Constantin III Héraclius
| Constantin III Héraclius | |
| Empereur byzantin | |
|---|---|
Solidus à l'effigie d'Héraclius à gauche et de Constantin III à droite. | |
| Règne | |
| - 3 mois et 14 jours |
|
| Période | Héraclides |
| Précédé par | Héraclius |
| Suivi de | Héraclonas |
| Biographie | |
| Nom de naissance | Heraclius Novus Constantinus |
| Naissance | |
| Décès | (à 29 ans) |
| Père | Héraclius |
| Mère | Fabia Eudocia |
| Fratrie | Héraclonas |
| Épouse | Gregoria Anastasia |
| Descendance | Constant II Théodose |
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Constantin III Héraclius (en latin : Heraclius Novus Constantinus Augustus, en grec : Κωνσταντίνος Γʹ) (né le , mort le ) est un empereur byzantin qui règne du au /. Il appartient à la dynastie héraclide, au pouvoir de 610 à 711.
Premier fils d'Héraclius et de Fabia Eudocia, il est très tôt associé au gouvernement pour consolider le pouvoir encore fragile de la nouvelle dynastie. Il passe l'essentiel de sa jeunesse à Constantinople tandis que son père est souvent en campagne contre les Sassanides. D'une santé fragile, il assure la continuité du pouvoir impérial en l'absence d'Héraclius. En dépit de son statut d'héritier désigné, il est rapidement en concurrence avec les enfants de Martine, la deuxième femme d'Héraclius qui cherche à les promouvoir aux dépens de Constantin. Cela ne l'empêche pas de succéder au trône en 641 alors que l'Empire est dans une situation critique.
Son règne, qui ne dure que quelques semaines, est surtout consacré à quelques tentatives de stabiliser l'Empire et de préserver son trône et les droits de son fils, Constant, face aux visées de Martine. Il meurt en mai 641, probablement de la tuberculose, et, si Martine en profite pour prendre la régence au nom de son fils Héraclonas, Constant est finalement élevé sur le trône au terme d'une révolte de l'armée, peut-être en partie planifiée par Constantin avant sa mort.
Jeunesse et couronnement comme co-empereur
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Constantin est le premier fils d'Héraclius et de sa première femme, Fabia Eudocia, épousée dès son accession au trône le . Héraclius est très probablement d'origine arménienne[1],[2] et il passe une large partie de sa jeunesse en Afrique car son père, Héraclius l'Ancien, a été nommé exarque d'Afrique, l'un des postes les plus élevés de l'Empire[3]. C'est dans cette région qu'il y rencontre Fabia Eudocia, fille d'un riche propriétaire terrien local du nom de Rogas[4],[5].
En 608, Héraclius suit son père dans la rébellion contre l'empereur Phocas qui a usurpé le trône en 602 sans parvenir à affermir sa légitimité. À la tête d'une flotte, il débarque près de Constantinople et capture Phocas avant de l'exécuter[6]. Néanmoins, il doit très tôt s'atteler à consolider son pouvoir, lui aussi fragile car issu d'une rébellion. Confronté à des frontières qui vacillent sous les assauts des Sassanides en Orient, il compte très tôt sur son entourage familial, que ce soit Nicétas qui devient gouverneur de l'Égypte ou son frère Théodore[7].
Constantin naît le , peu avant la mort de sa mère, vraisemblablement dans le palais de Sophia[8]. Il reçoit la bénédiction de Théodore de Sykéon, qui est alors l'une des figures religieuses les plus éminentes de l'Empire, et est baptisé en décembre 612. Son père cherche alors certainement à renforcer son pouvoir en s'associant à un personnage reconnu pour sa piété et proche de ses prédécesseurs, tant Phocas que Maurice[9].
Constantin est rapidement reconnu comme successeur désigné puisqu'il est couronné co-empereur alors qu'il n'a que quelques mois, le 22 janvier 613[9]. Il est présenté à l'hippodrome où il est acclamé par le Sénat puis par les factions de la ville, avant d’être amené à Sainte-Sophie[10]. L'association du fils et héritier au pouvoir impérial est une pratique déjà courante dans le monde byzantin. Elle vise à prévoir les troubles de la succession. L'Empire byzantin, pénétré de l'héritage de la Rome antique, ne reconnaît alors qu'une valeur relative au principe de la légitimité dynastique[11]. Cependant, la décision d'Héraclius de donner la couronne impériale à son fils alors même qu'il n'est qu'un bébé est un geste significatif, qui atteste son désir de préparer au mieux sa succession et d'installer sa famille à la tête de l'Empire, alors que Fabia Eudocia est morte peu après la naissance de Constantin. Il est aussi possible qu'en associant son fils au pouvoir, il se réserve la possibilité de quitter plus aisément Constantinople. En laissant son fils dans la capitale, il maintient la présence de sa famille dans la Cité impériale, cœur du pouvoir que les empereurs précédents n'ont que rarement quittée. Ainsi, dès 613, Héraclius part en campagne à la tête de ses troupes[12]. De même, Constantin apparaît assez tôt sur les pièces de monnaie émises par son père, là encore pour illustrer son rôle de successeur désigné, bien plus, par exemple que Théodose, le fils de Maurice, empereur de 578 à 602 et renversé par Phocas. Héraclius a peut-être voulu prendre exemple sur cet échec pour affirmer très vite la position de son fils. Enfin, en 632, Constantin est élevé au rang de consul[13].
Très jeune, Constantin semble d'une santé fragile[14]. Alors que son père quitte Constantinople en 622 pour conduire ses troupes contre les Sassanides durant plusieurs années, Constantin reste généralement dans la capitale, sauf lors d'un bref moment en 624 lors duquel il accompagne Héraclius jusqu'à Nicomédie avant de revenir à Constantinople[15]. Il est alors nécessaire qu'un membre de la famille impériale, a fortiori l'héritier désigné, demeure à Constantinople pour assurer une sorte de continuité, même si dans les faits le pouvoir est en réalité détenu conjointement par le patriarche Serge Ier de Constantinople et le général Bonus[14]. Dans les années 630, Constantin n'accompagne pas non plus son père et il est difficile de savoir les relations qu'il entretient avec lui, alors qu'il est dorénavant suffisamment âgé pour prendre part au gouvernement de l'Empire. Il est possible qu'Héraclius, conscient de la santé précaire de son fils, ait essayé de le préserver ou bien que Constantin III ait poursuivi sa fonction de représentation d'Héraclius dans la capitale[16],[17]. Nikolas Hächler met ainsi en évidence une forme de partage du pouvoir et de la représentation impériale entre le père et le fils, dans le contexte de l'installation d'une nouvelle dynastie et d'une période de grand trouble pour l'Empire. Ainsi, même si les fonctions de Constantin III sont essentiellement cérémonielles, son rôle serait plus important qu'il n'y paraît[18].
Le seul événement d'importance lors duquel il semble avoir un rôle notable est le siège de Constantinople en 626, face aux Avars et à l'armée sassanide conduite par Schahr-Barâz. À la fin de celui-ci, l'empereur sassanide Khosro II envoie une missive pour mettre à mort son général en raison de son échec, mais elle est interceptée et transmise à Constantin III, qui la fait remettre à son père. Celui-ci en profite pour contacter Schahr-Barâz et l'inciter à faire défection, ce qui lui permet de concentrer ses forces contre les armées restantes de Khosro[19].
Un règne éphémère
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Un nom de règne incertain
[modifier | modifier le code]Nommé Héraclius Nouveau Constantin par ses parents, en référence à Constantin le Grand, mais gouvernant sous le nom de Constantin, son nom de règne varie selon les pratiques des historiens. Les Romains eux-mêmes n’utilisent pas de numéros de règne ; ceux-ci sont appliqués aux empereurs par les historiens modernes. Il existe une confusion particulière autour du nom « Constantin III », qui a également été attribué à l’empereur occidental Constantin (r. 407-411), d’abord usurpateur puis reconnu par Honorius. Charles Le Beau (1701-1778) établit la convention consistant à numéroter onze empereurs nommés Constantin, mais utilise le chiffre uniquement pour l’empereur d’Orient[20]. Edward Gibbon (1737-1794) qualifie également explicitement l’empereur d’Occident d’usurpateur et réserve le chiffre à l’empereur d’Orient. Justin Sabatier (1792-1869) et Louis Félicien de Saulcy (1807-1880) numérotent notablement Héraclius Constantin comme « Héraclius II » — un chiffre souvent utilisé pour son frère Héraclonas — mais désignent le Constantin suivant comme Constantin IV, comptant ainsi indirectement l’empereur d’Occident[21]. Cette numérotation a été reprise par quelques auteurs. Warwick Wroth (1858-1911) n’attribue aucun chiffre à Héraclius Constantin et utilise « Constantin III » comme nom alternatif de Constant II. De même, Andreas Stratos considère que l'usurpateur Constantin ne règne pas sur l'Empire romain mais il va plus loin puisqu'il n'inclut pas Constantin II dans la liste impériale, considérant qu'il ne règne que sur une partie de l'Empire romain. Il estime donc que Constantin III devrait être reconnu sous le nom de « Constantin II »[22]. La Prosopography of the Later Roman Empire (PLRE, 1980) utilise le chiffre uniquement pour l’empereur d’Orient, tandis que l’Oxford Dictionary of Byzantium (1991) ne l’utilise que pour l’empereur d’Occident[23]. Philip Grierson applique le chiffre aux deux empereurs, mais considère « Constantin III » davantage comme un nom alternatif pour Héraclius Constantin, auquel il n’attribue pas de chiffre dans l’index[24]. Dans l'ensemble, les historiens s'accordent néanmoins pour lui donner Constantin III comme nom de règne[25].
Au-delà de ces confusions, les sources à propos de Constantin III sont peu nombreuses et parfois contradictoires. Le principal récit sur lequel s'appuient les historiens est celui relativement tardif de Nicéphore Ier de Constantinople, tandis que le chroniqueur plus contemporain Jean de Nikiou paraît moins clair dans sa chronologie et certaines de ses descriptions. Les autres écrits, y compris Théophane le Confesseur, s'accordent sur de grandes généralités mais peuvent varier dans leurs détails[26]. Georges de Pisidie le mentionne dans un poème composé en son honneur vers 625, décrivant ses qualités martiales mais de façon très romancée, comme pour souligner la nécessité pour le jeune homme d'acquérir rapidement des qualités militaires, dans un contexte de guerre féroce contre les Perses et en imitation de son père. Ses talents de tireur à l'arc sont notamment mis en évidence, en référence à Héraclès[27].
Une succession complexe
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Tout au long de sa vie, Constantin est le successeur désigné par Héraclius. Néanmoins, le remariage de celui-ci avec sa nièce Martine favorise des conflits familiaux avec les enfants issus de cette union. Héraclius souhaite probablement assurer l'avenir de sa dynastie en concevant de nouveaux fils, d'autant plus que Constantin est d'une santé précaire[16]. Or, Martine montre assez tôt son désir de promouvoir ses propres enfants au sommet de la hiérarchie impériale. Héraclius y consent en partie, certainement pour se prémunir d'un décès précoce de Constantin. Si les premiers enfants qu'il a avec Martine sont frappés d'infirmité et meurent parfois en bas âge, Héraclonas (né en 626) est couronné co-empereur en 638. Son plus jeune frère, David, est élevé à la dignité de César la même année. Néanmoins, cette décision renforce aussi la concurrence intrafamiliale[28]. Dans ces dernières années du règne d'Héraclius, Constantin III le représente de plus en plus, aux côtés d'Héraclonas, alors qu'Héraclius s'isole sur la rive asiatique du Bosphore et renâcle à se rendre dans la cité impériale[29].
Quand Héraclius meurt en février 641, Constantin III se retrouve à la tête d'un Empire instable[30]. Son pouvoir est d'emblée disputé tandis qu'il doit composer avec des pertes territoriales importantes. Les Musulmans ont envahi la Syrie et la Palestine et menacent gravement l'Égypte. Les finances sont épuisées et l'armée, écrasée lors de la bataille du Yarmouk et exsangue à la suite de la guerre perso-byzantine de 602-628, n'est guère en mesure de lancer de contre-offensive. Les dernières volontés d'Héraclius restent méconnues[31]. Sûrement a-t-il voulu préserver les différentes branches de sa famille. Constantin III règne donc en compagnie d'Héraclonas, âgé de seulement quinze ans et dont la tutelle est exercée par Martine. Cependant, son impopularité parmi une élite byzantine qui a toujours dénoncé son mariage consanguin avec Héraclius demeure élevée, comme en témoigne la préférence affichée par la foule rassemblée à l'hippodrome quand Constantin III y fait son apparition aux côtés d'Héraclonas et Martine[32]. Rapidement, le Sénat byzantin s'oppose à Martine tandis que Constantin III tente de s'appuyer sur des hauts dignitaires byzantins[33]. Si le patriarche de Constantinople Pyrrhus est du côté de l'impératrice douairière, Constantin peut compter sur le général Valentin, un proche du sacellaire Philagrios. Constantin distribue aussi des subsides importants à l'armée, en piochant semble-t-il dans une réserve constituée par Héraclius au profit de son épouse et dont l'existence lui est révélée par Philagrios[34]. Valentin est élevé à la dignité de comte de l'Opsikion, l'un des postes militaires les plus élevés de l'Empire. Constantin se garantit ainsi des soutiens de poids, tandis que Martine est temporairement mise de côté[35].
En outre, un papyrus retrouvé en Égypte[36], contenant un contrat de mariage, le mentionne dans sa formule de date comme Augustus Senior, ce qui témoignerait de l'action de Constantin III pour affirmer une forme de préséance par rapport à son demi-frère, tout en préservant les droits à venir de son propre fils, le futur Constant II, qui apparaît comme possédant le titre élevé de César[37],[38],[39].
Un règne court
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Malgré tout, le règne très court de Constantin ne lui permet guère de peser sur les bouleversements en cours dans son Empire. Malade, il est réputé résider dans un palais à Chalcédoine, à l'extérieur de Constantinople[22]. Toutefois, il jouit apparemment d'une bonne popularité dans la Cité impériale, en lien peut-être avec sa présence lors de la défense de la ville à l'occasion du siège de 626 mais également parce qu'il n'est pas issu de l'union entre Héraclius et Martine[40]. Il tente d'organiser la défense de l'Égypte, dont de larges pans ont d'ores et déjà été envahis, alors que l'une des dernières décisions d'Héraclius a été de refuser la trêve conclue entre Cyrus de Phase et les Arabes. Face à l'incapacité du général Théodore, principal militaire dans la région, à défendre la bande côtière égyptienne toujours tenue par les Byzantins, Constantin rappelle Cyrus de Phase, qui est nommé préfet de l'Égypte, avec pour consigne de préparer la défense d'Alexandrie[41]. Symbole d'un Empire en crise financière autant que militaire, des chroniqueurs comme Georges Cédrène rapportent une anecdote dont il est difficile d'attester la véracité. Constantin III aurait fait exhumer la couronne de son père pour la fondre[42].
Selon le chroniqueur Jean Zonaras, Constantin se serait distingué de son père par son rejet du monothélisme et par son adhésion à la foi chrétienne telle que défendue par le pape. Là encore, le flou demeure[43]. Une lettre est bien envoyée par le pape Jean IV qui condamne la position monothélite affirmée par Héraclius dans son Ecthèse et blâme le patriarche Pyrrhus de Constantinople. Cette lettre est adressée à Constantin mais l'identité exacte de celui-ci est inconnue car le propre fils de Constantin III, le futur Constant II, a adopté comme nom de règne Constantin. De même, l'identité du répondant est incertaine, Andreas Stratos soutenant cependant la thèse que c'est bien Constantin III qui est le destinataire et l'expéditeur de la réponse. En revanche, il ne défend pas l'idée qu'il aurait rejeté le monothélisme de son père[44]. Des écrits de Maxime le Confesseur le rendent même responsable d'une politique de répression à l'égard du monophysisme, quand il apprend que des religieuses fuyant l’Égypte envahie pour l'Afrique byzantine tentent d'y propager cette forme de christianisme, ce que condamne Constantin III[45].
Numismatique
[modifier | modifier le code]La numismatique est également avare d'informations sur le règne de Constantin III. S'il apparaît fréquemment sur les monnaies de son père sous différentes figures, puis avec son demi-frère Héraclonas à partir de la fin des années 630, il est difficile d'identifier des pièces directement rattachables à son court règne. Certains historiens ont postulé que les ateliers monétaires n'ont pas eu le temps de produire un nouveau type de monnaies ou bien que les autorités, conscientes de la santé très précaire de l'empereur, n'ont pas souhaité précipiter une production qui risquait d'être brève. Pourtant, d'autres historiens comme Philip Grierson identifient quelques pièces liées à Constantin III, avec la difficulté qu'elles peuvent facilement être confondues avec celles à venir de Constant II, lui-même dénommé Constantin officiellement. Pour Grierson, les solidus en question sont des pièces montrant un homme glabre et portant un casque, ce qui n'est jamais le cas de Constant II. En revanche, il n'existe pas de pièces le montrant uniquement avec son demi-frère Héraclonas[46].
- Différentes monnaies de Constantin III :
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Solidus frappé dans les premières années de vie de Constantin III. Il apparaît alors sous des traits enfantins aux côtés de son père.
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Solidus frappé quelques années plus tard. Constantin III apparaît alors sous les traits d'un jeune homme légèrement barbu et à la même hauteur que son père.
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Solidus frappé dans les dernières années du règne d'Héraclius. Constantin III apparaît à sa gauche et son demi-frère, plus petit, est de l'autre côté.
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Solidus sur lequel les trois hommes (Héraclius, Constantin III et Héraclonas) apparaissent à peu près de la même taille.
Une mort environnée de rumeurs
[modifier | modifier le code]En mai 641, Constantin meurt à seulement vingt-neuf ans, probablement de la tuberculose, Jean de Nikiou rapportant qu'il crache du sang en abondance au moment de sa mort[47]. La date précise n'est pas connue avec exactitude, mais Nicéphore de Constantinople parlant d'un règne de 103 jours, il est possible de situer sa disparition entre le 24 et le 26 mai, bien qu'une source anonyme, le Necrologium la date au 20 avril et fasse débuter son règne au 11 janvier. Des rumeurs font état d'un empoisonnement par Martine, sans qu'il soit possible de confirmer une telle hypothèse, mais les chroniqueurs sont nombreux à la relayer, dont Théophane le Confesseur, Jean Zonaras, Léon le Grammairien ou Michel Glycas, certains accusant également le patriarche Pyrrhus de Constantinople. Andreas Stratos souligne que Philagrios, le sacellaire et principal ministre de Constantin, a pu diffuser une telle rumeur avant même la mort de l'empereur, alors souffrant. Il l'aurait fait pour garantir sa place et celle des fils de Constantin face aux ambitions de Martine. Nicéphore de Constantinople écrit par ailleurs que Constantin aurait également anticipé sa propre mort en confiant une importante somme d'argent à Valentin pour qu'il l'utilise pour garantir le soutien de l'armée à sa famille. Il n'est toutefois pas possible d'être certain de ces affirmations[48],[35]. Néanmoins, la mort de Constantin ouvre de nouveau la querelle successorale au sein de la famille d'Héraclius puisqu'elle oppose désormais Martine et Héraclonas à Constant II, le jeune fils de Constantin qui devient très vite le candidat des opposants à Martine, dont Valentin[49]. Quant à Constantin, il est enterré dans la nécropole impériale de l'église des Saints-Apôtres de Constantinople, dans un sarcophage blanc de marbre du Proconnèse, aux côtés de son père[50].
Famille et succession
[modifier | modifier le code]Constantin III se marie en 630 avec sa cousine germaine, Gregoria Anastasia, fille de Nicétas et de sa tante Grégoria. Cette union est sûrement à l'instigation d'Héraclius qui souhaite renforcer l'influence de sa famille sur les institutions impériales, même si la proximité familiale entre les époux est susceptible de susciter une opposition, en écho avec sa propre union avec Martine[51]. Ensemble, ils ont au moins deux fils : Héraclius (né le ), qui devient Constant II quand il est couronné co-empereur en 641 et Théodose, futur général et haut dignitaire de l'Empire, tué par son frère vers 660[52].
Après la mort de Constantin III, Constant II devient le favori des opposants à Martine, en particulier du général Valentin, banni de Constantinople. Grâce au soutien de l'armée, il parvient à exiger le couronnement de Constant comme co-empereur puis l'impose comme seul empereur en faisant arrêter puis mutiler Héraclonas et Martine en septembre 641. Lors d'une adresse au Sénat byzantin rapportée par Théophane le Confesseur, Constant II accuse Martine d'avoir empoisonné son père. Constant II règne ensuite jusqu'en 668[53].
Mentions dans la littérature
[modifier | modifier le code]Théophane mentionne Constantin III comme coempereur avec son père, puis comme unique souverain après la mort d'Héraclius. Il relate également son bref règne (environ trois mois en 641) et les rumeurs selon lesquelles il aurait été empoisonné par Martine, sa belle-mère, pour préparer le terrain à son fils Héraclonas[54]. Le Bréviarium de Nicéphore offre un avis succinct sur l'accession au trône et la mort de Constantin et souligne souvent les intrigues de la cour et les ambitions de Martine[55]. John Julius Norwich décrit avec vivacité Constantin III comme une « figure tragique » éclipsée par l’héritage de son père et détruite par les « intrigues venimeuses » de Martine[56].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ Treadgold 1997, p. 287.
- ↑ Kaegi 2003, p. 21-22.
- ↑ Martindale, Jones et Morris 1992, p. 511, 585, 622.
- ↑ Kaegi 2003, p. 36.
- ↑ (en) Walter Emil Kaegi, Muslim Expansion and Byzantine Collapse in North Africa, Cambridge (GB), Cambridge University Press, , 345 p. (ISBN 978-0-521-19677-2, lire en ligne
), p. 94.
- ↑ Kaegi 2003, p. 49-50.
- ↑ Kaegi 2003, p. 227.
- ↑ Kaegi 2003, p. 61.
- Kaegi 2003, p. 73.
- ↑ Hächler 2022, p. 73.
- ↑ Voir à ce sujet (en) Mike Humphrey, « The Shifting Importance of Dynasty in Heraclian Ideology », dans Shaun Tougher (dir.), The Emperor in the Byzantine World, Routledge, (ISBN 9780429590467).
- ↑ Hächler 2022, p. 74-75.
- ↑ Kaegi 2003, p. 222.
- Kaegi 2003, p. 278.
- ↑ Hächler 2022, p. 85-86.
- Kaegi 2003, p. 238.
- ↑ Hächler 2022, p. 70.
- ↑ Hächler 2022, p. 111-112.
- ↑ Kaegi 2003, p. 148-150.
- ↑ Charles Le Beau, Histoire du bas-empire: en commençant a Constantin le Grand, t. 12, Chez Desaint & Saillant, , p. 471-483.
- ↑ Justin Sabatier, Description générale des monnaies byzantines frappées sous les empereurs d'Orient depuis Arcadius jusqu'à la prise de Constantinople par Mahomet II, vol. 1, Rollin et Feuardent, , p. 4-5.
- Stratos 1972, p. 178.
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- ↑ (en) Philip Grierson, Catalogue of the Byzantine Coins in the Dumbarton Oaks Collection and in the Whittemore Collection, Dumbarton Oaks, (ISBN 978-0-88402-024-0), p. 385.
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- ↑ Haldon 1997, p. 52.
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- ↑ (en) John Julius Norwich, Byzantium: the Early Centuries, Penguin, coll. « A Penguin book History », (ISBN 0-14-011447-5, SUDOC 003120104).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
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: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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- (en) Andreas N. Stratos (trad. du grec moderne par Harry T. Hionides), Byzantium in the Seventh Century [« Το Βυζάντιον στον Ζ' αιώνα »], vol. III : 642-668, Amsterdam, Adolf M. Hakkert, , 315 p. (ISBN 978-9-025-60748-7, OCLC 768929019).

- (en) Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society, Stanford, University of Stanford Press, , 1044 p. (ISBN 978-0-804-72630-6, OCLC 37154904, lire en ligne
). 
- Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs : Les Princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, Paris, De Boccard, coll. « De l'archéologie à l'histoire », , 638 p. (ISBN 978-2-701-80226-8, ISSN 1157-3872, OCLC 837399921).
, [détail des éditions] - (de) Friedhelm Winkelmann, Ralph-Johannes Lilie, Claudia Ludwig, Thomas Pratsch, Ilse Rochow et Beate Zielke, Prosopographie der mittelbyzantinischen Zeit : I. Abteilung (641–867), vol. 5 : Theophylaktos (#8346) – az-Zubair (#8675), Anonymi (#10001–#12149), Berlin, Walter de Gruyter, , 685 p. (ISBN 978-3-11-016675-0, OCLC 491093339), « Ualentinos (#8545) », p. 69–73.

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