Conservation et restauration des films
La conservation et restauration des films présente un certain nombre de difficultés, différentes suivant les types de supports utilisés.
Restaurer un film consiste à freiner le processus d'altération de son support et améliorer sa lisibilité[1], généralement en tentant de se rapprocher de sa forme d’origine[2]. Un énorme pourcentage de films muets et sonores d'avant 1950, sur support pellicule, n'ont pas pu être bien conservés et sont irrémédiablement ou présumés perdus[3].
Conserver
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La conservation d'un film comporte plusieurs volets :
- construction, aménagement, climatisation et entretien des dépôts ;
- magasinage et pré-inventaire sur la nature et l'état physique des films originaux ;
- tirage des copies : contretypes de préservation et de positifs de projection.
Problèmes liés à la conservation
[modifier | modifier le code]Il y a plusieurs méthodes de restauration et de conservation, suivant le support du film à préserver :
- film noir et blanc, muet ;
- film coloré manuellement ou au pochoir, muet ;
- film parlant ;
- film en couleur ;
- film dont la bande sonore est multicanal ;
- film sur bande numérique ;
- film sur disque dur.
Films photochimiques
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Le film-nitrate
[modifier | modifier le code]La majorité des films, réalisés jusqu'en 1951 (date à laquelle le film en acétate de cellulose deviendra obligatoire), a été fabriquée sur une pellicule à base de nitrate, extrêmement inflammable (même plongée dans l'eau). À cause du risque qu'ils présentent, ces films sont de nos jours entreposés séparément.
Le syndrome du vinaigre
[modifier | modifier le code]À partir des années 1950, la pellicule nitrate est abandonnée au profit de la pellicule acétate (support dénommé "Security film" ou "Film-sécurité"), nettement moins inflammable. Quelques décennies plus tard, les conservateurs constatent avec horreur que l'acétate se décompose, en dégageant une odeur de vinaigre[4]. La seule solution pour sauver un film est alors d'en tirer une copie.
La couleur
[modifier | modifier le code]Dans les années 1980, un groupe de travail international a donné quelques recommandations:
- restaurer l'image et le son ;
- conserver l'image couleur en tirant 3 internégatifs RGB à conserver à une température d'environ 1 à 2 °C, dans un environnement exempt d'humidité ;
- conserver la bande sonore restaurée sur un support magnétique 35 mm multipistes.
Cassettes numériques
[modifier | modifier le code]Avec le développement du numérique, les chaines de télévision ont demandé que les films qui y sont diffusés soient conservés sur des cassettes au format numérique : Bêta SP, HDCam, etc.
Toutefois, ces supports ne permettent pas une conservation pérenne (délai de conservation inférieur à une vingtaine d'années, dégradation de la qualité des copies d'une génération à l'autre, obsolescence du matériel de lecture/écriture)[5].
Disques durs
[modifier | modifier le code]Dans les années 2020, les films sont majoritairement tournés en numérique. Le fichier de diffusion n'est alors plus directement lié au support.
Il reste important de conserver le codec qui a servi à l'encodage du fichier source en plus des fichiers sources.
Les films, sous la forme de fichiers informatiques, sont généralement sauvegardées sur des serveurs RAID (informatique) composés de plusieurs disques durs physiques qui permettent de garantir la sauvegarde des fichiers y-compris en cas de défaut d'un disque dur.
Restaurer
[modifier | modifier le code]Restauration de la pellicule
[modifier | modifier le code]Dans le cas où existent plusieurs copies d'un même film, un travail de comparaison et de réfection (décollage, nettoyage, suppression des rayures, réparation des perforations, etc.) doit être entrepris pour reconstituer une copie d'archive aussi fidèle que possible à l'œuvre originale.
Certains films - principalement parmi les muets - existent sous une forme lacunaire ou problématique (sans titre original, sans générique, dans un état précaire). Dans ce cas, il faut identifier le film, restituer son origine, son métrage original, ses intertitres, etc. La reconstitution d'un film peut nécessiter de rassembler des matériels éparpillés à travers le monde et d'effectuer des recherches dans des fonds de documentation filmographique.
Le format
[modifier | modifier le code]L’image muette, qui remplissait la totalité de la surface du film, a été amputée, fin des années 1920, pour laisser la place à la bande son photographique. Pendant quelques années, c'est sous cette forme carrée que les films furent projetés, mais pour redonner un aspect rectangulaire, on a aussi rétréci la hauteur de l’image et augmenté l’inter-image. Les formats panoramiques, dans les années 1950, ont également diminué la hauteur de l’image.
La fréquence de l'image
[modifier | modifier le code]La lecture du son optique rendait indispensable la stabilité rigoureuse de la vitesse de défilement du film, et donc la normalisation de sa cadence de projection. La cadence n'a, historiquement, jamais été fixe : au tournage, avant l’arrivée du moteur, les scènes pouvaient être tournées à des vitesses sensiblement différentes pour des raisons de mise en scène – pour les scènes d’action, par exemple –, dues à la fatigue du cadreur ou les contingences techniques.
Les films muets ont pu être tournés à une cadence de 16 à 18 images par seconde (IPS). Il existe des cue sheet (feuilles d’indication), souvent très claires, suggérant des thèmes musicaux, mais aussi la vitesse correcte de défilement d’un film.
En général, les films doivent défiler à une vitesse qui réduit l’effet de clignotement et qui favorise la fluidité des mouvements. Les films nitrates, hautement inflammables, devaient être projetés moins rapidement, pour éviter l’embrasement. Le projectionniste lui-même modifiait la vitesse de défilement, parce qu’il trouvait cela mieux, ou pour rattraper du temps sur le programme. Les films muets étaient couramment projetés à une vitesse bien plus rapide que celle utilisée lors du tournage.
La bande sonore
[modifier | modifier le code]Principalement, la restauration de la bande sonore s'affine avec l'apparition des outils de traitement numériques dans les années 1990.
Restauration d'un fichier numérique
[modifier | modifier le code]Les fichiers numériques peuvent également connaitre des problèmes d'altération. Généralement, les fichiers sont reconstitués à l'aide des mécanismes de correction d'erreur algorithmiques[6].
Restauration et intelligence artificielle
[modifier | modifier le code]En 2025, de nombreuses solutions de restauration indiquent utiliser l'intelligence artificielle pour restaurer des films sur pellicule numérisés (colorisation, amélioration de la netteté, agrandissement). Ces services sont basés sur des modèles statistiques qui ne permettent pas de s'assurer de la fiabilité ou de la qualité de la restauration sans intervention humaine. La plupart de ces modèles génère des hallucinations, ce qui peut produire des modifications importantes sur un document d'archive. D'autres modèles se veulent être une boite à outil à disposition du restaurateur[7],[8]. L'INA a également développé un outil d'IA pour lui permettre de valoriser son catalogue composé de 700 000 heures d'archives[9],[10].
Diffuser
[modifier | modifier le code]Certains puristes considèrent que la solution idéale consiste à projeter le film restauré à l’identique avec un matériel, devenu rarissime, adapté au film muet, en respectant le cadre (utilisation de fenêtre adaptée), la fréquence (utilisation de matériel permettant la vitesse variable) et en disposant d'un orchestre en direct au moment de la projection ou de la diffusion d’une musique enregistrée, sur le film ou par synchronisation. Cette position est à relativiser compte tenu de l'absence d'étalonnage et de mesure étalon entre les différents lieux de projection au début du cinéma (pour l'image comme pour le son). Toutefois, de telles expériences peuvent être mises en place dans des lieux spécifiques (cinémathèques).
Généralement, les films restaurés sont diffusés sur de nouveaux médias, dans des formats adaptés : l'image peut être recadrée, coupée (crop), déformée selon la volonté du diffuseur. La fréquence d'image est généralement modifiée pour correspondre aux standards cinématographiques (24 ips) ou télévisuel (25 ips en France) ce qui peut avoir un impact sur la durée du film. Toutefois, en 2025, les projecteurs numériques installés dans les salles de cinéma permettent théoriquement de diffuser un film à une fréquence hétérodoxe (comme 16 ips par exemple). Les modifications peuvent encore plus conséquent pour une diffusion sur un réseau social ou sur téléphone.
La modification du format de diffusion peut interroger sur le respect de l’œuvre telle que conçue par un réalisateur. Dans certains cas, ces modifications font l'objet de négociations contractuelles (suppression ou accélération d'un générique pour une diffusion à la télévision ou sur un service de média audiovisuel à la demande par exemple)[11].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ ICOM-CC, « Terminologie de la conservation-restauration du patrimoine culturel matériel », XVe conférence Triennale de l'ICOM, 22-26 septembre 2008 (lire en ligne).
- ↑ McGreevey, Tom. Our Movie Heritage. Rutgers University Press, 1997.
- ↑ Films muet que l'on croit disparu à jamais
- ↑ « Le festival de Saint-Sébastien célèbre "Surcos", un film de 1951 réchappé de la censure franquiste », sur France Info, (consulté le )
- ↑ Cyril KHOURI, LA CONSERVATION ET LA VALORISATION DES FILMS (mémoire), , 34 p. (lire en ligne), p. 8
- ↑ « Fonctionnement d'un ordinateur/Les codes de détection/correction d'erreur — Wikilivres », sur fr.wikibooks.org (consulté le )
- ↑ « Innovation : faciliter la restauration de films anciens | Ministère de la Culture », sur www.culture.gouv.fr, (consulté le )
- ↑ « L'intelligence artificielle au secours de la restauration des films ? Une conférence de Rodolphe Bertrand - La Cinémathèque française », sur www.cinematheque.fr (consulté le )
- ↑ « Comment l’INA s’est emparé de l’IA pour décrypter ses archives », sur BDM, (consulté le )
- ↑ « data.ina.fr, le site qui donne à voir les données de l’INA | INA », sur ina.fr (consulté le )
- ↑ Joseph Le Corre, « Pourquoi les films sont en vitesse accélérée à la télévision », sur Le Point, (consulté le )
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Eric Le Roy : Cinémathèques et archives du film. Armand Colin, Paris, 2013 (ISBN 978-2-200-27673-7)
- (en) Paul Read et Mark-Paul Meyer (éd.): Restoration of motion picture film. Oxford, 2000 (ISBN 0-7506-2793-X)
- La Restauration numérique des films cinématographiques. Commission supérieure technique de l'image et du son, Paris, 1997.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Institut national de l'audiovisuel
- Centre national de la cinématographie
- Cinémathèque
- Cinémathèque du Limousin
- Le centre d'études et de recherches Cinévolution de Jean-Pierre Verscheure
- (en) en:George Eastman House International Museum of Photography and Film
- Qualité perceptuelle d'images
Liens externes
[modifier | modifier le code]- CNC Archives françaises du film
- National Film Preservation Board
- The Film Foundation (Martin Scorsese, President)
- National Film Preservation Foundation
- Fédération internationale des archives du film (FIAF)
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :