Canular de Livourne

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Le canular de Livourne est un événement qui s'est produit en Italie en 1984 à propos de prétendues sculptures qui auraient été l'œuvre du peintre, dessinateur et sculpteur italien Amedeo Modigliani.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le Fosso Reale de Livourne près de la piazza della Repubblica.

À l'occasion d'une exposition organisée en 1984 par le Museo progressivo di arte moderna de Livourne pour le centenaire de la naissance de Modigliani et consacrée à sa sculpture[1], il fut décidé, à la demande pressante de Vera et Dario Durbè, de vérifier si la légende locale selon laquelle l'artiste aurait jeté dans le Fosso Reale quelques-unes de ses sculptures était vraie.

Modigliani était en effet revenu se reposer dans sa ville natale en 1913, et avait lors de ce séjour sculpté plusieurs têtes de pierre. Or les amis artistes auxquels il les avait montrées au caffè Bardi s'étaient moqué de lui et lui avaient conseillé, par boutade, de les jeter dans le fossé — ce qu'il aurait donc fait, selon la légende[2].

En draguant le canal près de la zone de la piazza Cavour où était situé le caffè Bardi, on retrouva trois sculptures représentant trois têtes, que de nombreux critiques parmi lesquels Giulio Carlo Argan attribuèrent à Modigliani[3]. Jeanne Modigliani, la fille de l'artiste, est morte dans des circonstances jamais éclaircies alors qu'elle se rendait à Livourne pour découvrir les trois têtes[réf. nécessaire].

Quelques jours plus tard, un groupe de trois étudiants de Livourne (Pietro Luridiana, Pierfrancesco Ferrucci et Michele Ghelarducci) révélèrent qu'une des sculptures (la tête no 2) était leur œuvre. Ils l'avaient créé en utilisant des outils très ordinaires[4] et, la nuit, avaient jeté leur travail dans le Fosso Reale. Ils montrèrent également une photographie qui les représentait avec leur sculpture. Les trois furent invités à créer un nouveau faux en direct à la télévision au cours d'un journal télévisé spécial, pour bien montrer qu'ils étaient capables de réaliser un pareil travail « en si peu de temps », alors que Vera Durbè, conservatrice du musée d'art moderne de Livourne, considérait la chose comme impossible. Elle défendit toute sa vie que les trois têtes étaient authentiques.

Par la suite, invité lui aussi à la télévision par Federico Zeri, l'auteur des deux autres têtes sortit de l'anonymat : il s'agissait d'Angelo Froglia (Livourne 1955-1997), un peintre qui travaillait au port, connu par les autorités pour des délits mineurs. Il déclara qu'il ne s'agissait pas pour lui d'un canular, mais d'une « opération esthético-artistique » destinée à vérifier « jusqu'à quel point les gens, les critiques, les médias sont capables de créer des mythes ». À l'appui de sa déclaration un film le montrait en train de sculpter les deux têtes.

À la suite de cet incident, Dario Durbè, surintendant à la Galleria nazionale d'arte moderna de Rome, dut abandonner son poste en [5] ; sa sœur, Vera Durbè, conservatrice des musées de la ville de Livourne, fut démise de ses fonctions au mois de février suivant[6].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (it) Luca Damiani, Bufale : breve storia delle beffe mediatiche da Orson Welles a Luther Blissett, Rome, Castelvecchi, , 173 p. (ISBN 88-7615-024-2, lire en ligne), p. 84.
  2. Jeanne Modigliani, Amedeo Modigliani : Une biographie, Paris, Olbia, (1re éd. 1958), 145 p., 22 cm (ISBN 2-7191-0441-8), p. 87
  3. Andrea Laruffa, « Il ritrovamento delle Teste di Modigliani: La beffa di tre ragazzi muniti di Black & Decker », InStoria, no 17, octobre 2006.
  4. Notamment une perceuses Black & Decker ; la marque s'empressa de profiter de l'évènement, et créa à cette occasion un slogan célèbre : « Il est facile d'avoir du talent avec Black et Decker ». Voir à ce sujet : (en) Jeffrey Meyers, Modigliani : a life, Orlando, Harcourt, , 272 p. (ISBN 978-0-15-101178-0), p. 237. L'auteur raconte l'histoire et précise : « The tool company publicized the event with an advertisement that boasted : “It's easy to be talented with a Black & Decker” ».
  5. Daniela Pasti, « Destituto Dario Durbè 'lo sponsor dei falsi Modi' », La Repubblica, 30 octobre 1984, p. 19.
  6. « Falsi 'Modi', trasferita Vera Durbè », La Repubblica, 22 février 1985, p. 17.

Référence de traduction[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]