Camp de concentration de Gusen
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Le camp de concentration de Gusen est un camp de concentration nazi, composé de trois camps différents. Situés en Haute-Autriche à l'Est de Linz, ils étaient gérés par la SS en tant que camps satellites du camp de concentration de Mauthausen.
Camp Gusen I
[modifier | modifier le code]Le camp de concentration de Gusen n° I était un camp jumeau du camp de Mauthausen, en Autriche. Ce n'est pas un camp annexe classique de Mauthausen. Les premières décisions concernant la localisation pour Gusen avaient déjà été prises en 1938. La SS acquiert le premier terrain pour le camp de concentration de Gusen I en et les prisonniers des camps de concentration travaillent avant 1940 à Gusen[1]. Gusen était classé avec celui de Mauthausen en catégorie III (Lagerstufe III), prévue pour des "détenus non éducables". Ceux qui étaient envoyés dans ces camps de concentration n'avaient qu'une très faible espérance de survie.
Entre 1938 et 1939 des prisonniers devaient marcher quotidiennement 4 km pour atteindre la carrière de pierre de Gusen par un camp temporaire dans la vallée de Wienergraben[2]. À cette époque, le camp de Mauthausen était en grande partie un chantier encore en construction.
Il fut décidé, vers la fin de l'année 1939, de construire sur place en parallèle un deuxième camp de concentration près de Mauthausen. Ce second camp est réalisé par les prisonniers eux-mêmes et ouvre officiellement en mars 1940 sous l'autorité du capitaine SS Karl Chmielewski.
Le siège administratif des deux camps de concentration de Mauthausen et de Gusen a été établi en 1940 en la ville de Sankt Georgen an der Gusen[3].
Les premiers prisonniers sont des opposants politiques allemands et autrichiens, ainsi que des prêtres. Viendront ensuite nombres d'intellectuels polonais, des prisonniers de guerre soviétiques et des républicains espagnols ainsi que des déportés français notamment suspectés de faits de résistance.
La majorité des détenus sont des Polonais[4] qui font partie de l'intelligentsia et rentrent dans le cadre de la planification de leur élimination par les nazis[5], planification établie au travers de la « liste des ennemis du Reich » - Sonderfahndungsbuch Polen préparée avant la guerre par des Allemands de Pologne en coopération avec les services secrets allemands.
Parmi plus de 71 000 détenus issus de plus de 27 nations, 37 000 déportés trouvèrent la mort à Gusen I, II & III, dont 2 000 furent gazés au château de Hartheim sous le nom de code « action 14f13 ». Le , plus de 150 prisonniers de guerre russes et les 21 et , plus de 650 malades et invalides sont gazés au Zyklon B, selon les cas dans une chambre à gaz située dans le camp ou dans un camion à gaz faisant la navette entre Mauthausen et Gusen[6]. Le taux de mortalité extrême du camp impose la mise en activité d'un four crématoire en janvier 1941.
Une des spécialités du camp Gusen I, mise au point par le sergent SS Jentzch était les "Todebadeaktionen" (action bain de la mort). Cette méthode de meurtre consistait à doucher les prisonniers à exterminer (malades, inaptes au travail) avec de l'eau glaciale, ce qui provoquait leur mort au terme d'une lente agonie. À son procès, le capitaine Karl Chmielewski expliquera n'avoir aucun remords.
Camp Gusen II et III
[modifier | modifier le code]En 1944, Gusen est renforcé par deux autres camps, Gusen II (St Georgen), destiné à abriter la production souterraine d'armement (pièces du chasseur Messerschmitt Bf 109 et plus tard celles du chasseur à réaction Messerschmitt Me 262) sous le nom de code 'B8"Bergkristall"' sous la direction du SS Hans Kammler et Gusen III (Lungitz), en vue de la construction d'une boulangerie destinée à l’approvisionnement des divers camps[7].
Au contraire de Mauthausen, tous les camps de Gusen avaient une liaison ferroviaire directe.
Libération
[modifier | modifier le code]Les trois camps sont libérés le par les 26e DIUS et 11e DBUS.
Peu après la libération, les vestiges du camp commencèrent à disparaître.
En 1961, d'anciens détenus italiens rachetèrent le terrain sur lequel se trouvaient les vestiges du crématoire et en firent don à la commune, qui en contrepartie, donna son accord à la construction d'un mémorial à cet endroit. Différentes amicales de déportés rassemblèrent les fonds nécessaires à sa construction. Il fut inauguré le .
Depuis 1997, le ministère de l'intérieur de la république d'Autriche est responsable de la conservation et de la gestion du Mémorial. Le centre des visiteurs a été inauguré en 2004 et le Audiowalk Gusen (Chemin de l'écoute) en 2007.
La plupart des recherches et le soutien aux survivants seront toutefois gérés par les membres du Comité Memorial de Gusen durant plus de 25 ans.
De nos jours, Gusen, le plus vaste et le plus meurtrier camp d'Autriche, tombe peu à peu dans l'oubli. Un lotissement a même été construit sur l'emplacement du camp, comprenant des maisons luxueuses, avec piscine.
Varsovie fait pression depuis des années pour que le site devienne un véritable lieu de mémoire.
Prisonniers de Gusen
[modifier | modifier le code]Parmi les déportés, on relève notamment les noms de :
- Jean Alix (Gusen II) ;
- Jean-Marie Barrat (Gusen II) ;
- Jean Baussaint (Gusen II)
- Jacques Bergier ;
- Jean-Jacques Boijentin (Gusen II)
- Gaston de Bonneval (futur aide de camp du général de Gaulle) (Gusen I et Gusen II) ;
- Paul Brusson (Gusen I) ;
- Pierre Bouchard (Gusen II) ;
- Marcel Callo (Gusen II) ;
- Aldo Carpi (Gusen I) ;
- Jean Cayrol (Gusen I) ;
- Auguste Chantraine ;
- Pierre Serge Choumoff (Gusen I)[8] ;
- Antonio Comin (Gusen II)[9]
- Dr Henri Desoille (Gusen II) ;
- René Dugrand ;
- Alfred Elkoubi (Gusen II) [10] ;
- Robert-Henri Fournier (Gusen II) ;
- Jules Fourrier ;
- Johann Gruber (Gusen I) ;
- Stanislaw Grzesiuk (en) (Gusen I) ;
- Professeur Roger Heim (Gusen I) ;
- Père Jacques de Jésus (Gusen I) ;
- Lon Landau ;
- Vladimir Laskowski[11] ;
- Pierre Le Chêne ;
- Jean Malavoy[12] ;
- Jean Monin (Gusen II)[13] ;
- Jean Nobilet[14] ;
- Marie-Eugène Nobilet[15] ;
- Jerzy Ostrowski (Gusen I)[16] ;
- Louis Pourtois[17] ;
- Gustaw Przeczek (en) (Gusen I) ;
- Adolphe Rompteaux[18] ;
- Georges Séguy (Gusen II) ;
- Louis, René Sourou, résistant ;
- Francis Texier[19] ;
- Joseph Sheen OM MBE (Gusen II) ;
- Zsigmond Varga ;
- Armando Vezzelli.
- Caby Charles Ludovick (Résistance intérieure française) mort le 11 avril 1945 à Gusen
- Willie Sterner (Gusen II),auteur de son mémoire autobiographique « Les ombres du passé », de la collection Azrieli des mémoires de survivants de l'holocauste.
- Prosper Arthur CUNY ne le 27 avril 1902, décédé le 05 mai 45
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (de) Rudolf A. Haunschmied, Jan-Ruth Mills et Siegi Witzany-Durda, St. Georgen-Gusen-Mauthausen : concentration camp Mauthausen reconsidered, Norderstedt, Books on Demand, , 289 p. (ISBN 978-3-8334-7440-8, OCLC 360205649, lire en ligne), p. 48-56.
- Haunschmied, et al. St.Georgen-Gusen-Mauthausen, p. 61-62
- Haunschmied, et al. St.Georgen-Gusen-Mauthausen, p. 80-106.
- « Mauthausen Memorial », sur mauthausen-memorial.org.
- « Les victimes polonaises », sur encyclopedia.ushmm.org.
- Eugen Kogon, Hermann Langbein, Adalbert Rückerl les chambres à gaz secret d'état Points/Histoire éd. Seuil 1987 p. 227 (ISBN 2-02-009628-5)
- Haunschmied, et al. St.Georgen-Gusen-Mauthausen, p. 127 ff.
- « Pierre Serge CHOUMOFF (1921-2012) – MAUTHAUSEN », sur campmauthausen.org (consulté le ).
- Suzette Hazzan, Provence-Auschwitz : De l'internement des étrangers à la déportation des juifs 1939-1944, Presses universitaires de Provence, coll. « Le temps de l’histoire », , 324 p. (ISBN 978-2-8218-8557-8, lire en ligne), p. 65–180
- Suzette Hazzan, Les rafles à Marseille. Témoignages et documents, p. 65-180
- « Blah. Vladimír Laskowski », sur catholica.cz (consulté le ).
- « Jean MALAVOY (1903-1945) », sur annales.org (consulté le ).
- Drôme : Jean Monin, ancien résistant et déporté, est mort, francebleu.fr, 2 juillet 2019
- « Jean NOBILET résistant déporté, Saint-Brieuc-des-Iffs », sur memoiredeguerre.free.fr (consulté le ).
- « Marie-Eugène NOBILET - Mémoire et Espoirs de la Résistance », sur Mémoire et Espoirs de la Résistance (consulté le ).
- « Recollections of a doctor imprisoned in Mauthausen-Gusen », sur mp.pl (consulté le ).
- « Louis POURTOIS - Mémoire et Espoirs de la Résistance », sur Mémoire et Espoirs de la Résistance (consulté le ).
- « Erre : la rue Adolphe-Rompteaux d’hier à aujourd’hui », sur https://www.lavoixdunord.fr/, La Voix du Nord,
- « Francis TEXIER - Mémoire et Espoirs de la Résistance », sur Mémoire et Espoirs de la Résistance (consulté le ).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Paul Brusson, De mémoire vive, Liège, éditions du Céfal, , 202 p. (ISBN 2-87130-117-4).
- (en) Rudolf A. Haunschmied, Jan-Ruth Mills, Siegi Witzany-Durda: St. Georgen-Gusen-Mauthausen - Concentration Camp Mauthausen Reconsidered. BoD, Norderstedt 2008, (ISBN 978-3-8334-7440-8)
- (en) Rudolf A. Haunschmied, B8 Bergkristall - Historical Visit of the International Mauthausen Committee [« Visite historique du Comité international de Mauthausen »], May 7, 2010, Gusen Memorial Committee, 2010
- (de) Rudolf A. Haunschmied, NS-Geschichte [« L'histoire nazie »] 1938-1945, dans: 400 Jahre Markt St. Georgen an der Gusen, St. Georgen a.d. Gusen, 2011
- (de) Rudolf A. Haunschmied, Zur Geschichte des Lagerteiles Gusen im ehemaligen KZ-Doppellager Mauthausen-Gusen [« L'histoire de la partie de Gusen dans l'ancien camp de concentration bifurqué de Mauthausen-Gusen »], dans: Überleben durch Kunst [« Survie à travers l'art »] - Zwangsarbeit im Konzentrationslager Gusen für das Messerschmittwerk Regensburg [« Le travail forcé dans les camps de concentration de Gusen pour l'usine Messerschmitt Ratisbonne »], Dr Peter Morsbach Verlag, Ratisbonne, 2012 (ISBN 978-3-937527-52-9)
- (de) Rudolf A. Haunschmied, Die Bevölkerung von St. Georgen/Gusen und Langenstein. Umgang mit der Lagergeschichte, Ablehnung und Initiativen zur Bewahrung [« La population de St. Georgen/Gusen et Langenstein, traitement à l'histoire du camp. Rejet et initiatives de préservation »], dans: Gedenkstätten für die Opfer des Nationalsozialismus in Polen und Österreich [« Mémoriaux pour les victimes du national-socialisme en Pologne et en Autriche »] - Bestandsaufnahmen und Entwicklungsperspektiven [« Actes de la Conférence sur le Centre Scientifique de l´Academie Polonaise des Sciences en à Vienne »] Peter Lang Édition, Francfort sur Main, 2013 (ISBN 978-3-631-62461-6)
- Jean-Michel Lambert, Retour à Mauthausen : récit, Paris, J.-C. Gawsewitch éditeur, , 213 p. (ISBN 2-35013-023-1).
- (en) Karl Littner et Rudolf A. Haunschmied (éd.), Life hanging on a spider web : from Auschwitz-Zasole to Gusen II, United States, K. Littner, , 452 p. (ISBN 978-3-8423-9840-5, OCLC 798147818, lire en ligne), disponible dans Google Livres Life Hanging on a Spider Web
- (it) Mura Giuseppe (ed.), L´animo degli offesi - storia di Modesto Melis da Carbonia a Mauthausen (Gusen II) e ritorno, Giampaolo Cirronis Editore, Iglesias 2013, (ISBN 978-88-97397-11-3)
- (pl) Jerzy Osuchowski, Gusen : Przedsionek Piekła (Gusen : Antochabre d´enfer), Varsovie, Wydawnictwa MON, , p. 208
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) Gusen Memorial Committee
- Situation du système concentrationnaire Mauthausen-Gusen (Google Maps)
- Mémoire de Guerre
- Entretien avec Jean-Jacques Boijentin, l'un des tout derniers survivants de l'ancien camp Gusen II (système de tunnel "Bergkristall") et Tatiana Lecomte en 2015 dans le cadre du film d'art "Ein mörderischer Lärm" (Un bruit meurtrier)
- Film "Gusen - le camp oublié" (2020)