Chloroalcane

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Les chloroalcanes, chlorures d'alkyle ou paraffines chlorées font partie de la famille des halogénoalcanes (dérivés halogénés des alcanes).

Ce sont des alcanes (paraffines), produits depuis les années 1990[1], dont un ou plusieurs atomes d'hydrogène ont été remplacés par des atomes de chlore ;
ils sont notamment utilisés comme retardateur de flamme et additifs d'huile de coupe, apprêts pour cuir ou textiles[1] en partie pour remplacer les polychlorobiphényles (PCB) interdits depuis 1980[1].

Certains d'entre eux sont des toxiques et cancérigènes avérés. En particulier les paraffines chlorées à chaînes courtes (SCCP ou PCCC) font partie des 87 espèces chimiques dites "substances prioritaires" qui en Europe avant 2020[2], doivent faire l'objet d'une réduction des rejets, des émissions et des pertes[1].
Leur consommation a selon l'INERIS fortement diminué depuis la fin du XXe siècle, mais ce sont des produits souvent très stables dans l'environnement où ils peuvent s'être accumulés et/ou être bioconcentrés par certaines espèces[réf. nécessaire]. Certains sont aussi des perturbateurs endocriniens[1]. Ce sont des polluants notamment retrouvés dans les sédiments et le milieu marin[3].

Fabrication, production[modifier | modifier le code]

Les chloroalcanes (= paraffines chlorées) sont un mélange de n-alcanes polychlorés, issus de la réaction de chlore sur certaines fractions de paraffines issues de la distillation du pétrole[4]. Les chloroalcanes mis sur le marché sont surtout des molécules comprenant 10 à 30 atomes de carbone (C10 à C30), avec un taux de chlore total compris entre 40 et 70 %.

Les PCCC ne sont plus produits en France.
À partir de 2004, ils n'auraient plus dû y être utilisés, sauf comme plastifiants et/ou comme retardateurs de flamme dans des peintures et certains caoutchoucs.
En Europe les autres chloroalcanes (à chaines de carbone plus longues) sont produits en France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Roumanie, Slovaquie.

Typologie[modifier | modifier le code]

Les chimistes distinguent

  • les chloroalcanes à chaîne courte (C10-C13), dits "paraffines chlorées à chaîne courte" (PCCC).
  • les chloroalcanes à chaîne moyenne (C14-C17)
  • les chloroalcanes à chaîne longue (C18-C20)

...et les cires en C24. Dans les 3 premiers cas, les produits sont souvent un mélanges de molécules de différentes longueurs de chaîne carbonée et donc présentant différentes taux de chloration.

Paraffines chlorées à chaîne courte (C10-C13 - PCCC)[modifier | modifier le code]

Ils intéressent essentiellement le commerce et l'industrie, mais sont très toxiques : la directive 98/98/CE 6 les a classé en substances dangereuses pour l'environnement, nocives et cancérogènes (de catégorie 3), puis Le règlement (CE) n°1272/2008 (CLP) les a classé en substances dangereuses prioritaires pour l’environnement (toxicité chronique et aigüe de catégorie 1) et cancérogènes de catégorie 2.

Les PCCC vendus sont rarement purs ; il s'agit le plus souvent des mélanges de molécules de différentes longueurs de chaîne carbonée, avec différents taux de chloration. Le numéro CAS le plus courant pour les désigner est le CAS:85535-84-8.
D'après Euro Chlor et l'INERIS au début des années 2000, ces produits n'étaient plus fabriqués en France et de moins en moins utilisés en Europe, mais en 2011 Ineos ChlorVinyls (autrefois ICI Chlor-Chemicals) en commercialise encore (sous le nom de Cereclor).
Depuis 2004, ils ne devraient plus être utilisés en France que comme plastifiants et comme retardateurs de flamme dans certaines peintures et caoutchoucs. Des substituts variés existent déjà pour la plupart des utilisations, souvent déjà utilisés depuis le début des années 2000, mais ces produits étant appréciés comme agents d'ignifugeant, leur élimination sera difficile selon l'INERIS[4].

Paraffines chlorées à chaîne moyenne (C14-C17)[modifier | modifier le code]

D'après Euro Chlor, la France en produit encore en 2011. Comme celles à chaîne longue, ces paraffines sont utilisés pour usiner les métaux (ex : « Cereclor E » ).

Paraffines chlorées à chaîne longue (C18-C30)[modifier | modifier le code]

Ces paraffines chlorées sont utilisées pour usiner les métaux.
Des paraffines chlorées C6-C30 sont utilisées comme agent de graissage des cuirs, mais ne sont plus utilisées comme retardateurs de flamme dans le cuir depuis quelques années, selon les fabricants[5].

On produit aussi des cires en C24.

Classification[modifier | modifier le code]

  • les chloroalcanes doivent être "rapportées" par les industriels dans l'Union Européenne comme substances HPV (high production volume) [6].
  • Ils ont été classés dans la liste prioritaires d'évaluation du programme européen des substances existantes[7] et en tant que tel on subi une première évaluation de risques[8].
  • Les PCCC sont classées parmi les polluants organiques persistants « POPs » par le règlement (UE) No 519/2012 ;
  • ils ne sont pas cités par la stratégie communautaire sur les perturbateurs endocriniens [9] ;
  • ils ne figurent pas dans l’annexe I du règlement 649/2012 relatif à l'export et l'importation de substances dangereuses[10].

Usages et tonnages[modifier | modifier le code]

Des PCCC ont beaucoup été utilisés comme plastifiants secondaire (par exemple : Alaiflex de Rhodia, utilisé pour diminuer les taux de DEHP, plus coûteux, dans le PVC), comme fluide d'usinage de métaux, retardateur de flamme (ex : Cereclor 50LV, 60L, 63L et 65L utilisé pour ignifuger des textiles et des PCCC hautement chlorées, contenant de 63 à 71 % de leurs poids en chlore ont été ou sont utilisées comme retardateurs de flamme pour des caoutchoucs, souvent en complément de trioxyde d'antimoine ou d’hydroxyde d'aluminium, à des taux variant de 1 à 10 %[11]), imperméabilisation de textiles, dans des Peintures, mastics et adhésifs Interdiction et pour le traitement des cuirs[4], pour l'usinage de métaux[12] alors qu'en 1994 l’industrie du métal en consommait (au moins 2 800 tonnes/an[13]) et rejetait encore selon Euro Chlor, .

La plupart de leurs usages ont été interdits à partir de la fin des années 1995 dans les pays riches, mais leurs utilité pour l'ignifugation rend difficiles à éliminer les paraffines chlorées à chaîne courte[4].

Les paraffines chlorées à chaîne courte été très utilisées autrefois : par exemple en France avec plusieurs milliers de tonnes par an au début des années 1990 et en Europe (13 000 tonnes environ en 1994, pour encore 4 000 tonnes en 1998)[14].

Toxicité, écotoxicité[modifier | modifier le code]

Les chloroalcanes C10-C13 également dits paraffines chlorées à chaîne courte ou PCCC), sont considérés comme toxiques, et pour beaucoup cancérigènes[15],[16],[1],[17],[18].

Les fabricants réunis dans Euro Chlor ont eux-mêmes reconnus la toxicité des PCCC et proposé un retrait volontaire de ces produits du marché[19].

Les chloroalcanes C14-C17 sont considérés comme beaucoup moins toxiques et ne sont pas sujets à restrictions.
Les chloroalcanes C18-C30 sont considérés comme non toxiques (aucune classification selon l'Union européenne).

Vers une interdiction totale?[modifier | modifier le code]

  • En 1995, la commission OSPAR exige[20] l’abandon par les Etats-membres avant 1999, de l’utilisation des paraffines chlorées à chaîne courte comme plastifiants dans les peintures et les revêtements, comme plastifiants dans les produits d’étanchéité, dans les fluides de travail des métaux et comme agent ignifuge (retardateurs de flamme) dans le caoutchouc, les matières plastiques et les textiles (hormis pour quelques applications concernant les barrages et les mines, où une dérogation autorisait une utilisation jusque fin 2004).
  • En 2002, La directive 2002/45/CE interdit la mise sur le marché de produits contenant des concentrations en chloroalcanes en C10-C13 supérieures à 1% pour l’usinage des

métaux et le graissage du cuir. En outre elle exige qu’avant le , toutes les utilisations restantes des paraffines chlorées à chaîne courte soient réexaminées par la Commission, en coopération avec les États membres et la commission OSPAR, à la lumière de toute nouvelle donnée scientifique pertinente concernant les risques présentés par les paraffines chlorées à chaîne courte pour la santé et l’environnement[21].

  • En 2003, en France un décret [22] transcrit la directive citée ci-dessus (directive 2002/45/CE) ; il interdit toute mise sur le marché de préparations pour l’usinage des métaux ou le graissage du cuir contenant des concentrations en paraffines chlorées à chaîne courte supérieures à 1 %, à partir du .

Alternatives[modifier | modifier le code]

Des substituts existent (produits sulfo-chlorés ou non chlorés, voire non halogénés) pour la plupart de leurs utilisations. Ils les ont déjà souvent remplacés, au moins dans les pays pour lesquels des données sont disponibles.
Des esters alkyl phosphate ou des esters acides gras sulfonatés peuvent ainsi être utilisés pour usiner les métaux[23].
Des esters phtalate, esters polyacryliques, des composés de diisobutyrate ou de phosphate ou de bore peuvent être utilisés comme plastifiant avec autres problèmes peut-être, dont pour les phtalates (perturbateurs endocriniens)[24].

Les effets sanitaires et plus encore écologique d'une partie des produits alternatif sont cependant encore mal connus ; Des substituts soufrés ou bromés pourraient être plus toxiques encore que les PCCC (le pentabromodiphényléther (PBDE) ou l’octabromodiphényléther, autres retardateurs de flamme sont aussi classés substances dangereuses prioritaires). Ceux à base de phosphore posent des problèmes pour le milieu aquatique en cas de rejet, etc.

Quantification analytique[modifier | modifier le code]

Les SCCPs sont des mélanges complexes comportant généralement plusieurs milliers d’isomères de position ne pouvant être séparés par les techniques analytiques disponibles (chromatographie notamment), faisant qu'en 2014, aucune méthode fiable de dosage n'existe encore, ni de principes permettant de justifier le choix de molécules représentatives (et donc l'étalonnage d'un appareil de mesure) d'un mélange (comme dans le cas des PCBs) ; le choix du détecteur et de la méthode de purification de l'échantillon à analyse est également délicat[1]. La marge d'erreur induite par un mauvais choix d'étalon en chromatographie peut dépasser 60%[1].

Dépollution[modifier | modifier le code]

Parmi les solutions à l'étude Obeid en (2014) a proposé d'utiliser des matériaux magnétiques pour les adsorber et les extraires de milieux liquides contaminés[1].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Environment Agency, Health & Safety Executive. 1999. European Union Risk Assessment Report - alkanes, C 10-13, chloro. European Chemicals Bureau, Institute for Health and Consumer Protection.
  • (en) Filyk, G, Lander, L, Eggleton, M, Muir, D, Puckett, K. 2003. Short Chain Chlorinated Paraffins (SCCP) Substance Dossier - Final draft II. Environment Canada, Prepared for UNECE ad hoc Expert Group on POPs.
  • (en) Iino, F. 2003. Exposure information on Short-Chain Chlorinated Paraffins in Japan. National Institute of Advanced Industrial Science and Technology.

Ineris (2005), Chloroalcanes (Rapport final), par R. N'Guyen ; Unité « Chimie Analytique Environnementale » ; Direction des Risques Chroniques ; février.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h et i Obeid L (2014) Synthèse et caractérisation de matériaux magnétiques pour l'adsorption de polluants présents dans les eaux (Doctoral dissertation, Université Pierre et Marie Curie-Paris VI)
  2. Cf. Directive européenne 2000/60/CE du 23 octobre 2000
  3. (en) Hennebert P, Padox J. M & Hazebrouck B (2011) Substances prioritaires dangereuses et émergentes dans les sédiments: quelques données françaises. Mines & Carrières, (181, Hors-série n° 8), 16-22.
  4. a b c et d BRIGNON J.M, MALHERBE L & SOLEILLE S (2004) Les substances dangereuses prioritaires de la directive cadre sur l’eau ; Fiches de données technico-économiques Rapport | Ministère de l’Écologie et du Développement Durable ; Unité MECO ; Direction des Risques Chroniques |Mars|PDF, 108 pages
  5. European IPPC Bureau. 2003. Integrated Pollution Prevention and Control (IPPC) - Reference Documenton Best Available Techniques for the Tanning of Hides and Skins. European Commission
  6. Selon ESIS (commission européenne)
  7. Règlement CE N°793/93
  8. http://esis.jrc.ec.europa.eu/doc/existingchemicals/risk_assessment/REPORT/mccpENVreport331.pdf
  9. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, du 17 décembre 1999, sur une stratégie communautaire concernant les perturbateurs endocriniens (COM(1999) 706 final)
  10. I N E R I S (2012) CHLOROALCANES EN C14-C17 (MCCP ; mis à jour 28/06/2012; - Données technico-économiques sur les substances chimiques en France? PDF, 74 p
  11. Environment Agency, Health & Safety Executive. 1999. European Union Risk Assessment Report - alkanes, C 10-13, chloro. European Chemicals Bureau, Institute for Health and Consumer Protection
  12. Moore, L. 1997. Risk-benefit analysis on the use of short-chain length chlorinated paraffins in cutting fluids in the metalworking industry. Risk & Policy Analysts Limited, Prepared for the Department of the Environment.
  13. Euro Chlor Cité in Environment Agency, Health & Safety Executive. (1999) European Union Risk Assessment Report - alkanes, C 10-13, chloro. European Chemicals Bureau, Institute for Health and Consumer Protection
  14. Lettington, N. et al. 2001. Consultation paper - Proposed EC directive on the use of short chain chlorinated paraffins (SCCPs) in metal working and leather finishing. Department of the Environment, Transport and the Regions.
  15. Décision n° 2455/2001/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2001 établissant la liste des substances prioritaires à éliminer dans le domaine de l’eau et modifiant la directive 2000/60/CE
  16. convention OSPAR (Mesure PARCOM 95/1)
  17. Directive 2002/45/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 portant vingtième modification de la directive 76/769/CEE du Conseil en ce qui concerne la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses (paraffines chlorées à chaîne courte).
  18. Décret n° 2003-879 du 8 septembre 2003 relatif aux paraffines chlorées à chaîne courte et aux composés organostanniques et modifiant le décret n° 92-1074 du 2 octobre 1992 relatif à la mise sur le marché, à l’utilisation et à l’élimination de certaines substances et préparations dangereuses.
  19. Moore, L. 1997. Risk-benefit analysis on the use of short-chain length chlorinated paraffins in cutting fluids in the metalworking industry. Risk & Policy Analysts Limited, Prepared for the Department of the Environment
  20. décision PARCOM 95/1,
  21. Directive 2002/45/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 portant vingtième modification de la directive 76/769/CEE du Conseil en ce qui concerne la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses (paraffines chlorées à chaîne courte).
  22. décret n° 2003-879 du 8 septembre 2003 du 8 septembre 2003 relatif aux paraffines chlorées à chaîne courte et aux composés organostanniques et modifiant le décret n° 92-1074 du 2 octobre 1992 relatif à la mise sur le marché, à l’utilisation et à l’élimination de certaines substances et préparations dangereuses
  23. HELCOM. 2002. Implementing the HELCOM Objective with regard to Hazardous Substances - Guidance Document on Short Chained Chlorinated Paraffins (SCCP). Helsinki Commission - Baltic Marine Environment Protection Commission
  24. HELCOM. 2002. Implementing the HELCOM Objective with regard to Hazardous Substances - Guidance Document on Short Chained Chlorinated Paraffins (SCCP). Helsinki Commission - Baltic Marine Environment Protection Commission