Colbertisme

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Colbert, par Mignard (1655).

Le colbertisme est une doctrine économico-politique du XVIIe siècle. Elle correspond à la variante française du mercantilisme.

Bien que de nombreuses formes de « colbertisme » datent d'avant Jean-Baptiste Colbert[1], le nom du très puissant ministre d'État et contrôleur général des finances de Louis XIV reste assimilé à cette doctrine pour l'avoir systématisée et appliquée dans la France de la fin du XVIIe siècle.

La plupart des historiens s'accordent pour voir dans le « colbertisme » davantage un ensemble de pratiques économiques qu’un véritable courant de pensée économique. Pour autant, le « dessein » et la « volonté » colbertistes auront une influence profonde sur la pensée économique française, et même concurrencés au XVIIIe siècle par le physiocratisme, puis par le libéralisme économique, les principes colbertistes demeurent profondément associés dans ce pays à la définition du rôle de la nation (en politique), de l'État (en économie) et de certaines branches de l'activité nationale (secteur du luxe en particulier avec l'action depuis 1954 du comité Colbert fédérant la plupart des sociétés françaises du secteur).

Le colbertisme avant Colbert (XVIe siècle)

Le mercantilisme français est paradoxalement plus pragmatique que le mercantilisme anglais[1]. À la question principale de savoir « d'où vient la richesse nationale ? » et « quelle production développer pour l'accroitre davantage ? » les mercantilistes français répondent unanimement (sauf Sully) : l’industrie.

  • Au XVIe siècle, les Valois utilisent pour ce faire les subventions, privilèges, recrutements de main d'œuvre, appels aux étrangers, manufactures du Roi, protection douanière.
  • Sous Henri IV, Sully – mercantiliste mais agrarien et ennemi du luxe – sera moins écouté que Barthélemy de Laffemas, l'auteur d'une Histoire du Commerce (...à la gloire de l'œuvre industrielle du Roi).
  • Antoine de Montchrétien, créateur de l'expression Économie politique affirme : « Tous les pays qui ont richesse ont industrie ».
  • Richelieu développe la dimension internationale en fondant les premières « compagnies coloniales »[2]

Colbert (XVIIe siècle) : l'Ordre et le Progrès

Le grand commis de l'État fut tout à la fois « classique » dans son dessein, sa volonté d'ordre et « moderne » dans ses normes[3].

L'ordre, un dessein classique

Colbert manifeste une volonté d'ordre : dans les finances, la monnaie, les corporations, les fabrications.

Le progrès industriel, une idée moderne

Colbert entend impliquer toutes les forces de la Nation : Hommes, techniques et capitaux. Pour que cet effort de modernisation puisse se faire, il met en place :

  • un protectionnisme qualifié « d'éducateur » et exclusivement industriel ;
  • l'octroi de subventions à l’exportation ;
  • la mise en place de commandes publiques ;
  • un développement extrêmement contrôlé des colonies entièrement dépendantes de la métropole.

La Valeur-Qualité

À l'époque du Grand Siècle français, il entend développer un climat supérieur de civilisation, où la qualité est reine.

  • Développement des industries du luxe (métiers d'art, textiles, verreries[4], dentelles, soies et velours…) ;
  • Révision des normes de qualité : l’objet vaut par ce qu'il est ;
  • Versailles et sa cour – dont l'entrée est quasiment libre – reçoivent les dignitaires de tous pays et contribuent à diffuser le style classique français.

Colbert transforme la logique mercantiliste d’accumulation de métaux précieux en une organisation méticuleuse de l’État qui sera un vecteur de puissance et de grandeur pour le pays et son monarque.

Les soutiens apportés à l’industrie française par l'État (dont les fameuses manufactures) ne sont pas conçus pour durer éternellement : l’objectif est que les entreprises acquièrent un savoir-faire et une taille suffisante (qui entraîne des économies d’échelle) qui leur permettront de devenir compétitives face aux principales concurrences de l'époque, anglaises et hollandaises.

Limites du colbertisme de Colbert

Colbert n'est pas un théoricien de l'économie et s'il rédige nombre de rapports, mémoires et ordonnances, il n'est pas un novateur. Les idées du « colbertisme » sont déjà bien présentes dans son siècle. S'il s'efforce de revigorer une économie essoufflée, il est faux d'avancer que l'œuvre de Colbert corresponde à un étatisme efficace, la mise en place d'une nation industrielle et encore moins celle d'un socialisme d'État. Colbert ne lutte pas contre les clans financiers car il n'y trouve pas d'intérêt, les difficultés créées par les intendants ou encore les rigidités du système agricole[5][source insuffisante].

Notes et références

  1. a et b André Piettre, Histoire de la pensée économique et des théories contemporaines, Paris, Dalloz, , 586 p., 18 cm (ISBN 978-2-247-00662-5).
  2. Henri Hauser, La pensée et l’action économiques du cardinal de Richelieu, Paris, Presses Universitaires de France, , 194 p., 23 cm.
  3. André Piettre, « Colbertisme et Dirigisme », Revue des Deux Mondes,‎ (lire en ligne).
  4. Fondation de la Cie de Saint-Gobain.
  5. Martin Benoist, « Le roi, l'argent et les financiers », La Nouvelle Revue d'histoire, no 79,‎ , p. 48-52.

Bibliographie

  • Prosper Boissonnade, Colbert, le triomphe de l'étatisme : la fondation de la suprématie industrielle de la France, la dictature du travail (1661-1683), Paris, M. Rivière, , viii, 392
  • Claude-Joseph Gignoux, Monsieur Colbert, Paris, Bernard Grasset, , 252 p., 19 cm.
  • Philippe Minard, La fortune du colbertisme : État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, , 505 p., 24 cm (ISBN 978-2-213-60046-8).
  • André Piettre, « Colbertisme et Dirigisme », Revue des Deux Mondes, .

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