Cocotte (cuisine)

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Cocotte française en fonte d'acier non émaillée, fabriquée vers 1930.

Une cocotte est une sorte de marmite, pourvue d'un couvercle et de poignées, en fonte, aluminium ou tôle d'acier émaillée, destinée à la cuisson des aliments. Elle est utilisée sur une table de cuisson, mais parfois aussi sur des braises ou au four, pour braiser ou mijoter des plats de viande ou de légumes.

Il existe aussi des cocottes en céramique, destinées à la cuisson au four.

Historique 

Origines néerlandaises et anglaises des récipients en fonte

Marmite en fonte sur trépied en fer forgé. Type dit « pot du Hainaut »[1], courant en Europe au XIXe siècle et au début du XXe.

Après les chaudrons en bronze, connus depuis l'Antiquité, le laiton[2] était devenu, au cours du XVIIe siècle, le métal le plus usuel en Europe pour les récipients et ustensiles de cuisine. Les Hollandais le produisaient au prix le plus bas, mais c'étaient toujours des produits chers[3]. En 1702, l'industriel anglais Abraham Darby était devenu l'un des associés de la Brass Works Company de Bristol, qui fabriquait des moulins à malt pour les brasseries[4]. Il se rendit aux Pays-Bas en 1704. Au cours de ce voyage, Darby étudia les méthodes néerlandaises de travail du laiton. Il apprit que, pour la coulée des récipients, les Néerlandais utilisaient des moules en sable plutôt qu'en argile et en terre glaise, obtenant ainsi une finition plus fine de leurs objets à base de cuivre[5].

En 1706, Darby lança la fabrication d'un nouveau modèle de moulin à malt en laiton dans son atelier du quartier des Baptist Mills (ainsi nommé pour ses anciens moulins à farine), à Bristol[6]. Là, il réalisa qu'il pourrait vendre plus d'articles de cuisine s'il pouvait remplacer le laiton par un métal moins cher, en l'occurrence la fonte[7]. Les premières expériences de coulée de fonte de fer dans des moules en sable se révélèrent infructueuses, mais avec l'aide de l'un de ses ouvriers, James Thomas, un Gallois, il réussit à couler des récipients de cuisine en fonte de fer[8]. En 1707, il obtint un brevet pour le procédé de coulée de fer dans du sable, dérivé du procédé hollandais[9]. C'est ainsi qu'en anglais, depuis au moins 1710, le terme dutch oven (« four hollandais ») est resté en usage pour désigner plusieurs appareils de cuisson très différents : une marmite en fonte avec pieds et couvercle ; une boîte en fonte rectangulaire ouverte sur un côté servant à rôtir les viandes ; enfin, un compartiment à l'intérieur d'un foyer en briques, utilisé pour la cuisson des aliments[10].

Les inventions hollandaises 

Un four hollandais ou braadpan, en tôle d'acier émaillée, modèle le plus courant actuellement aux Pays-Bas.

Aux Pays-Bas, ce chaudron de fonte, four hollandais, cocotte ou faitout, est appelé braadpan, qui signifie une « rôtissoire ». Un autre nom est sudderpan, qui peut se traduire par « mijoteuse ». Le design le plus courant aujourd'hui est un récipient à deux anses et couvercle muni d'une poignée, en tôle d'acier emboutie, le plus souvent émaillé noir à intérieur bleu, qui convient aussi bien au chauffage au gaz que par induction. Le modèle a été introduit en 1891 par BK, un fabricant néerlandais bien connu d’ustensiles de cuisine : moins cher et plus léger que la fonte, il a fini par s'imposer dans la plupart des cuisines[11]. Le braadpan convient pour braiser la viande, mais aussi pour préparer des ragoûts traditionnels comme le hachee. Des fours hollandais en fonte réellement fabriqués aux Pays-Bas sont produits par le métallurgiste Combekk, à Breda[12].

Évolution en Amérique du Nord

Un « four hollandais », modèle américain, 1896.
Monument des pionniers mormons, à Omaha, Nebraska. Le four hollandais est à l'honneur, suspendu à l'avant du chariot.

Au XIXe siècle, les colons d'Amérique du Nord ont adopté le four hollandais sous le nom de dutch oven, pour la cuisson des repas en plein air sur feu de bois. Ils l'ont adapté à leurs besoins en réduisant sa hauteur et lui ont ajouté trois pieds de fonte pour pouvoir le placer sur la braise ou le charbon. La bordure du couvercle a été relevée pour y placer des braises ou des charbons ardents, afin d'uniformiser la chaleur au-dessus et au-dessous des aliments, comme dans un vrai four. Une anse mobile a été ajoutée pour faciliter l'accrochage et le déplacement du pot[13].

Les colons américains appréciaient les batteries de cuisine en fonte pour leur polyvalence et leur durabilité. Ils les utilisaient pour faire bouillir les aliments, les cuire au four, aussi bien que pour les ragoûts, les fritures ou les rôtis. Les fours hollandais étaient si précieux que les testaments des XVIIIe et XIXe siècles définissaient souvent les héritiers desdits objets. Ainsi, Mary Ball Washington, la mère du président George Washington, a-t-elle cru bon de préciser dans son testament daté du que ses « meubles de cuisine en fer » devraient aller pour moitié à son petit-fils, et l'autre moitié à sa petite-fille, ce legs comprenant plusieurs fours hollandais[14].

Les montagnards des territoires éloignés utilisèrent ces ustensiles jusqu'à la fin du XIXe siècle. Les popotes ambulantes appelées chuckwagons, qui accompagnaient les troupeaux de bétail de l'Ouest, ont fait la cuisine collective dans des fours hollandais jusqu'au début du XXe siècle[15].

Les colons en route vers l’Ouest ont eux aussi emporté leurs fours néerlandais. Ce récipient faisait partie de l'équipement de Lewis et Clark dans leur exploration du grand Nord-Ouest américain en 1804-1806. Les pionniers mormons qui s'établirent dans l'Utah avaient également avec eux leurs fours hollandais. De fait, les monuments érigés en l'honneur des charrettes à bras, tout au long du Mormon Trail qui devait les mener jusqu'au Grand Lac Salé, dans les années 1850, affichent fièrement leurs fours hollandais suspendus à l'avant des chariots. Ce type de récipient est ainsi devenu l'un des symboles officiels des États du Texas, de l'Utah et de l'Arkansas[16],[17],[18].

Le four hollandais est encore utilisé aujourd'hui lors de fêtes champêtres familiales et pour la cuisine collective en camping, en Amérique et Europe du Nord. Il l'est aussi très souvent par les associations de scoutisme pour leurs activités de plein air.

Les cocottes françaises

Cocotte Staub ovale en fonte brute, du début de la production. Les modèles récents sont tous émaillés.
Cocotte française contemporaine, de marque Invicta, en fonte émaillée.

La forme des cocottes françaises telles qu'on les connaît encore aujourd'hui, de forme ronde ou ovale, en fonte brute ou émaillée, avec deux poignées latérales et couvercle de même matière, se fixe vers 1890. Les fonderies se concentrent géographiquement dans les Ardennes, le Nord et la Picardie[1].

Les anciennes marques sont légion. La fonderie du Pied-Selle, à Fumay (Ardennes), l'une des plus connues, succédant à des activités de forges antérieures, a produit des cocottes à partir de 1893. Détruite pendant la Première Guerre mondiale, elle a été reconvertie en usine de matériel électrique[19].

La production moderne, depuis 1950, est assurée par des fonderies pour la plupart établies dans le Nord de la France, sous des marques comme De Dietrich (fondé en 1843 à Reichshoffen, dans le Bas-Rhin), Godin (fondé à Guise, dans l'Aisne, en 1846), Invicta (fondé à Donchery, dans les Ardennes, en 1924[20]), Le Creuset (fondé à Fresnoy-Le-Grand, dans l'Aisne, en 1925), Baumalu (fondé à Baldenheim, dans le Bas-Rhin, en 1971), Staub (fondé à Turckheim, dans le Haut-Rhin, en 1974).

Mais les autres régions françaises sont aussi représentées, avec la fonderie Rosières (cuisinières, cocottes), établie à Bourges, la fonderie Nomar, à Roche-la-Molière, près de Saint-Étienne et l'entreprise Sitram, à Saint-Benoît-du-Sault, dans l'Indre, qui produit toutes sortes de récipients et matériels de cuisine.

Usage culinaire

Les cocottes en fonte, émaillées ou non, sont particulièrement adaptées aux ragoûts et plats en sauce mijotés longuement à petit feu. Elles peuvent être utilisées indifféremment sur la braise, le gaz, la plaque électrique ou la table à induction. La cuisson au four présente l'avantage d'une température constante et homogène sur toutes les parties du récipient.

Certains couvercles en fonte, équipés d'un rebord, peuvent contenir un faible volume d'eau, suffisant pour accroître la condensation de la vapeur d'eau dans la marmite et éviter le dessèchement des aliments.

 Sources et références

  1. a et b Fonte et cuisson, par Jean-Marie Moine
  2. Le laiton est un alliage de cuivre et de zinc, alors que le bronze est un alliage de cuivre et d'étain.
  3. Rosen, William, The Most Powerful Idea in the World: A Story of Steam, Industry, and Invention (Chicago, Illinois: University of Chicago Press, 2010),p. 145.
    • (Rosen, 2010), p. 145.
    • Burwood, Stephen, "Abraham Darby" in: Magill, Frank N., ed., The 17th and 18th Centuries: Dictionary of World Biography, vol. 4 (Ipswich, Massachusetts: Salem Press, Inc., 1999), p. 396–398 ; p. 396.
    • (Rosen, 2010), p. 146.
    • (Burwood, 1999), p. 396.
    • Ashton, Thomas Southcliffe, Iron and Steel in the Industrial Revolution (Manchester, England: Manchester University Press, 1924), pp. 26–27.
    • (Percy, 1864), p. 887.
    • (Burwood, 1999), p. 396.
    • (Rosen, 2010), p. 146.
    • (Percy, 1864), p. 887.
    • (Ashton, 1924), p. 27.
    • Burwood, Stephen, "Abraham Darby" in: Magill, Frank N., ed., The 17th and 18th Centuries: Dictionary of World Biography, vol. 4 (Ipswich, Massachusetts: Salem Press, Inc., 1999), pp. 396–398 ; see p. 396.
    • Percy, John, Metallurgy: The Art of Extracting Metals from Their Ores and Adapting Them to Various Purposes of Manufacture (London, England: John Murray, 1864), p. 887.
  4. Darby, Abraham, "Casting iron bellied pots in sand only," British patent no. 380 (issued: 1707), in: Woodcroft, Bennet, ed., Appendix to Reference Index of Patents of Invention, Containing Abstracts from such of the Early Patents … (London, England: Great Seal Patent Office, 1855), p. 46.
  5. Dictionnaire Merriam-Webster et Researching Food History
  6. A History of BK [1]
  7. Combekk
  8. Dutch Ovens Chronicled 11-14
  9. Dutch Ovens Chronicled 28
  10. Dutch Ovens Chronicled 33-54
  11. https://www.npr.org/2005/04/22/4616266/texas-pays-tribute-to-the-dutch-oven
  12. « Utah Symbols — Dutch Oven », Pioneer.utah.gov (consulté le )
  13. « Where Can I Find a List of Official State Cooking Vessels? » (consulté le )
  14. Usines du Pied-Selle, inventaire du patrimoine Champagne-Ardenne.
  15. Invicta, site officiel.

Voir aussi

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Bibliographie