Causalité

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Exemple classique de la chute d'un domino causé par la chute d'un autre.

En science, en philosophie et dans le langage courant, la causalité désigne la relation de cause à effet[1].

  • la cause, corrélat de l'effet, c'est « ce qui fait qu'une chose est ou qu'elle agit ainsi qu'elle le fait »[2]. C'est ce qui produit l'effet ;
  • la causalité est le « rapport actuel d'une cause et d'un effet »[3].

Autrement dit, la causalité est l'influence par laquelle un événement, un processus, un état ou un objet (une cause) contribue à la production d'un autre événement, processus, état ou objet (un effet) considéré comme sa conséquence. Cette cause est un facteur responsable en partie ou totalement de l'effet, et l'effet dépend en partie ou totalement de cette cause. Dans les cas concrets, un processus dépend souvent de nombreux facteurs[4]. Un effet peut à son tour être la cause ou le facteur causal de nombreux autres effets se produisant dans son avenir, ou l'un de ses avenirs possibles dans le cas de l'Interprétation d'Everett. La relation de causalité, contrairement à celle d'immanence, se produit donc dans le temps. Là où le temps n'intervient pas, par exemple en mathématiques, on parle plutôt de raison que de cause, puisque toute contingence est absente. Certains écrivains scientifiques, tels Alfred Robb, Alfred North Whitehead ou David Malament ont ainsi soutenu que la causalité est antérieure aux notions de temps et d'espace.

Dans tous les cas, le principe de causalité suppose « la régularité de la nature », ce qui signifie que « les événements de cette nature ont lieu conformément à des lois »[5].

La causalité suggère comment le monde progresse[6]. A contrario, des principes comme ceux de Fermat, de Hamilton et Maupertuis, ainsi que la téléonomie ont suggéré quelque temps l'hypothèse d'explications finalistes, envisagées par Lamarck, puis Bergson.

Histoire de la notion[modifier | modifier le code]

Le concept de causalité est au cœur de la tradition philosophique depuis des siècles. Cependant, les philosophes antiques n'ont pas posé cette question dans les mêmes termes que les modernes ; il faut donc éviter un certain nombre d'anachronismes[7].

Antiquité grecque[modifier | modifier le code]

Platon[modifier | modifier le code]

Platon revient souvent sur le principe de causalité. Il critique Anaxagore qui, après avoir mentionné l'Esprit universel, en reste aux causes matérielles, « actions des airs, des éthers, des eaux, qu'il invoque comme causes »[8]. Dans le Philèbe (27 b)[9] et Le Sophiste (254-256)[10], il distingue quatre genres : la cause de la décomposition (l'Autre), la cause mélangeante (le Même et le Repos), l'illimité (le mouvement), la limite (l'être). Dans le Timée (46 e)[11], il développe sa pensée : « Nous sommes obligés de parler des deux sortes de causes, tout en distinguant bien entre toutes celles qui douées d'intelligence produisent des choses belles et bonnes et toutes celles qui privées de raison produisent à tout coup leurs effets au hasard et sans ordre ». « Le repos réside toujours dans l'uniformité et le mouvement est passage à l'absence d'uniformité, de plus la cause de l'absence d'uniformité c'est l'inégalité » (57 e). « Sans causes nécessaires il n'est possible ni d'appréhender les causes divines elles-mêmes, qui constituent les seuls objets de nos préoccupations, ni ensuite de les comprendre ou d'y avoir part en quelque façon » (69 a).

Aristote[modifier | modifier le code]

Dans le système aristotélicien, le principe de causalité est central. Savoir, c'est savoir la cause (aitia). « Nous pensons connaître scientifiquement chaque chose au sens absolu lorsque nous pensons connaître la cause du fait de laquelle la chose est, savoir que c'est bien la cause de la chose et que cette chose ne peut pas être autrement qu'elle n'est »[12]. Aristote distingue quatre causes : la cause matérielle (ce dont la chose est faite), la cause formelle (l'essence de la chose), la cause motrice (« ce à partir de quoi il y a principe de changement ou de repos »), enfin la cause finale (ce en vue de quoi la chose est). « On appelle cause, en un premier sens, la matière immanente dont une chose est faite : l'airain est la cause de la statue... Dans un autre sens, la cause, c'est la forme et le paradigme, c'est-à-dire la définition de la quiddité ; par exemple, pour l'octave, c'est le rapport de 2 à 1, et, d'une manière générale, le nombre… La cause est encore le principe premier du changement ou du repos : l'auteur d'une décision est cause de l'action… La cause est aussi la fin, c'est-à-dire la cause finale. Par exemple, la santé est la cause de la promenade »[13].

Période romaine[modifier | modifier le code]

Les sceptiques, dont Sextus Empiricus, ont critiqué la notion de cause. « Nous nous mettons à douter des explications causales particulières, réfutant ainsi les dogmatiques qui y attachent un haut intérêt… Énésidème nous transmet huit modes bien propres selon lui à manifester la vanité de toute étiologie dogmatique »[14]. On ne saurait conclure des phénomènes aux causes, comme des signes aux choses signifiées, car, pour comprendre un signe, il faut déjà connaître la chose signifiée. On ne peut conclure que des phénomènes aux phénomènes, des apparences aux apparences. On ne peut saisir que leurs rapports de succession ou de simultanéité dans le temps.

Époque moderne[modifier | modifier le code]

David Hume dit que nous voyons le mouvement d'une bille, puis le mouvement d'une seconde bille rencontrée par la première, mais nous ne voyons pas l'énergie active, la puissance efficace, la cause qui produit le mouvement. « Tous les événements semblent entièrement détachés et séparés. Un événement suit l'autre, mais nous ne pouvons jamais observer aucun lien entre eux. Ils semblent être liés par conjonction, mais jamais par connexion »[15].

Époque contemporaine[modifier | modifier le code]

À la causalité linéaire, le XXe siècle a ajouté la causalité circulaire.

Edgar Morin reprend les différentes formes de causalité utilisées en diverses sciences et annonce l'émergence de la causalité complexe. Il évoque la causalité circulaire comme une causalité, à la fois, auto-générée et générative. « La causalité circulaire, c’est-à-dire rétroactive et récursive, constitue la transformation permanente d'états généralement improbables en états localement et temporairement probables »[16].

Philosophie[modifier | modifier le code]

Principe de causalité[modifier | modifier le code]

Le principe de causalité s'énonce ainsi : « Tout phénomène a une cause ». Comme l'écrit Spinoza : « D'une cause déterminée résulte nécessairement un effet ; et, inversement, si aucune cause déterminée n'est donnée, il est impossible qu'un effet se produise »[17]. Kant, pour sa part, affirme : « Loi de la causalité : Tous les changements arrivent suivant la loi de liaison de la cause et de l'effet »[18]. Cette vision est remise en cause par des phénomènes sans "cause" apparente dans le domaine quantique : désintégration d'un noyau instable, apparition de paires particule-antiparticule, fluctuations quantiques, sauf à faire intervenir d'hypothétiques variables cachées (voir inégalités de Bell).

Sciences[modifier | modifier le code]

Sciences naturelles[modifier | modifier le code]

Sciences humaines[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean Montenot, Encyclopédie de la philosophie, Le Livre de Poche, coll. « La Pochothèque », , 1800 p. (ISBN 978-2253130123), p. 249
  2. Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, Fayard, 2004, p. 177
  3. André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, p. 126
  4. (en) Mario Bunge, Causality and Modern Science: Third Revised Edition, Courier Corporation, (ISBN 978-0-486-14487-0, lire en ligne)
  5. [Jacques Bouveresse, « Déterminisme et causalité », Les Études philosophiques, vol. 58, no. 3, 2001, p. 335-348, https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2001-3-page-335.htm], deuxième paragraphe
  6. (en-US) J. L. Mackie, The Cement of the Universe: A Study of Causation, Oxford University Press (ISBN 978-0-19-159795-4, DOI 10.1093/0198246420.001.0001/acprof-9780198246428, lire en ligne)
  7. Jacques Follon, compte-rendu du livre La Conception stoïcienne de la causalité de Jean-Noël Duhot, Revue Philosophique de Louvain, 1990, p.110
  8. Phédon 98 c
  9. Platon, Œuvres complètes, 2008, p. 1317.
  10. Platon, Œuvres complètes, 2008, pages 1857-1860.
  11. Platon, Œuvres complètes, 2008, p. 2005.
  12. Seconds Analytiques, I, 3, 71 b 10
  13. Métaphysique, IV, 2, trad. Jules Tricot
  14. Hypotyposes, I, 180
  15. Enquête sur l'entendement humain, VII, 2
  16. Edgar Morin.
  17. Baruch Spinoza, Œuvres IV : Ethica (Éthique), édition critique et texte établi par Fokke Akkerman et Piet Steenbakkers, Presses universitaires de France - PUF, rééd. 2020, 691 p. (ISBN 978-2130811497, présentation en ligne), « I, axiome 3 »
  18. Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, t. I, Gallimard, coll. « Œuvres philosophiques, La Pléiade », p. 925

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages de philosophie classique[modifier | modifier le code]

Littérature secondaire en philosophie[modifier | modifier le code]

Sur la causalité dans les sciences[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]