Café du Croissant

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Bistrot du Croissant
Image illustrative de l’article Café du Croissant
Le Bistrot du Croissant en 2016.
Présentation
Coordonnées 48° 52′ 09″ nord, 2° 20′ 36″ est
Pays France
Ville Paris
Adresse Angle entre le 146 rue Montmartre et le 22 rue du Croissant
Fondation 1820
Site web bistrotducroissant.fr
Informations
Type de cuisine Bistrot - Brasserie
(Voir situation sur carte : Paris)
Bistrot du Croissant
Bistrot du Croissant

Le Café du Croissant est un bistrot et café situé dans le 2e arrondissement de Paris, célèbre pour avoir été le théâtre de l'assassinat de Jean Jaurès par Raoul Villain le . Au cours de son histoire, il changea plusieurs fois de nom : Chope du Croissant, Taverne du Croissant et actuellement Bistrot du Croissant.

Localisation[modifier | modifier le code]

Le Café du Croissant est situé à l'angle de la rue Montmartre (au no 146) et de la rue du Croissant (au no 22), dans le quartier du Mail, dans le 2e arrondissement de Paris. Au XIXe siècle il se trouvait au cœur de la République du Croissant, quartier de la presse à Paris.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le Café du Croissant est fondé au XIXe siècle, en 1820 d'après l'inscription qui se trouvait auparavant sur son auvent[1].

Commune de Paris[modifier | modifier le code]

Dans les jours qui précédent la Commune de Paris, début , Eugène Vermersch, Alphonse Humbert et Maxime Vuillaume souhaitent ressusciter Le Père Duchesne, un journal de la Révolution. Ils rencontrent au Café du Croissant leurs commanditaires, Rodolphe Simon et Aubouin, et y signent le contrat par lequel ils s'associent pour créer Le Père Duchêne.

L'épisode est relaté par Vuillaume dans ses Cahiers rouges[2],[3].

Assassinat de Jaurès[modifier | modifier le code]

Reconstitution de l'assassinat de Jaurès, publiée dans Le Matin en 1919, lors du procès de Villain.

Le , Jean Jaurès y est assassiné par Raoul Villain pour s'être opposé à la Première Guerre mondiale.

L'année suivante, Léon Trotski, alors correspondant à Paris du Kievskaja Mysl (ru), un journal de Kiev, visite le café et en fait la description suivante dans le numéro du [4],[5],[6],[7],[trad 1] :

« J'ai visité en été 1915 le café, désormais célèbre, du Croissant, situé à deux pas de L'Humanité. C'est un café parisien typique : plancher sale avec de la sciure de bois, banquettes de cuir, chaises usées, tables de marbre, plafond bas, vins et plats spéciaux, en un mot ce que l'on ne rencontre qu'à Paris. On m'a indiqué un petit canapé près de la fenêtre : c'est là qu'a été tué d'un coup de revolver le plus génial des fils de la France actuelle. »

Changements de noms[modifier | modifier le code]

Le café devient ensuite la Chope du Croissant.

Le café est rénové en et rebaptisé Taverne du Croissant[8],[9].

Il change de propriétaire en 2019 et devient le Bistrot du Croissant[10].

Postérité de l'assassinat de Jaurès[modifier | modifier le code]

Table[modifier | modifier le code]

Le [11],[12],[13] ou le [14], le propriétaire du café, Albert Wiedmer, fait don à Gaston Chardin[15], maire de Champigny-sur-Marne, de la plaque en marbre recouvrant la table sur laquelle Jaurès a été assassiné[16]. Ce don fait suite à la demande de la famille d'Albert Thomas, mort en 1932, ancien maire de Champigny et proche de Jaurès. Elle est classée monument historique au titre objet le [16].

La plaque en marbre repose désormais sur un cénotaphe en bois, orné d'une sculpture en bronze représentant Jaurès de profil, entre deux pages extraites du livre d'or de la ville[14]. L'ensemble est exposé sur l'escalier d'honneur de l'hôtel de ville de Champigny[12]. Il fait partie des œuvres d'une exposition organisée par les Archives nationales et la Fondation Jean-Jaurès en 2014 pour le centenaire de l'assassinat de Jaurès[14],[17].

Le cénotaphe a également été présenté dans le cadre de l'exposition itinérante « Le Chemin des Drames » organisée en 2014 par l'association « 7 à voir ».

Les serveurs du café continuent cependant à faire croire aux clients que la table est restée sur place, avec une tache sombre sur le bois clair qui serait le sang de Jaurès[18].

Autres objets[modifier | modifier le code]

La célèbre une de L'Humanité du est exposée en vitrine au Café du Croissant.

Le souvenir de Jaurès reste évoqué de différentes manières dans le café. Sur la façade, une plaque commémorative est apposée en 1923 par la Ligue des droits de l'homme[19]. Au sol, une mosaïque rouge et or dessine la date de sa mort à l'endroit où il est tombé[9]. Enfin, dans une vitrine figurent notamment un morceau de sa chaise, le chapeau qu'il portait incrusté d'une balle[20], et les unes des et de L'Humanité[21].

Anniversaires[modifier | modifier le code]

Un rassemblement a lieu devant le Café du Croissant[22] le soir du , pour le 20e anniversaire de l'assassinat de Jaurès, après un autre rassemblement le matin au Panthéon. Dans un contexte où la gauche s'unit et organise des manifestations antifascistes après les émeutes d'extrême droite du , c'est la première fois depuis 1921 que les forces de la gauche commémorent ensemble cet événement[23]. Le gouvernement tolère ce rassemblement mais sans cortège depuis le Panthéon, et n'autorise que des délégations devant le café pour le [24].

Un rassemblement est organisé devant le Café du Croissant le , pour le 50e anniversaire de l'assassinat. Un portrait géant de Jaurès est installé devant une estrade, où un discours est prononcé par Étienne Fajon, directeur de L'Humanité[25].

Le , le président de la République, François Mitterrand, se recueille au Café du Croissant pour le 70e anniversaire de l'assassinat. À la radio, il raconte qu'en 1934, à peine arrivé à Paris pour entrer à l'université, il s'était précipité au Café du Croissant pour rendre hommage à Jaurès[26],[27].

En 2014, pour le centenaire de l'assassinat, l'établissement propose un menu spécial pour le dîner[9]. Plusieurs personnalités de la gauche française se rendent au café le , notamment François Hollande, président de la République, accompagné de Sigmar Gabriel, vice-chancelier allemand[28], ou encore Patrick Le Hyaric, directeur de L'Humanité, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste[9], ou Anne Hidalgo, maire de Paris[29].

Galerie[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Rapporté dans le roman de Nicolas Lebel, Le jour des morts, Paris, Marabout, , 413 p. (ISBN 978-2-501-10374-9).
  2. Maxime Vuillaume, « Mes cahiers rouges — III. Quand nous faisions le “Père Duchêne” - -- », Cahiers de la Quinzaine, 9e série, no 12,‎ , p. 270–271 (lire en ligne). Repris dans Maxime Vuillaume, Mes cahiers rouges au temps de la Commune, Paris, Club français du livre, , 484 p. (BNF 31610305), p. 162–163, cité par « Rue Montmartre », Paris par rue, sur Paris révolutionnaire, .
  3. Jean-André Faucher, La véritable histoire de la Commune, vol. 1 : La Crosse en l'air, Paris, Atlantic, , 353 p. (BNF 33003438), p. 62 rééd. La Véritable histoire de la Commune, vol. 1 : Paris la Rouge, Paris, Éditions du Gerfaut, , 510 p. (BNF 35315301), p. 63.
  4. (ru) Léon Trotski, « Жан Жорес » [« Jean Jaurès »], Kievskaja Mysl (ru), no 196,‎ 17/30 juillet 1915 (lire sur Wikisource).
  5. Léon Trotski et Pierre Broué (éd.), Le mouvement communiste en France, 1919-1939, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Arguments » (no 31), , 724 p. (BNF 33196867), p. 29.
  6. Alain Rustenholz, Paris ouvrier : Des sublimes aux camarades, Paris, Parigramme, , 363 p. (ISBN 2-84096-345-0), « Café du Croissant, 146 rue Montmartre », p. 71.
  7. Chao et Ramonet 2008, « Hôtel d'Odessa et rue Gassendi. Natalia Sedova et Léon Trotski » [lire en ligne].
  8. Bruno Frappat, « Une bonne bière », La Croix,‎ (lire en ligne).
  9. a b c et d Alexandre Boudet, « Le Café du croissant où Jean Jaurès a été assassiné ne surfe plus sur cet épisode », sur huffingtonpost.fr, .
  10. « Le Bistrot du Croissant », sur Zankyou.
  11. « Table du café du Croissant », sur Topic-topos.com (version du sur Internet Archive).
  12. a et b Jean-Baptiste Duchenne, « Virée à Champigny-sur-Marne, sur les chemins de la liberté », Télérama, .
  13. Jean-Baptiste Ferrière, « Jean Jaurès, l'ami d'Albert Thomas », Champigny notre ville, no 410,‎ , p. 34 (lire en ligne).
  14. a b et c Fabienne Huger, « Champigny expose la table du drame », Le Parisien, .
  15. « Le marbre de Jaurès à Champigny-sur-Marne », L'Humanité, .
  16. a et b « Table du café du Croissant », notice no PM94000036, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  17. Gilles Candar (dir.), Romain Ducoulombier (dir.) et Magali Lacousse (dir.), Jaurès : Une vie pour l'humanité (catalogue de l'exposition, Archives nationales et Fondation Jean-Jaurès, Paris, -), Issy-les-Moulineaux / Paris, Beaux Arts / Archives nationales, , 175 p. (ISBN 979-10-204-0064-2 et 978-2-86000-363-6), « Liste des œuvres exposées », p. 170.
  18. Régine Deforges, Le Paris de mes amours : Abécédaire sentimental, Paris, Plon, , 385 p. (ISBN 978-2-259-20769-0), p. 123.
  19. Christian Carrère, « L'hommage des communistes, hier au café du Croissant », L'Humanité,‎ (lire en ligne).
  20. Ramón Chao et Ignacio Ramonet, Guide du Paris rebelle, Paris, Plon, , 342 p. (ISBN 978-2-259-20629-7), « 146, rue Montmartre. Jean Jaurès » [lire en ligne].
  21. Anne-Laure Barret, « Au café du Croissant, pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », Le Journal du dimanche,‎ (lire en ligne).
  22. « Anniversaire de l'assassinat de Jean Jaurès : une foule rassemblée devant le café du Croissant », Alamy, .
  23. Antoine Olivesi, « Réflexions et digressions sur l'art et le militantisme ouvrier en Provence autour de l'année 1934 », dans Jean Antoine Gili (dir.) et Ralph Schor (dir.), Hommes, idées, journaux : mélanges en l'honneur de Pierre Guiral, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « France XIXe-XXe » (no 29), , 487 p. (ISBN 2-85944-153-0, DOI 10.4000/books.psorbonne.69914), p. 386.
  24. Danielle Tartakowsky, Les manifestations de rue en France, 1918-1968, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe et XXe siècles » (no 42), , 869 p. (ISBN 2-85944-307-X), p. 320 [lire en ligne].
  25. « 50e anniversaire de l'assassinat de Jean Jaurès », Alamy, .
  26. Simon Epstein, Un paradoxe français : Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Histoire », , 622 p. (ISBN 978-2-226-17915-9), p. 547.
  27. Catherine Nay, Le Noir et le Rouge : ou l'histoire d'une ambition, Paris, Grasset, , 380 p. (ISBN 2-246-28191-1), p. 64.
  28. Laure Equy, « Au Café du Croissant, on ne partage pas Jaurès », Libération, .
  29. Blandine Le Cain, « Au Café du Croissant, Jaurès est toujours là », Le Figaro, .

Traductions :

  1. (ru) « Я посетил летом 1915 г. знаменитое отныне кафе Кроассан, в двух шагах от редакции «L’Humanite», — одно из чисто-парижских кафе: грязный пол в опилках, кожаные диваны, потертые стулья, мраморные столики, низкий потолок, свои специальные вина и блюда, — словом, то, что есть только в Париже. Мне указали диванчик у окна: на этом месте был убит револьверным выстрелом самый гениальный сын современной Франции. »

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]