Colloque singulier

L'expression « colloque singulier » désigne en médecine la principale modalité de la relation médecin-patient, qui sous-tend une large part de la pratique médicale et protège en particulier le secret médical.
Histoire de l'expression
[modifier | modifier le code]L'expression « colloque singulier » serait apparue sous la plume du médecin et écrivain Georges Duhamel en dans un article défendant la médecine libérale contre le risque d'une mainmise de l'État français sur la profession. L'expression a été reprise après la Seconde Guerre mondiale par Louis Portes, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, qui la fait figurer dans le code de déontologie médicale en [1].
Une relation bilatérale et protégée
[modifier | modifier le code]Le colloque singulier est, dans son acception première, la relation bilatérale et protégée, en confiance, du médecin et de son patient. Selon une expression fréquemment prêtée à Louis Portes, il constitue « la rencontre d'une confiance et d'une conscience ». Cette notion est essentielle dans la pratique hippocratique qui voit le médecin et le patient comme des alliés dans l'observation, le pronostic et éventuellement le traitement de la maladie perçue comme une crise dans la vie du patient.
Colloque singulier et évolution de la pratique médicale
[modifier | modifier le code]En pratique, la fondation de la pratique médicale sur ce principe est souvent compliquée, du fait de plusieurs évolutions récentes de la pratique médicale :
- d'une part la biologisation croissante de la médecine, surtout depuis le XIXe siècle, qui « objective » le corps du sujet et organise le diagnostic comme le soin autour d'actes scientifiques et souvent différés ;
- d'autre part, l'évolution de la pratique médicale vers une collégialité accrue, notamment en système hospitalier, qui conduit à tout le moins à l'instauration d'un colloque pluriel entre un patient et une équipe de soin ;
- l'émergence des droits des patients, et notamment en France, la loi Kouchner de qui permet en particulier au patient de désigner une personne de confiance pouvant l'appuyer, voire se substituer à son incapacité, pour la prise de certaines décisions le concernant ;
- enfin, le développement des technologies de l'information et de la communication appliquées à la santé, et notamment de l'appareillage à domicile, décentre la santé du système de soin au sens traditionnel et mobilise un nombre croissant de professionnels extérieurs au système de soins[2],[3]. Apparait aussi un patient mieux informé sur sa maladie grâce aux moteurs de recherche et à l'internet, éventuellement influencé par les réseaux sociaux, voire devenu patient-expert[4]
Acception du terme en Belgique
[modifier | modifier le code]En Belgique l'expression « colloque singulier » revêt un autre sens. En effet, « traditionnellement », les entretiens entre le Roi et ses invités revêtent un caractère personnel. Ces rencontres étant interdites au public et à la presse, les échanges qui y ont lieu ne peuvent être divulgués[5].
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- ↑ Hardy 2013.
- ↑ Henri Verdier, « La fin du colloque singulier », sur henriverdier.com, .
- ↑ Bensoussan 2018, I. Les écueils.
- ↑ Fabienne Boudier, Faouzi Bensebaa et Adrienne Jablanczy (en), « L'émergence du patient-expert : une perturbation innovante », Innovations, no 39, , p. 13–25 (ISBN 978-2-8041-7510-8, DOI 10.3917/inno.039.0013, lire en ligne).
- ↑ AFP, « Le roi des Belges dénonce la divulgation de ses conversations secrètes », Le Point, .
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Philippe Abecassis et Nathalie Coutinet, « Le colloque singulier sur ordonnance des firmes pharmaceutiques », Journal d'économie médicale, vol. 27, no 3, , p. 146–164 (DOI 10.3917/jgem.093.0146, lire en ligne).
- Henri Bergeron, « Les transformations du colloque singulier médecin-patient : quelques perspectives sociologiques », dans Didier Tabuteau (dir.), Les droits des malades et des usagers du système de santé, une législature plus tard (actes du colloque, organisé par la chaire Santé de Sciences Po en partenariat avec le Collectif interassociatif sur la santé), Paris, Éd. de Santé et Presses de Sciences Po, coll. « Verbatim santé », , 124 p. (ISBN 978-2-86411-215-0, HAL hal-03587154).
- Marie Bonnet, « La difficulté du dire dans le colloque singulier en onco-pédiatrie », Journal des anthropologues, nos 122-123, , p. 375–402 (DOI 10.4000/jda.5649, lire en ligne).
- Sylvie Fainzang, « Les inégalités au sein du colloque singulier : l'accès à l'information », Les Tribunes de la santé, no 43, , p. 47–52 (DOI 10.3917/seve.043.0047, lire en ligne).
- Anne-Chantal Hardy, « Du colloque singulier à l'éthique médicale », dans Travailler à guérir : Sociologie de l'objet du travail médical (texte remanié d'un mémoire d'habilitation à diriger des recherches), Rennes, Presses de l'EHESP, coll. « Recherche, santé, social », , 301 p. (ISBN 978-2-8109-0111-1, DOI 10.3917/ehesp.hardy.2013.01), p. 23–45 [lire en ligne].

- Edwige Ortega (sous la dir. d'Eudes Menager), Vécu et pratiques des médecins généralistes concernant l'information médicale délivrée au patient lors du colloque singulier (thèse d'exercice, médecine, no 2018PA121008), Paris, Université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne, , 63 p. (SUDOC 23299143X).
- Christophe Pascal, « Du colloque singulier au colloque pluriel : le processus au service du mieux-faire ensemble », dans Charles Amourous (dir.), Que faire de l'hôpital ?, Paris, L'Harmattan, coll. « La librairie des humanités », , 369 p. (ISBN 2-7475-5953-4 (édité erroné) et 2-7475-5553-4, HAL hal-00873727), p. 73–104.
- Dans Isabelle Poirot-Mazères (dir.), Santé, numérique et droit-s (actes du colloque des - , Université Toulouse-I-Capitole, Institut fédératif de recherche (IFR) Mutation des normes juridiques), Toulouse, Presses de l'Université Toulouse-I-Capitole, coll. « IFR actes de colloques » (no 34), , 370 p. (ISBN 978-2-36170-170-3 et 978-2-379-28067-2, DOI 10.4000/books.putc.4133, lire en ligne) :
- Maurice Bensoussan, « Comment les nouvelles technologies bouleversent-elles le colloque singulier ? », p. 151–165 [DOI 10.4000/books.putc.4341] [lire en ligne].

- Jacques Lucas, « Quelle déontologie pour les médecins à l'heure du numérique ? », p. 167–175 [DOI 10.4000/books.putc.4350] [lire en ligne].
- Maurice Bensoussan, « Comment les nouvelles technologies bouleversent-elles le colloque singulier ? », p. 151–165 [DOI 10.4000/books.putc.4341] [lire en ligne].