Château fort de Conflans

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Château fort de Conflans
Croquis du château fort de Conflans en 1675 par l'ingénieur militaire Jean Errard.
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XIe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata
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Le château-fort de Conflans dit l'ancien château est un château médiéval en ruine, du XIe siècle, situé à Conflans (actuel quartier des hauteurs d'Albertville) en Savoie.

Le château est le siège d'une châtellenie.

Localisation[modifier | modifier le code]

Conflans est un ancien bourg fortifié, situé sur un promontoire rocheux, dominant la confluence des rivières de l'Arly et de l'Isère[1].

L'édification d'une place forte s'explique par l'intérêt stratégique puisqu'il s'agit d'un carrefour tant géographique, qu'économique mais aussi militaire dès l'Antiquité et surtout lors de la période du Moyen Âge, avec le contrôle, notamment, de l'accès à la vallée de la Tarentaise, mais aussi des vallées voisines. En effet, la cité de Conflans relève de l'autorité de l'archevêque de Tarentaise, convoité par la maison de Savoie, qui obtient la mainmise vers la fin du XIIIe siècle et au début du siècle suivant.

Le château contrôle l'entrée de la vallée de la Tarentaise. Il surveille ainsi l'accès, à l'aval, à la combe de Savoie, et, par-delà, le comté de Savoie et Chambéry, le Dauphiné ou encore le royaume de France, et, en amont, par la route menant au col du Petit-Saint-Bernard en direction de la vallée d'Aoste, puis à la péninsule italienne. En suivant le cours de l'Arly, l'axe permet de rejoindre le Beaufortain, le comté de Genève et le Faucigny, par le val d'Arly, en passant par le bourg fortifié d'Ugine. Toutefois l'importance du passage remonte à l'implantation romaine, peut-être au-delà, et la construction d'une voie romaine secondaire, Alpis Graia, qui reliait les cités de Mediolanum (Milan) à Vienna (Vienne), et passant par les étages tarines de Bergiatrium (Bourg-Saint-Maurice), Axima (Aime) et Darantasia (Moûtiers)[note 1],[3]. L'ancienne cité portait pour ces raisons notamment le surnom de Porte de Savoie ou Porte de France, portée surtout par les deux principales portes de la cité[4].

Historique[modifier | modifier le code]

La première mention de Conflans (Conflenz) remonte à une charte de 1015 (donation à la reine Ermengarde)[5],[6]. Le site peut cependant correspondre au poste douanier d’Ad Publicanos (à la confluence en latin), où était perçu le Quarantième des Gaules[7]. Toutefois, bien que le site de Conflans soit avancé, on donne également comme site Tournon[7] ou encore le village de Tours[8].

Donjon / tour sarrasine du XIIe siècle, remparts, et jardin public de la tour sarrasine.

La construction d'un castrum, devenu plus tard un château, est à mettre en lien avec l'arrivée des Germains, qui ont créé une insécurité dans la région[9]. Il semble que le château appartienne dès l'origine à la famille de Conflens (Conflans)[9],[10]. Ces derniers, selon le comte Amédée de Foras, possèdent le château de la Cour (de Curia), établi dans l'enceinte de la forteresse, mentionné en 1186, et le « le château sous Conflens (?), situé sur la rive gauche et baigné par l'Arly, flanqué d'une tour dite de la Pierre-Nasine »[10]. Ils pourraient avoir aussi possédé un temps le troisième château qui dominait la cité, Châtel-sur-Conflans[10]. Ce dernier passera à la famille de Duin, donnant naissance à une branche cadette dite des Duin-Conflans[10].

Les seigneurs de Conflens sont vassaux des archevêques de Tarentaise[9]. Ils sont coseigneurs du château de Conflans[9]. Ils semblent devenir, à partir de la moitié du XIIe siècle, les métraux du comte de Maurienne, puis de Savoie[1].

Le château accueille une réunion d'évêques régionaux, sous les auspices de l'archevêque-comte Pierre II de Tarentaise, en 1142, devant arbitrer le conflit entre le comte Amédée III de Savoie et l'évêque de Sion, Guérin[9].

L'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem fait construire, au début du XIIe siècle, au pied de Conflans, sur la rive droite de l'Arly, un hôpital qui prendra le nom de l'Hôpital-sous-Conflans. Vers la fin du siècle, il passe sous la protection du comte Amédée V de Savoie[11].

En 1253, les héritiers de Raymond de Conflans, Humbert et Jacques de Conflans, se disputent la succession de leur père[9],[12]. Le comte de Savoie joue l'arbitre et s'immisce ainsi dans les affaires de la cité[9],[12]. L'aîné, Humbert de Conflans, obtient la métralie de Conflans et la châtellenie avec le château de la Cour, la tour Nassine et la Petite Roche, le second, Jacques de Conflens, le castrum[9],[12], formant deux branches cadettes[13]. En 1289, l'héritier de Jacques de Conflans, Rodolphe de Conflans, dit de Duin, rend hommage à l'archevêque de Tarentaise pour la place forte[13]. Peu à peu, le comte s'implante, écartant le pouvoir de l'archevêque[14]. Le comte devient ainsi peu avant la moitié du XIVe siècle le seigneur de la cité, ne laissant à la famille de Conflans le Châtel-sur-Conflans que la maison forte de Cour et ses possessions du côté d'Ugine[14].

En 1600 le royaume de France prend le château durant le siège du château de Conflans lors de la guerre franco-savoyarde.

Les derniers vestiges du château disparaissent avec l'installation de batteries entre 1875 et 1876, suivant le système Séré de Rivières, ainsi que l'édification d'un château d'eau[9].

Description[modifier | modifier le code]

La cité fortifiée n'est accessible que par deux routes[1].

  • Tour Sarrasine (donjon)[15] (XIIe siècle). La présence des Maures dans les environs et qui seraient à l'origine de la construction sont fausses[16]. Il s'agit plutôt d'une manière de donner un sens à une édification dont on a oublié les origines[16]. Ses angles sont renforcés d'un chaînage de pierres soigneusement appareillées[17].
  • Jardin de la tour sarrasine, à l'emplacement initial de l'ancien château fort d'origine.
  • De nombreux remparts, et deux portes reliées par la Grande-Rue.
  • Porte de Savoie (ou porte de France) [18], vers la combe de Savoie et vers l'ancien comté de Savoie.

Châtellenie de Conflans[modifier | modifier le code]

Le castrum de Conflans devient le siège d'une châtellenie, dit aussi mandement (mandamentum), du comté de Savoie, à partir du milieu du XIIIe siècle[19]. Avec l'acquisition d'une partie des droits et des biens d'une branche cadette de la famille de Conflans en 1319, le comte de Savoie organise une châtellenie avec sa Ville Neuve de L'Hôpital de Conflans, où était installé son ancien châtelain[20], et « la partie de la ville haute [de Conflans] qui relevait [du comte] et le château cédé par son ancien métral »[21].

Le territoire dépendant de ce centre correspond à la Basse Tarentaise avec La Bâthie (et son château), Cevins, Saint-Paul (et sa maison forte) et Les Esserts (et sa maison forte), ainsi que Feissons (et sa maison forte)[22] et Tours. Dans l'organisation du comté de Savoie, il relève du bailliage de Savoie[23],[24]. Lors de la création d'un bailliage de Tarentaise, au XVIe siècle, la Basse Tarentaise reste dans le bailliage de Savoie[22].

La châtellenie, dans l'organisation du comté de Savoie, est administrée par un châtelain qui tient les comptes et possède un rôle militaire majeur, pour le comte de Savoie[25], à partir du XIIIe siècle[26]. Le châtelain du comte s'installe dans la tour de l'ancienne maison forte, dite Nasine[4],[27]. La maison forte de la Petite Roche semble aussi accueillir le châtelain, mais l'intérieur reste bien sommaire[9],[27]. Cet [officier], nommé pour une durée définie, [est] révocable et amovible[28],[29]. Il est chargé de la gestion de la châtellenie ou mandement, il perçoit les revenus fiscaux du domaine, et il s'occupe de l'entretien du château[30]. Le châtelain est parfois aidé par un receveur des comptes, qui rédige « au net [...] le rapport annuellement rendu par le châtelain ou son lieutenant »[31].

Le chanoine Joseph Garin indique que les « les châtelains, appartenaient pourtant à d'illustres familles »[27]. Parmi eux, on compte des membres des familles de Chignin et de La Chambre, Étienne Folliet qui a la charge de 1320 à 1325, est aussi ambassadeur en Angleterre pour le comte Amédée V, ainsi qu'Ogier, un bâtard de Savoie[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Ces cités romaines sont indiquées dans l'itinéraire d'Antonin ainsi que la carte de Peutinger[2].
  2. La famille de Belletruche est héritière des seigneurs de Beaufort, devenant ainsi la famille puissante du Beaufortain (XIVe siècle-1506)[34]. André de Belletruche, secrétaire du Comte Vert, fait édifier le château Rouge.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Roubert 1961, p. 153 (lire en ligne).
  2. Jules-Joseph Vernier, Étude historique et géographique sur la Savoie, Paris, Le Livre d'Histoire - Res Universis, (réimpr. 1993) (1re éd. 1896), 137 p. (ISBN 978-2-7428-0039-1 et 2-7428-0039-5, ISSN 0993-7129), p. 33-43.
  3. François Bertrandy, « La Savoie à l'époque romaine - 2. Le réseau routier », sur le site de mutualisation des Archives départementales de la Savoie et de la Haute-Savoie - Sabaudia.org (consulté en ).
  4. a et b Maistre 1999, p. 50.
  5. Chanoine Adolphe Gros, Dictionnaire étymologique des noms de lieu de la Savoie, La Fontaine de Siloé, (réimpr. 2004, 2021) (1re éd. 1935), 519 p. (ISBN 978-2-84206-268-2, lire en ligne), p. 139..
  6. Henry Suter, « Conflans », sur le site d'Henry Suter, « Noms de lieux de Suisse romande, Savoie et environs » - henrysuter.ch, 2000-2009 (mis à jour le 18 décembre 2009) (consulté le ).
  7. a et b Jean Prieur, La province romaine des Alpes Cottiennes : recueil des inscriptions, vol. 1, Lyon, Faculté des Lettres et Sciences humaines, , 257 p., p. 140.
  8. Bernard Rémy, Inscriptions latines de Narbonnaise (I.L.N.), CNRS éditions, Volume 44 de Supplément à "Gallia", 2004, 9782271061133 p. 24-25.
  9. a b c d e f g h i et j Hudry 1982, p. 39.
  10. a b c et d Amédée de Foras, Armorial et nobiliaire de l'ancien duché de Savoie, vol. 2, Grenoble, Allier Frères, (lire en ligne), p. 148-152.
  11. [PDF] Jean-Pierre Dubourgeat, « Discours de réception de M. Jean-Pierre Dubourgeat, président de la société des Amis du Vieux Conflans - L'Hôpital-sous-Conflans aux derniers temps des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (XVIe – XVIIe siècles) », sur le site Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie - www.academiesavoie.org, , p. 11.
  12. a b et c Roubert 1961, p. 154 (lire en ligne).
  13. a et b Roubert 1961, p. 155 (lire en ligne).
  14. a et b Roubert 1961, p. 156 (lire en ligne).
  15. « Tour sarrazine », notice no PA00118184, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  16. a et b Bruno Berthier et Robert Bornecque, Pierres fortes de Savoie, La Fontaine de Siloé, , 255 p. (ISBN 978-2-84206-179-1, présentation en ligne), p. 231.
  17. Berthier et Bornecque 2001, p. 131.
  18. « Porte de Savoie à Conflans », notice no PA00118183, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  19. « Les sites, monuments et personnages célèbres de Grésy-sur-Isère à Cevins - De la Cité médiévale à la ville olympique, Albertville, ville d’Art et d’Histoire », sur le site du Conseil départemental de la Savoie - www.savoie.fr (consulté en ).
  20. Uginet 1967.
  21. Article[réf. incomplète], publié dans Genava, la revue annuelle des Musées d'art et d'histoire de Genève (MAHG), Volume 11, 1963, 516 pages, p. 252.
  22. a et b Henri Onde, « L'occupation humaine en Maurienne et en Tarentaise (suite) », Revue de géographie alpine, vol. 29, no 3,‎ , p. 391-436 (lire en ligne).
  23. Christian Abry, Jean Cuisenier (directeur de la publication), Roger Devos et Henri Raulin, Les sources régionales de la Savoie. Une approche ethnologique, alimentation, habitat, élevage, Paris, Fayard, coll. « Les Sources régionales », , 661 p. (ISBN 978-2-213-00787-8, ISSN 0244-5921), p.16, citant Baud, p. 173.
  24. Joseph Dessaix, La Savoie historique, pittoresque, statistique et biographique, Slatkine (1re éd. 1854), 781 p. (lire en ligne), p. 289.
  25. Chanoine Joseph Garin (1876-1947), « Tournon en Savoie », Recueil des mémoires et documents de l'Académie de la Val d'Isère, Albertville, t. 10,‎ , p. 50 (lire en ligne) (lire en ligne).
  26. Bernard Demotz, Le comté de Savoie du XIe au XVe siècle : Pouvoir, château et État au Moyen Âge, Genève, Slatkine, , 496 p. (ISBN 2-05-101676-3), p. 371-373.
  27. a b c et d Garin 1932, p. 56.
  28. Christian Sorrel, Histoire de la Savoie : images, récits, La Fontaine de Siloé, , 461 p. (ISBN 978-2-84206-347-4, lire en ligne), p. 146-147.
  29. Nicolas Carrier, « Une justice pour rétablir la « concorde » : la justice de composition dans la Savoie de la fin du Moyen Âge (fin XIIIe - début XVIe siècle) », dans Dominique Barthélemy, Nicolas Offenstadt, Le règlement des conflits au Moyen Âge. Actes du XXXIe Congrès de la SHMESP (Angers, 2000), Paris, Publications de la Sorbonne, , 391 p. (ISBN 978-2-85944-438-9), p. 237-257.
  30. Alessandro Barbero, « Les châtelains des comtes, puis ducs de Savoie en vallée d'Aoste (XIIIe – XVIe siècle) », dans Guido Castelnuovo, Olivier Mattéoni, « De part et d'autre des Alpes » : les châtelains des princes à la fin du moyen âge : actes de la table ronde de Chambéry, 11 et 12 octobre 2001, , 266 p. (lire en ligne).
  31. Nicolas Carrier, « A travers les archives médiévales de la principauté savoyarde - Les comptes de châtellenies », sur le site de mutualisation des Archives départementales de la Savoie et de la Haute-Savoie - Sabaudia.org (consulté en ).
  32. ADS1.
  33. (en) Eugene L. Cox, The Green Count of Savoy : Amedeus VI and Transalpine Savoy in the Fourteenth-Century, Princeton University Press, (réimpr. 2015) (1re éd. 1967), 422 p. (ISBN 978-1-4008-7499-6, lire en ligne), p. 353.
  34. Joseph Garin, Le Beaufortain : une belle vallée de Savoie : guide historique et touristique illustre, Montmélian, La Fontaine de Siloé, (réimpr. 1996) (1re éd. 1939), 287 p. (ISBN 978-2-84206-020-6 et 2-84206-020-2, lire en ligne), p. 34-35.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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