Cour de sûreté de l'État (France)
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La Cour de sûreté de l'État est, dans l'organisation juridictionnelle en France, une ancienne juridiction d'exception qui avait pour but de juger les personnes accusées de porter atteinte à la sûreté de l'État. Elle concernait donc les infractions politiques. Elle fut créée en à la suite des attentats de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) et supprimée en après l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République.
Juridictions d'exception antérieures
[modifier | modifier le code]Sous d'autres régimes il y eut la chambre ardente (Ancien Régime), le Tribunal révolutionnaire (Révolution), les commissions militaires (Commune), les cours spéciales napoléoniennes, les cours prévôtales durant la Terreur blanche de 1815 et les années suivantes (Seconde Restauration), les Sections spéciales (Vichy), ou encore les Cours de justice après la Libération.
Sous la Ve République, au cours de la guerre d'Algérie, plusieurs juridictions d'exception temporaires ont été installées pour juger les partisans de l'Algérie française[1] :
- À la suite du putsch des généraux, par application des pleins pouvoirs (article 16 de la constitution), le général de Gaulle a créé deux juridictions en région parisienne : un Haut Tribunal militaire, en , et un Tribunal militaire, en [2]. Ces deux tribunaux jugeaient les affaires les plus graves : le putsch puis les membres des réseaux de l'Organisation de l'armée secrète.
- En , dans les semaines qui précèdent l'indépendance, deux autres juridictions ont été créées en Algérie : la Cour martiale d'Alger (qui ne prononce que deux condamnations) et le Tribunal de l'ordre public, supprimé en .
Pour ne pas avoir condamné à mort le général Raoul Salan le , le Haut Tribunal militaire fut dissous deux jours plus tard par une ordonnance. Aussitôt après, une ordonnance du a institué une Cour militaire de justice. Le Conseil d'État, par arrêt du dit « arrêt Canal », annula cette ordonnance et toutes les décisions de la Cour.
Création et composition
[modifier | modifier le code]Il est parfois considéré qu'avec l'arrêt Canal du Conseil d'État d', le général de Gaulle n'aurait plus eu de tribunal politique pour juger des militants accusés de crimes contre la sûreté de l'État (principalement les membres de l'OAS à l'époque). La création de la Cour de sûreté de l'État, par les lois nos 63-22 et 63-23 du , aurait alors eu pour but de remédier, au plus vite, à cette situation[3].
Or, cette idée selon laquelle la Cour de sûreté de l'État aurait remplacé la Cour militaire de justice est fausse pour deux raisons :
- La Cour militaire de justice a continué de fonctionner en parallèle de la Cour de sûreté de l'État. Elle siégea jusqu'en , son existence ayant été prolongée les et par le Parlement[3]. C'est elle qui a condamné à mort Jean Bastien-Thiry.
- En réalité, la Cour de sûreté de l'État a remplacé le Tribunal militaire[4], dont l'existence n'a pas été remise en cause par l'arrêt Canal. Le Tribunal militaire, qui a fonctionné sans interruption depuis , était la juridiction qui jugeait le plus d'affaires relatives à la défense de l'Algérie française. Néanmoins, cette juridiction était temporaire. La Cour de sûreté de l'État a résulté de la transformation de cette juridiction temporaire en une juridiction permanente au début de l'année .
La mission de la Cour de sûreté de l'État était de juger, en temps de paix, les crimes et les délits portant atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'État, comme l'espionnage et le terrorisme. Elle avait compétence sur l'intégralité du territoire national. Elle était constituée de trois magistrats et deux officiers généraux ou supérieurs.
Suppression
[modifier | modifier le code]François Mitterrand avait très vivement critiqué la Cour dans son livre Le Coup d'État permanent, publié en , et dans plusieurs de ses articles publiés ensuite. Arrivé au pouvoir par l'élection présidentielle de , il la supprime, à la suite d'un projet de loi de Robert Badinter alors ministre de la Justice. Le projet fut voté par le Sénat le , par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le et devint ainsi la loi no 81-737 du .
L'année suivante, une loi établit que les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation sont jugés par des juridictions de droit commun[5].
La Cour de sûreté de l'État perdure après pour juger des militaires ayant commis des crimes et délits.
La cour d'assises spéciale, car spécialement composée de magistrats professionnels (sept en première instance et neuf en appel) est créée en , en remplacement de la Cour de sûreté de l'État[6].
En , la Cour d'assises de Paris siégeait afin de juger un anarchiste accusé de faits de terrorisme. Celui-ci a rapidement menacé les jurés de représailles, poussant plusieurs d'entre à ne pas revenir le lendemain. Afin de protéger les jurés, le législateur décide alors d'étendre la compétence de la cour d'assises spéciales au jugement des crimes qualifiés de « terroristes ». Cette procédure est un héritage de la Cour de sûreté de l'État. À la différence d'une cour d'assises ordinaire, elle n'est composée que de magistrats professionnels, sans juré, la majorité simple suffit pour condamner, sa compétence est nationale, l'instruction est centralisée et la garde à vue peut être portée à quatre jours[7]. La gauche revenue au pouvoir en , accepte en cette nouvelle juridiction d'exception et élargit sa compétence au trafic de stupéfiants en bande organisée[8]. La garde à vue est allongée à six jours en .
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Delaporte 2018, p. 137.
- Décision du instituant un tribunal militaire, JORF, no 106, , p. 4115–4116.
- Codaccioni 2015.
- Delaporte 2018, p. 150.
- Article 702 du Code de procédure pénale.
- « Cour d’assises spéciale », sur justice.gouv.fr, Ministère de la Justice (version du sur Internet Archive).
- Codaccioni 2015, chap. 5.
- Gérard Amaté, L'affaire Colonna : Une bataille de presse, Alès, éditions Jean-Paul Bayol, , 153 p. (ISBN 978-2-916913-21-6).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Alain Bancaud, III.3 « La tentative de création d'un ordinaire de l'extraordinaire : la Cour de sûreté de l'État », dans « Les crises peuvent-elles échapper à l'exception judiciaire ? : Des débuts de la IIIe République à la création de la Cour de sûreté de l'État », Les Cahiers de la Justice, Dalloz, no 2 « Juger par gros temps », , p. 41–60 (ISBN 978-2-9962130-2-2, DOI 10.3917/cdlj.1302.0041, lire en ligne), p. 58–60.
- Casamayor, « La Cour de sûreté de l'État », Esprit, no 315, , p. 478–486 (JSTOR 24259030).
- Vanessa Codaccioni, Justice d'exception : L'État face aux crimes politiques et terroristes, Paris, CNRS Éditions, , 316 p. (ISBN 978-2-271-08598-6 et 978-2-271-08870-3, lire en ligne).
- Vanessa Codaccioni, « Au cœur de la généalogie de l'antiterrorisme, une juridiction d’exception : La cour de sûreté de l'État », Archives de politique criminelle, Pédone, no 38 « Terrorismes », , p. 47–58 (ISBN 978-2-233-00808-4, DOI 10.3917/apc.038.0047, lire en ligne).
- Vanessa Codaccioni, « Dans l'ombre de la Cour de sûreté de l'État », Délibérée, La Découverte, no 2 « Retour sur la question terroriste », , p. 36–40 (DOI 10.3917/delib.002.0036, lire en ligne).
- Victor Delaporte, « Aux origines de la Cour de sûreté de l'État : La conquête d'un pouvoir de punir par l'exécutif (–) », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, no 140, , p. 137–152 (ISBN 978-2-7246-3577-5, DOI 10.3917/ving.140.0137, lire en ligne, consulté le ).
- Sylvie Thénault (préf. Jean-Jacques Becker, postface Pierre Vidal-Naquet), Une drôle de justice : Les magistrats dans la guerre d'Algérie, Paris, La Découverte, coll. « L'espace de l'histoire », , 347 p. (ISBN 2-7071-3459-7), 2e éd. poche (ISBN 2-7071-4258-1).
Sur certains procès devant la Cour de sûreté de l'État :
- Vanessa Codaccioni, « Justice populaire et mimétisme judiciaire : Les maoïstes dans et hors la Cour de sûreté de l'État », Droit et Société, no 89 « Des usages politiques de la forme procès », , p. 17–33 (ISBN 978-2-275-02895-8, DOI 10.3917/drs.089.0017, lire en ligne) : sur les procès de la Gauche prolétarienne.
- Ronan Caerléon, Les Bretons le dos au mur : Le FLB devant la Cour de sûreté de l'État, Paris, la Table ronde, , 217 p. (ISBN 978-2-71039362-7, BNF 35171490, lire en ligne) : sur le procès du Front de libération de la Bretagne.
Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
Création
[modifier | modifier le code]- Loi no 63-22 du , JORF, no 13, , p. 507–508.
- Loi no 63-23 du , JORF, no 13, , p. 508–512.
- Compte-rendu des débats de l'Assemblée nationale :
- 1re séance du jeudi , JOAN, no 11, , p. 211–225.
- 2e séance du jeudi , JOAN, no 11, , p. 227–250.
- 1re séance du vendredi , JOAN, no 12, , p. 251–261.
- 2e séance du vendredi , JOAN, no 12, , p. 262–288.
- 3e séance du vendredi , JOAN, no 12, , p. 289–311.
Suppression
[modifier | modifier le code]- Loi no 81-737 du portant suppression de la Cour de sûreté de l'État, JORF, no 182, , p. 2142.
- Dossier législatif sur le site du Sénat.
- Compte-rendu des débats de l'Assemblée nationale :
- 2e séance du vendredi , JOAN, no 11, , p. 242–264 (1re lecture).
- 1re séance du mercredi , JOAN, no 16, , p. 471–472 (2e lecture).