboutir à des fonctions très variées.

Cette recherche n’est pas ciblée, elle demande un criblage pharmacologique très important (en anglais screening, c'est-à-dire une suite de nombreux essais et erreurs)

De nos jours, on revient à la recherche en milieu naturel. Ces deux méthodes ont en commun leur caractère aléatoire, et leur nécessité d’être accompagnées d’un criblage pharmacologique important à chaque étape afin de rechercher une activité anti-inflammatoire, anti-cancéreuse…

Méthodes de récolte sur le terrain[modifier | modifier le code]

La chimiotaxinomie[modifier | modifier le code]

La plus fréquente. On recherche des propriétés connues à une famille particulière de plantes : des propriétés botaniques, on va déduire les propriétés chimiques.

Ethnopharmacologie[modifier | modifier le code]

Elle repose sur une enquête dans les médecines traditionnelles. Elle est assez aléatoire, en particulier en raison de la difficulté de l’obtention des renseignements, de la collecte, et de la variabilité de descriptions des symptômes d’une culture à l’autre (exemple : la définition du cancer est très difficile).

Observations de terrain[modifier | modifier le code]

On observe le comportement de plantes dans un environnement donné (relations plante à plante, plante à insecte, plante à bactéries…).

Exemple :

  • Y a-t-il des plantes toujours protégées des infections, ce qui pourrait être dû à la présence d’antibiotique ?
  • On observe une inhibition de la croissance de certaines plantes par le blé, celui-ci synthétisant une substance inhibant la fixation des auxines sur l’avoine sauvage (NB : celle-ci ne peut se produire que sur une courte distance). Ce type de renseignement est peu utilisé.

Exemples[modifier | modifier le code]

  • Les relations plante-insecte

Le séneçon (petite plante à fleurs jaunes) est butiné par certains papillons qui y prélèvent un alcaloïde pyrrolizidinique qu’ils gardent en réserve dans des poches sur leurs ailes. Le mâle y prélève ces substances sur les poches de la femelle (donc, premier rôle de phéromone pour l’accouplement). Elle peut aussi avoir un rôle de défense anti-oiseaux par un deuxième effet toxique.

  • Jusqu’à 16 mètres, les plantes flétrissent et meurent lorsqu’elles poussent au pied du noyer (Juglans regia) en raison de la sécrétion par ce dernier de juglon par ses racines dans le sol, qui a aussi un petit effet anti-tumoral auquel plusieurs plantes sont sensibles.

Étapes de la récolte sur le terrain[modifier | modifier le code]

  • 1. Voyage vers un territoire intéressant pour sa biodiversité.
  • 2. Récolte des plantes.
  • 3. Identification (étape cruciale, fastidieuse, qui doit à tout prix être faite afin de ne pas refaire une étude déjà faite. On trouve encore de nos jours de nouvelles plantes)
  • 4. Classification.
  • 5. Conclusions tenant aux propriétés supposées de la plante vis-à-vis de son appartenance botanique.
  • 6. Tests des extraits de la plante, par exemple un extrait sur des cellules cancéreuses, afin de tester la cytotoxicité de la substance. Ensuite, in vivo, on cherche à savoir si l’extrait est en plus spécifique des cellules cancéreuses.

Méthodes[modifier | modifier le code]

Elle est valable quel que soit le critère de récolte sur le terrain (Chimiotaxinomie…) On commence par obtenir un extrait de la plante. On lui fait subir des essais biologiques préliminaires qui, s'ils sont concluants, mèneront à une extraction à plus large échelle d’où on cherchera à isoler la molécule active de l’extrait (qui en compte souvent énormément). On va ensuite la soumettre à des mesures physiques pour étudier sa structure, à savoir spectrophotométrie, résonance magnétique, spectrographie de masse…

Une fois cette molécule isolée, on va en faire varier la structure et étudier la variation d’activité biologique : on effectue donc un essai structure/activité. La molécule la plus intéressante (sur des critères d’efficacité, de sélectivité, de toxicité…) est sélectionnée. De là, on peut soit :

  • Cultiver la plante à large échelle si la molécule efficace est la molécule d’origine ;
  • Hémisynthétiser cette molécule à partir de la molécule originale de la plante ;
  • Synthétiser intégralement l’analogue de la molécule naturelle (il existe souvent de nombreuses méthodes différentes)

Et ce afin de permettre à un industriel d’exploiter la molécule nouvellement découverte pour en faire un médicament.

Vidéos sur Canal IRD - De la plante au médicament, une passerelle entre tradition et science

Exemple : les anti-tumoraux. À partir de l’étude du cycle cellulaire, on va faire une étude des inhibiteurs spécifiques de chaque étape clef du cycle. Les différentes classes d’anti-tumoraux agissent en ces différentes étapes.

  • En G1 vont agir : Les agents alkylants, les inhibiteurs de la synthèse protéique au niveau des ribosomes (puromycine, girolline…)
  • En phase S : Les antimétabolites : méthroxate (inhibent la synthèse de l’ADN)

Les agents intercalents (ils se glissent entre les bases).

  • En G2 : Inhibiteurs de la topoisomérase (positionnement des chaînes d’ADN après leur synthèse): camptothécines…
  • En phase M : Les inhibiteurs du fuseau mitotique tels que colchicine (inhibiteur de la polymérisation), taxol (inhibiteur de la dépolimérisation), et vinblastine (inhibe la dépolarisation et la formation de spirales d'ADN).

Exemple : l’action des ceptines qui possèdent un site très électrophile qui va attaquer un ribose et ainsi inhiber l’action des topoisomérases.

Ainsi, on peut espérer tester l’activité anti-mitotique de certains extraits de plantes. Tout objet peut être dangereux en présence de cette plante. Elle est hallucinogène et rend aveugle. elle provoque des envies de chocolats, des oublies de mémoire, invite à l'acte sexuel. (?) Cette partie doit être modifiée

Exemples[modifier | modifier le code]

La pervenche de Madagascar

Utilisée en médecine empirique en tant qu’anti-diabétique. On a recherché dans un extrait de pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus) des substances hypoglycémiantes : L’effet espéré n’a pas été obtenu mais en revanche on a observé une chute très importante du nombre de globules blancs (utilisation dans les leucémies) chez les rats de laboratoire étudiés. Donc, par un essai in-vitro, on note une activité anti-tumorale. On va donc rechercher le principe actif de l’extrait par des étapes d’extraction/purification en suivant l’activité biologie de l’extrait. Les molécules actives (en l’occurrence, il y en a 2) isolées sont étudiées à la recherche de leur structure. La dernière étape est la commercialisation de la vinblastine et de la vincristine. Il reste un problème, celui de la très faible concentration de ces produits dans la plante (on a 100 mg de vinblastine pour 1 kg de feuilles sèches, soit 10 mg par kg de feuilles fraîches, et 10 fois moins pour la vincristine). L’idée est que cette molécule quasi-dimère provenait probablement de 2 molécules de base que l’on reconnaît assez facilement : la vindoline (1g/kg de feuilles sèches) et la catharantine (300 mg/kg de feuilles sèches). On a donc cherché à démontrer que la vinblastine est formée par l’union de ces 2 molécules.

La vinblastine est utilisée dans le traitement de la maladie de Hodgkin.

La vincristine est utilisée dans le traitement des leucémies aiguës de l’enfant.

La vinorelbine (nom de spécialité : Navelbine) est utilisée dans le traitement du cancer du sein, et du poumon (la vinorelbine diffère de la vinblastine par un seul carbone en moins).

Le taxol

Il est issu de l'if européen (Taxus baccata). Le taxol est contenu dans l’écorce de l’arbre (mais ses feuilles contiennent la partie cyclique du taxol). Deux problèmes se sont posés pour l’obtention de la molécule : 1. Problème de formulation : le taxol est hydrophobe, donc excessivement difficile à extraire. 2. Problème d’approvisionnement : le taxol existe dans l’écorce de l’arbre, le rendement d’une extraction est très faible, et l’if est une espèce dont le prix de revient est très élevé.

Donc, on a recherché d’autres sites de synthèse possible du taxol ; ainsi, on a trouvé dans les feuilles toute la partie cyclique du taxol, brique plus simple à partir de laquelle on va pouvoir tirer le taxol ou bien le taxotère (intermédiaire de synthèse qui s’est révélé plus intéressant : son activité est plus intense et il est moins toxique - en effet on a testé tous les intermédiaires de synthèse). La deuxième partie de la molécule de taxol est sa chaîne latérale, qui ne pose pas de problème de synthèse ni de fixation. C’est le taxotère qui a été développé industriellement.

On utilise le taxol dans le traitement de certains cancers (sein, ovaire). Les premiers essais sur l’if ont été faits en 1979, et la commercialisation du taxol a attendu 1995.

Traitements contre le SIDA

Rappels : Le SIDA est provoqué par un rétrovirus qui a une activité de transcription inverse. C’est un virus enveloppé, il est constitué :

  • d’une enveloppe : membrane lipidique (empruntée à la cellule hôte lors du bourgeonnement) + 2 protéines d’enveloppe
  • d’un cœur : matrice + capside + nucléocapside (constitués de différentes protéines)
  • d’un génome : Il est composé de 2 ARN non complémentaires, donc non associés. Autour on trouve les produits du gène pol : transcriptase inverse, protéase, intégrase.

Son cycle commence avec la pénétration du virus dans la cellule hôte par fusion membranaire, ce qui va relarguer toute la particule virale, et le génome en particulier. Puis se produit la transcription inverse, au cours de laquelle les deux ARN mono-brins vont donner deux doubles hélices d’ADN, qui vont s’intégrer aux chromosomes cellulaires sous la catalyse de l’intégrase. Cet ADN va être transcrit par la machinerie cellulaire de l’hôte pour donner de nombreux ARN viraux. Ils vont être utilisés soit pour former le génome de nouveaux virus, soit pour donner les protéines de structure et les enzymes virales, par traduction.

Les médicaments dont on dispose sont capables d’inhiber certaines de ces étapes du cycle de la particule virale et en particulier de l’inclusion de la particule virale dans le lymphocyte ciblé (lymphocyte CD4).

Comment évalue-t-on l’activité anti-SIDA d’une molécule ? On utilise des cellules infectées auxquelles on ajoute un réactif (tetrazonium) et on apprécie la proportion de cellules vivantes avec ou sans molécule protectrice.

La première substance ayant présenté un intérêt est l’AZT. L’AZT a un effet protecteur pour les lymphocytes CD4 mais est toxique a haute dose.

La médecine traditionnelle du peuple Samoan décrit une plante utilisée contre la fièvre jaune dans laquelle on a retrouvé une activité cytoprotective contre HIV1 : dans cette plante on a isolé la transpartine qui est un stimulant de la protéine kinase C, mais qui n’a pas d’effet promoteur de tumeurs comme beaucoup d’autres molécules de sa classe. Cependant, cette molécule n’est pas utilisée car trop toxique.

Une molécule plus intéressante a été isolée à partir d’une plante récolté au Cameroun, dont l’activité biologique est un effet cyto-protecteur contre HIV1 et HIV2 par inhibition de la transcriptase inverse.

Traitement contre le paludisme

En associant les connaissances traditionnelles sur les plantes et les méthodes les plus modernes de la physico-chimie et de la biologie, les scientifiques de l’UMR IRD - Université Paul Sabatier de Toulouse ont l’espoir de découvrir de nouvelles substances antipaludiques. Actuellement les chercheurs sont sur plusieurs pistes très prometteuses et espèrent pouvoir découvrir un candidat médicament. Les chercheurs identifient et isolent des molécules à activité pharmacologique, notamment antipaludiques, à partir de la biodiversité tropicale et par l’étude de mécanismes oxydo-réducteurs mis en jeu lors de l’invasion parasitaire en utilisant des molécules de synthèse.

On peut aussi utiliser la famille des rubiacées. On extrait alors la quinine de l'écorce de quinquina. c'est un antipaludéen majeur composé d'alcaloïdes quinoléiques.

Conclusion[modifier | modifier le code]

La nature est une source de molécules douées d’activité biologique que l’habile chimiste pourra modifier pour mettre au point de nouveaux médicaments. On ne sait pas pourquoi les plantes synthétisent ces molécules, bien que l’on suppose que ce soit le plus souvent en réponse à un milieu extérieur hostile.

Les seules informations disponibles qui le guideront relèvent de la botanique (classification des familles de plantes et de leurs propriétés communes attendues), de la médecine traditionnelle, et de l’observation du terrain : des interactions de voisinage entre les espèces vivantes.

C’est finalement l’utilisation d’essais biologiques couvrant un champ large qui permet de choisir parmi l’infini diversité des espèces.

Cependant, la biodiversité est menacée (incendies, exploitations minières à ciel ouvert, déforestation). Chaque jour, en effet, des espèces disparaissent.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]