Contrôle thermique des engins spatiaux

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 23 avril 2019 à 10:43 et modifiée en dernier par 195.81.122.10 (discuter). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Le contrôle thermique des engins spatiaux traite les contraintes environnementales sévères thermiques auxquelles sont soumis les satellites artificiels et les sondes spatiales.

L’environnement thermique des engins spatiaux

Contrairement à nos références terrestres quotidiennes, l'environnement spatial « fonctionne » quasi exclusivement sur la base d’échanges radiatifs. Même si les engins spatiaux mettent en œuvre des dispositifs conductifs ou convectifs, les échanges avec le milieu spatial se font quasi uniquement par voie radiative. La principale conséquence est que ces échanges se font en suivant la loi de Stefan-Boltzmann, qui énonce que la puissance rayonnée par un corps est proportionnelle à la quatrième puissance de la température absolue (exprimée en kelvins).

Performances attendues et contraintes

Le contrôle thermique (CT) vise essentiellement à assurer que les constituants d’un engin spatial restent dans une plage de température compatible avec leurs performances, au rang desquelles on pourra évoquer :

  • la survie pure et simple ; par exemple en évitant de dépasser des températures de changement d’état ou de destruction d’un matériau donné ;
  • la durée de vie (applicable aux composants électroniques en particulier, et qui décroît avec l’élévation de température) ;
  • les déformations liées aux phénomènes thermo-élastiques (des éléments de structure doivent rester dans une certaine plage de températures pour limiter leur déformation).

Le contrôle thermique, pour atteindre ces performances, a pour objet essentiellement de maîtriser les échanges de chaleur internes et avec l’environnement.

Méthodes de conception

La conception d’un CT s’appuie sur une stratégie simple :

  • faciliter ou interdire les échanges thermiques de façon passive
  • utiliser des actionneurs, généralement des réchauffeurs, pour réguler la température.

Certains instruments de mesure, dans le domaine optique, mettent en œuvre des dispositifs particuliers afin de pouvoir être mis en œuvre à basse ou très basse température. La conception de système de CT fait appel à des outils de modélisation thermiques, capables de restituer les températures atteintes par les équipements en fonction de différents scénarios opérationnels.

Les problématiques

Si on veut résumer de façon schématique le problème posé au concepteur, il s’agit de maintenir des équipements dans une zone « de performance et de confort », avec des échanges externes régis par un nombre limité de contributeurs :

  • le soleil, dans la plupart des cas sauf pour les sondes lointaines, qui génère au voisinage de la Terre un flux de 1 500 W/m2
  • le fond du ciel, à une température de quelques K, qui se comporte comme un puits thermique
  • des objets (comme la Terre) qui engendrent eux-mêmes des flux thermiques pour les satellites en orbite relativement basse,
  • transitoirement des effets aérothermiques dans l’atmosphère lors des phases de lancement ou très spécifiquement dans le cas de rentrée atmosphérique (sondes, retour d’échantillons)

Les technologies

La gestion passive des échanges thermiques

maîtrise des échanges radiatifs
La loi de Stefan-Boltzmann fait intervenir les puissances quatrièmes des températures absolues des corps en présence, mais aussi les propriétés thermo-optiques (émissivité et absorptivité) des surfaces d'échanges. On peut ainsi moduler ces échanges en utilisant des matériaux, revêtements, peintures ou traitements de surfaces permettant de moduler ces propriétés. Par exemple, les surfaces destinées à refroidir des équipements, dirigées vers le fond du ciel en général, sont recouvertes de petits miroirs (nommés OSR pour "Optical Solar Reflector") constitués de minces feuilles de dioxyde de silicium argentée: on obtient ainsi une surface dotée d'une émissivité assez élevée (d'où bonne capacité à rayonner de la chaleur vers l'espace) et d'une absorptivité faible (qui permet de rester protégé d'entrées solaires parasites qui seront réfléchies en majorité).
maîtrise des échanges conductifs
On utilise une approche double : d'abord le choix de matériaux bons conducteurs (souvent de l'aluminium) pour constituer les surfaces de pose des équipements si on veut favoriser les échanges et ensuite la mise en œuvre de joints thermiques permettant d'augmenter les conductances de contact (silicones chargés de nitrure de bore, tissu de graphite...). À l'inverse on peut souhaiter limiter les échanges par conduction et on utilisera alors des joints isolants à base de polyimides (Kapton®, Vespel®...)

Deux technologies passives fréquemment mises en œuvre

les tissus isolants multicouches
Ce dispositif classique, destiné à limiter au maximum les échanges thermiques, combine à la fois les approches conductives et radiatives. Il est constitué de plusieurs feuilles d'un isolant aluminisé (Mylar® par exemple) séparées par des couches d'une sorte de "tulle", dont le rôle est de limiter des surfaces de contact entre les feuilles d'isolant. Le "mille-feuille" ainsi constitué est un empilement de couches émissives (fortement réfléchissantes au sens radiatif) séparées des lames de quasi-vide (les alvéoles du tulle) très peu conductives : les échanges sont réduits au minimum. Ces couvertures multicouches, dont la face externe présente souvent un aspect doré, sont très utilisées sur les engins spatiaux.
les caloducs
Le caloduc est un dispositif destiné à assurer le transport de chaleur entre des équipements et les zones radiatives qu'on veut leur associer. Il utilise la convection ainsi que des phénomènes de changement d'état. Il est constitué d'un tube en aluminium extrudé à section circulaire présentant de fines cannelures internes; à l'extérieur le tube est accolé à deux semelles offrant des surfaces de pose pour le caloduc lui-même sur un panneau ou pour des équipements sur le caloduc. Le tube est rempli d'une quantité déterminée d'ammoniac et scellé par une soudure. Le remplissage permet d'avoir, dans les gammes de fonctionnement, la présence simultanée de phases liquide et gazeuse de l'ammoniac. En supposant qu'on dispose, en deux points du caloduc, d'un objet chaud et d'un objet froid, on va amorcer une cellule élémentaire qui fonctionne de la façon suivante: (o) à l'état initial supposé homéotherme, la phase ammoniac liquide se répartit uniformément dans les cannelures internes sous l'effet des forces capillaires (i) sous l'objet chaud, les parois du tube s’échauffent et vaporisent l’ammoniac dont la pression va croître ce qui va entraîner une migration du gaz (ii) sous l’objet froid, c’est au contraire le refroidissement relatif des parois qui va entraîner la condensation du gaz et alimenter ainsi le film d’ammoniac liquide qui va migrer par capillarité et refluer vers les zones chaudes. Un cycle de vaporisation, migration du gaz, condensation, pompage capillaire du liquide va assurer le transport de chaleur dont l’efficacité par rapport à la convection pure est augmenté par les chaleurs de vaporisation et de condensation de l’ammoniac : on crée ainsi une machine thermique élémentaire purement passive.

Les dispositifs actifs

Parmi ceux-ci, les réchauffeurs sont les plus simples: ce sont des résistances chauffantes qui se présentent sous forme de rubans ou de feuilles, généralement collés sur les surfaces que l'on souhaite réchauffer. Ces actionneurs seront commandés par exemple par un thermostat qui les mettra en route dès que la température de référence tombera en dessous d'un certain seuil.

On utilise également des machines thermiques actives destinées à transporter de la chaleur. L'actionneur est en général une pompe qui force la circulation d'un fluide dans un circuit. Sur ces bases on va rencontrer :

  • des dispositifs monophasiques (c'est le modèle du circuit de refroidissement d'un véhicule automobile!) où la pompe assure la circulation d'un fluide caloporteur entre des surfaces d'échanges chaudes (équipements) et froides (radiateurs);
  • des dispositifs diphasiques qui utilisent à la fois la circulation d'un fluide mais aussi ses changements d'états (principe des climatiseurs) ; l'intérêt de ce type de dispositif est de pouvoir atteindre des températures basses adaptées au fonctionnement de certains imageurs.

Le refroidissement de certaines zones (en général des détecteurs) peut aussi être assuré par d'autres dispositifs : sur des surfaces réduites on peut utiliser des jonctions thermo-électriques qui utilisent l'effet Peltier.

Le cas extrême du cryostat

Pour les besoins extrêmes de très basses températures (détection dans l'infra-rouge), on est amené à utiliser un cryostat (qui n'est pas un dispositif actif à proprement parler). Le cryostat est un dispositif qui utilise l'inertie thermique d'un liquide très froid, qui va être consommé lentement par évaporation au cours de la mission. Le satellite ISO en constitue un exemple typique: le plan focal en était refroidi par de l'hélium liquide. Des applications plus récentes utilisent des changements de phase plus complexes du cryofluide, comme la transition superfluide de l'hélium liquide, pour atteindre des températures encore plus basses.

Des machines thermiques peuvent aussi assurer des températures proches du zéro absolu sur satellite, voir par exemple le satellite Planck.