Vierge (constellation)

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Vierge
Image illustrative de l'article Vierge (constellation)
Vue de la constellation.
Désignation
Nom latin Virgo
Génitif Virginis
Abréviation Vir
Observation
(Époque J2000.0)
Ascension droite Entre 172,75° et 226,25°
Déclinaison Entre -22° et 14°
Taille observable 1 294 deg2 (2e)
Visibilité Entre 80° N et 80° S
Méridien 25 mai, 21h00
Étoiles
Brillantes (m≤3,0) 3 (α, γ, ε)
À l’œil nu 171
Bayer / Flamsteed 95
Proches (d≤16 al) 2
La plus brillante α Virginis (l'Épi) (0,98)
La plus proche Ross 128 (10,92 al)
Objets
Objets de Messier 11 (M49, M58, M59, M60, M61, M84, M86, M87, M89, M90, M104)
Essaims météoritiques Virginides
Mu virginides
Constellations limitrophes Balance
Bouvier
Chevelure de Bérénice
Corbeau
Coupe
Lion
Tête du Serpent

La Vierge est une constellation du zodiaque traversée par le Soleil du 16 septembre au 30 octobre. Dans l'ordre du zodiaque, elle se situe entre le Lion à l'ouest et la Balance à l'est. C’est une constellation immense de 44° d'angle (la deuxième du ciel, après l’Hydre) et extrêmement ancienne. Vierge était l’une des 48 constellations identifiées par Ptolémée.

La Vierge est également un signe du zodiaque correspondant au secteur de 30° de l'écliptique traversé par le Soleil du 23 août au 22 septembre, selon le calendrier tropical utilisé pour l'astrologie, et du au , selon le calendrier sidéral utilisé dans l'observation astronomique qui lui, prend en compte le décalage rétrograde de 1° tous les 72 ans dû au cycle de précession des équinoxes. En effet, le zodiaque astrologique est décalé d'environ 1 mois par rapport à l'observation actuelle du ciel, ce qui fait de lui une « photographie » du ciel correspondant à il y a 2000 ans, lorsque les bases de l'astrologie ont été fixées en fonction de l'observation astronomique à cette époque.

Nomenclature, histoire et mythologie[modifier | modifier le code]

En Mésopotamie[modifier | modifier le code]

En Mésopotamie, nous avons en effet, au tout début, une étoile, comme cela est attesté sur la tablette dite MUL.APIN, le premier traité d'astronomie mésopotamienne, découvert à Ninive dans la bibliothèque d'Assurbanipal et datant au plus tard de 627 av. è. c., où lisons : DIŠ mul.AB.SÍN d.ša-la šu-bu-ul-tu4, soit « Le Sillon, Šala, l’Épi ». Cette déesse est figurée, sur une tablette astrologique, comme une jeune femme tenant un épi d'orge[1], probablement du fait que le Soleil se trouvait jadis dans la Vierge lors de l’équinoxe d'automne : le lever héliaque de Spica correspondait à peu près à la période des semailles[2]. Ainsi AB.SÍN = Šubultu, « l’Épi », est l’emblème de Šala, divinité de la fécondité d’origine hourrite.

La déesse Šala, ancêtre de la Vierge, sur une tablette astrologique d'époque séleucide.

Au début du début du 1er millénaire è.c., le ciel est organisé en constellations, c’est-à-dire que les étoiles sont nommées par leur place dans les figures imaginaires projetées sur la voûte céleste. Cela est attesté dans les fameux que dans les éphémérides qui s’étalent de 652 av. é.c à 61 de notre ère, où le nom de l’étoile β Vir n’est plus que SA4 šá ABSIN, soit « la Brillante de l’Épi »[3].

Le nom même de la Vierge est toutefois d’origine syrienne : Batūlat, « la Jeune femme, la Vierge », est en effet l’épithète de la déesse cananéenne ᶜAnat et de son héritière araméenne Ἀτάργατις / Atargatis, qualifiée par les Grecs de Παρθένος, « Vierge », toutes deux parèdres de Ḥadad, le dieu du tonnerre, comme Šala l’est du dieu Adad, la divinité correspondante d’origine amorrite en Mésopotamie. Ceci explique qu’à côté du nom Btūlta, « la Vierge », le nom syriaque du signe zodiacal soit généralement Šbelta, « l’Épi », et de nom arabe al-Sunbula, de même signification[4].

En Grèce et à Rome[modifier | modifier le code]

Les Grecs qui appellent cette figure de Παρθένος, la « Vierge », attestée chez Eudoxe, ont aussi repris le même nom, ὁ Στάχυς, « l’Épi », appliqué à α Vir [5]. Bien qu'ils ne sachent pas vraiment, comme le rappelle Ératosthène: ce dernier rappelle qu'Hésiode en faisait la fille de Zeus et de Thémis. Mais pour certains, il s'agirait, à cause de son épi, tantôt de Déméter, tantôt d'Isis, tantôt d'Atargatis, ce qui était une telle intuition[6].

La figure de Virgo dans l’édition du Poeticon astronomicon d’Hyginus de 1482, Venise.

Quant aux Latins, ils ont fait du grec Παρθένος le latin Virgo, et nomment Spica, toujours « l’Épi », son étoile la plus brillante[7].

Chez les Arabes[modifier | modifier le code]

La figure d'al-ᶜAḏrā’ dans le ciel gréco-arabe, d’après un traité de ᶜAbd al-Raḥmān al-Ṣūfī du XIe s., Bodleian Library.
Les figures de السماك al-Simāk et العواء al-ᶜAwwā’ dans le ciel arabe traditionnel.

Chez les Arabes, il faut distinguer le ciel traditionnel qui comprend les manāzil al-qamar ou « stations lunaires », et ciel gréco-arabe, c’est-à-dire celui que les astronomes classiques ont repris des Grecs au IXe siècle de notre ère.

Bien qu’ils adoptent la figure grecque sous le nom d’al-ᶜAḏrā’, « la Vierge », en héritant de l'étalonnage hellénistique du ciel, les Arabes donnaient déjà à cet espace un nom par le 6e signe du zodiaque, al-Sunbula, « l’Épi », venu de Babylone par l’araméen et attesté dans l’horoscope de fondation de la ville de Baghdad en 762, ainsi que nous rapporte l’érudit persan al-Bīrūnī[8].

Ils plaçaient de plus, sur cet espace, trois manāzil al-qamar ou « stations lunaires ». La XIIIe, formée par le groupe βηγδε Vir, est nommée العواء al-ᶜAwwā’, littéralement « le Hurleur », qui doit se référer à une période venteuse. La XIVe, formée par la seule α Vir, est nommée السماك al-Simāk, probablement « le Soutien » dans une vision cosmogonique ouest-sémitique. Il faut noter que cette étoile forme, avec α Boo, السماكان al-Simākān « les Deux Simaks », l’un, α Vir étant, pour les distinguer, السماك الأعزال al-Simāk al-Aᶜzal, « le Simak Désarmé », et l’autre α Boo, السماك الراميح al-Simāk al-Rāmiḥ, « le Simak Armé ». La XVe station, enfin, est formée par le groupe ικλ Vir, nommé الغفر al-Ġafr, au départ du fait de l’éclat affaibli de ses étoiles après l’étoile brillante de la station précédente. Quand est développée la figure du Superlion arabe, le couple α Vir + β Boo y est intégré comme ساقا الأسد Sāqā l-Asad, « Les Deux Pattes arrière du Lion », et le groupe ικλ Vir الغفر a'l-Ġafr, « les Crins [de la Queue] ».

En Europe[modifier | modifier le code]

Virgo dans un manuscrit astronomique latin du XIIe, Nartional Library.

Au Moyen Âge, les clercs latins connaissaient le nom Virgo par les encyclopédies et les quelques manuscrits des Aratea, c’est-à-dire les versions latines des Φαινόμενα d’Aratos, à leur disposition, mais ils connurent dès l’an mil le nom arabe de cette figure. Nous lisons ainsi, chez Gérard de Crémone (ca. 1175) : Stellatio Virginis & est Spica, i.e. la transcription de l’arabe السنبلة al-Sunbula, « l’Épi »[9]. À son époque, on ne lit pas encore le nom grec dans le texte, ce qui n’adviendra qu’à la Renaissance. On trouve par exemple, dans l’Uranometria de Johann Bayer (1603), une liste de noms connus dans les différentes langues, selon l’usage de l’époque : non seulement Παρθένος, mais encore notamment Eladri, qui est la transcription de العذراء al-ᶜAḏrā’, « la Vierge », soit le nom de la constellation dans la catalogue gréco-arabe, et Sunbula la transcription de l’arabe السنبلة al-Sunbula, « l’Épi », le nom de la figure dans le ciel arabe traditionnel[10]. Ces noms figurent encore dans plusieurs catalogues jusqu’à ce que la nomenclature approuvée en 1930 par l’Union astronomique internationale (AUAI) ne chasse définitivement les appellations autres que Gemini, à l’exception du grec Δίδεμοι.

La figure de Virgo dans l’Urania's Mirror, Londres, 1824.

Les noms d’étoiles empruntés au Arabes que livrent les catalogues contemporains puisent à ce deux sources arabes.

Bibliographie / Nomenclature[modifier | modifier le code]

  • Hermann Hunger, Astral science in Mesopotamia, Leyde / Boston (Mass.) / Cologne : Brill, 1999, , 303 p. (ISBN 90-04-10127-6).
  • Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961 p., , 125.
  • Roland Laffitte, Le Ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Geuthner, , 296 p. (ISBN 978-2-7053-3865-7).
  • André Le Bœuffle, Les Noms latins d'astres et de constellations, Paris: Les Belles lettres, , 292+cartes (ISBN 978-2-251-32882-9, ISSN 1151-826X).
  • Otto Neugebauer & Richard A. Parker, Egyptian astronomical texts... 3. Decans, planets, constellations and zodiacs, 2 vol., Providence, R. I. : Brown university press / Londres : L. Humphries, 1969.
  • Sun Xiachun Sun & Jacob Kistemarker =, The Chinese Sky During the Han, Leyde, Cologne : Brill, , 240 p..

Observation des étoiles[modifier | modifier le code]

Constellation de la Vierge.
Visibilité nocturne de la constellation.

Repérage de la constellation[modifier | modifier le code]

La Vierge se repère progressivement autour de son étoile majeure Spica.

Dans l'hémisphère Nord, Spica se repère à partir de la Grande Ourse : le manche de la « casserole » poursuit un grand arc de cercle jusqu'à Arcturus, dans le Bouvier (en haut dans l'image ci-contre), et le prolongement de cet arc conduit à Spica.

Spica peut également se repérer directement par le voisinage du Corbeau (en bas de l'image) : c'est l'étoile brillante que la corneille surveille.

Repérer le grand triangle formé par Denebola du Lion (en haut à droite sur l'image), Arcturus du Bouvier, et Spica. Au centre de ce triangle se trouve Vindemiatrix, la « main » de la Vierge.

Plus au sud-est se trouvent les premières étoiles de la Balance.

Forme de la constellation[modifier | modifier le code]

Les alignements dessinant la Vierge sont peu suggestifs, l'image d'une Vierge est difficile à visualiser.

  • Le dos : dans l'axe Spica - Denebola, on voit un alignement de trois petites étoiles θ, γ (Porrima) et η (Zaniah), conduisant à la tête de la Vierge, située sous la queue du Lion (Denebola).
  • La tête : dans l'axe du dos, sous Denebola, on tombe sur Zawijah (β Vir) au sud, qui forme la nuque. La forme de la tête (entre Heze et Denebola) dépend beaucoup des conditions de visibilité.
  • Le bras : Partant de Vindemiatrix (ε Vir) en direction du Corbeau, on rencontre au coude Auva (δ Vir) et Porrima (γ Vir) à l'épaule.
  • La jambe : Partant de Spica en direction d'Arcturus, on tombe (un peu à droite) sur Heze (ζ Vir), le genou. De là, la « jupe » de la Vierge s'étend vers l'est, sans forme très convaincante.

Étoiles principales[modifier | modifier le code]

α Virginis (L'Épi, Spica)[modifier | modifier le code]

L’étoile la plus brillante de la constellation de la Vierge est α Virginis (L'Épi, ou Spica en latin). Elle se trouve en suivant la courbe de la Grande Ourse et en poursuivant au-delà d’Arcturus (dans le Bouvier), on aboutit à α Vir.

Avec une magnitude apparente de 0,98, α Vir est la 14e étoile la plus brillante du ciel, mais le doit au fait qu’elle est une étoile double, ses deux composantes bleues orbitant à 0,12 ua de distance en un peu plus de quatre jours. Elle posséderait également deux ou trois autres composantes plus lointaines et moins brillantes.

Elle est légèrement variable : les deux étoiles principales la composant sont tellement proches que les forces de marée de l’une sur l’autre les déforment et les rendent ellipsoïdales. Lors de leur orbite, elles ne présentent pas tout le temps la même surface et la brillance perçue sur Terre varie très légèrement.

Autres étoiles[modifier | modifier le code]

Plusieurs autres étoiles de la Vierge portent un nom propre : Zavijava (β Vir), γ Vir (Porrima), ε Vir (Vindemiatrix, la Vendémiaire, car son lever héliaque indiquait le début des vendanges à l’époque romaine), Zaniah (η Vir) et Syrma (ι Vir).

γ Vir est une étoile double dont les deux composantes sont presque identiques, des étoiles blanches de magnitude apparente 3,65 et 3,68, produisant une magnitude totale de 2,74.

70 Virginis (magnitude apparente 4,97) possède une exoplanète de 6,6 fois la masse de Jupiter.

Ross 128 (FI Virginis), une naine rouge, est la 11e étoile la plus proche du Système solaire, distante de 10,91 années-lumière.

Objets célestes[modifier | modifier le code]

5° à 10° à l’ouest de Vindemiatrix, proche de la frontière nord de la constellation, se trouve l’Amas de la Vierge, un amas de galaxies distant d’environ 80 millions d’années-lumière et comportant plus de 3 000 objets. La constellation de la Vierge est donc très riche en galaxies. Parmi les membres de cet amas, on peut noter M49 (elliptique), M58 (spirale), M59 (elliptique), M60 (elliptique), M61 (spirale), M84 (elliptique), M86 (elliptique), M87 (elliptique et une source radio fameuse), M90 (spirale), NGC 4526 (spirale), NGC 4697 (elliptique) et NGC 4699 (spirale barrée).

M104 est une autre galaxie elliptique présente dans la constellation. On la nomme également « galaxie du Sombrero » à cause de sa forme caractéristique. Elle se trouve à 10° à l’ouest de l’Épi.

La constellation renferme également le centre d’un superamas galactique, le superamas de la Vierge, auquel appartient le Groupe local.

En arrière-plan de l’amas de galaxies Abell 1835 a été détecté un objet qui a un temps été considéré comme étant la plus ancienne galaxie connue, Abell 1835 IR1916, qui aurait daté de 470 millions d’années après le Big Bang. Cette hypothèse a par la suite été abandonnée, la nature et l'existence même de cet objet étant incertaines.

Abell 36 est une nébuleuse planétaire.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Roland Laffitte, « Série MUL.APIN (BM 86378)», Tab. I, i, l. 10, sur URANOS, site astronomique de la Selefa. »
  2. Le Bœuffle 1989, p. 150
  3. Roland Laffitte, « Les étoiles de comput dites 'normales' dans les Journaux astronomiques (652-61 av. J.-C.) », sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  4. Roland Laffitte, « L’origine de la constellation de la Vierge », in Journal asiatique, n° 282.1-2 (2004), pp. 63-73, repris URANOS, site astronomique de la Selefa. »
  5. Roland Laffitte, « L’héritage mésopotamien des Grecs en matière de noms astraux (planètes, étoiles et constellations, signes du zodiaque)», in Lettre SELEFA n° 10 (décembre 2021), p. 22. »
  6. Ératosthène, Le Ciel, mythes et histoires des constellations, Pascal Charvet (dir.), Paris : Nil Éditions, 1998, p. 61.
  7. André Le Bœuffle, Les Noms latins d’astres et de constellations, éd. Paris : Les Belles Lettres, 1977, pp. 164-167.
  8. Roland Laffitte, Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 46.
  9. Gérard de Crémone, Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 83r.
  10. (la)Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 27r.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Hermann Hunger, Astral science in Mesopotamia, Leyde / Boston (Mass.) / Cologne : Brill, 1999, , 303 p. (ISBN 90-04-10127-6).
  • Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961 p., , 125.
  • Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Geuthner, , 296 p. (ISBN 978-2-7053-3865-7).
  • André Le Bœuffle, Le ciel des Romains, Paris: De Boccard, , 160+VIII (ISBN 270180048X, ISSN 0998-4453).

Articles connexes[modifier | modifier le code]